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Auprès de mon arbre
#1
Bonjour à tous !

Voici l'histoire d'un mignon petit couple. ça se passe quelques années après la chute de Cardolan. Lui est dunadan, elle est dunlending. Mais ce n'est pas le plus grave problème de ce couple mixte...


.oOo.
Un couple de paysans rentre à la chaumière. La jeune femme, enceinte et presque à terme, tresse une couronne de branches souples. Le jeune homme, ployant sous un énorme fagot de bois, la suit péniblement, à bout de souffle :

-« Nous l’appellerons Tordemir, comme mon père ! C’est une tradition familiale qui remonte de père en fils jusqu’à notre ancêtre le grand échanson de sa majesté Malvegil d’Arthedain !

- Ton père était un ivrogne, tout juste capable de se rappeler son propre nom ! Sa mémoire remontait péniblement à sa cuite de la veille ! Si ça se trouve, Tordemir l’aïeul était commis aux poubelles, s’il a jamais existé !

- Cesse de médire de ma famille ! De toute façon Tordemir, c’est un très joli nom !

- Un nom prétentieux. Ca empeste le nobliau d’Arthedain, oisif et hautain. Je préfère Tuisog !

- … boaf ! C’est pas un nom, ça ressemble à rien !

- Ca veut dire « Prince » dans la langue de mes ancêtres !

- C’est pas prétentieux, Prince, peut-être ? Tu es sûre que ce sera un garçon, au moins ?

- Je te l’ai dit cent fois, je descends des shamans de Prenn Lûth… Je sais lire les présages !

- C’est ça ! Tu as appris à les lire dans les tripes des immangeables sangliers rôtis de ta mère ?

- Torgil, laisse l’esprit de ma mère en repos ! Tu as envie qu’elle vienne te griller les pieds pendant ton sommeil ? Je suis sûre qu’elle en a bien envie, un gros cochon d’Arthedain comme toi !

- Oh, arrête avec tes contes de grand-mère, hein ! Ça rime à quoi ces simagrées, là, accoucher dans les bois, avoir des visions, planter des arbres la nuit, lire les entrailles, appeler les esprits… Tout ça, c’est bon pour ces arriérés de Dunnish du Cardolan ! Il faut vivre avec son temps !

- Ah ouais, parlons-en, de vos mœurs dégénérées ! Tu veux sans doute dire traîner avec tes glandeurs de copains et te beurrer à l’Oie Saoule ! Ça c’est sûr, les visions t’as pas besoin de les appeler au grand air, tu les inventes tout seul dans les vapeurs du troquet ! J’aime autant te dire que c’est terminé cette petite vie pépère de bourgeois d’Arthedain ! Tu vas te mettre au travail ! Bientôt tu seras père ! »
.oOo.
A suivre...
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#2
Attention, âmes sensibles et futures mères, ça devient un peu rude !

.oOo.

Au milieu des renflements rosâtres, l'enfant apparait, enserré de muscles engorgés et tendus. La petite main grêle pend hors de la vulve. Les doigts cyanosés s'ouvrent convulsivement, cherchant à tâtons un secours en ce monde.
Depuis douze heures, les efforts du ventre et des reins tâchent de chasser cette vie encombrante, arrachant des hurlements de douleur au corps tordu en travers des draps de misère.
Dans ce profil décomposé de souffrance, le père atterré ne reconnait plus la svelte fille aux traits mutins et au charme envoûtant, qui courait les collines une gerbe de bruyères au bras.

La vieille Sarff, la sage-femme du village, roule des yeux épouvantés. Malédiction ! La main noire du Seigneur des Morts semble jeter l’anathème sur la maisonnée. Elle est un peu sorcière et cet augure lui donne des sueurs froides.

Soudain un coassement claque dans leur dos, manquant d’arrêter le cœur de la vieille femme. Un gros corbeau, sombre comme la suie, les guette de son œil fixe et mauvais, perché sur la table. Un lambeau de charogne visqueux pend du bec gris. D’où tombe-t-il, celui-là ?

-« Chasse-le, vite ! », souffle la vieille Sarff.

Tremblant de méfiance, Torgil saisit un balai et ouvre la porte. L’oiseau bondit sur le rebord du lit avec un cri rauque de contentement, comme un hôte qui s’impose avant l’heure du repas.
Le mari courroucé lui assène un coup qui se perd mais oblige le volatile à renoncer à ses sombres desseins.

-« Ne le tue pas, surtout ! », glapit la sorcière.

Le corbeau doit battre en retraite. Passant la porte, l’oiseau lâche un cri de protestation haineuse et prend son envol. Lorsque Torgil referme la porte, aussitôt les éléments semblent s’éveiller autour de la chaumière. Un mugissement lugubre monte du tréfonds de la terre, envahissant les airs et s’insinuant par tous les interstices.

