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Une idée superbe !
Je m'en vais de ce pas ruminer tout cela...
Une échéance ?
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Le but est d'achever le tout pour l'anniversaire de Bilbo en septembre.
On lirait quelques morceaux choisis lors de la rencontre Tolkien (a minima sur Paris mais pourquoi pas ailleurs, en fonction des contributions).
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Témoignage de Fredegar Bolger.
La journée avait bien commencé ; les chauds rayons du soleil, filtré par les rideaux de ma chambre, m'avait tiré du lit à l'aube. Dans le reste du Smial, j'entendais que l'on s'affairait ici et là. Après m'être habillé rapidement, je décidait que moi aussi je me devais de participer aux préparatifs de cet événement hors du commun: l'anniversaire de Bilbon.
111 ans ! Vous vous rendez compte ! J'en suis bien loin du haut de mes 21 ans. Et quelle vie trépidante en plus.
Donc, après avoir mangé un morceau, ma mère, Rosamunda me dit "Ne reste donc pas planté là les bras ballant !" et m'envoya voir si on n'avait pas besoin de moi pour les préparatifs ; Je pense surtout qu'elle a fait ça pour ne pas que je la dérange en cuisine. "Ton père est déjà sur place" dit-elle, "il y a beaucoup à faire et ta carrure ne sera pas de trop à mon avis !".
En arrivant au lieu, Odovacar, mon père, donnait les directives pour le placement des tables et la mise en rang des bancs. On se serait cru dans une vraie fourmilière ! Ma soeur, Estella aidait les femmes au dressage du buffet tandis que mon oncle Ferdinand, était en train de répertorier la vaisselle apporté pour l'occasion par les différents participants: ça allait des assiettes des plus rustiques à celles finement décorées, utilisées en général pour les grandes fêtes. Des timbales d'étain côtoyaient des godets de terre et des verres églomisés.
Alors que je m'approchais du buffet afin d'y picorer quelques victuailles, mon père dit: "Fredegar ! Laisse donc ce buffet tranquille, les femmes s'en chargent et viens nous aider à descendre les tonneaux de la charrette que monsieur Poiredebeurré nous a livré. Ta robustesse ne sera pas de trop !”
J'avoue que de rester près du buffet me paraissait plus alléchant que l'agencement des tables et des tonneaux, mais bon. Des enfants n'arrêtaient de nous passer entre les jambes, manquant plusieurs fois de bous faire trébucher avec nos lourds fardeaux, mais tout rentra en ordre quand le vieux Rufus joua de sa voix fort et tonnante afin de remettre un peu d'ordre dans tout ça.
Dans l'après-midi, tout était fin prêt ! Un ami de Monsieur Bilbon est même venu pour la fête...Une espèce de" magicien" du nom de Gandalf. Un étonnant personnage d'ailleurs.
La fête pu enfin commencer. Les débuts des festivités commença en même temps que les premières notes jouées par l'orchestre improvisé ainsi que la ritournelle qui s'en suivi. Monsieur Gandalf nous fît le plus beau des cadeaux avec le plus magnifique spectacle de feux d'artifices que j'ai eu la chance de voir. Ça rigolait à gorge déployé à certaine tablée, ça dansait, des vieux palabraient en fumant de l'herbe à pipe au coin du feu pendant que les femmes faisaient le service...En bref, la fête battait son plein !
Alors, il y eut un moment de silence après qu'il eût distribué une myriade de cadeau et Sieur Bilbon interpella les gens par quelques mots: "Mes chers amis" commença-t-il, mais je ne prêta guère attention à la suite préférant me diriger en douce vers le buffet. Un arc-en-ciel gustatif ponctué des parfums dans viande rôti tournoyante au dessus des braises, s'offrait à moi. Je n'étais pas le seul d'ailleurs ! Quelqu'un aillant abusé du vin dormait sous une table, mais je ne pu le reconnaître car seul ses pieds en dépassaient. Dans mon dos, j'entendais des hourras et des applaudissements jusqu'au où tout s'arrêta. En me retournant, je pu constater que tout le monde regardait en un point fixe, vide ; comme par enchantement, Monsieur Bilbon avait disparu en laissant une incompréhension totale.
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08.10.2017, 17:39
(Modification du message : 08.10.2017, 17:43 par Isabelle Morgil.)
- Où Isabelle Morgil s'excuse pour le retard, maudit un perfectionnisme tatillon et part se flageller.
Melilot
La vieille pie pérorait sans pitié, mettant l'emphase sur les mots les plus blessants ; coincés dans la file qui s'étendait sur toute la longueur du champ dans la rue du Jette-Sac, deux douzaines de Hobbit n'avaient d'autre choix que de subir.
« Encore heureux que nous soyons invités à la réception restreinte. Le vieux fou accepte vraiment n'importe qui. Regarde devant nous, si ce n'est pas le vieux Magotte et sa fille adoptive ! Des paysans qui ne nettoient jamais la boue d'entre leurs doigts de pieds, si vous voulez mon avis » ; personne ne le voulait, mais tout le monde y avait droit quand même.
On jetait des regards désolés au père Magotte, qui piétinait juste devant Lobelia, avec sa jolie Melilot.
