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Les Elfes, les Tuatha Dé Danann et la mythologie irlandaise
#24
Lentement, mais sûrement, je termine mon exploration de la mythologie irlandaise. À force de lire les différentes versions du Lebor Gabala Erenn, un parallèle me frappe, qui renforce selon moi l'hypothèse que Tolkien ait décidé de réutiliser certains motifs mythologiques irlandais pour ses récits, même si ça ne concerne pas directement les Tuatha Dé Danann ni les Elfes.

En effet, dans la série des six invasions successives de l'Irlande, la première est celle de Cessair, supposée être (dans une perspective chrétienne) une des petites-filles de Noé. Avertie de l'imminence du Déluge, mais interdite d'accès à l'Arche, elle décide de fuir le continent pour une terre qui a moins de chances que les autres d'être inondée : l'Irlande. Bien sûr, la tentative échoue, l'Irlande finit malgré tout par être inondée et tous les compagnons de Cessair meurent, sauf Fintan mac Bóchra, qui survit en se métamorphosant en saumon. J'avoue que ça me rappelle quelque peu l'histoire des Edain qui fuient le Beleriand en bateaux alors que celui-ci s'effondre progressivement sous le niveau de la mer suite à la guerre du Courroux et vont s'établir dans l'île de Númenor, une terre qui sera elle-même ultérieurement submergée. Tant Fintan mac Bóchra qu'Elendil deviennent des personnages qui sont crédités de la préservation du savoir des temps passés, même si bien sûr l'histoire d'Elendil n'a rien à voir avec l'affabulation concernant Fintan.

Les parallèles restent vagues, bien que les liens tissés avec Noé confortent les allusions qui se devinent par ailleurs entre l'histoire de Noé et celle d'Elendil. Toutefois, la lecture de la Deuxième Rédaction du Lebor Gabala Erenn me réservait une surprise, que je vous livre ici (la mise en exergue des points clefs est de moi) :

Citation :The tally of years that there were from the beginning of the world till the Plaguing of the People of Partholon, and the tally of kings that held the world during that time. This is the First Age, from the beginning of the world to the Flood, 1656 years. The Second Age, from the Flood to Abraham, 292 years, or 942 years, was its length : and at the end of 60 years afterwards, Partholon took Ireland : 550 years from the coming of Partholon to the Plaguing of his People.

The tally of kings that took the world at that time. In the Second Age were these deeds transacted : the Tower of Nemrod, and in it was taken the first lordship of the world in Asia, which NINUS s. BELUS took. In the 23rd year of his reign was Abram born. The Thebans governed Egypt at that time ; 140 years was the length of their lordship.

Aegialeus first took the kingship of Greece; he was of the Sicyonians. Fifty-two years was the length of his reign : the last year of his reign was the first year of the reign of Ninus s. Belus. Europs thereafter, 45 years in the kingship of Greece. In the 22nd year of his reign was Abram born. That is the 23rd year of the reign of Ninus. That is the first year of the Third Age of the World; it is the same as the 942nd year from the Flood to Abram.

Même si le concept d'Âges du Monde n'est pas propre à l'Irlande, on a ici un mélange assez unique d'une conception du Temps plutôt cyclique (invasions périodiques de l'Irlande par des personnages qui portent parfois des noms identiques) et caractéristique des peuples indo-européens avec une conception linéaire et clairement biblique. C'est aussi la première fois que je vois un texte qui en l'espace de trois paragraphes parle de trois Âges du Monde et seulement trois. Le lien entre le Déluge et la fin du Premier Âge me fait volontiers penser à la submersion du Beleriand.

De nouveau, ce sont des motifs assez périphériques, que Tolkien semble bien réutiliser dans un but qui lui est propre, mais toujours dans l'optique de mêler dans ses récits les légendes de tous les peuples du Nord de l'Europe. Je note aussi que tous les parallèles que j'ai décelés jusqu'ici concernent des éléments qui font irruption relativement tardivement dans le Légendaire (pas avant le milieu des années 1930), contrairement aux motifs germaniques, finnois ou gallois, plus marqués et plus précoces. À ce titre, il serait très intéressant de savoir à partir de quand Tolkien a commencé à se pencher sur les légendes irlandaises. Si on s'en tient à la liste de ses publications académiques, il est tout à fait possible qu'il n'ait commencé à explorer ce corpus qu'à l'occasion des recherches qui ont donné naissance à son article « The Name “Nodens” », publié en 1932 et dont les premiers brouillons ne peuvent être antérieurs à 1928, date de début de la campagne de fouille à Lydney Park.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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