04.06.2022, 11:04
.oOo.
Le deuil retint longtemps Minastir auprès des siens. Le prince s’étourdissait de travail, noyant son chagrin dans l’étude et les responsabilités.Pourtant, chaque soir, au moment de retrouver l’intimité de sa conscience, il pensait à elle.
À cette petite gardienne de phare qui devait se morfondre, qui attendait peut-être des nouvelles de l’un ou de l’autre.
À celle dont il n’oserait jamais affronter la peine,
À celle avec qui il craignait de confronter ses sentiments de culpabilité, pour avoir acculé Colvaldor à une entreprise si hasardeuse…
À celle vers qui il ne se sentait plus le droit de voguer, seul aux commandes du cotre, sans ce frère à qui il avait manqué et qui en retour, lui manquait cruellement.
Minastir remâchait ses regrets. Dans ces moments de désespoir, il tâchait d’apercevoir le phare, depuis sa chambre, dans l’attente de quelque signe. Mais le phare demeurait muet, nimbé de brumes.
Une nuit, enfin, alors qu’un temps maussade avait brassé tout le jour des nuées menaçantes, Minastir l’aperçut.
La lueur tremblotait, froide et décidée, scandant un appel, que le prince lui savait destiné.
L’éclat impérieux redoublait, perçant les bruines de la baie et les miasmes poisseux de ses remords.
La vigie de Calmindon le convoquait au tribunal de sa conscience.
Minastir se vêtit et descendit au port, tout au fond de la rade. À quai se balançait mollement le cotre qui l’attendait, réparé, gréé de neuf, bichonné, les cuivres lustrés par Ornindal et ses compagnons en souvenir de Colvaldor.
Fébrilement, le prince embarqua sur l’aile de mer.
.oOo.
A suivre...