14.02.2021, 12:43
Le saucisson pendouillait lamentablement dans le lardoir, il attendait son heure funeste en captant ce qu’il pouvait des chamailleries incessantes de ses hôtes les trolls :
– C’est ta faute si elle a pas venue avant !
– T’as pas vu ta trogne !
– C’que ça fait ? Pasque tu bâffrais tout et que t’es jamais d’accord avec moi !
– C’est toi qu’es jamais d’accord avec moi !
Mais laissons là un instant ces assauts rhétoriques de haute volée. Pendant ce temps, la décoration de Yule vantée par Don reposait sur son traineau, bloc de glace étincelant aux lueurs du foyer des Trolls. Notre saucisson, au gré de ses spasmes pendulaires, pouvait par instant dévisager la silhouette rondouillarde du bonhomme de neige :
Enchâssée de deux galets de charbons et d’une vieille pipe, une boule de glace reposait sur un amas de neige informe, surmontée d’un galurin figé aux larges bords. Une gaule grossière, fichée dans le corps, figurait le balais du boniface. Témoin poignant des joies hivernales des enfants, mais trophée dérisoire de la sauvagerie trolle, le bonhomme de neige patientait dans la lueur dansante de l’âtre, en attendant que les Trolls s’entendissent sur l’organisation du réveillon.
– Á la broche !
– En ragoût !
– Y a pas le temps de laisser faisander la viande !
– Ben y’a qu’à s’assoir dessus à tour de rôle ! Ça va l’attendrir !
– Faudrait voir à pas en faire de la bouillie…
– Ben quoi, c’est bon la bouillie…
– Ça fait pas repas de fête ! C’est pour les vieux sans dents ! Nous y faut montrer qu’on est jeunes, qu’on a des dents pis le reste !
Et le débat s’éternisait, sous le regard sévère du bonhomme de neige. Les deux cuistots trolls étaient enfin parvenus à embrocher l’un des rennes, sans s’embrocher l’un l’autre, après l’avoir pelé et débarrassé de ses grelots.
Le saucisson suivait la controverse trolle, alors qu’une flaque fondue se répandait lentement sous le bonhomme de neige. L’embonpoint du rondouillard s’amenuisait, au point que se distinguaient à présent des ondulations glacées figurant une barbe et des cheveux blancs. Un vrai artiste avait sculpté la glace du bonhomme !
Soudain le sang du boudin – pardon, du saucisson – ne fit qu’un tour sous l’épaisse couche de graisse dont on l’avait bardé : les coqs trolls devisaient de son devenir gastronomique ! Son sort culinaire avait déjà été arrêté, en témoigne la parure du saucisson, mais les compères s’opposaient sur l’opportunité de partager avec l’élue de leur cœur.
Don entendait que le saucisson servît de dessert affriolant, de boute-en-train, de mise-en-bouche à la dame, prélude aux délices lubriques d’après-repas. Mich se montrait partisan de découper le saucisson en tranches fines et de s’en délecter, histoire de se donner du cœur au ventre et ailleurs, sans en quitter une seule à la gloutonne maritorne :
– On joue pas avec la nourriture ! Pour ça on a déjà not’ jouet de famille !
– Oh, pasque tu joues souvent, toi ?
– Elle aura bien assez à s’occuper sans s’coltiner not’dessert !
– T’es rien qu’un demeuré ! Si tu lui rabiotes la délicatesse sous les babines, c’est elle qu’a va nous raboter les délicates !
– Ben alors y’a qu’à y mâchouiller maintenant !
Et le débat s’envenimait lentement.
– C’est ta faute si elle a pas venue avant !
– T’as pas vu ta trogne !
– C’que ça fait ? Pasque tu bâffrais tout et que t’es jamais d’accord avec moi !
– C’est toi qu’es jamais d’accord avec moi !
Mais laissons là un instant ces assauts rhétoriques de haute volée. Pendant ce temps, la décoration de Yule vantée par Don reposait sur son traineau, bloc de glace étincelant aux lueurs du foyer des Trolls. Notre saucisson, au gré de ses spasmes pendulaires, pouvait par instant dévisager la silhouette rondouillarde du bonhomme de neige :
Enchâssée de deux galets de charbons et d’une vieille pipe, une boule de glace reposait sur un amas de neige informe, surmontée d’un galurin figé aux larges bords. Une gaule grossière, fichée dans le corps, figurait le balais du boniface. Témoin poignant des joies hivernales des enfants, mais trophée dérisoire de la sauvagerie trolle, le bonhomme de neige patientait dans la lueur dansante de l’âtre, en attendant que les Trolls s’entendissent sur l’organisation du réveillon.
– Á la broche !
– En ragoût !
– Y a pas le temps de laisser faisander la viande !
– Ben y’a qu’à s’assoir dessus à tour de rôle ! Ça va l’attendrir !
– Faudrait voir à pas en faire de la bouillie…
– Ben quoi, c’est bon la bouillie…
– Ça fait pas repas de fête ! C’est pour les vieux sans dents ! Nous y faut montrer qu’on est jeunes, qu’on a des dents pis le reste !
Et le débat s’éternisait, sous le regard sévère du bonhomme de neige. Les deux cuistots trolls étaient enfin parvenus à embrocher l’un des rennes, sans s’embrocher l’un l’autre, après l’avoir pelé et débarrassé de ses grelots.
Le saucisson suivait la controverse trolle, alors qu’une flaque fondue se répandait lentement sous le bonhomme de neige. L’embonpoint du rondouillard s’amenuisait, au point que se distinguaient à présent des ondulations glacées figurant une barbe et des cheveux blancs. Un vrai artiste avait sculpté la glace du bonhomme !
Soudain le sang du boudin – pardon, du saucisson – ne fit qu’un tour sous l’épaisse couche de graisse dont on l’avait bardé : les coqs trolls devisaient de son devenir gastronomique ! Son sort culinaire avait déjà été arrêté, en témoigne la parure du saucisson, mais les compères s’opposaient sur l’opportunité de partager avec l’élue de leur cœur.
Don entendait que le saucisson servît de dessert affriolant, de boute-en-train, de mise-en-bouche à la dame, prélude aux délices lubriques d’après-repas. Mich se montrait partisan de découper le saucisson en tranches fines et de s’en délecter, histoire de se donner du cœur au ventre et ailleurs, sans en quitter une seule à la gloutonne maritorne :
– On joue pas avec la nourriture ! Pour ça on a déjà not’ jouet de famille !
– Oh, pasque tu joues souvent, toi ?
– Elle aura bien assez à s’occuper sans s’coltiner not’dessert !
– T’es rien qu’un demeuré ! Si tu lui rabiotes la délicatesse sous les babines, c’est elle qu’a va nous raboter les délicates !
– Ben alors y’a qu’à y mâchouiller maintenant !
Et le débat s’envenimait lentement.
.oOo.
A suivre...