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Un instant de grâce
#1
Il est de ces lignes dans l'oeuvre de Tolkien qui sont si sensibles que l'on se les figure comme des tableaux, mais qui pourtant passent inaperçues. Un de ces instants suspendus dans le temps est pour moi la scène de grâce entre Gollum, Sam et Frodo dans les Deux Tours (IV, 8 ). La compagnie s'est arrêtée peu avant l'antre de Shelob, et Gollum revient voir les Hobbits après s'être absenté.



Citation :And so Gollum found them hours later, when he returned, crawling and creeping down the path out of the gloom ahead. Sam sat propped against the stone, his head dropping sideways and his breathing heavy. In his lap lay Frodo’s head, drowned deep in sleep; upon his white forehead lay one of Sam’s brown hands, and the other lay softly upon his master’s breast. Peace was in both their faces.Gollum looked at them. A strange expression passed over his lean hungry face. The gleam faded from his eyes, and they went dim and grey, old and tired. A spasm of pain seemed to twist him, and he turned away, peering back up towards the pass, shaking his head, as if engaged in some interior debate. Then he came back, and slowly putting out a trembling hand, very cautiously he touched Frodo’s knee – but almost the touch was a caress. For a fleeting moment, could one of the sleepers have seen him, they would have thought that they beheld an old weary hobbit, shrunken by the years that had carried him far beyond his time, beyond friends and kin, and the fields and streams of youth, an old starved pitiable thing.

Citation :Et c’est ainsi que Gollum les trouva des heures plus tard à son retour, lorsqu’il redescendit furtivement le sentier menant aux ténèbres d’en haut. Sam, assis le dos contre la pierre, la tête penchée sur le côté, respirait bruyamment. La tête de Frodo reposait sur ses genoux, noyée dans un profond sommeil ; sur son front blanc était l’une des mains brunes de Sam, tandis que l’autre reposait doucement sur la poitrine de son maître. La paix se lisait sur leurs deux visages. Gollum les observa. Une expression étrange passa sur son visage émacié et famélique. La lueur de ses yeux s’éteignit, et ils devinrent gris et sombres, vieux et fatigués. Un spasme de douleur sembla  le tordre et il se détourna, jetant un regard en arrière, vers le col, secouant la tête, comme en proie à un débat intérieur. Puis il revint vers eux, allongeant doucement une main tremblante qu’il posa sur le genou de Frodo avec une extrême précaution ; mais son toucher était presque une caresse. Pendant un bref instant, si l’un des dormeurs l’avait vu, il aurait cru regarder un vieux hobbit fatigué, racorni par  les ans qui l’avaient porté loin au-delà de son temps, loin de tous ses semblables et amis, et des champs et des rivières  de sa jeunesse – une vieille créature affamée et pitoyable.


Trad. D. Lauzon


Mais l'instant d'après, les deux Hobbits se réveillent et immédiatement Sam soupçonne Gollum, pour lequel on se retrouve plein d'empathie. Au chapitre suivant, il devient clair que Gollum était en fait parti voir Shelob pour lui promettre les deux Hobbits. Mais dans l'Appendice B, la scène est très clairement rapportée à la date du 11 mars : "Gollum rend visite à Arachne mais, voyant Frodon gisant endormi, s’en repentit presque".



Je trouve cette scène porteuse d'une poésie très forte, en même temps que d'un message chrétien que j'apprécie ici. J'adorerais le voir représenté et si vous connaissez de telles illustrations, si vous êtes vous-mêmes en mal d'inspiration pour un thème de peinture, ou que vous voyez des ressemblances avec d'autres scènes du monde primaire ou secondaire, n'hésitez pas à commenter Smile
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