14.05.2022, 00:09
(Modification du message : 17.05.2022, 15:33 par Chiara Cadrich.)
Merci Bladorthin !
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Se perdant devant eux dans des embruns fantomatiques, un chenal louvoyait, comme tracé par l’étrave chimérique du vaisseau d’Ossë. Les bourrasques elles-mêmes semblaient s’adoucir au-dessus du goulet, qui résonnait d’échos liquides et lointains. Inquiets mais émerveillés, les frères se laissèrent longuement bercer par le flot indécis et le chant envoûtant de la brise. Incapables de prédire sous quels cieux les menait ce prodige, ils scrutaient avidement l’océan, anxieux de devoir à nouveau affronter la tempête, qui ne faiblissait pas.
– Là, un fanal !
– Où ça ?
– Juste à mi-hauteur des haubans, sur tribord… Je crois reconnaître… le signal de Calmindon !
– C’est impossible ! Il est désaffecté ! Et de toutes façons nous sommes beaucoup trop loin… et pourtant… finit Colvaldor dans un murmure dubitatif, comme il comptait lui aussi les intervalles de lumière tremblotante.
Incrédules, aux aguets, les deux marins scrutaient tous azimuts, surveillant la tempête, le courant et le fanal devant eux. L’Elyât Roth vogua encore quelques moments irréels, le barreur prenant garde à demeurer dans le chenal, alors que s’approchait rapidement le feu du phare.
C’est ainsi que les frères accostèrent sur l’île de Tol Uinen, par une nuit de tempête inouïe.
La rade occidentale, gardée par la jetée du Calmindon, semblait épargnée par la fureur des vents. Mais tout autour, l’orage et la mer démontée auraient brisé toute embarcation : la houle déchaînait là, au fond de la baie, la force transmise au large par le vent.
Colvaldor et Minastir accostèrent et descendirent sur le ponton, exténués.
Une pluie serrée accablait le quai. On entendait ployer dans la brise les arbres modestes qui avaient colonisé la petite île. Les rochers autour de la baie crépitaient sous l’averse. Le haut phare de Calmindon s’était éteint. Dans la pénombre presque totale, un falot se balançait au bout du débarcadère.
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A suivre...