« Ne l'écoute pas, petite. Tout le monde sait que Bilbo déteste ces arrivistes de B. D., disait le fermier sans se démonter. Et rappelle-toi ce que disait le Nain : les Hobbits de Brie valent bien ceux du Comté ! »
***
La barbe l'avait fascinée : elle n'avait pu en décrocher les yeux, malgré ses efforts pour paraître polie. Mais Melilot Magotte était aussi spontanée et vive qu'une adolescente de la Marêche peut l'être. « Elle est bien de l'Extérieur, cette gamine », commentait Mrs Magotte. « Celles du Comté n'ont jamais éprouvé le besoin de monter aux arbres ou de se bagarrer contre les chiens. On raconte qu'à l'Extérieur, les Hobbits doivent lutter à mains nues contre les loups ! » Elle le disait avec autant de fierté que d'inquiétude : dans la Marêche, on aime les débrouillards, mais l'Aventure est trop proche pour être un sujet de plaisanterie. Tous les soirs, le fermier ferme le lourd portail de bois. Mais dans la ferme de briques le feu brille, les enfants jouent sur le tapis et Mr Magotte tète sa pipe près de l'âtre. Dans le fauteuil d'en face sa femme reprise les épaisses chaussettes qu'il glisse sur ses pieds velus, quand la pluie le force à sortir ses bottes de nains. Le nid est douillet.
C'est ainsi que le 20 septembre de l'an 1401 (CC), peu avant la tombée de la nuit, les coups portés contre la porte les avaient tous surpris. Le fermier était prudent, mais n'avait rien contre les réceptions inattendues : il avait rappelé ses chiens, ouvert la porte avec précaution – en laissant la chaîne, vous voyez – et, sur une exclamation, fait entrer le Nain qui se tenait sur le seuil, le capuchon à la main.
***
Le Nain avait eu beau dire, Melilot gardait une ombre inquiète sur le cœur en voyant les autres jeunes Hobbits s'amuser déjà dans le champ. Un jeune Touc était monté sur un tonneau et brandissait une chope de bière en chantant avec gaieté ; son père fendait la foule en bougonnant. Tout le monde s’esclaffa lorsqu'il chassa du perchoir sa progéniture. Pendant ce temps, Bilbo accueillait les Magottes à l'entrée de la fête.
« Vous avez laissé la ferme se débrouiller seule, s'esclaffa Bilbo. C'est une très heureuse surprise ! Je crains de n'avoir plus le temps pour une bonne conversation, je le regrette, père Magotte, avec tous ces chers amis à saluer. »
Il coula un long regard en biais vers les Bessac Descarcelle. « Si j'avais pu prévoir, je vous aurais invité au dîner de tout-à-l'heure. Mais il y aura peut-être des désistements... Espérons, espérons. » ajouta-t-il avec un clin d'oeil.
***
Le Nain était comme un géant qui la dominait d'au-moins trois têtes. « Comme tu es grande, Melilot ! Quand je t'ai amenée ici, tu tenais presque assise sur ma main. Une toute petite perle de fillette perdue dans la Sauvagerie. Tu n'étais pas impressionnable pour deux sous : tu as même ri, quand j'ai assommé les méchants gobelins, » dit-il comme on s'adresse à un enfant de deux ans.
Melilot en fut agacée. Il n'avait pas assommé les gobelins, il les avaient étripés. Et ce n'était pas une belle aventure. On taisait la tombe de sa mère, au bord de la vieille route, et le corps de son père qu'on n'avait jamais retrouvé.
« Quand je t'ai prise dans mes bras, tu t'es cramponnée à ma barbe. Ma barbe ! dit-il en caressant avec attachement sa longue barbe grise cerclée d'argent. Et tu trouvais particulièrement drôle que je proteste. Pauvre petit bout de Hobbit ! »
***
Le vieux Mr Bilbo jetta un regard perçant à Melilot. « Joli bout de fillette, dit-il, puis, revenant au fermier : Vous étiez à Brie le mois dernier ? »
« Le Poney Frinquant est le lieu de tous les ragots... »
Bilbo approuva par un bref éclat de rire. Après un rapide remerciement pour l'invitation, Melilot tourna vivement les talons. De jeunes Touc, Sonnecornet et Brandibouc s'étaient disposés près de la cuisine extérieure, dans le coin nord du terrain, et opéraient un savant prélèvement sur les plateaux qui en sortaient.
***
Le Nain et le fermier fumaient dans la cuisine en devisant. Melilot débarassait le couvert avec sa mère, mais tendait l'oreille. La conversation était confuse : ils parlaient de l'Extérieur, des routes qui n'étaient pas toujours sures, de la menace des Arbres et de l'automne qui descendait des montagnes.
« Et donc, vous n'avez rien trouvé sur sa famille ? » disait le Nain.
« Rien. Vous serez à la fête demain, alors ?
« Je suis venu pour l'anniversaire, mais je resterais discret chez Bilbo.
« Inutile de faire jaser, c'est cela ? » questionna le fermier.
Un silence avait suivi.
« Gardez donc vos secrets ! Mais Gandalf est là, ce qui signifie que les jaseries iront bon train de toutes façons. Tout ce que je veux, pour ma part, c'est du beau spectacle.
« Je crois que vous ne serez pas déçu... »
***
Melilot s'est approché avec hésitation. « Salut », dit-elle timidement. « Salut ! » lui répond-on avec assurance. Les jeunes l'accueillent sans méchanceté, mais sans enthousiasme. La connaissant peu, ils se croient tenu de l'inspecter des pieds à la tête. Une apparition soudaine fait diversion.
