20.05.2022, 10:43
(Modification du message : 20.05.2022, 12:53 par Chiara Cadrich.)
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À l’abri de la cabane battue par les vents, les rescapés et la recluse partagèrent ce qu’ils avaient : un repas, des rêves de mer, leur jeunesse et leur foi dans le monde.
La petite gardienne de phare se passionnait pour tout, s’étonnait d’un rien. Elle contemplait les contradictions des deux garçons avec étonnement, mais une tendre bienveillance. Colvaldor discutant avec passion de ses innovations apportées à l’astrolabe de Númenor, tout en raillant la morale guindée des officiers de marine de sa promotion, qui lui en avaient appris les rudiments... Minastir personnifiant le faste royal, mais impatient de séduire et d’être reconnu pour ses qualités propres…
Les questions des garçons l’étonnaient, les réponses de la petite gardienne les épataient. Car elle avait connaissance de bien des secrets de la vie marine, des sciences de l’océan et du vaste monde, mais elle semblait ignorante des petites évidences du quotidien et de la vie en société.
D’où venait-elle ? Mais de quelque île du Sud, assurément. Laquelle ? On ne le lui avait jamais dit. Ses parents ? Sa vraie famille c’était toute la rive, le cénacle des tantes pour protectrices, le vent pour lui chanter les légendes et la houle pour bercer son enfance. Des frères et des sœurs ? Mais en chaque île vivait une sœur, chaque lagon abritait un cousin, l’archipel tout entier vivait en parentée.
La petite gardienne de phare avait une grande famille. Mais si nombreuse et piaillante… Comme elle aurait aimé une grande sœur prévenante, un grand frère avisé, qui l’auraient guidée…
Elle avait doublé le cap aux pieuvres en compagnie de dangereux requins. Pourtant elle écoutait avec délice les garçons se chamailler et s’émouvait du charmant casse-tête de leur vie de famille.
Elle leur rapporta sans sourciller le naufrage d’une baleinière tueuse dans les eaux glacées de Forochel comme si elle l’avait elle-même éperonnée. Mais l’émotion embuait ses yeux de grisaille dès que les garçons entonnaient ces couplets de marin, qui content les amours perdues et l’horizon renouvelé toujours.
La petite gardienne de phare était un peu fantasque. Elle cultivait un penchant déroutant pour le langage, le chant et leurs secrets. Lorsqu’on la questionnait sur sa famille, ses origines, elle chantonnait de douces strophes habitées de dauphins apprivoisés et de gros mérous sages comme des vieux magiciens. Les berceuses de son enfance...
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A suivre...