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Comme je l'indique sur le forum voisin, je trouve qu'il doit être possible de faire mieux que la traduction actuelle de Bilbo's Last Song (publiée en français dans L'Album de Bilbo).
Voici une tentative personnelle de traduire ce poème en se rapprochant autant que possible du mètre de l'original. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez :
Citation :Jour fini, yeux affaiblis,
Mais j'ai un long voyage encore.
C'est l'appel, adieu amis !
Le vaisseau est déjà au port.
Blanche écume et vagues grises,
Ma voie mène vers le couchant ;
Embrun salé, libre bise,
J'entends le flux de l'océan.
La voile gonfle, adieu, amis !
Sous le vent d'Est, l'ancre a chassé..
Devant, l'ombre alanguie
S'allonge sous un ciel courbé,
Mais je verrai avant la fin
les îles au-delà du soleil ;
Au pays de l'Ouest ancien,
Le soir est quiet, doux le sommeil.
Je suis l'étoile solitaire,
Porté par les vents alizés,
Je trouverai le bord de mer
Où brillent les ports étoilés.
Navire ! je me languis
De l'Ouest aux sommets bienheureux.
Je vois l'étoile au midi,
Adieu, Terre du Milieu.
E.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
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Je redouble avec une tentative de retraduire un autre poème de Hobbits, Upon the hearth the fire is red, dont j'apprécie toutefois beaucoup la traduction qu'a faite Daniel. Là encore, la contrainte que je me suis imposé est de suivre exactement le rythme de l'original, ce qui est loin d'être évident :
Citation :Dans le foyer le feu rougeoie,
Il y a un lit sous le toit ;
Mais nos pieds ne sont pas fourbus,
Nous pourrions trouver impromptu
Au tournant un arbre, un rocher,
Que nul n'a jamais approché.
Arbre et fleur, feuille et gazon,
Passeront ! Passeront !
Mont et eau sous les nuées,
Passons-les ! Passons-les !
Peut-être au tournant attendrait
Voie nouvelle, portail secret,
Qu'aujourd'hui nous ne prenons point,
Mais que nous suivrions demain
Sur chemins cachés, sanspareils,
Vers la Lune ou jusqu'au Soleil.
Pomme, prunelle et bruyère,
En arrière ! En arrière !
Roc et lac et promontoire,
Au revoir ! Au revoir !
Monde devant, maison derrière ;
Et bien des routes traversières
Mènent d'ombre en obscurité,
Quand les astres sont embrasés.
Maison devant, monde derrière,
Nous reviendrons vers la chaumière.
Brume et sombres frondaisons
S'en iront ! S'en iront !
Lampe et feu, viande et oublies,
Puis au lit ! Puis au lit !
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
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Merci beaucoup pour ce partage
Je suis piètre commentateur de poésie, mais ces rimes sonnent agréablement à mes oreilles (quand je les lis à haute voix).
I.
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Aiya Elendil,
Je suis guère plus connaisseur qu'ISENGAR en termes de poésie ; en revanche je sais reconnaître un beau travail de versification et sur la métrique. Bravo pour la performance !
aravanessë
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Bravo! Ta traduction rivalise avec celle de Daniel Lauzon, avec l'avantage de respecter le mètre...
J'admire la régularité du rythme et ce merveilleux vocabulaire à la fois suranné et précis: "impromptu" et surtout "oublies" que je te remercie d'avoir rappelé à nos mémoires...
Petite correction à suggérer: "Nouvelle voie, portail secret" au lieu de "voie nouvelle" qui aurait l'avantage de ne pas mettre le temps fort sur un "e" final (en plus ça ajouterait un joli chiasme!)
On a toujours un problème dans ce poème avec le Soleil et la Lune...
En effet, comme le savent les lecteurs, ils intervertissent leur genre pour les Hobbits et les Elfes, mais ça ne s'entend pas sur les articles anglais dans ce poème...
Ajoute-t-on une touche d'exotisme Hobbit au risque de faire croire à une coquille ou non? Telle est la question! De mémoire, il me semble que Lauzon a flotté sur cette question... Dans mon édition, la reprise du poème au dernier chapitre donne "la soleil" alors qu'il a gardé le masculin pour ce texte...
Qu'en penses-tu?
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Merci pour ces remarques. J'adopte volontiers ta suggestion... mais je ne vais pas faire de mise à jour ici.
En effet, j'ai reçu d'autres remarques sur JRRVF, où ce poème avait été traduit plusieurs fois avant moi, ce dont je ne me souvenais plus. Je t'invite à consulter cette page, où tu verras la dernière version de ma traduction (intégrant ta remarque), ainsi que quelques autres versions plutôt réussies, notamment celle de Moraldandil (Corchalad sur Tolkiendil), auquel j'emprunte d'ailleurs une solution que je trouve préférable à "oublies" (nonobstant mon amour pour le vocabulaire surrané).