« Oyez ! Marmadas est là ! » s'exclame un tout petit Boffin, qui arrive essouflé de l'autre côté du champs. « Chouette, Hourra ! Mentha et Merimas seront des nôtres ce soir ! »
Et une ribambelle d'adolescents pleins de vie serpente dans la foule pour entourer deux jeunes hobbits dans leurs années intermédiaires. Ils s'écartent de leur père, occupé à saluer Bilbo. Melilot suit le mouvement, quelques pas en arrière.
« Je ne les ai jamais vus », demande-t-elle à son voisin le plus proche, l'audacieux chevaucheur de tonneau.
« Non, Marmadas ne sort pour ainsi dire plus, depuis que sa femme est morte. Mais les cousins ont habité Castel-Brandy pendant quelques années... » Le garçon baisse la voix et ajoute d'un ton confidentiel. « C'était quand leur mère était malade, et dans les mois qui ont suivi le décès. Le père Marmadas ne voit plus grand monde depuis. »
Melilot jette un regard d'amitié vers les deux Brandibouc orphelins qui serrent les mains à tour de bras. Peut-être n'est-elle pas si seule ce soir – et peut-être même n'est-elle pas la plus étrange.
« Comment tu t'appelles, déjà ? » demande-t-elle en offrant son premier sourire de la journée. « Everard Touc, mad'moiselle. A ton service ! » lance le jeune homme, les yeux brillants de rire.
***
Le départ devait être matinal ; ils dormiraient au Dragon Vert le soir même, et ne voulaient pas être gênés par la foule. Mais Melilot n'était pas prête.
« Je n'irais pas.
« Ma fille, tu viendras. Tu vis comme une sauvage, et c'est pas bon. Il y aura plein de gars et de filles de ton âge. Le jeune Mr Frodo, qui fête son anniversaire, est un gars charmant et un fin gastronome, eh ! Qui sait, hein, peut-être qu'il te fera danser ? »
Melilot dansait très bien quand elle voulait. Mais Frodo était un étranger, et il avait le double de son âge.
« Et puis lui aussi a perdu ses parents. »
Frodo n'avait rien de commun avec elle. Quoi qu'en disent les racontars, lui savait très bien ce qu'il en était de ses parents. Et son oncle était fabuleusement riche, si l'on en croyait les rumeurs.
***
Parlant de rumeurs, voilà que Lobelia frappe à nouveau. Elle n'a pas laché Bilbo d'une semelle (malgré ses tentatives de la distancer). Everard dit qu'un de ces quatre, le vieux fou va quitter le Comté pour de bon, juste pour ne plus jamais revoir sa face de chouette. La chouette hulule à présent dans l'oreille de son mari des confidences particulièrement bruyantes : Otho Bessac Descarcelle devient un peu sourd en vieillissant, et surtout, il faut bien contenter la petite cour assoiffée de commérages qui s'est formée.
« Et maintenant, il discute avec Marmadas Brandibouc. Marmadas Brandibouc, tu sais bien ! Celui qui a disparu pendant deux ans avec sa femme malade, et qui a réapparu seul ? »
Sablonnier, le meunier de Hobbiteville, n'en a pas perdu une miette. Il croit malin d'enfoncer le clou en murmurant assez fort pour être entendu alentours : « Mais vous en savez pas la moitié, si vous croyez qu'il s'est juste cloîtré chez lui ! Un de mes fournisseurs qui a ses champs dans l'Quartier Est, près du bac, m'a dit qu'il l'avait vu passer le Brandivin, et que sa femme était avec lui, et même qu'elle était enceinte. Et moi, j'dis qu'il l'a emmenée chez ces sauvages de Brie et qu'il l'a abandonnée là-bas, malade qu'elle était, avec le bébé. »
Même les plus gourmants de ragots se sentent gênés à présent, et un jeune gars de Hobbiteville, qui écoutait avec une désapprobation croissante, se dresse face au meunier avec les poings sur les hanches : « Ou p't-être ben qu'y sont partis à Brie pour trouver un guérisseur, assure-t-il, et peut-être ben que s'il a réapparu seul, c'est seulement que ça n'a pas marché au final. Qu'est-ce qu'on en sait, d'abord ? »
Les yeux du Père Magotte sont comme deux billes qui voudraient rebondir jusqu'à Marmadas, toujours en train de causer à l'entrée ; et le voilà qui referme la bouche dans un claquement de mâchoires et se rue sur le nouvel arrivant, quitte à couper la parole à Bilbo dont la voix couvrait les médisances voisines. Bilbo, dont les yeux pétillent de joie. Bilbo, qui se dirige vers Melilot et lui assène une petite tape sur l'épaule .
« Mon enfant, ça va être une nuit que l'on n'oubliera pas ! » dit-il, avant de s'évanouir dans la fête.
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Je tiens à dire que je trouve que la maitrise technique de ta pièce sur Melilot est remarquable. Un bel exercice de style.
Qu'en pensez-vous camarades tolkiendili ?
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Je plussoie.
Isabelle a du talent. Les vieux lecteurs des Nouvelles de Jrrvf ne sont pas surpris, mais rassurés de voir qu'il est toujours bien employé
I.
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Merci SegurBill d'avoir réactivé le sujet car j'avais vu la notification mais sans me pencher dessus par faute de temps (ça la fout mal quand même).
