Tolkien donne des indications succinctes sur l'usage de l'article (défini) en gnomique dans Parma Eldalamberon n° 11 p. 9 :
The article is used much as in English in reference to what has already been mentioned, in generic usages and so on. It differs in being much more frequently used with proper names - noticeably in the genitive where with a name na(n) [amalgame de l'article défini et de la marque de génitif] is almost always preferred to a(n) [marque de génitif seule].
Generically the article is always used. Thus both
the horse is a swift animal i·vrog na cuid arog
man is a foolish creature i·weg na an fofrin
or in common form of this proverb i·weg fof
and also in plural
women are beautiful i·winin na gwandron
Nous n'avons pas d'indications aussi explicites pour le noldorin puis le sindarin ultérieurs. Cependant, nous avons assez de groupes nominaux dans le corpus pour dégager des règles générales.
1. Une règle importante est qu'un nom est assez défini quand il est suivi d'un complément du nom lui même défini, et ne prend alors pas d'article. (Un peu comme avec le génitif saxon en anglais, quoique dans un ordre différent.) L'exemple le plus intéressant car dans un contexte syntaxique "réel" est Ered en Echoriath, ered e·mbar nín! "The mountains of Echoriath,
the mountains of my home!". Il y aussi un grand nombre d'expressions isolées, mais ce sont généralement des noms propres pris hors contexte, donc il peut y avoir un doute... mais il est sans doute significatif qu'aucun article ne se trouve jamais dans cette position. Exemples :
Ennyn Durin "les portes de Durin"
Conin en Annûn "princes de l'Ouest"
Haudh-en-Elleth "le tertre de la jeune elfe"
Cabed-en-Aras "le sauf du cerf"
Annon-in-Gelydh "la porte des Noldor"
Dor Firn i Guinar "le pays des morts qui sont en vie"
etc.
Surtout, c'est une règle générale en gallois (et à vrai dire dans toutes les langues celtiques), où un complément du nom défini exclut la présence de l'article sur le nom auquel il se rattache, lequel est pourtant alors de sens défini (Ce n'est pas le cas quand le complément du nom est indéfini). Exemples :
naid carw "(un) saut de cerf" (naid = saut carw = cerf ; il n'y a pas d'article indéfini en gallois)
y naid carw "le saut de cerf, le saut d'un cerf" (yr, formes réduites y et 'r, est l'article défini)
naid y carw "le saut du cerf"
Pour dire "un saut du cerf", on est obligé de passer par une construction alternative avec préposition telle que o "de [partitif], issu de", am "vers, autour de, à propos de", gan "avec, par" etc. : naid gan y carw, littéralement "un saut par le cerf".
Tolkien a certainement repris là cette particularité syntaxique.
2. Il semble que l'article ne s'emploie pas, ou ou moins pas obligatoirement, devant un nom générique (à l'image de l'anglais) :
Tôl acharn! "La vengeance vient !"
Lacho calad! Drego morn! "Flambe le jour! Fuie la nuit!"
bo Ceven sui vi Menel "sur la Terre comme au Ciel"
3. Dans le cas des noms propres, la Lettre du Roi en contient un grand nombre et donne des indications intéressantes qui montrent un grande diversité de situations (assez comme en français sur ce plan) :
4. L'article s'emploie conjointement avec les démonstratifs : le nom est alors encadré par l'article est le démonstratif (à nouveau, le gallois et les langues celtiques ont exactement le même genre de constructions) :
i thiw hin "ces signes"
i glinn hen "ce chant" (VT50:5)
5. Avec les possessifs, c'est plus incertain. La Lettre du Roi a plusieurs exemples de possessifs à circonflexe qui se passent d'article : mhellyn în phain "tous ses amis", bess dîn "sa femme", sellath dîn "ses filles", ionnath dîn "ses fils". Mais le Notre Père en sindarin a de nombreux exemples avec des possessifs à accent aigu ou sans accent qui s'accompagnent d'article, le groupe nominal étant encadré comme avec les démonstratifs : i eneth lín "ton nom", i arnad lín "ton règne", i innas lin "ta volonté", imbas ilaurui vín "notre pain quotidien", i úgerth vin "nos offenses".
Il est difficile de savoir si Tolkien a changé d'avis au cours de ans ou si ces deux constructions coexistent. Le circonflexe implique un mot accentué : peut-être y a-t-il une série de possessifs emphatiques accentués sans articles à côté d'une série simple inaccentuée et requérant l'article. (Il y a aussi eu plusieurs séries de possessifs en gallois, bien qu'ici le détail diverge assez nettement.)
6. Il semble probable que l'article soit omis plus fréquemment en poésie. Il est notable qu'il n'y en ait aucun dans A Elbereth Gilthoniel alors que les noms de sens défini y sont nombreux sur la foi de la traduction.
The article is used much as in English in reference to what has already been mentioned, in generic usages and so on. It differs in being much more frequently used with proper names - noticeably in the genitive where with a name na(n) [amalgame de l'article défini et de la marque de génitif] is almost always preferred to a(n) [marque de génitif seule].
Generically the article is always used. Thus both
the horse is a swift animal i·vrog na cuid arog
man is a foolish creature i·weg na an fofrin
or in common form of this proverb i·weg fof
and also in plural
women are beautiful i·winin na gwandron
Nous n'avons pas d'indications aussi explicites pour le noldorin puis le sindarin ultérieurs. Cependant, nous avons assez de groupes nominaux dans le corpus pour dégager des règles générales.