La mère, saisie de nouvelles contractions, tressaute au rythme vindicatif des assauts du vent sur la porte. La sage-femme refoule le petit bras, le rentre en son œuf originel. Un vacarme de corbeaux malfaisants se déchaîne sur le chaume.

-« Garde la porte ! » ordonne sèchement la sorcière au mari.

Puis elle entonne l’appel du printemps, tentant de couvrir la malveillance du Seigneur des Morts de sa voix chevrotante.

La sage-femme enduit de saindoux ses doigts, qu'elle introduit lentement, allongés en forme de coin. Pénétrant peu à peu avec un léger mouvement tournant jusqu'au poignet, elle expulse des glaires suintantes dans des bruits de succion répugnants. Torgil, livide, va vider sa bile dans un seau. Un rictus d’effort aux lèvres, la sorcière s'enfonce encore, ajustant la posture de l'enfant, tandis que l'autre main appuie sur le ventre et guide le repositionnement.

Un silence s’installe comme un sourire de satisfaction passe sur le visage de la sage-femme accablée de fatigue. Mais un grondement sourd et des reniflements de bête se font entendre derrière la porte de la chaumière. Les peurs de la nuit s’avancent lorsque le corps fatigue et que les cœurs fléchissent. Un fauve rôde autour de la chaumière, humant les débuts hésitants de la vie, traquant les pas vacillants de la proie affaiblie.
.oOo.
A suivre...
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#3
Heureusement que j'ai vécu plusieurs accouchements, dont un premier difficile, sinon je me serais évanoui en tombant dans mon vomi...
En tout cas je me sens plein de compassion pour ces deux là. Je vais continuer à suivre leur histoire.
La vie est belle, oui, même si elle peut paraître très, voire trop dure...
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#4
Merci Sam ! Smile
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Alors tout le corps de la mère s'ébranle brusquement, il lui semble qu'on la fend d'un lourd couperet, comme elle a vu séparer les bœufs au castel. Sur son lit de douleur, sa révolte éclate si violente au rythme du tonnerre, qu'elle se tord d’un raidissement irrésistible de la nuque et que l'enfant glisse des mains de la sage-femme. Blodwen détend violemment ses jambes, avec l'idée fixe de se débarrasser de cette sorcière qui la torture en l'écartelant des reins jusqu'au ventre. La rage de Samain se glisse en elle alors que la bête gratte à la porte et pousse le chêne de ses larges épaules en grognant. Blodwen invective sa tortionnaire et lui déchire le visage de ses ongles.

Torgil se précipite pour calmer son épouse.
-« Garde la porte !, commande la sorcière de façon impérieuse, Il faut tenir encore ! ».

Torgil s’arc-boute sur la porte où s’acharne un vent mauvais. La sage-femme épuisée sort enfin sa main, amène doucement les petits pieds en terminant le mouvement de version. La sorcière pousse un soupir, le front en sueur, la respiration coupée, comme après un violent effort. Un bruit de tonnerre la prévient que son ennemi n’a pas abandonné. Le vent et la pluie redoublent, s’abattant sur la masure qui gémit. Torgil a poussé la table contre la porte et résiste aux coups de boutoir de la Nuit.

Il y a quelques instants effroyables, la malheureuse accouchée hurle encore plus fort, à mesure que la tête sort et repousse les chairs, qui s'arrondissent en un large anneau livide. L'enfant tombe dans un dernier effort, sous une pluie de sang et d'eaux sales.

Au même instant, la bête, ivre de l’odeur du sang et de la vie palpitante, force la porte et culbute son défenseur. Lorsque sa rumeur investit la chaumière dans un grondement victorieux, l’âtre s’assoupit, plongeant le modeste intérieur dans une pénombre d’outre-monde.

Epouvantée, la vieille sorcière se ratatine sur le petit être gluant immobile, soufflant pathétiquement dans ses petits poumons, encore et encore.

Mais lors des nuits de Samain, les mortels ne peuvent impunément convoquer la vie. Le Seigneur de la Nuit s’avance pour prendre son dû. Une grande ombre déploie ses puissantes volutes comme une musculature inhumaine qui obnubile l’entrée de la pauvre chaumière.
Torgil entrevoit des crocs à la faveur d’un éclair et brandit sa fourche.
Un grondement sourd le jette à terre, haletant et baignant dans son sang. Un nuage impénétrable se penche sur sa victime, savourant l’incomparable fumet que l’épouvante confère à la chair palpitante.

Mais la sorcière anéantie donne son souffle à l’enfant jusqu’à n’en plus avoir, expirant l’espoir de vie et n’inspirant qu’une fadeur de mort. Elle souffle, encore et encore, alors que le Seigneur de la Nuit contemple d’un air gourmand sa pitoyable tentative de repousser l’inévitable.

Alors le coq chante. Le coq annonce le retour du jour, des hommes et de leur domination. Le noir nuage de malice tressaille d’un souffle de doute, et s’avance pour en finir.

Mais la vieille Sarff sent enfin s'animer un frisson léger de la petite bouche sous la sienne. Soudain l’enfant lance son premier cri. Comme frappée par la foudre, la créature d’ombre se ramasse sur elle-même, refluant vers la porte.

Alors le soleil levant projette au carreau l’ombre rouge du grand galgal, qui rameute la peur en son antre. La pénombre s’évanouit, abandonnant ses proies, pourtant vaincues, dans un hurlement sinistre annonçant frustration et soif de revanche.
.oOo.
A suivre…
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#5
Tu sais tenir ton public en haleine!
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#6
Merci Baradon ! Smile
… une haleine un peu fétide, alors ?
Car vous l'avez compris, ce conte se déroule près des Hauts des Galgals...


.oOo.

La vieille Sarff rentre chez elle, par le bocage, à la brune. Le soir dernier, elle a vaincu le Seigneur de la Nuit. En pleine nuit de Samain ! Elle Lui a soustrait une proie nouvelle-née que l’imprudence de ses parents n’avait pas protégée de l’orme tutélaire. D’habitude, elle évite cette nuit-là, usant de subterfuges pour avancer ou retarder le travail. Mais cette fois, Il a bien failli la vaincre…

Exténuée, la sage-femme chemine lentement vers son logis. Les labeurs de ces dernières vingt-quatre heures l’ont vidée de tout autre désir que celui de sa pauvre paillasse. En sus de cette horrible nuit de Samain passée à veiller et batailler, elle a assisté deux autres patientes. Ce n’est plus de son âge… Il va peut-être lui falloir raccrocher, songe-t-elle distraite. Elle pourrait rejoindre son jeune frère, qui s’est installé près de Bree après la guerre. Elle se consacrerait à ses neveux, cessant enfin de courir les routes…

Le crépuscule alimente son vague à l’âme tandis que les derniers rayons baignent la combe d’une lueur incertaine. Au prochain coude de la sente, elle montera le talus à gauche et sera presque rendue. Elle accélère le pas comme un vieux cheval qui sent approcher l’écurie.

Alors que les rayons solaires la saluent d’un dernier flamboiement, Sarff est prise d’un frisson de fatigue, de froid et d’un doute indéfinissable… Qu’a-t-elle bien pu oublier ?

Cherchant dans sa vieille mémoire ce qui a réveillé son anxiété, la sage-femme ne reconnait plus guère ce chemin qui serpente au fond de la combe. C’est bizarre, cette brume… La sente se perd à présent dans une boue fangeuse où elle patauge en glaçant ses vieux pieds.
Un peu plus loin, la sorcière s’arrête, désorientée. Une odeur fade de pourriture et de souffre monte lentement du marais. La vieille dame, éperdue et très misérable, cherche à s’orienter, mais un voile épais de nues fantomatiques masque les environs.

Soudain, un gargouillement sourd derrière elle, comme étouffé par la brume. Le souffle de Sarff s’accélère. Etait-ce vraiment une exhalaison fétide du marais ? Un bourdonnement lui monte à la tête alors que son cœur s’emballe. Il lui faut sortir de là ! Elle s’élance au hasard, aussitôt poursuivie d’une rumeur qui s’enfle de grondements bas et sinistres.

Lorsque la vieille femme trébuche et tombe dans la boue glacée, le contenu de sa gibecière se répand au sol. Alors la sorcière se rappelle ce qui lui a échappé. Le placenta de Blodwen ! Ce placenta qu’elle avait gardé pour l’enterrer dans les règles et neutraliser les maléfices du Seigneur de la Nuit ! Elle l’a oublié, malheureuse !

Alors la chape d’ombre et de nuit la submerge. Elle ne peut même proférer une incantation, alors que la chasse déferle sur elle, broyant son cœur d’une douleur fulgurante et fouillant ses viscères avec acharnement.

Le lendemain un bouvier trouve au milieu de son champ le cadavre de la vieille Sarff, qui semble avoir succombé à une crise cardiaque.
Des chiens errants, probablement attirés par un placenta qu’elle avait gardé, ont horriblement mutilé sa dépouille.
.oOo.
A suivre...
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#7
Est-ce à dessein que tu places tes événements plus de deux siècles avant que le Roi-Sorcier ne peuple les Hauts des Galgals de ses créatures maléfiques ?
Ou bien ta sage-femme n'est elle victime que de superstitions ? Ce qui est tout à fait possible.
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#8
Bonjour Sam.

J'imagine que le Roi-Sorcier a déjà, lors de sa victoire à la grande bataille des Hauts des Morts en TA 1409, installé des horreurs dans les tombes. Si je me rappelle bien, l'un des hobbits, tiré de son sommeil morbide au cœur d'un galgal, s'écrie que "les hordes de Carn Dûm leur sont tombées dessus en pleine nuit." Pour moi les êtres des galgals sont liés à cette terrible boucherie, où l'espoir des hommes a péri.

