04.02.2016, 21:09
(04.02.2016, 17:09)Hofnarr Felder a écrit : Je ne suis pas sûr de bien comprendre le terme, loin de là, mais je ne sais pas s'il consiste simplement en un excès de mise en forme, ou plutôt, en une priorité donnée à la forme du combat plutôt qu'à son issue -plaçant ainsi l'honneur personnel au-dessus du souci de ceux que le chef, le roi, le commandant, a pourtant devoir de défendre.
Je ne prétends pas trancher en la matière, mais en tout cas, il me semble que c'est précisément l'opinion de Tolkien.
(04.02.2016, 17:09)Hofnarr Felder a écrit : D'ailleurs n'est-ce pas cela, l'héroïsme, la capacité à se surpasser, à sortir de ses propres limites, pour accomplir bien plus que ce qui aurait été sensément possible autrement ? Or, et c'est là où "l'ofermod" est bien une perversion de l'héroïsme et justement intéressante en ce sens-là, c'est qu'il s'agit, toujours, d'outrepasser certaines limites.
Dans l'article qu'a conseillé Druss, l'auteur voit à l’œuvre une certaine rationalité dans la décision de Beorthnoth. [...] Il s'agit de prendre une décision qui paraît raisonnable -faire sortir les Vikings de l'île, autrement ils ne tarderont pas à s'en aller par un autre côté et à ravager une autre partie de la contrée- mais qui est faussée en ce qu'elle néglige l'infériorité manifeste des troupes anglaises.
C'est une opinion qui se défend aussi et que l'article suggère en effet. Je doute toutefois que Tolkien eut été entièrement d'accord.
Dans le parallèle francophone, je veux parler de Roland, son orgueil et son estultie sont suffisamment blâmées par Olivier pour que l'intention de l'auteur soit claire : si la fierté initiale et la confiance de Roland sont sans doute justifiées par ses prouesses antérieures et celles de son armée, sa conception de l'honneur va au détriment de ses responsabilités de chef quand il observe la disparité des forces en présence au début de la bataille et refuse l'adjuration d'Olivier. Ici, le trait est porté plus fermement que par ce qui nous reste du poème de Maldon, car Roland est opposé à tout point de vue à son ami et détracteur Olivier.
(04.02.2016, 17:09)Hofnarr Felder a écrit : Et sans doute, comme le suggère l'entrée du Dictionnaire Tolkien à propos du Retour de Beorthnoth, la tentation de Boromir est-elle bien une marque d'ofermod -une marque qui le distingue justement d'Aragorn- en ce sens qu'il ne conçoit pas que l'héroïsme des Hommes puisse être lui-même limité et ne permettra pas, jamais, de maîtriser l'Anneau ; d'ailleurs, et là je mets un peu les pieds dans le plat et vous prie de bien vouloir m'en excuser un peu, le fait qu'il sonne du cor à sa mort pour appeler à l'aide alors qu'il est déjà trop tard évoque irrésistiblement Roland (et sans doute bien d'autres épisodes que j'ignore), et avec Roland, l'ofermod.
De fait, cet épisode évoque immanquablement la Chanson de Roland. Toutefois, je ne suis pas certain qu'il faille nécessairement cherché plus loin : le cor dont son possesseur refuse initialement de sonner par fierté, puis sonne finalement au moment de mourir semble bien un motif original de la Chanson. Je ne connais aucun exemple antérieur et tous les exemples européens ultérieurs s'en inspirent.
EDIT : en poursuivant quelques lectures sur le sujet, je suis tombé sur un court article, qui est loin d'être le plus détaillé sur le sujet, mais est particulièrement pertinent en ce qui nous concerne, parce qu'il discute directement ofermod et desmesure, Beorhtnoth et Roland, et commente de plus l'interprétation de Tolkien : Frederick Whitehead, « Ofermod et desmesure ».
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland