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Les deux portes*
#1
La faim d’aventure avait repris Bosko. Après avoir pris du bon temps à Bree, à l’enseigne du Poney fringant, il avait décidé, contre l’avis de ses compagnons de beuverie, d’aller vers le sud. C’est au milieu de l’après-midi qu’il entama son voyage.

On disait cette région infestée de brigands à la solde de Sharcoux, cet homme mystérieux surgi du néant. De fait, dès les collines situées à trois lieues de la ville, il avait repéré des mouvements furtifs sans doute des guetteurs à la solde du meneur de brigands. Il s’était donc écarté du Chemin vert pour se dissimuler dans les fourrés qui longeaient la muraille rocheuse qui menait à Andrath. Bientôt il perçut des clameurs, des discussions parsemées de jurons. Arrivé derrière un gros rocher, Bosko s’arrêta et regarda vers le haut. L’antique fort qui gardait la passe le toisait de sa silhouette sombre. Plusieurs hommes aux mines patibulaires déambulaient sur les remparts branlants, s’invectivant ou partageant des victuailles. D’autres entraient et sortaient par la porte à double battant à laquelle menait un court raidillon en contrebas. De toute évidence il ne pourrait se faufiler par là sans être vu. Il allait falloir ruser. C’était le moment d’essayer un artefact étrange qu’il avait acheté pour trente pièces d’argent à Bree, à une étrange vieille femme qui lui avait affirmé qu’il lui permettrait de traverser sans être vu, mais pour des durées très limitées, les endroits les plus dangereux. Il s’agissait d’une couverture un peu miteuse, qui, une fois enroulée sur son dos, était censée vous rendre invisible aux yeux de ceux qui vous entourent. Seul souci, un tel artefact ne fonctionne qu’une fois. Et la vieille folle n’avait su dire à Bosko si elle avait déjà servi. N’ayant pas osé l’essayer avant d’en avoir besoin, il allait donc tenter sa chance cette fois-ci.
S’armant de son courage et de sa fidèle épée courte, il s’enveloppa de la vieille peau –qui sentait fortement l’ovidé pas très hygiénique- et s’avança tant bien que mal vers la double porte, pour l’heure grande ouverte. Fort heureusement par endroits la peau était suffisamment usée pour être percée, et Bosko pouvait y glisser l’un de ses yeux. Avec précaution, il réussit ainsi à pénétrer dans la petite enceinte en bois. Autour de lui les conversations et les allées et venues des brigands continuaient, et c’était comme s’il n’existait pas. Ça marchait ! Mais pour combien de temps ? C’est pourquoi il pressa le pas dans la montée, tout en contournant la tour de pierre qui surplombait le fort. Sans toutefois courir, de peur de faire du bruit, il vit bientôt les portes opposées. C’est le moment que choisit un brigand pour lui rentrer dedans par-derrière. Le Hobbit trébucha, et sa couverture glissa à ses pieds, le révélant aux yeux de tout le camp. Son adversaire commença à hurler dans une langue gutturale tout en le désignant. Plusieurs malandrins dégainèrent bruyamment leurs armes. Avisant la sortie, Bosko s’élança.

Les portes commençaient à se refermer lorsqu’il sortit un petit paquet de son sac ; il le défit, et un nuage de mouches vibrionnantes fut projeté en l’air. Armées de dards redoutables, elles volèrent vers les hommes, qui venaient de manger. C’est l’odeur de nourriture fraîche, tachant encore leurs vêtements, qui les attirait. Profitant de la confusion, Bosko put sortir à temps du fort. Il n’arrêta toutefois pas sa course, entendant de nombreux cris derrière lui. Il atteignit bientôt le col, et, constatant que ses adversaires avaient abandonné la poursuite, décida de s’arrêter un moment pour se reposer. Avisant une anfractuosité légèrement en hauteur et dissimulée en partie par un buisson d’épineux, il s’y réfugia, regardant à loisir le panorama qui s’offrait à ses yeux tandis qu’il mâchonnait une charcuterie.

Il y avait en contrebas le pays du Cardolan, l’un des trois royaumes qui avaient jadis formé l’Arnor. A l’approche du crépuscule, le spectacle était splendide ; sur la droite, vers l’ouest, la rivière Brandevin charriait ses flots bruns pour s’éloigner vers le sud-ouest. Sur la gauche la Fontgrise, grossie par la fonte des glaces des Monts Brumeux, déambulait à travers des zones marécageuses puis suivait finalement un tracé plus ou moins parallèle à sa consœur de l’ouest. Entre les deux, Bosko pouvait admirer une vaste plaine, interrompue ça et là par de petites éminences, lesquelles étaient parfois couronnées de pierres dressées, de tumulus ou de ruines. Car le royaume du Cardolan est une contrée laissée à l’abandon. Après la guerre contre l’Angmar, il y a de cela plus d’un siècle, le voisin l’Arthedain avait tenté de l’annexer, mais avait dû l’abandonner, la faute à, dit-on, des esprits malsains qui peuplaient certains endroits. Mais on dit qu’un jour un roi, appelé Elessar, pourrait rétablir la dignité de ces royaumes laissés à l’abandon. Notre petit Hobbit, quant à lui, n’y croyait guère.

Comme la passe dans laquelle se trouvait Bosko était orientée sud-sud-ouest, il put voir le magnifique coucher de soleil qui embrasait cette journée de début de l’hiver. L’approche de la saison froide était l’une de ses raisons de migration vers le sud. Son refuge de pierre ayant des proportions adéquates, il décida d’y passer la nuit ; n’oublions pas les ascendances naines de Bosko, qui lui permettaient d’accepter la présence de tonnes de pierre au-dessus de sa tête, contrairement à ses amis hobbits de pure souche.

Au petit matin, s’étant assuré qu’aucun homme de Sharcoux ne se trouvait dans les environs, Bosko descendit dans la plaine. Au bout de plusieurs heures de marche, il parvint à la première localité, dont il ignorait le nom. D’après les restes, il pouvait voir que c’était autrefois un village prospère, actif et sûr. Ceint d’une muraille de trois mètres de haut, dont seuls quelques pans tenaient encore debout, il comportait de nombreux ateliers et échoppes ; forgeron, tisserand, poissonnier, auberges étaient organisés autour d’un puits central. A peine passa-t-il sa tête au-dessus de la cavité que le Hobbit dut la retirer vivement : une odeur méphitique s’en échappait. L’eau même était empoisonnée dans ce lieu qui sentait la mort ; des lambeaux de tissus pendaient sur les décombres de nombreuses maisons qui semblaient avoir brûlé. La désolation imprégnait ces lieux, et Bosko n’avait aucune envie d’y rester. Ignorant les appels répétés de son estomac pour une sustentation, il sortit vite du village, car il avait également senti des présences à la fois malveillantes et malheureuses y régner.

Il reprit son chemin sans plus attendre.
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#2
Me voilà projeté des années en arrière, autour d'une table débordant de cartes, de figurines, de brocs de cervoise et de rêves de conquêtes.
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#3
(22.10.2019, 17:23)Chiara Cadrich a écrit : Me voilà projeté des années en arrière, autour d'une table débordant de cartes, de figurines, de brocs de cervoise et de rêves de conquêtes.

Longue est la route qui nous mène à la table où nous serons réunis, l'ami. Mais une chose est sûre, elle nous attend.
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