S'appuyer sur les peurs latentes, ancestrales des hommes était à la fois habile et facile pour le roi-sorcier, puisque nombre de croyances humaines sont élaborées pour répondre à la crainte de la mort. On peut imaginer que la terreur des galgals est l'un des facteurs qui a réduit la capacité d'Arthedain de reprendre le contrôle de Cardolan, ou du moins de l'artère vitale du chemin vert.

C'est pourquoi ce petit conte commence dans l'entre-deux des horreurs réelles et de la superstition. Dans ces temps troublés (chute récente de Cardolan), les superstitions refont surface. Là je m'appuie sur le folklore celtique, qui crée des ponts avec l'autre monde, en particulier celui des morts lors de certaines nuits.

Merci pour ta lecture attentive !

Mais ce n'est pas fini...
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#9
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- « Allez, Torgil, ça te fera le plus grand bien ! », lance Blodwen en riant.

Le nourrisson emmailloté dans ses bras, semble acquiescer avec ébahissement aux injonctions de sa maman.

- « Mais c’est super froid ! », rétorque l’intéressé, grelottant entièrement nu, dans l’eau glacée jusqu’aux chevilles.

- « Allez ! Un peu de courage devant ton fils ! »

Le papa, au courage un peu engourdi, ne perçoit plus de sensation émanant d’aucune de ses extrémités, bleuies et ratatinées par le froid, et fait piteusement remarquer qu’un tel traitement serait bien de nature à priver son fils des frères et sœurs que la nature aurait pu lui donner.

- « Au printemps la sève remonte dans toutes les branches, mon homme… », insinue-t-elle malicieusement en réprimant un sourire devant les modestes et frileuses dispositions de son époux.

Torgil doit s’exécuter. Après quelques pas dans le courant, il s’immerge complètement pendant quelques secondes. Puis il ressort de l’eau précipitamment et, tout dégouttant, court jusqu’à un jeune arbre qu’il avait mis deux heures à fendre dans sa hauteur. Il se glisse prestement entre les deux arcs sous les regards effarés du bébé et les yeux attendris de sa femme.

- « Regarde, Tuismir !, chantonne-t-elle. La Déesse te donne un papa tout neuf… »

Ainsi Torgil renait-il en Arda, franchissant la vulve symbolique de la Déesse, purifié, ruisselant de la source du monde, nu et innocent comme à son premier jour.

Posant le bébé dans un panier d’orme et d’osier, Blodwen sèche énergiquement son mari avec un tartan de son clan. Puis elle dépose un tendre baiser sur les lèvres bleuies :

- Habille-toi vite !

- Il faudra faire ça à chaque anniversaire ?

- Non, mais à chaque fois que tu ne fais pas ce que je dis !, dit-elle d’un air espiègle.

- Blodwen, n’en profite pas !, rétorque le mari en aidant son épouse à redresser et panser l’arbre torturé.

- Torgil, c’est important pour moi, de protéger ma famille comme le faisaient mes ancêtres. Le monde est plein de forces que nous ne comprenons pas. Et les anciens ont su s’en protéger. Je te demande juste de trouver un joli petit plant d’orme ! Il faut le transplanter aujourd’hui, un an après sa naissance, et il n’y a que toi qui puisse le faire. Ce sera l’arbre protecteur de ton fils, celui du jour où il est venu au monde. Tout le monde en a un, même toi ! J’ai planté un frêne pour toi, le jour de notre mariage.

- Je ne t’ai jamais demandé de planter un arbre pour moi ! Je sais très bien me défendre tout seul ! À quoi rime de perpétuer des gestes que tu ne comprends plus ?

Piquée au vif, la jeune dunéenne répond :

- Qui te dit que je ne les comprends pas ?
Elle ajoute sournoisement, un sourire vengeur aux lèvres :

- Regarde comme les traditions ont du bon ! Tu es frigorifié ? Tu vas pouvoir courir en forêt et choisir un joli petit orme pour protéger mon fils ! Allez, à tout à l’heure ! Il est temps que je lui donne son repas !

- Tu ne peux pas lui donner ici ?

- Tu es fou ? Lui donner le sein ici ? Tu veux que j’attrape une pneumonie ?
.oOo.
A suivre...
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#10
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Remâchant son ressentiment, Torgil arpente la sente d’un pas vif, sa houe sur l’épaule :
- Elle est gonflée ! …

Le jeune père tape rageusement du pied dans une petite pierre, qu’il fait rouler devant lui sur le chemin.
- Et puis jamais contente avec ça ! Appeler les esprits, se baigner en hiver, et puis ces arbres, partout et toujours ! Une bonne flambée, ouais ! …

Mais son irritation ne suffit pas à le réchauffer :
- C’est que je suis gelé, moi !...

Le pas se ralentit. Torgil réfléchit, il ne peut pas faire deux choses à la fois…
- Et puis, comment je vais faire pour reconnaître un jeune orme en plein hiver, moi ? …

Le pas s’accélère :
- Je vais demander à Eothor, lui il saura !