1. Une règle importante est qu'un nom est assez défini quand il est suivi d'un complément du nom lui même défini, et ne prend alors pas d'article. (Un peu comme avec le génitif saxon en anglais, quoique dans un ordre différent.) L'exemple le plus intéressant car dans un contexte syntaxique "réel" est Ered en Echoriath, ered e·mbar nín! "The mountains of Echoriath,
the mountains of my home!". Il y aussi un grand nombre d'expressions isolées, mais ce sont généralement des noms propres pris hors contexte, donc il peut y avoir un doute... mais il est sans doute significatif qu'aucun article ne se trouve jamais dans cette position. Exemples :
Ennyn Durin "les portes de Durin"
Conin en Annûn "princes de l'Ouest"
Haudh-en-Elleth "le tertre de la jeune elfe"
Cabed-en-Aras "le sauf du cerf"
Annon-in-Gelydh "la porte des Noldor"
Dor Firn i Guinar "le pays des morts qui sont en vie"
etc.
Surtout, c'est une règle générale en gallois (et à vrai dire dans toutes les langues celtiques), où un complément du nom défini exclut la présence de l'article sur le nom auquel il se rattache, lequel est pourtant alors de sens défini (Ce n'est pas le cas quand le complément du nom est indéfini). Exemples :
naid carw "(un) saut de cerf" (naid = saut carw = cerf ; il n'y a pas d'article indéfini en gallois)
y naid carw "le saut de cerf, le saut d'un cerf" (yr, formes réduites y et 'r, est l'article défini)
naid y carw "le saut du cerf"
Pour dire "un saut du cerf", on est obligé de passer par une construction alternative avec préposition telle que o "de [partitif], issu de", am "vers, autour de, à propos de", gan "avec, par" etc. : naid gan y carw, littéralement "un saut par le cerf".
Tolkien a certainement repris là cette particularité syntaxique.
2. Il semble que l'article ne s'emploie pas, ou ou moins pas obligatoirement, devant un nom générique (à l'image de l'anglais) :
Tôl acharn! "La vengeance vient !"
Lacho calad! Drego morn! "Flambe le jour! Fuie la nuit!"
bo Ceven sui vi Menel "sur la Terre comme au Ciel"
3. Dans le cas des noms propres, la Lettre du Roi en contient un grand nombre et donne des indications intéressantes qui montrent un grande diversité de situations (assez comme en français sur ce plan) :
- n'utilise jamais l'article devant les noms de personne ;
- utilise l'article défini dans le nom de lieu i Varanduiniant "le pont du Baranduin" mais pas dans o Minas Tirith "de Minas Tirith" (en raison de la construction génitive ?) ;
- l'article est employé devant un titre dans i Cherdir Perhael "Maître Samsagace" mais pas dans aran Gondor ar Hîr i Mbair Annui "Roi de Gondor et Seigneur des Terres de l'Ouest" ni dans Condir i Drann "Maire de la Comté" du fait de la construction génitive ;
- les noms des mois et des saisons prennent l'article : nelchaenen uin Echuir "le trente-et-unième de la Reverdie" (et non *o Echuir). Il y a aussi erin dolothen Ethuil "le huitième [jour] du Printemps" et erin Gwirith edwen "le deux avril" si Ethuil et Gwirith sont bien les noyaux de ces syntagmes et qu'il faut comprendre syntaxiquement "sur le Printemps huitième" et "sur l'Avril deuxième" (mais d'autres analyses sont possibles).
4. L'article s'emploie conjointement avec les démonstratifs : le nom est alors encadré par l'article est le démonstratif (à nouveau, le gallois et les langues celtiques ont exactement le même genre de constructions) :
i thiw hin "ces signes"
i glinn hen "ce chant" (VT50:5)
5. Avec les possessifs, c'est plus incertain. La Lettre du Roi a plusieurs exemples de possessifs à circonflexe qui se passent d'article : mhellyn în phain "tous ses amis", bess dîn "sa femme", sellath dîn "ses filles", ionnath dîn "ses fils". Mais le Notre Père en sindarin a de nombreux exemples avec des possessifs à accent aigu ou sans accent qui s'accompagnent d'article, le groupe nominal étant encadré comme avec les démonstratifs : i eneth lín "ton nom", i arnad lín "ton règne", i innas lin "ta volonté", imbas ilaurui vín "notre pain quotidien", i úgerth vin "nos offenses".
Il est difficile de savoir si Tolkien a changé d'avis au cours de ans ou si ces deux constructions coexistent. Le circonflexe implique un mot accentué : peut-être y a-t-il une série de possessifs emphatiques accentués sans articles à côté d'une série simple inaccentuée et requérant l'article. (Il y a aussi eu plusieurs séries de possessifs en gallois, bien qu'ici le détail diverge assez nettement.)
6. Il semble probable que l'article soit omis plus fréquemment en poésie. Il est notable qu'il n'y en ait aucun dans A Elbereth Gilthoniel alors que les noms de sens défini y sont nombreux sur la foi de la traduction.
Le langage a à la fois renforcé l'imagination et a été libéré par elle. Qui saura dire si l'adjectif libre a créé des images belles et bizarres ou si l'adjectif a été libéré par de belles et étranges images de l'esprit ? - J. R. R. Tolkien, Un vice secret