23.08.2014, 12:58
Bonjour Poupi, et ravi de te relire !
Globalement d'accord avec tout cela, tant sur la culture de Tolkien que sur ses centres d'intérêts. Je nuancerais volontiers au sujet d'Arthur, puisqu'il affirme lui-même à plusieurs reprises que la mythologie celtique et notamment arthurienne lui paraît défectueuse : elle fait donc partie de ce que je considère comme les influences refoulées (consciemment ou non), à l'instar de la mythologie irlandaise ou justement de la mythologie gréco-romaine.
Je nuancerais volontiers cette critique : d'abord parce que l'énumération homérienne est devenue une référence consciente de toute la littérature épique ultérieure, ensuite parce que c'est une des rares énumérations du type à décrire les troupes en rapport avec leurs chefs directs et non avec le commandant suprême. La seule exception qui me vient actuellement à l'esprit est justement l'énumération correspondante de l'Enéide, qui est un calque volontaire de l'énumération homérique. Ayant récemment lu la Chanson de Roland en ancien français, l'arrangement des batailles par Charlemagne dans ce texte me semble d'un esprit tout à fait différent : Turold (qui devait sûrement connaître Homère, au moins par une adaptation latine ou médiévale comme le Roman de Troie) renouvelle le genre. Pour la Mort d'Arthur, je ne vois pas le passage correspondant auquel tu fais allusion.
Vrai chez les Grecs archaïques, les Scandinaves et les Celtes, nettement moins chez les Romains, qui méprisent l'emportement guerrier, lequel est contraire à leur philosophie. C'est d'ailleurs en lien avec ce rejet du furor que vient la légende de l'assassinat de Camilla Horatia et de la cérémonie purificatrice du Sororium Tigillum.
La menace de Maeglin de tuer Eärendil en le lançant du haut du rempart me semble un retournement assez clair de l'assassinat d'Astyanax par Néoptolème, pour ma part. De la même manière, le refus de Turgon de suivre Tuor et Idril pourrait bien être une réinterprétation du moment où le fantôme de Créuse apparaît à Enée pour le dissuader de continuer à la chercher dans la cité en flammes.
Oui, Tolkien rejette explicitement les inspirations grecques dans une de ses Lettres. Mais curieusement, il cite Troie à plusieurs reprises, généralement dans des contextes où l'on peut déceler qu'il y a influence. Comparer la chute de Gondolin au sac de Rome ou à la chute de Troie, c'est déjà indiquer qu'il y a des parallèles, littéraires ou historiques. De la même manière, cet extrait d'une lettre me semble assez révélateur (cf. L, n° 294) :
Certes, il n'y a pas de revendication d'influence, mais à lire le texte de plus près, on constate qu'il n'y a pas qu'une comparaison de latitude entre les Hobbits et Oxford, vu que la Comté tout entière s'inspire de l'Angleterre rurale de la fin du XIXe siècle et notamment de la topographie de l'Oxfordshire. De la même manière, ce n'est sûrement pas un hasard si Minas Tirith est comparée à Florence : les deux cités sont renommées pour leur architecture, complètement différente de l'architecture des pays du Nord, dans le Monde Primaire comme dans le Monde Secondaire. Enfin, Troie comme Pelargir sont proches de la mer, ont été enrichies par le commerce et ont été bâties par des personnages extraordinaires (Apollon et Poséidon d'un côté, les Númenóriens de l'autre).
De la même manière, Tolkien nie toute emprunt aux légendes irlandaises, mais je crois avoir montré qu'un certain nombre de correspondances précises se retrouvent dans ses textes.
(22.08.2014, 18:01)Poupi a écrit : 1) Il ne faut pas réduire la culture du grand Professeur à la nôtre, pauvres mortels que nous sommes. Pour nous, bons élèves de l'école française, la mythologie par excellence, c'est la mythologie grecque. Dans la tête de Tolkien, la mythologie grecque est présente, mais sa principale inspiration, c'est le Nord, le roi Arthur et le roman victorien. Il peut y avoir des références précises à la mythologie grecque (typiquement, Numenor/Atlantide). Mais ce n'est pas cette piste qu'il faut examiner en priorité lorsqu'on cherche les inspirations de Tolkien.
Globalement d'accord avec tout cela, tant sur la culture de Tolkien que sur ses centres d'intérêts. Je nuancerais volontiers au sujet d'Arthur, puisqu'il affirme lui-même à plusieurs reprises que la mythologie celtique et notamment arthurienne lui paraît défectueuse : elle fait donc partie de ce que je considère comme les influences refoulées (consciemment ou non), à l'instar de la mythologie irlandaise ou justement de la mythologie gréco-romaine.