La démarche devient presque guillerette :
- Et en plus, il m’emmènera en forêt avec sa carriole, et il me ramènera à la chaumière !

Le pas de Torgil retrouve un rythme viril et déterminé :
- Après tout, la tradition, chez nous, pour un anniversaire, c’est d’offrir une tournée !

L’allure gagne encore en fermeté alors que se trouvent balayés les derniers vestiges de sa mauvaise conscience :
- Et puis il faut que je me réchauffe, moi ! Juste une petite gnôle ! Pour remercier Eothor !
.oOo.
A suivre...
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#11
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- … Buvons un coup, la mort bravant,
À la santé de Cardolan !
Car le vil voisin Araphor,
A mis son fanion dans son tort !
Ce veule nous fait bien de la peine,
Convoitant ainsi notre terre.
Et Merde pour le Roi d’Arthedain,
Qui nous a déclaré la guerre !


Les chopes s’entrechoquent sous les vivats qui ponctuent le fameux refrain. Les jeunes gens boivent goulument à la santé de leur royaume bien-aimé, sous le regard blasé du tenancier de l’Oie Saoule. Lorsque la bière coule à flot, le courage ne coûte guère…

Pourtant un vétéran, assis dans son coin, observe la jeunesse d’un air amer et désabusé, sirotant sa cervoise avec parcimonie. Lui a mené une escouade de Cardolan lors des escarmouches le long du Menatar Romen. Lui s’est illustré au siège d’Amon Sûl. Lui fut l’un des rares à survivre aux hordes d’orques et de trolls déferlant d’Angmar, qui anéantirent l’armée de Cardolan sur les hauts des Galgals. Sa jambe amputée le lui rappelle tous les jours.

Aussi laisse-t-il leur jeune enthousiasme aux braillards imbibés ! Ils découvriront bien assez tôt que la petite politique des hommes, leurs espoirs futiles et leurs intérêts égoïstes ne sont que rus épars face aux grandes marées de leur temps.

- Par Bema , ces maudits Arthedain continuent de piller le pays ! J’ai encore vu passer un convoi ce matin !

- Tu exagères, Eothor ! Ils maintiennent l’ordre que les nôtres ne peuvent plus assurer. Sans eux, ce serait le chaos, comme à Tharbad, où croupissent des milliers de réfugiés. Leurs convois amènent des vivres et des médicaments.

- Mais tu es un mou ! Tu fraternises comme si la victoire d’Angmar n’était pas de leur faute ! Bien cachés dans leur forteresse d’Amon Sûl, ils nous ont laissés tailler en pièce sans bouger leurs derrières princiers pour secourir nos vaillantes compagnies !

- Tu parles comme si tu y avais été !

- J’avais quinze ans, j’aurais pu accompagner mon père avec la compagnie des mercenaires ! Ma mère m’a empêché d’y aller ! Mais à présent elle ne me retiendra plus ! Il faut les empêcher de ramener chez eux tout ce qui a de la valeur !

- Ouais, y en a qui ont essayé de s’y opposer, tu sais comment ils ont fini ! Luinril s’est fait pendre il y a dix jours en tentant de reprendre un chargement de grimoires du vieux Hir d’Eredoriath qui remontait vers Bree.

- Buvons à la santé du héros Luinril ! Lui au moins s’est opposé aux traitres qui tentent d’annexer le pays !

Alors que les flots de bière s’engouffrent dans les gosiers exaltés et assoiffés, la porte de l’auberge s’ouvre dans un grand fracas. Un solide sergent de l’armée royale d’Arthedain entre dans la salle commune, suivi de sa patrouille :
- Holà, faudrait voir à se calmer ! Les quidams qui incitent à la révolte, je m’en vais les mettre au pas ! Allez, dispersez-vous !

Les velléités guerrières du petit groupe se sont bien vite émoussées.
Les jeunes gens s’égaillent en grommelant contre l’occupant.
- Hep, toi le meneur ! Tu ne crois pas t’en tirer comme ça ?
Eothor, un air déterminé marquant son visage grassouillet, saisit un tabouret et s’embusque derrière une table, prêt à défendre chèrement sa vie, comme son père à la bataille des galgals. La patrouille ne va faire qu’une bouchée de ce grand jeune homme maladroit et un peu replet…

Torgil s’interpose d’un ton conciliant :
- Allons, Messeigneurs ! Je suis père depuis peu et viens fêter l’anniversaire de mon aîné ! Ne voulez-vous pas oublier ce malentendu en ce jour de fête ?