En tout cas, Isabelle, je te félicite pour ce texte ! Tu avais dit que tu en ferais un, mais que ça te prendrait un peu de temps. Tout vient à point à qui sait attendre, avec la qualité en plus. Merci beaucoup.
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Parmi les invités dans la liste d'entrée de discussion, je vois que figure un certain Hildifons Touque.
Je pense qu'il s'agit d'une petite erreur.
La preuve
http://www.jrrvf.com/nouvelles/anthologie/isengar.pdf
I.
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J'avais envie d'essayer de me frotter aux hobbits. Je me suis d'ailleurs rendu compte que mes connaissances à leur sujet étaient assez limitées. Bref, j'avais envie d'essayer d'écrire une nouvelle à mon tour sur les 111 ans de ce cher Bilbo (même si la deadline est dépassée depuis un moment). J'ai pris Pimprenelle comme personnage, je ne la connais absolument pas, mais j'aimais bien son prénom alors je me suis lancée avec ma propre interprétation du personnage.
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Il faisait beau le jour de la grande fête organisée par Bilbo Bessac, que tout le monde appelait plus communément Monsieur Bilbo. Nous avions craint que le mauvais temps ne perdure après un mercredi sous la pluie, mais le soleil était de retour. Nous longeâmes avec bonne humeur et beaucoup de curiosité la route jusqu‘à la clairière où se dérouleraient les réjouissances. Peregrin, que nous surnommions tous Pippin, était déjà parti. À onze ans, il était encore bien trop turbulent pour que mes parents, fatigués, lui fassent la moindre remarque. C’était un tort que je tentais de réparer aussi souvent que possible. Sans doute trop selon lui et pas assez dans mon cas.
J’admirais l’herbe encore bien verte pour un mois de septembre qui contrastait avec le ciel d’un bleu presque surnaturel tandis que mes parents devisaient tranquillement sur les festivités à venir.
En ce qui me concernait, j’avais du mal à croire que le vieux Bilbo soit si âgé. Et quand je disais « âgé », ce n’était pas soixante-dix ans ou même quatre-vingts, pas du tout. Ce cher vieux monsieur avançait joyeusement sur ses cent onze printemps. Ses cheveux blancs étaient fournis et son visage, toujours éclairé par un sourire rêveur, était peu marqué par le temps. À croire qu’il avait du sang d’immortel. J’aurais aimé discuter de cette passionnante théorie avec mon frère mais Peregrin ne m’écoutait jamais. Il préférait courir, toujours par monts et par vaux, dès que nous avions le dos tourné.
Quand nous fûmes arrivés, j’écarquillai les yeux devant l’immense trouée aménagée pour l’occasion. Des tréteaux supportaient de grandes et longues planches au-dessus desquelles des ballons suspendus égayaient de leurs couleurs les nappes blanches. Des banderoles avaient été accrochées un peu partout, dont une gigantesque et où l’on pouvait lire : « Joyeux anniversaire Bilbo Bessac ». Il y avait beaucoup de monde : la plupart des cousins, des tantes ou des oncles à un degré plus ou moins éloigné, mais aussi des amis, des voisins.
— Il a invité tout Hobbiteville, souffla ma mère, choquée, la main devant la bouche.
— C’est certain, approuva mon père d’un signe de tête bourru. Ça promet d’être une fête inoubliable.
En tant que Thain de la Comté, mon père était l’un des hobbits les plus importants des environs et nous devions faire honneur à notre famille.
Pour ma part, j’espérais surtout que Pippin ne nous ferait pas trop remarquer. Mes sœurs, quant à elles, ne dirent rien, trop occupées à se faire des messes-basses entre elles.
.
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Pippin dut entendre bien malgré lui ma prière, car il ne fit aucune bêtise notable. Toutefois, la fête était loin d’être finie ; elle avait même à peine commencé. J’avais passé l’après-midi à regarder autour de moi. Le vieux Bilbo avait fait les choses en grand. En plus des différents soupers, il y avait tellement de jeux pour tous les goûts que j’étais certaine de ne pas pouvoir tous les faire. Pourtant, quelques convives n’avaient pas l’air très heureux et il y avait fort à parier que la longévité de notre hôte n’y était pas pour rien. D’ailleurs, lesdits convives étaient de sa proche famille. J’en étais là de mes réflexions quand j’aperçus la tête de Pippin dépasser d’un chariot. Je gonflai les joues, prête à invectiver ce sale petit chenapan. Ne lui avais-je pas ordonné de m’attendre près du grand buffet où étaient entreposés plus de mets qu’il n’en fallait pour nourrir tout notre village en un mois ? Autant de nourriture me tournait la tête mais ce n’était pas moins de cent quarante-quatre invités qui se marchaient sur les pieds dans une joyeuse cacophonie.
Assurément, cela faisait du monde à nourrir.
Je vis plusieurs groupes (d’autres Touc, des Brandibouc, Belpied et j’en passe) deviser entre eux et je fronçai les sourcils aussitôt. J’étais quasiment certaine qu’ils parlaient de l’héritage du vieil hobbit. Cela me rappela que j’avais croisé, à peine quelques minutes auparavant, les Bessac-Descarcelle qui cherchaient avidement ce qu’ils pourraient emporter. Lobelia avait même pourchassé tous les éventuels héritiers et avait fini par mettre la main sur ce pauvre Frodo qui avait eu bien du mal à se défaire de la mégère. À croire que nous ne fêtions pas un anniversaire mais la fin du vieux Bilbo. Tout avait des allures d’adieu. Non pas juste des « au revoir », mais bel et bien ce genre de cérémonie qui signifie « vous ne me reverrez plus jamais ». J’en eus mal au cœur pour le cousin de Frodo.
