14.09.2017, 00:07
(Modification du message : 20.09.2017, 10:35 par Chiara Cadrich.)
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Vous l’avez compris, j’imagine - le hobbit s’évanouit à nouveau ! C’est ainsi, il ne supporte pas les accélérations vertigineuses. Il revint à lui dans une troisième aire, spacieuse et confortable, munie de nombreux coussins et couvertures. Un œuf assez semblable au précédent y siégeait en bonne place – mais les taches étaient plus fines et plus sombres. En outre l’aire donnait sur une pente douce et herbeuse, cernée de tous côtés par la falaise ou l’à-pic. La grande aigle, penchée sur le hobbit, semblait guetter ses réactions. Gerry demanda en tremblant :
-« Vous n’allez pas me manger ? »
La grande aigle se redressa mais son œil scrutateur demeura imperturbable lorsqu’elle répondit :
-« L’aigle tue ses ennemis et ses proies, mais ne se nourrit pas des créatures qui parlent. »
Gerry s’était déjà rendu compte que la nature profonde de l’aigle ignorait le mensonge. Aussi fut-il convaincu et quelques secondes lui suffirent pour retrouver contenance. L’aigle s’inclina devant lui en disant :
-« Mon nom est Celegwelwen , fille de Menelwen .
Gerry imita du mieux qu’il put l’élastique courbette du rapace et répondit :
-« Mon père Fortimbras et ma mère Hysope me nommèrent Gérontius dès que je sortis de l’œuf … pour ainsi dire ! »
Le rapace semblait satisfait de la franchise de Gerry. Les jours qui suivirent, notre hobbit s’occupa donc du véritable œuf de Celegwelwen, bichonnant l’aire et couvant le rejeton lorsque la grande aigle s’absentait. Il put se dégourdir les jambes sur la pente herbeuse et même se laver avec un peu de neige. La grande Aigle captura pour lui une brebis vivante dont le hobbit put traire et boire le lait. Le pauvre animal, tant que dura sa captivité, put se nourrir de l’herbe rase de la pente attenante. Gerry s’évertuait à faire parler son hôtesse, mais le processus prit du temps. Pourtant de fil en aiguille il comprit un peu de la vision du monde propre aux aigles du nord et s’informa des nouvelles qui leur apparaissaient d’importance.
Ainsi il apprit que la forteresse maléfique de Dol Gûldur redoublait d’activité et que le nord bruissait de la nouvelle récente de la chute de deux terribles dragons. Gerry s’abstint de tout commentaire à ce sujet, bien qu'il ait été mêlé à cette dangereuse affaire. Il avait en effet compris que la rupture des équilibres du mond était perçue par sa sage hôtesse comme un vent tourbillonnant, instable et traitre, source d’opportunités et de dangers tout à la fois.
Enfin, la grande aigle relata quelques péripéties de la guerre contre les géants. Gerry s’était alors trouvé projeté en plein conte de grand-mère ou de magicien. Il n’avait jamais vraiment porté foi à ces fables mais sa confrontation récente avec la merveilleuse diversité de la Terre du Milieu lui avait décillé les yeux. Il n’y avait pas de raison de douter des géants plus que des grands aigles ! Aussi questionnait-il avidement Celegwelwen quant aux épisodes de cette guerre. Elle répondait de façon précise et sans émotion, mais Gerry sentait que ce drame la touchait de près.
Les conversations et la vie en commun avec son hôtesse l’avaient convaincu du profond instinct maternel et de la noblesse de la prédatrice, profonde mais sans ostentation. Les jours passaient, mornes et ennuyeux, parfois terribles et effrayants lorsque se déclenchaient les orages du mois d’Urui. Il arrivait que l’aigle s’absentât pendant une journée, et ramenât un objet brillant en souvenir de sa victoire – elle avait chassé et tué un orque en maraude. Gerry apprit au détour d’une conversation que les gobelins qui avaient dominé jusqu’ici le nord des Montagnes Brumeuses, avaient eu le dessous au Gundabad et que leurs voisins déferlaient pour s’emparer du pouvoir. Les grands Aigles, menés par Gwaïhir, étaient intervenus pour tous les contraindre à abandonner le terrain découvert.
Mais bientôt aigle et hobbit abandonnèrent ces considérations guerrières. Car une nuit, Gerry se réveilla en sursaut en rêvant que la terre tremblait. Tout autour de lui, le vent menait grand bruit et l’on entendait, tel un murmure liquide, un léger roulement de tonnerre au-dessus de la montagne. L’œuf avait bougé - son occupant devenait remuant, l’éclosion ne tarderait plus. Aussi la grande Aigle partit-elle plus souvent et moins longtemps en chasse.
Les jours suivants, des impressions mitigées assaillirent le hobbit. Le désir d’éponger sa dette l’emporta d’abord, allié à la soif de liberté. Une certaine impatience de terminer cette compromettante occupation s’installa, qui vira progressivement à la curiosité, sans toutefois atteindre le stade de l’anxiété paternelle.
Pourtant un matin, une étrange pensée lui traversa l’esprit - le petit aiglon allait-il lui ressembler ? Affolé par le ridicule de la situation, il chassa cette idée en se laissant guider par les instincts d’un vrai hobbit au petit déjeuner. Il se replongea par l'esprit dans les douces odeurs qui émanaient de la cuisine au petit matin. Mais aussitôt, il s’horrifia lui-même : il ne pensait plus qu’à une grosse omelette baveuse ! Il coula un regard vers l’aigle qui sembla n’avoir rien remarqué de son trouble et de sa honte.
