03.06.2022, 12:35
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Minastir, une nuit, se réveilla en sursaut.Personne dans sa chambre ! Pourtant…
La caresse d’un souffle tiède s’attardait sur sa joue. Le frisson d’une cajolerie agaçait encore les mèches de sa nuque. La saveur iodée de la cabane, sa quiétude hors du temps, flottaient encore dans l’air de sa chambre.
Il sut, en un instant, qu’une âme amie s’était penchée sur son sommeil.
Brillant dans la lueur d’un rayon de lune, de petites empreintes de pas, mouillées comme si une naïade sortait de l’océan, menaient de son lit au balcon surplombant la baie.
Il se leva et, mû par un pressentiment ambivalent, Minastir courut au port de Romenna.
La garde y était en effervescence – un inquiétant vaisseau avait été repéré et s’approchait du port !
Mais les équipages, superstitieux, refusaient de prendre le large pour l’intercepter. La malédiction d’Ossë planait sur eux.
Lorsqu’un bâtiment, ses voiles en lambeaux, dériva en travers du chenal d’entrée, les cheveux se dressèrent sur la tête des marins : personne n’était visible à la barre ou dans la mâture.
Dans un silence irréel, sur la mer étale, le navire, incliné sur son flanc bâbord comme un grand animal blessé, tournait lentement sur lui-même, emporté par des courants invisibles.
Un puissant enchantement semblait guider le vaisseau fantôme. Aucun marin, aucun capitaine n’osa braver la malédiction et demeurer pour arraisonner ce spectre des mers. Minastir fut donc seul sur le quai lorsque le navire accosta de lui-même.
Le prince amarra la coque délabrée et y monta. Personne à bord ! C’était bien l’Elyât Roth, mais elle avait subi des avaries, sa cargaison mal arrimée s’était dispersée et une grande quantité d’eau avait envahi la cabine et les coffres.
Le prince s’assit au poste de commande et y demeura longuement, la tête entre les mains : une tempête avait emporté l’équipage, et Colvaldor avait disparu en mer !
La mort de son frère était demeurée une chimère, tant que son navire n’avait pas été retrouvé. À présent, face au bateau vide, à cette barque mortuaire en vérité, l’absence de son cadet avait pris corps dans son esprit, elle s’était imposée à lui comme un gouffre omniprésent.
La mort dans l’âme, il ramena le bateau vers la darse du radoub et le confia au charpentier de marine, son vieux maître Ornindal.
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A suivre...