Étais-je la seule à le ressentir ? Je connaissais bien monsieur Bessac. Quand j’étais encore toute petite, il passait beaucoup de temps à nous raconter ses incroyables aventures mais malgré cela, il avait toujours aimé la solitude, comme si son meilleur ami n’était autre que lui-même.
Plus de la moitié des hobbits réunis aujourd’hui ne le connaissait pas vraiment, même ceux qui se prétendaient de sa famille. Un jour, j’avais donné mon avis sur la question et, même si maman n’aimait pas que j’en parle ouvertement, j’avais eu bien envie qu’ils sachent tous ce que j’en pensais. J’inspirai l’air frais de la soirée qui n’allait pas tarder à tomber et aperçus, sur une des tables, des pieds qui gesticulaient dans tous les sens. Ces derniers appartenaient à quelques Hobbits un peu trop joyeux. Ils manquèrent de faire tomber une cruche de vin. Danser au milieu de la victuaille ne semblait pas les déstabiliser plus que cela.
— C’est dégoûtant, murmurai-je, mécontente, en croisant les bras.
— Qu’est-ce qui est dégoûtant ? répéta Sancho Belpied.
Il observait avec curiosité le couple qui balançait maintenant les jambes, évitant de peu les cuisses de poulet rôti. Affreux ! Puis il mit un doigt dans son nez pour… Écœurée, je détournai aussitôt la tête.
Sancho avait le même âge que mon frère mais il était encore plus espiègle que lui. Hobbiteville n’avait qu’à bien se tenir avec ces deux-là.
— Rien, finis-je par dire, légèrement agacée. Va t’amuser et laisse-moi tranquille ! ajoutai-je avec humeur.
Malgré lui, Sancho me rappela ce que je cherchais, comme si je pouvais l’oublier ne serait-ce que quelques heures. Où était donc passé ce satané gamin ? Il me gâchait la fête ! Je regardai autour de moi et finis par repérer Meriadoc. Il se trouvait près d’un grand bac en bois où étaient entreposés les artifices du magicien Gandalf. Sans plus attendre, je relevai mes jupes à deux mains et rejoignis mon cousin au pas de course. Malheureusement, je fus arrêtée à mi-chemin par monsieur Bilbo lui-même que je percutai un peu brutalement. J’eus néanmoins le réflexe de le retenir avant qu’il ne chute à terre.
— Monsieur Bilbo, balbutiai-je, je suis désolée, je ne voulais pas vous bousculer, terminai-je en jetant des coups d’œil en direction de Meriadoc.
— Allons, allons, mon enfant ce n’est rien, me rassura-t-il avant de faire mine de s’en aller.
Nous fîmes deux pas dans la même direction, puis deux autres dans le sens inverse avant de nous excuser une nouvelle fois. Je finis par le laisser passer puis courus jusqu’au baquet. Malheureusement, c’était trop tard. Mon cousin avait disparu.
Je soupirai avant de trouver un banc sur lequel m’asseoir. Pourquoi étais-je incapable de faire confiance à Peregrin ? J’étais certaine qu’il était parti faire de nouvelles bêtises. Je me triturai les ongles en essayant de deviner où je pourrais le trouver.
— Tiens donc, mais ne serait-ce pas cette chère Pimprenelle Touc ? déclara une voix amusée aux accents mélodieux. Vous ne dansez pas avec vos sœurs ?
Je me retournai vivement vers elle et reconnus aussitôt Gandalf. Ce dernier vint prendre place à mes côtés.
— Je me souviens de vous, ma petite, continua-t-il tout en récupérant une longue pipe qu’il alluma dans un même mouvement.
Je reconnus l’odeur de l’herbe à pipe comme aimait en fumer mon père le soir après une dure journée de labeur. Cela me renvoya à un souvenir auquel je n’avais plus pensé depuis plusieurs années.
— Je rêvais d’être comme vous, dis-je dans un demi-sourire. Je voulais savoir faire des tours de magie et voir la joie éclairer les yeux des autres enfants.
Le magicien avait toujours su apporter le bonheur avec lui, comme si sa tâche la plus importante était de nous rendre tous heureux.
.
Je me revis toute petiote, attendant Gandalf avec l’exubérance qui sied à un âge si tendre. J’étais alors coiffée de deux longues nattes et ce jour-là, je portais même une couronne de fleurs, tressée par ma chère maman, qui penchait dangereusement sur ma tête. Mes robes bleu ciel étaient souvent salies avant midi par trop de vagabondages et quant à mon tablier, il était toujours taché par les fruits que je transportais dans mes poches. J’avais voulu rencontrer le magicien qui venait à cette époque nous raconter des histoires et faire des tours de magie. Je l’avais regardé faire, répétant ses gestes sous ma blouse, essayant de comprendre comment il s’y prenait. Je me souvins également m’être tenue devant lui quand tout le monde était parti. « Quand je serai plus grande, je serai comme vous ! » lui avais-je alors déclaré avec conviction.