Le sergent n’aime pas entendre insulter son roi, mais c’est un brave type. Il saisit au vol l’opportunité de montrer la magnanimité des Arthedain. Eothor, ne portant aucune arme sur lui, est laissé libre avec un avertissement dont il se moque bien.
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A suivre...
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#12
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Les deux amis se réfugient dans une alcôve, chargés des brocs abandonnés par leurs compagnons.
- Heureusement que tu es arrivé, Torgil ! Sinon j’aurais fait un carnage…

Son ami ne relève pas la fanfaronnade :
- Moi aussi, je l’ai mauvaise… Tu sais pas ce qu’elle a inventé ?
Eothor glisse un regard inquiet vers Torgil. Il va encore lui parler d’ « Elle ». Il va encore se plaindre de cette fille si divine qu’elle hante toutes ses heures de conscience et de sommeil. Eothor a toujours été amoureux fou de Blodwen, qui en retour, n’a jamais vu en lui qu’un grand frère protecteur, un bon gros maladroit, l’éternel meilleur ami et faire-valoir du beau Torgil.

Le romantique géant un peu ventru cache l’immense blessure de sa vie sous des dehors gouailleurs, une rhétorique volubile, une morgue vindicative qui ont désormais trouvé leur cause – la défense du Cardolan moribond contre son voisin rapace Arthedain. Mais pour l’heure Eothor ressent un étrange malaise. Il aime Torgil comme un frère, et jamais encore la jalousie ne lui a montré son rictus abject.

Pourtant ce soir l’attitude égoïste de Torgil l’irrite. Peut-être même lui en veut-il un peu de son sauvetage in extremis. Le jeune père déballe ses problèmes sur la table comme l’on vide une poubelle sans fond.
Décidément, il ne mérite pas Blodwen, se dit l’amoureux transi.

Après la quatrième tournée générale, dans l’auberge quasiment vidée par l’intervention de la patrouille, Torgil ressasse encore ses conflits domestiques. Mais son vis-à-vis n’a plus qu’une idée en tête : donner une leçon à ce petit prétentieux inconscient de sa propre chance…

- Tu sais quoi ?, l’interrompt Eothor excédé, on va aller le chercher ton petit arbre !
- Tu ferais ça ?
- Ben tiens ! Ca sert à quoi les amis ?

Et voilà les compères en carriole, Eothor aux rênes, Torgil assis dans les patates, qui bientôt ronfle comme un ivrogne !

Outré, Eothor s’arrête dès que possible et déterre le premier jeune plant venu qui ressemble un tant soit peu à un orme.

- Ca fera bien l’affaire de cet égoïste !, grommelle-t-il en déposant le plant dans le giron de l’ivrogne assoupi.
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#13
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Torgil marche d’un pas lourd, dessoulant lentement dans la brume du soir. Quelque chose dans le ton d’Eothor lui a fait sentir que son ami en avait assez de faire le sale boulot à sa place. Il a donc tenu à faire les derniers miles à pied, le plant sous le bras, arpentant la route au milieu de la lande, de son pas hésitant d’ivrogne. Devant lui, au bout de sa houe posée sur l’épaule, oscille la petite lanterne qu’Eothor lui a prêtée.

Dégrisant lentement, le jeune père se fait les reproches d’usage. C’est vrai qu’il aurait pu se tenir un peu… C’est vrai qu’il n’aurait pas dû déblatérer comme il l’avait fait…

La nuit tombe tout-à-fait, isolant le marcheur solitaire dans ses amères pensées. C’est vrai qu’il n’aurait pas dû passer à l’auberge. Il aurait dû directement aller chercher un orme.

Torgil sent croitre sa culpabilité à mesure qu’il s’approche de sa chaumière, où l’attend Blodwen, qu’il imagine un sourire ironique aux lèvres. Dans ces moments là, Torgil se hait d’habiller de bienveillance conjugale, ce qu’au fond de lui, il considère comme une faiblesse envers son épouse. Il l’aime, mais il a du mal à supporter son autorité.

Soudain une bifurcation surgit de la brume, au pied d’un gibet. C’est là que pourrissent les restes de Luinril, dans sa cage d’acier suspendue. Une odeur pestilentielle rappelle que le cadavre du « héros de Cardolan » n’est exposé que depuis quelques jours. Un petit frisson parcourt Torgil malgré lui.

- Si j’avais ton courage, s’exclame-t-il exalté, j’aurais réprimé ces croyances ridicules sous mon toit ! Au lieu de cela je me suis laissé ridiculiser par ma femme, et il a fallu que j’en fasse profiter l’auberge entière ! Maudit soit le mariage !

Un triste grincement rouillé lui répond laconiquement de la cage suspendue. Torgil, surpris, lance avec dérision, comme pour exorciser sa propre stupeur :
- Tiens, Luinril, viens donc danser pour la fête de mon fils ! Tu expliqueras à ma femme de laisser les esprits tranquilles ! On pourra abandonner ces simagrées débiles !

Torgil est soulagé d’avoir formulé ses griefs haut et fort, même si son éloquence ne se manifeste qu’en l’absence de son épouse. Il reprend sa route dans la brume de sa démarche sinueuse, jurant que jamais plus il ne se plierait à des exigences aussi absurdes.