Cependant, le lendemain, un nouvel et absurde réflexe de père vint le torturer : comment l’aiglon serait-il nommé ? Il interrogea bien sûr Celegwelwen, qui l’informa que les aigles changent de nom au fil de leur vie. Le thoroneg en reçoit un à sa sortie de l’œuf, puis se voit attribuer au fur et à mesure qu’il grandit, des appellations plus conformes à son caractère, ses aspirations, ses habitudes ou son statut.
-« Vous n’allez pas me manger ? »
La grande aigle se redressa mais son œil scrutateur demeura imperturbable lorsqu’elle répondit :
-« L’aigle tue ses ennemis et ses proies, mais ne se nourrit pas des créatures qui parlent. »
Gerry s’était déjà rendu compte que la nature profonde de l’aigle ignorait le mensonge. Aussi fut-il convaincu et quelques secondes lui suffirent pour retrouver contenance. L’aigle s’inclina devant lui en disant :
-« Mon nom est Celegwelwen , fille de Menelwen .
Gerry imita du mieux qu’il put l’élastique courbette du rapace et répondit :
-« Mon père Fortimbras et ma mère Hysope me nommèrent Gérontius dès que je sortis de l’œuf … pour ainsi dire ! »
Le rapace semblait satisfait de la franchise de Gerry. Les jours qui suivirent, notre hobbit s’occupa donc du véritable œuf de Celegwelwen, bichonnant l’aire et couvant le rejeton lorsque la grande aigle s’absentait. Il put se dégourdir les jambes sur la pente herbeuse et même se laver avec un peu de neige. La grande Aigle captura pour lui une brebis vivante dont le hobbit put traire et boire le lait. Le pauvre animal, tant que dura sa captivité, put se nourrir de l’herbe rase de la pente attenante. Gerry s’évertuait à faire parler son hôtesse, mais le processus prit du temps. Pourtant de fil en aiguille il comprit un peu de la vision du monde propre aux aigles du nord et s’informa des nouvelles qui leur apparaissaient d’importance.
Ainsi il apprit que la forteresse maléfique de Dol Gûldur redoublait d’activité et que le nord bruissait de la nouvelle récente de la chute de deux terribles dragons. Gerry s’abstint de tout commentaire à ce sujet, bien qu'il ait été mêlé à cette dangereuse affaire. Il avait en effet compris que la rupture des équilibres du mond était perçue par sa sage hôtesse comme un vent tourbillonnant, instable et traitre, source d’opportunités et de dangers tout à la fois.
Enfin, la grande aigle relata quelques péripéties de la guerre contre les géants. Gerry s’était alors trouvé projeté en plein conte de grand-mère ou de magicien. Il n’avait jamais vraiment porté foi à ces fables mais sa confrontation récente avec la merveilleuse diversité de la Terre du Milieu lui avait décillé les yeux. Il n’y avait pas de raison de douter des géants plus que des grands aigles ! Aussi questionnait-il avidement Celegwelwen quant aux épisodes de cette guerre. Elle répondait de façon précise et sans émotion, mais Gerry sentait que ce drame la touchait de près.
Les conversations et la vie en commun avec son hôtesse l’avaient convaincu du profond instinct maternel et de la noblesse de la prédatrice, profonde mais sans ostentation. Les jours passaient, mornes et ennuyeux, parfois terribles et effrayants lorsque se déclenchaient les orages du mois d’Urui. Il arrivait que l’aigle s’absentât pendant une journée, et ramenât un objet brillant en souvenir de sa victoire – elle avait chassé et tué un orque en maraude. Gerry apprit au détour d’une conversation que les gobelins qui avaient dominé jusqu’ici le nord des Montagnes Brumeuses, avaient eu le dessous au Gundabad et que leurs voisins déferlaient pour s’emparer du pouvoir. Les grands Aigles, menés par Gwaïhir, étaient intervenus pour tous les contraindre à abandonner le terrain découvert.
Mais bientôt aigle et hobbit abandonnèrent ces considérations guerrières. Car une nuit, Gerry se réveilla en sursaut en rêvant que la terre tremblait. Tout autour de lui, le vent menait grand bruit et l’on entendait, tel un murmure liquide, un léger roulement de tonnerre au-dessus de la montagne. L’œuf avait bougé - son occupant devenait remuant, l’éclosion ne tarderait plus. Aussi la grande Aigle partit-elle plus souvent et moins longtemps en chasse.
Les jours suivants, des impressions mitigées assaillirent le hobbit. Le désir d’éponger sa dette l’emporta d’abord, allié à la soif de liberté. Une certaine impatience de terminer cette compromettante occupation s’installa, qui vira progressivement à la curiosité, sans toutefois atteindre le stade de l’anxiété paternelle.
Pourtant un matin, une étrange pensée lui traversa l’esprit - le petit aiglon allait-il lui ressembler ? Affolé par le ridicule de la situation, il chassa cette idée en se laissant guider par les instincts d’un vrai hobbit au petit déjeuner. Il se replongea par l'esprit dans les douces odeurs qui émanaient de la cuisine au petit matin. Mais aussitôt, il s’horrifia lui-même : il ne pensait plus qu’à une grosse omelette baveuse ! Il coula un regard vers l’aigle qui sembla n’avoir rien remarqué de son trouble et de sa honte.
Cependant, le lendemain, un nouvel et absurde réflexe de père vint le torturer : comment l’aiglon serait-il nommé ? Il interrogea bien sûr Celegwelwen, qui l’informa que les aigles changent de nom au fil de leur vie. Le thoroneg en reçoit un à sa sortie de l’œuf, puis se voit attribuer au fur et à mesure qu’il grandit, des appellations plus conformes à son caractère, ses aspirations, ses habitudes ou son statut.
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A suivre...