Le vieil homme m’avait regardée d’un œil attendri, un grand sourire éclairant son visage aux traits marqués.
— Comment, ma petite ? Tu veux devenir comme moi ? Et qu’entends-tu exactement par « comme moi » ? Veux-tu prendre ma place ? Ou souhaites-tu mes vêtements ? Ma barbe peut-être ? termina-t-il tout en se grattant le front, ce qui avait fait se relever son chapeau pointu à large bord d’une étrange manière.
— Mais non ! avais-je objecté en riant. Moi aussi, je serai une hobbite magicienne.
Puis les années avaient passé avec leur lot de joies et de peines. J’avais gardé espoir et, avec le temps, j’avais fini par renoncer à développer un jour de tels dons.
Les hobbites magiciennes n’existaient pas. Tout simplement.
— Et donc ? demanda-t-il me ramenant au présent. L’êtes-vous devenue ?
Il tira sur sa pipe qui grésilla avant qu’il ne souffle d’étranges nuages de fumée blanche.
L’odeur des feuilles de Longoulet était vraiment agréable. L’idée farfelue me prit de vouloir m’y essayer quand je serai majeur. Serais-je la première femme hobbite à tirer la pipe ? Rien n’était moins sûr et cela me fit sourire.
— Non, j’ai grandi, maintenant, répondis-je fièrement tout en donnant un petit coup de pied dans un caillou. Je ne crois plus en la magie. Du moins pour les hobbits.
— Vraiment ?
Il me contempla quelques instants avant de se redresser. Ses articulations craquèrent sèchement.
— Bien, dit-il, la nuit est tombée, je vais pouvoir sortir le grand jeu.
Il fit quelques pas, puis se retourna vers moi.
— Allons donc, jeune Pimprenelle Touc, ne restez pas plantée là et suivez-moi !
Je scrutai le magicien, tout à coup méfiante. Que me voulait-il ?
— Pour quoi faire ? le questionnai-je, un peu anxieuse.
Il marmonna dans sa barbe, les yeux levés au ciel. Vexée, je me levai à mon tour et lui emboîtai le pas jusqu’aux artifices qu’il récupéra pour les transporter jusqu’à la lisière de la clairière où la fête avait lieu.
De là, il planta les fusées dans le sol et commença à les allumer. D’un geste ferme, il me fit reculer et les fusées s’élevèrent dans le ciel à une vitesse ahurissante. Une fois bien en haut chacune explosa pour délivrer des milliers d’étoiles multicolores.
— C’est magnifique, soufflai-je, admirative.
Au loin, je pouvais entendre les rires et les applaudissements des invités.
— Tenez, c’est à vous, me dit Gandalf en me tendant deux petites pierres qui crépitaient quand on les frottait l’une contre l’autre.
Je les contemplai un moment avant de m’en saisir.
— Et que suis-je censée faire avec ? demandai-je avec perplexité.
— Il suffit de tendre votre main vers la mèche.
Il me guida puis me lâcha quand la pierre produisit une petite flammèche qui enflamma le bout de la ficelle de la plus grosse fusée.
— Et maintenant, jeune fille, formulez dans votre tête ce que vous aimeriez voir dans le ciel.
C’était ridicule mais je ne pus m’empêcher de faire ce qu’il me demandait. Je fermai les yeux et me remémorai ce récit que le vieux Bilbo nous contait quand nous étions encore petits. L’histoire de ce dragon qui…
Des hurlements retentirent me faisant ouvrir brusquement les yeux. Au loin, tous les invités couraient en tous sens, se bousculaient et tombaient les uns sur les autres. Levant la tête, j’écarquillai les yeux en découvrant le dragon tel que je l’avais imaginé. Celui dont monsieur Bilbo nous avait parlé.
— Comment est-ce possible ?!
Paniquée, j’abandonnai le vieux magicien et courus pour rejoindre ma famille. Au même moment, le dragon se mit à scintiller avant d’exploser en une myriade de petites étincelles. C’est là que je compris qu’il s’agissait de la fusée que j’avais lancée.
Le souffle court, je regardai le ciel inondé de lumière avant de reprendre mon chemin d’un pas plus léger. C’est alors que Meriadoc en compagnie de Pippin – tiens donc – arrivèrent vers moi.
— Pimprenelle ! s’écrièrent-ils de concert, tu as vu ça ?!
J’acquiesçai en leur jetant un coup d’œil menaçant.
— Je peux savoir où tu étais passé, Peregrin Touc ? Je t’ai cherché partout, le grondai-je d’une voix que je voulais sévère.
— Oh, ça ! Je n’étais nulle part, enfin si, j’étais avec les autres… Enfin, tu sais bien, marmotta-t-il dans un bafouillage incompréhensible.
J’allais lui faire la leçon quand le vieux Bilbo monta sur l’estrade pour entamer un discours. Mon frère et mon cousin se turent et tournèrent la tête vers lui après m’avoir fait signe de me taire. Ils ne perdaient rien pour attendre, ces deux-là. C’est alors que Gandalf réapparut à mes côtés. Il me fixait avec intensité.
— Vous voyez, Pimprenelle Touc, ce soir, vous avez réalisé votre rêve.
Et il me laissa là sans un mot de plus. Je l’observai se diriger vers la colline de Cul-de-sac avant de comprendre ce qu’il avait voulu me dire.
Finalement, il y avait bien des Hobbites magiciennes…
C’est alors que des exclamations retentirent de part et d’autre.