Mais il est imprudent d’invoquer les morts une nuit de Samain. Dans la pénombre sans un souffle de vent, la cage oscille d’un rythme guilleret. La tête du cadavre, qui vient de perdre un œil, se penche sur l’épaule décharnée avec un inquiétant rictus de satisfaction.
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A suivre...
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#14
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Par ce petit matin, Blodwen passe le nez à la fenêtre. L’air frais lui picote les narines mais colporte des fragrances d’humus et de bois de pin sous des cieux immaculés. La journée va être magnifique !

Toute joyeuse, la jeune femme charge la brouette de denrées appétissantes qu’elle a longuement préparées avec amour, de quelques outils et du plant d’orme que son mari chéri a enfin ramené hier. Puis elle réveille sa petite famille, l’habille chaudement et la mène tambour battant derrière la maison, jusqu’à l’arbre de Torgil qu’elle avait planté au-dessus de la source où ils s’approvisionnent.

Blodwen dresse une nappe de pic-nic sous le jeune frêne élancé en fredonnant gaiement un vieil air des collines, pendant que Torgil joue avec son fils, perché sur son ventre.

- Et ça, ça sert à quoi ?, demande le mari en avisant une assiette de bois qui sert d’ordinaire à entasser les restes qu’on balancera au cochon.

- Mais voyons, Torgil, les jours de fête, on dresse le couvert du pauvre, c’est la tradition !

- Allons bon !, pense le mari, voilà encore une journée traditionnelle ! À quelle douloureuse acrobatie coutumière vais-je encore devoir me plier pour plaire aux esprits ?

La réponse ne tarde guère…
- Voilà, tout est prêt ! Mais avant, quelques petites formalités… , lance joyeusement Blodwen avec un clin d’œil à l’adresse de son fils.

Torgil rentre les épaules, tandis que le petit Tuismir bat des mains avec enthousiasme.

La famille plante la pousse non loin du frêne, juste assez près pour profiter de la vigueur protectrice du jeune arbre élancé, mais suffisamment loin pour développer sa personnalité propre sans prendre ombrage de ses ombrelles.

Tuismir est autorisé à planter quelques pommes fripées au pied de chacun des deux arbres. Puis Blodwen va déposer une collation au bord de la source, qui glousse indifférente son air éternel entre les mousses.

.oOo.

Revenant sur ses pas vers ses deux hommes, Blodwen tressaille et pâlit, s’arrêtant net. Torgil suit le regard de son épouse et manque de défaillir alors que Tuismir se met à pleurer, cherchant maladroitement à rejoindre les jupes de sa mère. Une silhouette enveloppée d’un linceul sombre est installée devant l’assiette du pauvre, semblant attendre le début du repas.

- Qui êtes-vous ?, lance Torgil d’une voix mal assurée en saisissant la bêche. Que nous voulez-vous ?

Le sombre capuchon se tourne lentement vers Torgil. Une puanteur insupportable s’élève et prend les vivants à la gorge, comme si des myriades de larves nauséabondes écloraient de concert pour répandre les humeurs pestilentielles d’un mort incapable de quitter ce monde.
Roule alors une voix sépulcrale, dont le ton posé pourtant semble chercher la conciliation :

- L’on m’a invité à la fête. Je viens recevoir ma part !

Torgil blêmit, lui lance un fromage et s’exclame en brandissant sa bêche :

- Luinril, prenez cela et laissez-nous !

La forme se redresse lentement. Les effluves de chairs corrompues laissent entrevoir ce que le sombre manteau voile encore aux regards.

- La part qui me revient de droit est cette vie volée dans l’interstice du règne des hommes et du royaume des ombres, énonce la voix d’un ton sans appel, en élevant un index à vif, aux répugnants reflets putrides, qui désigne le petit Tuismir.

- C’est trop tard ! rugit la jeune mère en s’interposant devant son fils, le cœur gonflé d’une rage de lionne et bardé d’une assurance d’airain.
Les vœux à la Déesse sont prononcés et l’enfant trouve sa place dans le règne des hommes !

- Ces vœux furent prononcés dans le vent de Samain et la Déesse n’en a rien su. L’arbre protecteur que tu as planté n’est pas celui de ton fils !

La confiance de Blodwen s’effondre d’un coup. Elle tourne son regard éperdu et implorant vers Torgil, qui baisse les yeux pour ne pas le croiser. Elle n’est pas shaman du clan Prenn Lûth, mais elle sait que rien n’empêchera le seigneur de la nuit d’emmener son dû. À moins d’un sacrifice au-delà de la vie humaine… Mûe par un noir ressentiment, Blodwen saisit la hache de Torgil et, du coup puissant du désespoir, tranche le jeune frêne.

La forme sombre siffle comme un serpent blessé et glapit de dépit :

- Tu choisis de conserver ton fils ! Mais que ferais-je de ce bon à rien de mécréant ? » éructe le manteau en considérant Torgil atterré, déjà gagné par un teint cireux et grisâtre.

