(09.10.2017, 12:52)SegurBill a écrit : Enfin, une flèche du parthe: s'il y a bien un auteur classique à brûler, c'est Gibbon. C'est un condensé de haine, de préjugés et de condescendance.
Sans vouloir polémiquer, soyons honnêtes : de la haine, des préjugés et de la condescendance, on peut fort bien en trouver ailleurs, y compris chez J. R. R. Tolkien lui-même, bien sûr, notamment par exemple en ce qui concerne le socialisme (qui n'est pas le stalinisme et encore moins le nazisme, contrairement à ce qu'il pensait ; il faut croire en cela qu'une certaine part des écrits de William Morris ne l'intéressait guère).
Mais, que l'on se rassure, je ne tiens pas à ouvrir un débat là-dessus, m'étant déjà, du reste, longuement exprimé par le passé sur le sujet dans un forum voisin.
(09.10.2017, 15:54)SegurBill a écrit : Quand Tolkien parle de l'Histoire comme d'une longue défaite, il y a ce sentiment de chute qui n'en finit pas. Jusqu'à cet âge des Machines qui le fait sembler à un prophète apocalyptique de notre temps où la menace de l'Intelligence Artificielle semble planer sur nous comme un destin fatidique.
Sachant bien que J. R. R. Tolkien n'était pas un historien, le mot-clé est effectivement ici "chute", auquel il faudrait rajouter une majuscule théologique pour résumer ce qui était sans doute, quelque part, une obsession chez Tolkien, en fervent catholique qu'il était. C'est ce qui fait la spécificité de son regard, me semble-t-il, et voile d'ailleurs un peu celui-ci : Tolkien aurait ainsi été sans doute horrifié par les dangers du transhumanisme, par exemple, mais notons bien tout de même qu'il n'est pas besoin d'être un fervent catholique pour cela... ceci dit au cas où on voudrait vraiment faire de Tolkien "un prophète apocalyptique de notre temps" (et sans préjuger de l'intention de ton propos, SegurBill).

(09.10.2017, 12:52)SegurBill a écrit : à aucun moment Tolkien ne donne une clé de séquençage des ages, donc toutes les spéculations sont valides.
Oui, pour la question de l'Âge dans lequel Tolkien estimait que nous serions plus ou moins actuellement, Sixième ou Septième, toutes les spéculations sont bien sûr possibles, et il me parait en tout cas un peu illusoire de vouloir y coller des dates et des évènements historiques précis, faute effectivement de témoignage de la main de Tolkien allant dans ce sens.
Du reste, je note que Leo (Carruthers), avant la publication de son dernier ouvrage, avait déjà fait le point sur la question en 2012 à Cérisy, si j'en crois cette page de Tolkiendil que j'avais oublié : https://www.tolkiendil.com/essais/colloq...carruthers
(12.10.2017, 08:34)Elendil a écrit :(05.10.2017, 14:40)Hofnarr Felder a écrit : Il y a un changement radical, à ce qu'il me semble, entre la littérature de l'Antiquité, l'art sculptural (sculptural ?) de l'Antiquité, et la littérature, la gravure, du Haut Moyen-Âge (et, oui, c'est européo-centré, mais tant pis). Il y a une vraie rupture dans l'histoire de l'art à cette époque. Je pense que c'est ce genre de différences qui m'incline à insister sur le fait que, si changement d'Âge il y a, c'est possiblement dans ces eaux-là.
Côté littérature en tout cas, il n'y a pas de rupture fondamentale entre la basse Antiquité romaine et le haut Moyen Âge. C'est une vue quelque peu déformée et due à la façon dont la Renaissance (puis les Lumières) ont voulu dévaloriser le Moyen Âge pour mieux mettre en exergue les nouveaux accomplissements. Côté sculpture, je ne suis vraiment pas expert, mais je trouve qu'il n'y a pas tant de différences entre les modestes productions sculpturales des provinces romaines de l'Ouest et la production ultérieure du Moyen Âge aux mêmes endroits. La principale différence selon moi tient à la disparition des grands ateliers romains (ou des importations grecques) due à la chute de Rome.
En ce qui concerne l'évolution de l'histoire de l'art entre Antiquité tardive et haut Moyen Âge, c'est un vaste sujet (pour une vaste période), sur lequel il y aurait beaucoup à dire... mais, alors que j'avais commencé à vous écrire un pavé, je me rends compte à temps... que je dois rester concentré sur mon travail d'écriture, bande de chenapans distrayeurs !

J'invite en tout cas à la lecture notamment de L'Empire gréco-romain de Paul Veyne, notamment le treizième chapitre "Pourquoi l'art gréco-romain a-t-il pris fin ?" : on pourra y voir que le sujet ne se résume pas à un effet de rupture historique sec (dû au regard que l'on a longtemps eu vis-à-vis des invasions dites "barbares" et de la "victoire" du christianisme), ni à une question "économique" de "productivité" d'ateliers, mais que c'est aussi et surtout une question d'évolution des mentalités et des sensibilités, une question de passage d'une langue à une autre (au sens artistique).
Amicalement,
Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)