28.08.2022, 00:12
(27.08.2022, 23:09)Naïn a écrit : Pour moi adapter c'est adapter l'œuvre à un média, pas à un public. Adapter c'est raconter la même histoire, sur le fond, c'est à dire les mêmes enjeux, les mêmes thématiques, du moins les plus importantes, d'un média à un autre. Au lieu de la raconter avec des mots, on la raconte avec la grammaire cinématographique, avec une narration non plus littéraire mais visuelle.
C'est là je pense qu'on diffère. Il n'y a pas une fonction univoque qui permette de passer d'une narration littéraire à une narration visuelle, car les choix en ce sens sont innombrables, et les moyens tout à fait variables. Adapter, c'est forcément adapter l'oeuvre à un public, autrement il n'y aurait pas besoin de refaire les adaptations filmiques passées ; or si le besoin s'en fait parfois sentir, c'est parce que l'adaptation ne correspond plus à l'audience. Pourquoi adapter si on ne se soucie pas du public ?
Par ailleurs, je pense que tout est adaptable (mais toute adaptation n'est pas heureuse et loin s'en faut) ; mais tout ne transparaîtra pas dans l'adaptation et c'est un fait qu'il vaut mieux accepter d'emblée. Une oeuvre est une somme de composantes diverses : son style littéraire, son intrigue, son univers, etc.. On peut adapter certaines composantes et pas d'autres. Là encore, pour les mythes antiques, il existe quantité d'adaptations, et pourtant celles-ci sont vouées à être d'énormes distortions. Je viens de relire la Théogonie et ce n'est pas une approche facile de la titanomachie ; je suis heureux qu'il en existe des adaptations (même littéraires). Au-delà du récit religieux que cet épisode véhicule, il y a une bonne histoire qu'on est tout à fait en droit de vouloir reprendre. D'ailleurs, est-ce que Tolkien ne dit pas quelque chose en ce sens dans Du conte de fées ?
Enfin, il y a le contexte culturel américain actuel, assez explosif, notamment pour tout ce qui touche aux questions de représentativité. Un film où toutes les figures féminines sont reléguées au second voire au troisième plan, c'est difficile, et on comprend les choix d'adaptations de vouloir les mettre plus en avant (voire de les inventer carrément). Un téléspectateur américain veut voir un film qu'il peut apprécier selon ses critères moraux actuels et la représentativité en est une. C'est tout. Et à partir du moment où il existe des contraintes de ce genre, il est nécessaire de prendre ses libertés vis-à-vis du matériau d'origine. Est-ce que c'est le trahir ? Je ne pense pas ; c'est en faire vivre certains de ses aspects, différemment, autrement, dans d'autres contextes. C'est toujours la même histoire de soupe au final !