(22.08.2014, 18:01)Poupi a écrit : En revanche, pour moi, le seul point commun entre Gondolin et Troie, c'est d'être des cités assiégées, ce qui est beaucoup trop maigre pour voir de l'inspiration.
Pour reprendre les points évoqués par Peredhil :
Citation :L'énumération, avant la bataille, des chefs, de leurs caractéristiques et des soldats et de leurs caractéristiques :ça, c'est une convention universelle qui se trouve dans toutes les épopées. Que ce soit l'Iliade, la chanson de roland, la mort d'arthur ou tout le reste.
Je nuancerais volontiers cette critique : d'abord parce que l'énumération homérienne est devenue une référence consciente de toute la littérature épique ultérieure, ensuite parce que c'est une des rares énumérations du type à décrire les troupes en rapport avec leurs chefs directs et non avec le commandant suprême. La seule exception qui me vient actuellement à l'esprit est justement l'énumération correspondante de l'Enéide, qui est un calque volontaire de l'énumération homérique. Ayant récemment lu la Chanson de Roland en ancien français, l'arrangement des batailles par Charlemagne dans ce texte me semble d'un esprit tout à fait différent : Turold (qui devait sûrement connaître Homère, au moins par une adaptation latine ou médiévale comme le Roman de Troie) renouvelle le genre. Pour la Mort d'Arthur, je ne vois pas le passage correspondant auquel tu fais allusion.
(22.08.2014, 18:01)Poupi a écrit :Citation : l'aristeia, la furie guerrière qui s'empare des héros, tant chez Tolkien que chez Homère :La description de la fureur guerrière comme une possession, c'est une vision des choses qui se retrouve dans toutes les cultures païennes : aristeïa chez les Grecs, furor chez les Romains, berserkgang chez les Vikings...
Vrai chez les Grecs archaïques, les Scandinaves et les Celtes, nettement moins chez les Romains, qui méprisent l'emportement guerrier, lequel est contraire à leur philosophie. C'est d'ailleurs en lien avec ce rejet du furor que vient la légende de l'assassinat de Camilla Horatia et de la cérémonie purificatrice du Sororium Tigillum.
(22.08.2014, 18:01)Poupi a écrit :Citation :la famille Tuor-Idril-Eärendil/Hector-Andromaque-AstianaxJe vois pas le rapport, tu peux expliquer ?
La menace de Maeglin de tuer Eärendil en le lançant du haut du rempart me semble un retournement assez clair de l'assassinat d'Astyanax par Néoptolème, pour ma part. De la même manière, le refus de Turgon de suivre Tuor et Idril pourrait bien être une réinterprétation du moment où le fantôme de Créuse apparaît à Enée pour le dissuader de continuer à la chercher dans la cité en flammes.
(22.08.2014, 18:01)Poupi a écrit : [Tu donnes de bons arguments, mais je reste hyper sceptique pour une raison très forte : c'est que jamais Tolkien ne cite Troie comme source d'inspiration (ne me ressort ps ton extrait des Contes Perdus, ça n'est pas du tout ça).
Oui, Tolkien rejette explicitement les inspirations grecques dans une de ses Lettres. Mais curieusement, il cite Troie à plusieurs reprises, généralement dans des contextes où l'on peut déceler qu'il y a influence. Comparer la chute de Gondolin au sac de Rome ou à la chute de Troie, c'est déjà indiquer qu'il y a des parallèles, littéraires ou historiques. De la même manière, cet extrait d'une lettre me semble assez révélateur (cf. L, n° 294) :
Tolkien a écrit :If Hobbiton and Rivendell are taken (as intended) to be at about the latitude of Oxford, then Minas Tirith, 600 miles south, is at about the latitude of Florence. The Mouths of Anduin and the ancient city of Pelargir are at about the latitude of ancient Troy
Certes, il n'y a pas de revendication d'influence, mais à lire le texte de plus près, on constate qu'il n'y a pas qu'une comparaison de latitude entre les Hobbits et Oxford, vu que la Comté tout entière s'inspire de l'Angleterre rurale de la fin du XIXe siècle et notamment de la topographie de l'Oxfordshire. De la même manière, ce n'est sûrement pas un hasard si Minas Tirith est comparée à Florence : les deux cités sont renommées pour leur architecture, complètement différente de l'architecture des pays du Nord, dans le Monde Primaire comme dans le Monde Secondaire. Enfin, Troie comme Pelargir sont proches de la mer, ont été enrichies par le commerce et ont été bâties par des personnages extraordinaires (Apollon et Poséidon d'un côté, les Númenóriens de l'autre).
De la même manière, Tolkien nie toute emprunt aux légendes irlandaises, mais je crois avoir montré qu'un certain nombre de correspondances précises se retrouvent dans ses textes.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland