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Le Conseil du Gondor
#1
Bonjour à tous!

Je n'étais pas venu poster des message depuis un bail, mais je continuais à vous lire avec interêt, je ne me sentais juste pas assez "savant" pour participer à certains de vos échanges Wink

Aujourd'hui, j'aurais un sujet à vous proposer, et si vous en êtes là, c'est que vous avez lu le titre, donc je vais abréger (comment ça, ça semble mal parti?)!

J'ai vu de nombreuses allusions au Conseil du Gondor, mais avec différents aspects pour celui-ci, au fil de mes lectures. Je me posais la question de son utilité, ou du moins de son rôle dans la politique du Royaume.

Un bref historique de ce que je sais à son sujet, vous pourrez peut-être apporter plus de contenu :

- Il s'agirait d'une sorte de résurgence du Conseil du Sceptre de Numenor, où les Membres n'avaient qu'un rôle consultatif, le Conseil ne servait qu'à conseiller (comme son nom l'indique) le Roi. Bien que le Conseil du Sceptre ait acquis plus de pouvoir (lequel/lesquels?) lors des derniers siècles de Numenor.

- On ne sait pas si le Conseil a eu un rôle du temps des Rois du Gondor, cependant "Aragorn établit de nouveau le Grand Conseil du Gondor" (Lettre n° 244), où Faramir avait le rôle de Premier Conseiller. Ce qui laisse supposer que le Conseil existait déjà avant la disparition d'Ondoher.

- Dans cette même lettre 244, il laisse peu de doute sur le pouvoir absolu détenu par le Roi :
"J.R.R. Tolkien - Lettres - Lettre N°24 a écrit :"Un Roi Numénoréen était un monarque, possédant un pouvoir de décision sans discussion dans un débat ; mais il gouvernait le royaume dans le cadre d'une loi ancienne, qu'il appliquait (et interprétait) mais ne faisait pas. Toutefois, sur les questions importantes sujettes à débat, domestiques ou de nature extérieure, même Denethor avait un Conseil, et écoutait au moins ce que les Seigneurs des Fiefs et Capitaines des Forces armées avaient à dire"

- Les Membres du Conseil ne semblent pas avoir de postes "gouvernemental" attitrés, si ce n'est qu'ils sont Seigneurs et Capitaines du Gondor. Ils ne semble pas être des ministres par exemple, poste qui ne semble apparaitre nulle part. (Même si on peut considérer que l'Intendant est une sorte de Premier Ministre, et le Capitaine-Général une sorte d'embryon de Ministre de la Guerre)

- Après la disparition d'Ondoher, c'est le Conseil qui se réunit sous l'autorité de l'Intendant Pelendur et refuse l'arrivée sur le trône d'Arvedui, pour couronner Eärnil II à la place. Il a donc un pouvoir décisionnel à cet instant là, bien réel, à moins que la décision ne revienne uniquement à Pelendur après avis du Conseil, on a peu d'informations à ce sujet.

- Denethor II réunit le Conseil du Gondor, qui lui suggère de ne pas attaquer à cause des menaces venant du Sud. Mais la décision elle-même semble être entre les mains de l'Intendant, et non d'un vote par exemple.

D'où ma (mes) questions finales : Quel est son rôle au cours du Troisième Âge? Est-ce que celui-ci évolue, selon la présence ou non d'un Roi? Le Conseil a-t-il plus de pouvoir sous le régence des Intendants? A-t-il un pouvoir décisionner, même minime, quand l'Avenir du Royaume est en jeu, ou est-ce que le Pouvoir reste de manière "absolue" entre les mains des Rois/Intendants quoiqu'il arrive?

Je pense déjà avoir la réponse, qui semble limpide à la lecture de la citation ci-dessus, mais j'aimerais avoir vos avis! Merci pour votre attention Wink
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#2
Avant d'entrer dans des considérations d'ordre étatique, on peut rappeler la manière dont s'exerce en général le pouvoir chez Tolkien: il s'agit d'un pouvoir confié à un seul, y compris chez les Hobbits et les Ents chez qui l'intérêt du pouvoir est le plus dilué. Deuxièmement, la plus ou moins grande consultation des avis trahit souvent l'origine de ce pouvoir: plus il est légitime, en accord avec Eru, la tradition et le peuple gouverné, plus le souverain réunit autour de lui un conseil. Ainsi, Manwë, Turgon, Eorl (par exemple) consultent les hauts personnages qui les entourent, en nombre généralement restreint à une dizaine de personnes; mais Melkor, Sauron, Saroumane mènent leurs politiques avec des lieutenants qui n'ont qu'un rôle d'exécution. Chez Saroumane, la prise du pouvoir s'est même accompagnée d'un rejet de l'avis du Conseil Blanc.

La consultation est donc chez Tolkien une composante essentielle dans une politique dite "légitime" ou de plein droit. Mais de même que le 'pouvoir' est accordé légitimement par Eru à un individu, ce pouvoir ne peut être divisé ou approprié par une assemblée, et les Conseils n'ont ainsi qu'un rôle consultatif. Un bon exemple de cette légitimité, de ce "pouvoir de gouverner" accordé par Eru à un unique souverain, est bien visible dans le cas des Palantiri, qui ne peuvent être maniés que par des détenteurs légitimes, rois ou lieutenants désignés.

En ce qui concerne le Conseil du Sceptre à Nùmenor vers 1100 S.A., il s'agissait explicitement d'un conseil consultatif, composé de six membres au minimum, sept si l'Héritier était proclamé, avec l'ajout possible de personnalités reconnues.

Citation : In a note on the "Council of the Sceptre" at this time in the history of Númenor it is said that this Council had no powers to govern the King save by advice; and no such powers had yet been desired or dreamed of as needful. The Council was composed of members from each of the divisions of Númenor; but the King's Heir when proclaimed was also a member, so that he might learn of the government of the land, and others also the King might summon, or ask to be chosen, if they had special knowledge of matters at any time in debate. At this time there were only two members of the Council (other than Aldarion) who were of the Line of Elros: Valandil of Andúnië for the Andustar, and Hallatan of Hyarastorni for the Mittalmar; but they owed their place not to their descent or their wealth, but to the esteem and love in which they were held in their countries. (In the Akallabêth (p. 268 ) it is said that "the Lord of Andúnië was ever among the chief councillors of the Sceptre.")

Dans une note sur le "Conseil du Sceptre" à cette époque dans l'histoire de Nùmenor il est dit que ce Conseil n'avait pas de pouvoirs pour gouverner le Roi hormis par conseil; et aucun pouvoir de ce type n'avait alors été désiré ou rêvé comme nécessaire.
Le Conseil était composé de membres de chacune des divisions de Nùmenor; mais l'Héritier proclamé du Roi en faisait partie également, afin qu'il puisse se former au gouvernement du pays, et d'autres pouvaient être convoqués par le Roi, ou demander à être choisis, s'ils avaient une connaissance spéciale quelconque.
A cette époque demeuraient seuls deux membres du Conseil (en dehors d'Aldarion) qui étaient de la lignée d'Elros: Valandil d'Andùnië pour l'Andustar, et Hallatan d'Hyarstorni pour le Mittalmar; mais ils devaient leur place non a leur ascendance ou a leur richesse, mais à l'estime et à l'amour dans lesquels ils étaient tenus dans leurs contrées. (Dans l'Akallabêth p. 268 il est dit que le Seigneur d'Andùnië fut toujours parmi les principaux conseillers du Sceptre).

UT/CLI II, Aldarion et Erendis, note 23.
(trad. personnelle).

Je ne me souviens pas avoir lu que le Conseil du Sceptre acquérait davantage de pouvoir ou de prérogatives lors des derniers siècles de Nùmenor, ce qui étonnerait d'ailleurs vu la montée en puissance de Sauron et l'autocratisme des derniers souverains.

Le Conseil du Gondor sort logiquement en droite file du Conseil du Sceptre. Le rétablissement du "Grand Conseil" par Elessar est sans doute la conséquence de la Réunification des Royaumes d'Arnor et de Gondor. Les membres de ce Conseil ne sont pas aussi clairement définis que pour Nùmenor, mais il faut certainement y inclure: les Seigneurs des fiefs du Gondor, dont le nombre a varié avec le temps; l'Intendant; ainsi que, potentiellement, un nombre de personnes choisies par le souverain et l'héritier déclaré de celui-ci.

Cependant, le souverain n'était pas forcé de consulter son Conseil, ni même d'attendre que tous ses membres aient donné leur avis. Il y avait également une hiérarchie en son sein. En effet, en 2510 T.A., Cirion, Surintendant Régnant du Gondor, devait n'emmener que trois membres de son Conseil; et parmi eux le Prince de Dol Amroth, qui était le conseiller principal puisqu'il était le "chef de ceux qui suivaient Cirion" (UT/CLI III, 2, 3) (en cas de vacance de l'Intendant, on sait que le Seigneur de Dol Amroth pouvait le remplacer, lui qui constituait une sorte de "troisième homme" de la Couronne, SdA, V, 9).
En ce qui concerne son rôle et ses attributions, cela demeurait je pense dans le même esprit qu'à Nùmenor: un souverain légitime, qu'il fût roi ou intendant, demandait conseil sans être contraint de le suivre. Ce fut donc le cas, à mon avis, de Pelendur et de Denethor II pour les situations que tu proposes.

Par ailleurs, le Roi, l'Intendant ou le Surintendant du Gondor disposaient eux-mêmes de ministres et de lieutenants qui détenaient une part de leur pouvoir légitime. C'est cette transmission de pouvoir qui rendait aptes les lieutenants à manipuler aisément les palantiri (CLI, IV, 3). A mon avis, il n'y avait pas de croisement entre les fonctions d'exécutant (ministre ou lieutenant) et de membre du Conseil; on ne pouvait être que l'un ou l'autre. Seul l'Intendant du Roi disposait d'une place au Conseil et aussi d'une parcelle de sa légitimité, comme potentiellement le Prince de Dol Amroth.
Le terme de ministre est bien attesté et touche le Gondor des rois:

Citation :Other persons also were appointed to visit the Stones, and ministers of the Crown concerned with "intelligence" made regular and special inspections of them, reporting the information so gained to the King and Council, or to the King privately, as the matter demanded.

D'autres [que les gardiens des Pierres] pouvaient être désignées pour employer les Pierres, et les ministres de la Couronne en rapport avec "l'intelligence" y faisaient des inspections spéciales et régulières, reportant l'information obtenue au Roi et au Conseil, ou au Roi seulement, selon l'affaire.

(trad. personnelle).
UT/CLI, IV, 3, Palantiri

Ces "rapports" au Conseil font supposer que ses séances n'étaient pas uniquement convoquées qu'en cas d'extrême gravité comme l'histoire du Gondor nous en donne l'exemple, mais aussi sans doute de façon régulière, ici afin d'informer les Seigneurs des Fiefs de la situation des marches du royaume.
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#3
(14.08.2014, 23:13)Tikidiki a écrit : Avant d'entrer dans des considérations d'ordre étatique, on peut rappeler la manière dont s'exerce en général le pouvoir chez Tolkien: il s'agit d'un pouvoir confié à un seul, y compris chez les Hobbits et les Ents chez qui l'intérêt du pouvoir est le plus dilué. Deuxièmement, la plus ou moins grande consultation des avis trahit souvent l'origine de ce pouvoir: plus il est légitime, en accord avec Eru, la tradition et le peuple gouverné, plus le souverain réunit autour de lui un conseil.

Je suis entièrement d'accord avec la deuxième affirmation, mais seulement partiellement avec la première : si l'exercice autocratique du pouvoir est fréquent chez Tolkien, il n'est pas systématique. C'est effectivement le cas chez les Elfes et les descendants de Hador, mais pas partout ailleurs.

En particulier chez les Hobbits, rien n'indique que le pouvoir législatif soit entre les mains d'une seule personne. Ni le Thain, ni le Maire ne semble le détenir. Les Règles auxquelles obéissent les Hobbits semblent immuables. S'il y a une institution susceptible de les changer, ce doit être l'assemblée des Hobbits à la Foire Libre de Grand'Cave. Incidemment, même le pouvoir exécutif semble partagé entre un pouvoir militaire (le Thain) et un pouvoir civil (le Maire), si tant est qu'on puisse parler de pouvoir tout court dans un pays qui semble s'auto-gérer comme une vaste et pacifique anarchie.

Ce n'est pas le seul exemple qui me semble aller à rebours de l'hypothèse autocratique : chez les Ents non plus, la décision d'entrer en guerre n'appartient pas à un seul, mais bien à la Chambre des Ents : c'est un exemple de démocratie directe.

On peut citer d'autres contre-exemples. J'en mentionnerai juste un : le Peuple de Haleth, magnifiquement décrit dans les Wanderings of Húrin. Le pouvoir exécutif appartient bien au Halbar, le Chef de Brethil, mais le pouvoir législatif et judiciaire appartient à l'Assemblée du peuple, qui se réunit autour du Talbor.

Ces deux derniers exemples sont très proches de la structure décisionnelle de la société scandinave médiévale (généralement considérée représentative des sociétés germaniques antiques), que Tolkien connaissait et admirait volontiers. Qu'il s'en soit inspiré n'a donc rien de surprenant.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#4
Effectivement. Le pouvoir législatif est particulier, même le roi du Gondor ne le détient pas vraiment. (Comme le montre la citation des Letters, "but he governed the realm with the frame of ancient law, of which he was administrator (and interpreter) but not the maker.").

La "loi" est d'abord la tradition. Tar-Aldarion, qui changea la loi pour que sa fille puisse gouverner, changea en fait ce qui était une coutume.

Citation :But elsewhere the new law is formulated differently from this. The fullest and clearest account states in the first place that the "old law," as it was afterwards called, was not in fact a Númenórean "law," but an inherited custom which circumstances had not yet called in question; and according to that custom the Ruler's eldest son inherited the Sceptre.

Mais ailleurs la nouvelle loi est formulée différemment. Le récit le plus complet et le plus clair établit tout d'abord que la "vieille loi", comme on l'appela par la suite, n'était pas en fait une "loi" de Nùmenor mais une coutume perpétuée d'une génération à l'autre et qui n'avait jamais encore eu l'occasion d'être remise en question. (...)

Et il fit la nouvelle loi en coopération avec le Conseil:
Citation :By the advice of the Council it was added that she was free to refuse. (...)
It was also ordained at the instance of the Council that a female heir must resign (...).

Sur recommandation du Conseil, on ajouta qu'elle était libre de refuser. (...)
Sur proposition du Conseil, il fut également décrété (...).

UT/CLI, II, 2, Aldarion et Erendis, trad. T. Jolas

Y a-t-il enfin un pouvoir législatif? Dans l'exercice du pouvoir légitime, la loi, qui vient de la tradition, n'est pas faite pour être changée et modifiée, seulement "appliquée et interprétée" (Lettre 244). Autrement dit il n'y a pas véritablement, à mon sens, de "pouvoir législatif", et si le souverain voyait qu'il lui fallait s'écarter de la coutume, en ceci comme en toutes choses il devait consulter le Conseil. Celui-ci pourrait être le "garant" de la tradition, mais je ne pense pas qu'il ait cette importance et veuille protéger la loi "traditionnelle" au même titre qu'il a pour but de conseiller (et sauver) l’État. Il est simplement l'interlocuteur de la tête de ce dernier.

La constitution de la loi se fait donc selon le même processus que pour les conseils d'ordre politique: en délibération; et le Conseil "recommande", propose", mais n'ordonne pas; aussi le souverain aurait-il, au Gondor, avec peu de doute là-dessus, le dernier mot.

En ce qui concerne le Peuple de Haleth, le Halad commence par consacrer l'Assemblée (hallowed the Moot), ce qui pourrait montrer que la légitimité originelle lui appartient et qu'il transfère momentanément cette légitimité à une assemblée.
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#5
Merci à vous deux pour vos commentaires particulièrement complets et intéressants!

Donc, le Conseil n'a qu'un rôle purement consultatif : il conseille, recommande, mais en aucun cas ne peut être considéré comme un organe décisionnel ou gouvernemental.

On peut supposer cependant que son fonctionnement peut être soumis au "bon vouloir" du Souverain du Gondor (qu'il soit Roi ou Intendant), et que celui-ci peut lui accorder plus ou moins de pouvoir ou d'influence?
Je dis ça à cause justement de l'apparente "flexibilité" de la Loi/Coutume du Royaume, et notamment à cause de ces quelques mots déjà maintes fois cités : "but he governed the realm with the frame of ancient law, of which he was administrator (and interpreter) but not the maker."
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#6
Comme tu l'as lu, à Nùmenor le Roi pouvait choisir des membres. Et il pouvait ne pas du tout écouter son Conseil. Il lui accorde donc plus ou moins de pouvoir ou d'influence sur lui-même, selon son bon vouloir, à l'exemple de Tar-Meneldur qui abdiqua en faveur de son fils Aldarion en passant outre les supplications de son Conseil.

Mais sur le long terme, institutionnellement parlant, l'usage peut-être davantage que la volonté du souverain peut changer l'importance traditionnelle du Conseil. Mais il faudrait une bonne raison pour que cet usage change, alors qu'il est demeuré identique pendant six mille ans..
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#7
Wink 
Eargon,vous êtes trop modeste, votre partage est bien,merci beaucoup.




-------------------------------------------------------------------------coque one M8
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#8
(20.08.2014, 12:50)Tikidiki a écrit : Mais sur le long terme, institutionnellement parlant, l'usage peut-être davantage que la volonté du souverain peut changer l'importance traditionnelle du Conseil. Mais il faudrait une bonne raison pour que cet usage change, alors qu'il est demeuré identique pendant six mille ans..

C'était justement sur ce point que j'avais un doute, ou du moins un questionnement. J'avais l'impression que son influence avait varié au fil du temps, et c'est notamment la période concernant la succession d'Ondoher qui m'a donné cette impression. Dans l'Appendice A, en version française (je n'ai pas la version originale, ça peut y être tourné différemment) :

Appendice A - IV Le Gondor et les Héritiers d'Anarion a écrit :A la mort d'Ondoher et ses fils, Arvedin du Royaume du Nord fit valoir ses droits à a couronne du Gondor, en tant que descendant direct d'Isildur et époux de Firiel, seul enfant survivant d'Ondoher. Toutefois ses prétentions ne furent point admises. A cette occasion Pelendur, le Surintendant du Roi Ondoher joua un rôle déterminant.
Le Conseil du Gondor répliqua :
"La Couronne et la Souveraineté du Gondor appartiennent uniquement aux héritiers de Meneldil, fils d'Anarion, à qui Isildur a dévolu ce Royaume. Au Gondor, on hérite en ligne masculine exclusivement ; et nous n'avons point entendu dire que la loi était autre en Arnor"

Si on parle du rôle de Pelendur, c'est le Conseil lui-même qui semble dialoguer avec Arvedin (Arvedui en fait), et non l'Intendant apparemment. Sauf si on considère que la voix du Conseil est celle de Pelendur, mais rien ne semble l'indiquer clairement. D'ailleurs, une autre phrase quelques lignes plus loin peut laisser penser à une décision collégiale, bien qu'une fois encore, ce ne soit pas clairement indiqué:

Appendice A - IV Le Gondor et les Héritiers d'Anarion a écrit :Capitaine victorieux, Eärnil fit valoir ses droits à la couronne, et elle lui fut accordée avec l'approbation de tous les Dunedains du Gondor [...]

Il peut y avoir deux lectures là : Soit elle a été accordée par Pelendur avec le soutien des Dunedains du Gondor, soit ce sont les Dunedains du Gondor qui en approuvant sa revendication, lui accordent la Couronne.
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#9
Il me semble assez naturel qu'en des circonstances de querelle de succession, la parole d'un seul homme (fût-il Intendant) soit un peu légère pour trancher un cas aussi grave ; je trouve crédible que la parole d'une assemblée comme le Conseil s'impose comme nécessaire.
En revanche, "l'approbation de tous les Dudenains" désigne sans doute plus une grande ferveur populaire qu'une élection démocratique à proprement parler...

J'ai aussi une autre lecture, moins interne au récit, à faire valoir (comme ça Elendil me trouvera peut-être constructif ! Smile ) : je pense qu'en fait, là, on est typiquement à la croisée de deux inspirations différentes chez Tolkien sans sa description du pouvoir, qui peuvent apparaître comme contradictoires mais qui après tout on aussi coexisté de façon contradictoire dans des monarchies réelles :
-d'un côté, la justification "mythique" du droit héréditaire, avec des Rois qui descendent d'Elendil comme César qui descendait de Vénus. A cette différence près que dans le merveilleux univers de Tolkien, les Rois du Gondor descendent vraiment d'Elendil. Dans cette optique, le sang qui coule dans leurs veines est la seule légitimation nécessaire à leur pouvoir, et le Conseil n'a d'importance que s'ils veulent leur en accorder.
-d'un autre côté, la réalité historique des monarchies, dont Tolkien est abreuvé. Or, en réalité, toutes les monarchies avaient une dimension élective, où le Roi est un primus inter pares qui est toujours, fût-ce symboliquement, élu par ses pairs. Même les lignées de droit héréditaire les plus stables (c'est à dire, celles où c'était toujours le fils du roi qui lui succédait) avaient un certain décorum qui donnait aux grands du royaume le prestige au moins symbolique de désigner le monarque. C'est vachement bien montré dans les Rois Maudits de Druon, pour ceux qui voient. Dans les cas de crise dynastique, c'étaient bien ces dimensions électives qui reprenaient le dessus pour trancher l'affaire.
Quand je relis l'appendice désigné par Eargon, j'ai l'impression que Tolkien reprend un peu cette dimension élective, sauf que paradoxalement, elle n'a aucun fondement historique/traditionnel chez lui, puisque la dynastie du Gondor n'a pas été établie par élection (contrairement à celle d'Auguste ou de Hugues Capet, par exemple).
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#10
(25.08.2014, 12:40)Poupi a écrit : Il me semble assez naturel qu'en des circonstances de querelle de succession, la parole d'un seul homme (fût-il Intendant) soit un peu légère pour trancher un cas aussi grave ; je trouve crédible que la parole d'une assemblée comme le Conseil s'impose comme nécessaire.

Tout à fait, mais du coup, on se retrouve un peu en contradiction avec le fait que la décision au sein des Royaumes Numénoréens ne repose qu'entre les mains d'un seul homme, qu'il soit Roi ou Intendant, et que le Conseil du Gondor, en toute circonstance, soit un organe purement consultatif. Je trouvais intéressant de poster ce court passage, qui peut apporter cette contradiction, si on écarte l'hypothèse qu'ici la voix du Conseil ne soit pas une voix collégiale, mais celle de l'Intendant, avec le soutien du Conseil.
Par ailleurs, peut-on dire qu'à cet instant là, l'Intendant soit réellement en charge du Royaume, comme le seront plus tard Mardil et ses descendants? ça change pas mal la lecture qu'on peut avoir de cet événement, bien que je sois enclin à penser que l'intérim est automatiquement assuré par l'Intendant.

(25.08.2014, 12:40)Poupi a écrit : En revanche, "l'approbation de tous les Dudenains" désigne sans doute plus une grande ferveur populaire qu'une élection démocratique à proprement parler...

C'est très certainement le cas, cette phrase en elle-même ne donne que peu d'informations sur ce que sont ses dunedains en l'occurrence, d'où ma suggestion Wink

(25.08.2014, 12:40)Poupi a écrit : Quand je relis l'appendice désigné par Eargon, j'ai l'impression que Tolkien reprend un peu cette dimension élective, sauf que paradoxalement, elle n'a aucun fondement historique/traditionnel chez lui, puisque la dynastie du Gondor n'a pas été établie par élection (contrairement à celle d'Auguste ou de Hugues Capet, par exemple).

Interessant, et quand on y regarde bien, Aragorn, après la victoire à la bataille du Pelennor, ne prend pas le pouvoir qui lui revient de droit, mais attend d'être invité à entrer dans Minas Tirith par l'Intendant. Malgré la légitimité de sa revendication, il en cherche une seconde auprès du "régent" du Gondor, ce qui pourrait quand même laisser penser, à défaut d'une dimension élective, un rôle a minima de transmission de pouvoir.
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#11
Je ne suis pas sûr de moi mais j'ai l'impression, en lisant la discussion, que le fameux "Conseil du Gondor" prend beaucoup plus de pouvoir quand il s'agit d'élection et quand il n'y a pas de souverain sur le trône.

Peut-être que c'est cet aspect-là du Conseil du Gondor qui nous fait poser toutes ces question.
"Nombreux sont ceux qui vivent et qui méritent la mort. Et d'aucuns meurent qui méritent la vie. Pouvez-vous la leur donner ? Alors ne soyez pas trop ardent à donner la mort au nom de la justice."
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#12
Concernant le rôle de Pelendur dans le rejet de la demande d'Arvedui:

(25.08.2014, 10:53)Eargon a écrit : J'avais l'impression que son influence avait varié au fil du temps, et c'est notamment la période concernant la succession d'Ondoher qui m'a donné cette impression.

Si on parle du rôle de Pelendur, c'est le Conseil lui-même qui semble dialoguer avec Arvedin (Arvedui en fait), et non l'Intendant apparemment. Sauf si on considère que la voix du Conseil est celle de Pelendur, mais rien ne semble l'indiquer clairement.

(25.08.2014, 13:28)Eargon a écrit :
(25.08.2014, 12:40)Poupi a écrit : Il me semble assez naturel qu'en des circonstances de querelle de succession, la parole d'un seul homme (fût-il Intendant) soit un peu légère pour trancher un cas aussi grave ; je trouve crédible que la parole d'une assemblée comme le Conseil s'impose comme nécessaire.

Tout à fait, mais du coup, on se retrouve un peu en contradiction avec le fait que la décision au sein des Royaumes Numénoréens ne repose qu'entre les mains d'un seul homme, qu'il soit Roi ou Intendant, et que le Conseil du Gondor, en toute circonstance, soit un organe purement consultatif. Je trouvais intéressant de poster ce court passage, qui peut apporter cette contradiction, si on écarte l'hypothèse qu'ici la voix du Conseil ne soit pas une voix collégiale, mais celle de l'Intendant, avec le soutien du Conseil.
Par ailleurs, peut-on dire qu'à cet instant là, l'Intendant soit réellement en charge du Royaume, comme le seront plus tard Mardil et ses descendants? ça change pas mal la lecture qu'on peut avoir de cet événement, bien que je sois enclin à penser que l'intérim est automatiquement assuré par l'Intendant.

(25.08.2014, 13:28)Eargon a écrit : Interessant, et quand on y regarde bien, Aragorn, après la victoire à la bataille du Pelennor, ne prend pas le pouvoir qui lui revient de droit, mais attend d'être invité à entrer dans Minas Tirith par l'Intendant. Malgré la légitimité de sa revendication, il en cherche une seconde auprès du "régent" du Gondor, ce qui pourrait quand même laisser penser, à défaut d'une dimension élective, un rôle a minima de transmission de pouvoir.

Et pour cause, car Faramir est le souverain de droit à ce moment.
L'appendice A résumant la lignée des Intendants est plus claire sur le gouvernement de Pelendur:

Citation :Stewards of Gondor. The House of Hurin: Pelendur 1998. He ruled for a year after the fall of Ondoher, and advised Gondor to reject Arvedui's claim to the crown.

Pelendur. Il gouverna un an après la chute d'Ondoher, et conseilla au Gondor de rejeter les prétentions d'Arvedui à la couronne.

Mais de tels procédés simili-démocratiques (Faramir devant l'acclamation des Gondoriens, Pelendur "conseillant" le rejet d'Arvedui) ne devraient peut-être pas cacher la réalité du pouvoir de l'Intendant, seul détenteur légitime du pouvoir. La décision de Faramir n'était pas forcément réellement subordonnée à celle de la cité; et Pelendur était le chef du Conseil du Roi. Le roi mort, soit Pelendur demeurait chef du Conseil, soit le Conseil fut "conseillé" (advised) par le régent qui disposait de toute l'autorité (politique et morale) pour faire admettre sa décision; dans les deux cas, la décision du Conseil se confondit avec la sienne.
Personnellement, je pense que le Conseil n'avait pas de légitimité à déclarer seul la recevabilité d'Arvedui. Si c'est pourtant lui qui exprima son avis à l'Arnor, c'est soit que Pelendur, qui détenait la légitimité, était toujours membre du Conseil, soit qu'il demanda au Conseil d'écrire à Arvedui, afin d'augmenter sa crédibilité et son assise dans un rôle que Tolkien souligne à deux reprises: "he advised Gondor", et "In this Pelendur, the Steward of King Ondoher, played the chief part".
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