Pour le premier poème, le fuseau de JRRVF est ici. Il y a eu là aussi quelques corrections (notamment de mètre). A ce propos, le Dragon m'a signalé l'existence de l'outil en ligne Syllaber, que je trouve bien utile pour vérifier la régularité du nombre de syllabes d'un vers.
Pour le genre du soleil et de la lune, bonne question... Je n'ai pas trop de scrupule à écrire "la Soleil", alors que curieusement "le Lune" me pose un souci. Pour l'instant, je serais tenté de rester avec les genres habituels, mais je suis tout à fait ouvert à une discussion à ce propos.
E.
Rollant est proz e Oliver est sage.
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Un grand merci de m'avoir fait l'honneur de prendre en compte cette modeste suggestion!
Le texte est vraiment très bien... J'ai un petit air qui me vient en tête... Je vais peut-être en faire quelque chose...
Merci au passage pour ton papier sur la musique classique: j'ignorais l'existence de la symphonie n°5 de de Meij (alors que je connaissais la 1ère)...
Au plaisir de lire d'autres traductions de ta main!
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Je termine ces expérimentations avec la traduction d'un troisième poème, de loin le plus long et le plus difficile : j'ai nommé Errantry. Cette fois, j'ai changé ma pratique : les premières versions sont ici, avec quelques explications sur le mètre très particulier de ce poème. La version corrigée est celle-ci :
Citation :Errance
C'était un joyeux passager,
un messager, un nautonier :
il fit une gondole d'or
pour musarder ; dans un casier
il entassa beaucoup d'oranges,
bouillie d'orge pour sa provende ;
avec parfum de cinnamome,
de cardamome et de lavande.
Il appela les alizés
pour transporter ses marchandises
par-delà les dix-sept rivières
qui freinèrent son entreprise.
Il arriva dans le désert
où la rivière Derrilyn
entrechoquait ses durs galets
et s'écoulait d'humeur mutine.
Par les marais avec encombre
vers Terre d'Ombre il avança,
et sous les monts et sur les digues,
avec fatigue il progressa.
Il fredonna une romance,
dans son errance lambinant,
courtisa dame papillon
en cotillon batifolant.
Lui adressant des moqueries,
elle rit sans compassion ;
aussi apprit-il sortilèges,
et forge et incantations.
Il trama tissu éthéré
pour l'attraper ; pour l'escorter
il prit du duvet d'hirondelle
et des ailes de scarabée.
Il la piégea habilement
avec filament d'araignée ;
il fabriqua doux pavillons
de liserons et lit orné
de chardons laineux et de fleurs
pour la douceur d'y reposer ;
il l'habilla d'éclat d'étoile
et de toiles d'un blanc nacré.
Il lui tressa de beaux colliers,
qu'elle gaspillait par caprice
toujours elle cherchait querelle ;
il partit seul, triste, au supplice,
la laissant là se dessécher,
prêt à flancher comme il fuyait ;
il s'envola à tire d'aile,
un vent cruel le poursuivait.
Il dépassa les archipels
où poussent frêles les soucis,
où sont des sources argentines
et des collines d'or-féerie.
Pour guerroyer à l'étranger
une équipée il entreprit
pillant, errant en Thellamie
et Fantaisie et Belmarie.
Il fit écu et morion
de corail blond, de fin ivoire,
une épée il fit de béryl,
dans le péril, eut la victoire
contre les elfes d'Aërie
et Faërie, les paladins
au chef de lin, aux yeux brillants,
caracolant d'un air hautain.
Son haubert était en cristaux,
et son fourreau de calcédoine ;
d'argent sélénite la pointe
de sa haste faite d'ébène.
Ses javelots de malachite,
et stalactite, il les brandit
pour combattre les libellules
du Crépuscule : il les vainquit.
Il lutta contre les Bourdons,
les Sphinx-dragons et les Abeilles,
et gagna la Miellée Dorée ;
et rentré sur des mers vermeilles
dans nef de feuillage et filandres
avec une fleur pour dunette,
il s'assit afin de chanter
et de lustrer casque et aigrette.
Il s'attarda encore un peu
dans de venteux îlots perdus
où l'on ne trouve qu'herbes folles ;
avec son yole est revenu
chez lui par l'unique chemin
mais se souvint soudainement
de sa lettre et sa mission !
Dans son aplomb, étourdiment,
les a omis pour voyager
et batailler dans les tournois.
Ainsi il doit partir encore,
voguer encor dans sa gondole,
continûment un messager,
un passager, un nonchalant,
tourbillonnant comme une feuille,
un nautonier errant au vent.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
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Petite question : pourrais-tu donner la version anglaise pour les deux premiers poèmes, ainsi que la traduction déjà publiée ?
À moins qu'elle ne soit disponible quelque part où je n'ai pas mis l'oeil, ce serait pour comparer...
Bonne année 2024, sinon !
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