Le vieux Bilbo venait de disparaître devant toute une foule.
…
Et des hobbits magiciens…
Certainement !
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Merci pour ce coup d'électrochoc à ce sujet subclaquant ! Et avec la manière en plus.
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Quelle belle surprise !
Le rouge de la honte me monte au front car des préparatifs sur ce sujet trainent oubliés dans mes cartons depuis de longs mois. Mais le rose de la joie teinte mes joues de lecteur.
Bravo et merci les filles pour vos textes. Toutes deux, Isabelle et Annalia, mêlez habilement le douillet art de vivre à la Hobbite, et l'appel de l'aventure, aux marges des terres civilisées ou du souvenir.
Et cela est pour moi l'essence même de l'aventure en Terre du Milieu.
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Chiara Cadrich, si tu as le temps, peut-être pourras-tu nous faire la joie d'une de tes nouvelles sur les 111 ans de ce cher Bilbo. Je serai plus qu'enchantée (et curieuse) de te lire sur le sujet !
En tout cas, ce fut bien plaisant à imaginer et écrire.
Merci !
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08.07.2018, 19:19
(Modification du message : 03.12.2018, 02:10 par Chiara Cadrich.)
Bonsoir à tous !
Un dimanche ensoleillé et studieux, alors choses promises, choses dues, voici 2 promesses remplies.
Une contribution aux "80 ans", et une apologie discrète du Comté et du Vin Jaune.
Par petits bouts, modération oblige...
Othon
.oOo.
L'horloge comptait les secondes.
Lobelia comptait ses deniers.
Le bahut patiné se dressait comme la statue du Roi, face à la cheminée, meublant le salon de son rythme séculaire. Les minutes elles-mêmes paraissaient plus riches, égrainées par ce pendule au laiton récemment doré à neuf.
Lobelia, courbée devant son guéridon de bois ciré, poursuivait sans fin l’empilement méticuleux de son pécule sur le napperon de Tante Lalésine.
La servante avait fini de débarrasser le repas et s’était réfugiée dans la cuisine, fuyant l’aigre humeur d’avarice et la moue éternellement soupçonneuse de ses maîtres.
Othon raisonnait, le timbre acerbe et le verbe conquérant :
- Avec les débouchés que je viens de trouver pour la fromagerie de Descarcelle, nous allons bientôt pouvoir nous agrandir ! J’ai déjà pu racheter les laiteries de Longoulet sous le nom de Descarts, ce vieil idiot de Bilbon n’y a vu que du feu !
- Grâce aux terrains qui me viennent de Tante Parcimonia, nous sommes en bonne posture pour dicter nos prix aux Touque ! se réjouissait Lobelia avec un sourire mauvais, sans pourtant lâcher son crayon et ses écus.
- Sans compter que la demande dans le Sud ne cesse d’augmenter !, poursuivait son époux. Dès la saison prochaine, il faudrait racheter les arpents du Vieux Clos à ce vieil ahuri de poète ! Il n’en connait pas la valeur ! Et dire que c’est mon père qui avait cédé ces vignes à oncle Bungo ! Quelle pitié !
- J’ai entendu dire qu’il préparait une réception grandiose ! Voilà encore qu’il jette notre argent à tous les vents !
- Pouah ! Une kermesse pour les troupeaux indigents de Hobbitebourg ! Heureusement que nous ne sommes pas invités !
Une fois terminée sa propre collation – fond de soupe aux choux et restes des cartoufles au lard de ses maîtres, avec les poires blettes qu’il fallait absolument terminer - la jeune servante gratta timidement à la porte.
Mal lui en prit, Lobelia détestait être interrompue dans ses décomptes :
- Qu’est-ce que c’est ? Tu n’as donc point de vaisselle ou de chaussette à repriser ? On te paye donc à niaiser ?
- Pardon, Maîtresse ! Mais le commis des postes a donné cette lettre pour vous.
Un peu tremblante, la petite s’avançait, tenant des deux mains une grande enveloppe de papier au grain délicat, qui embaumait la violette. Sa lecture était incertaine, mais la calligraphie à l’encre d’or avait produit grande impression sur la jeune hobbite :
De la part de Bilbon Bessac,
A l’intention de ses très chers et très estimés Bessac-Descarcelle
Réception au pavillon des Vénérables Invités Privilégiés
.oOo.
A suivre...
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Voilà un début agréable qui promet moult rebondissements intéressants. J'aime beaucoup la manière dont tu dépeints la vie des hobbits avec un vocabulaire tout à propos. Lire un récit du point de vue des rapaces, pardon de Lobelia et son mari est tout à fait bien choisi.
Je suis impatiente de lire la suite.
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09.07.2018, 19:28
(Modification du message : 03.12.2018, 02:05 par Chiara Cadrich.)
Salut Annalia !
Rapace, c'est bien cela !
Le meunier
.oOo.
Le meunier, engoncé dans une livrée trop petite pour lui, invectivait les badauds qui encombraient le chemin des trous-du-talus et gênaient le passage de son attelage. Othon, assis sur la banquette tendue de velours cramoisi, prenait des poses ennuyées, dans son impeccable redingote grise aux boutons dorés. Son épouse à ses côtés, qui cachait son maquillage outrancier derrière un éventail dernier cri, rayonnait de taffetas irisés et de soies rutilantes. Mais c’est la coiffe de la mégère qui retenait toutes les attentions : on eût dit la réplique chevelue, de ces montagnes solitaires dressées au bout du monde connu, et dont Bilbon avait ranimé les légendes.