- Il promet de te donner le repos ! rugit la femme en pleurs, tremblante comme une feuille d’arbre prête à s’envoler au vent de Samain.
.oOo.
A suivre...
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#15
.oOo.
Couvert de sueurs glacées, Torgil s’escrime contre la porte de chêne. Enfin la serrure du galgal cède dans un fracas assourdissant. Saisissant sa lanterne, le jeune homme se recule précipitamment, cédant le passage à la forme plus sombre que la nuit, qui pénètre sous le dôme des morts.

Son épouse hors d’elle l’a prévenu : « c’est ta dernière chance ! Tu fais ce que j’ai promis en ton nom ! Ou nous serons séparés à jamais ! » Pour cette fois, il obtempère point par point. Éclairant son bout de parchemin de sa lanterne, il tâche de lire le rituel recommandant au Seigneur de la Nuit de recevoir cette âme en perdition. Il n’entend rien à ce qu’il lit, mais lentement les portes se referment.

Soudain un cri retentit :
- Au nom du Roi, qui va là ?

Lorsque l’ombre passe sur lui dans un souffle rauque de frustration, Torgil tombe à la renverse, lâchant sa lanterne qui s’éteint brusquement. Submergé par l’horreur, il entend les râles des soldats massacrés s’éteindre un à un sous des coups avides.

Au petit matin, le sergent l’arrête devant le galgal. La patrouille ignore ce qui s’est passé exactement, mais trois soldats d’Arthedain ont été sauvagement assassinés cette nuit, avec la bêche de Torgil.

.oOo.

S’il y a bien des sujets avec lesquels le légat royal d’Arthedain ne plaisante pas en cette période de troubles, c’est l’ordre public et la justice. En outre des nouvelles alarmantes des galgals, le long du chemin vert, ont amené le vieux Hir d’En Eredoriath à proclamer des mesures de prudence et à donner toute latitude aux armées d’Arthedain dans sa baronnie.

Le suspect est accusé d’avoir dérobé la dépouille de Luinril et d’avoir assassiné des soldats d’Arthedain qui l’interpellaient au moment où il tentait de lui donner une sépulture. Il n’y a donc aucune clémence à attendre lorsque les charges concernent à la fois l’opposition à la loi martiale et une effraction dans les sanctuaires des morts.

En effet, Torgil est condamné à mort.

Eothor tente de fléchir le légat. En vain.

L’épouse éplorée vient mander sa grâce à genou.

Par mesure spéciale d’humanité, Torgil est étranglé dans sa cellule.

Son cadavre est ensuite enfermé et hissé dans l’odieuse cage suspendue au gibet. Il n’a donc pas à endurer une lente agonie sous les yeux de son épouse, mais sa dépouille rappellera à tous que la justice des hommes s’accommode mal des rumeurs des morts.
.oOo.
A suivre...
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#16
.oOo.
Un frêne vigoureux a très rapidement poussé sous le cadavre du malheureux, envahissant sa cage en moins d’un an, comme si un vœu tardif de protection avait voulu retenir son occupant et l’entourer de sa tendresse. Le voisinage en a été épouvanté.
On dit que les soirs de lune rousse, un fantôme réclame l’ensevelissement à tous les passants.
.oOo.
La nuit dernière, le squelette de Torgil a été dérobé. On ignore qui a fait le coup.
Alertée, Blodwen est venue se recueillir au pied du frêne, sous le gibet, son petit garçon de deux ans au bras. Eothor, qui traine depuis de longs mois un insupportable sentiment de culpabilité, les a emmenés dans sa carriole.
Sur le chemin du retour, Eothor offre un plant d’orme à Blodwen, qui lève vers lui ses magnifiques yeux baignés de larmes, mais débordants de reconnaissance.
Demain, c’est Samain et l’anniversaire de Tuismir.
.oOo.
Fin.
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#17
Encore merci,
mais je vais pinailler, comme d'habitude :
Je n'ai fait qu'une lecture, et il me semble que les êtres des Galgals semblent être favorables au fait d'accorder une sépulture digne à Luinril. Cette mansuétude ne me paraît pas correspondre à des "agents" du Roi Sorcier. Quel lien fait tu entre être des Galgals installés par RS et royaume des morts "naturel" ?
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#18
Bonsoir à tous, et merci à Sam pour sa lecture attentive -comme toujours d'ailleurs ! Very Happy

Le lien est le suivant :
Les vivants ne parvenant pas à quitter ce monde "dans la paix" à cause des agissements des êtres des galgals, se retrouvent piégés dans un état qui leur impose la même fonction que les êtres des galgals : terroriser les vivants, leur faire perdre confiance dans la création et dans la vie.

L'objectif du RS (dans cette histoire) est qu'un maximum de vivants désavouent ce monde et se tournent vers les ténèbres. Pour des raisons tactiques (dépeupler Arnor de ses défenseurs, abaisser le moral, etc.) et des raisons "idéologiques" : amener à Sauron de zélés sectateurs.
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