Une foule se pressait devant le grand portail tout récemment ouvert en bas du champ de la fête. Les hobbits s’écartèrent ébahis devant la charrette, pompeusement chamarrée de fanfreluches. Quelques quolibets fusèrent, mais Lobelia se rengorgea et ordonna au laquais d’« actionner le marchepied ». Le dit laquais – le fils du meunier, attifé tout comme son père – disposa une caisse de carottes et un coussin, et le digne couple put descendre de son « carrosse » pour faire son entrée à Cul-de-Sac.
La rumeur avait couru que Rouquin Père avait vendu son moulin, mais jusqu’ici l’on ignorait qui pouvait bien être l’éventuel repreneur. A présent aucun doute n’était plus permis. Mais pour le moment cette nouvelle était laissée de côté – avec les spéculations qui en découleraient - tant faisaient sensation les ridicules tentatives des Bessac-Descarcelle, de se « donner des airs ».
Bilbon, comme à son habitude, se montra charmant et fort poli en les accueillant au portail, même si Lobelia goûta peu son compliment à sa « majestueuse meringue ».
.oOo.
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Ahah c'est excellent ! Majestueuse meringue...
Finalement ce projet prend son temps mais les contributions sont top !
I. M.
For east or west all woods must fail...
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10.07.2018, 20:08
(Modification du message : 03.12.2018, 02:04 par Chiara Cadrich.)
Merci Isabelle !
Lothon
.oOo.
Lothon n’avait pu échapper à une revue détaillée de ses habits de fête. Pantalon neuf, chemise à manches bouffantes, col empesé, gilet chamarré, élégante veste de tweed… Le miroir en pied lui renvoyait l’image d’un garçon dont il ne reconnaissait que la face boutonneuse. Sa tenue le grattait horriblement, et - le Roi seul sait pourquoi – désormais sa mère trouvait peu distingué que l’on se grattât en public. Mais il avait obstinément refusé de monter dans le « carrosse » avec ses parents. Son père lui avait accordé quartiers libres, en contrepartie de quoi il s’était vu confier une mission spéciale par son intraitable maman.
Pendant toute la journée, il avait vaqué aux distractions et trinqué d’une table à l’autre, le plus souvent en compagnie de son ami Ted, le fils du meunier, qui portait des frusques assez coquasses, avec bas de laine et livrée à jabot ! Les larrons avaient ensuite établi leur quartier général, au bar de la grande cuisine de plein air, sise tout en haut du champ.
Vers le milieu de l’après-midi, la grande tonne de bière commença à donner des signes de sécheresse. Et c’est avec beaucoup d’à-propos que les compères offrirent d’aider les nains à quérir, installer et percer sa « petite-sœur ». Ainsi, leurs allées et venues vers les réserves passaient inaperçues.
Ils étaient à présent dans la place – le cellier principal de Cul-de-Sac. Lothon sortit de sa manche une longue baguette de coudrier. Pendant que Ted faisait le guet, longuement, le fils de Lobelia ausculta le sol à l’aide de son instrument de sourcier, et sonda les murs à la recherche du trésor de Bilbon l’Aventurier. Plusieurs fois, ils faillirent se faire prendre, et durent interrompre les recherches pour donner un coup de main, transporter des baquets de glace ou approvisionner une buvette.
Mais les efforts des larrons furent couronnés de succès – Lothon découvrit, dissimulé dans une cache sous les planches de la glacière, un véritable trésor ! Les compères s’attachèrent immédiatement à déterrer le magot, qui jetait des reflets ambrés sur les murs du cellier.
Malheureusement pour eux, les voleurs ne surent résister à l’attrait pernicieux de leur butin : ils y goûtèrent !
Le breuvage suave et doré coula dans leur gorge comme une panacée merveilleuse, évoquant les soirées d’automne et la saveur des noix sèches. Ils ne parvinrent même pas à décacheter une seconde bouteille : on les retrouva le lendemain de la fête, ronflant dans les bras l’un de l’autre !
.oOo.
A suivre...
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11.07.2018, 22:05
(Modification du message : 03.12.2018, 02:07 par Chiara Cadrich.)
Lobelia
.oOo.
Lobelia et Othon, comme l’ensemble des invités du pavillon d’honneur, étaient sortis pour assister au feu d’artifice. Le vieux vagabond bien connu à Hobbitebourg - celui-là même qui avait stupidement entraîné Bilbon dans ses aventures, et qui l’en avait plus stupidement encore ramené – tirait les fusées.
Entre les oh ! et les ah ! d’admiration de la foule, Lobelia pestait contre ces démonstrations tape-à-l’œil et dispendieuses qui célébraient l’irresponsabilité aventureuse de façon si perverse.
Après moult pétarades et lueurs éclatantes, les lumières s’éteignirent. Une grande fumée s'éleva. Elle prit la forme d'une montagne vue dans le lointain, et elle commença de rougeoyer en son sommet.
- « Oh ben v’la l’or qui monte à la tête de Lobelia !», lança un jeune Bolger.
Il est vrai que l’improbable galurin de Maîtresse Bessac-Descarcelle avait un peu des allures de Mont Solitaire. La victime du sarcasme se tourna vers le coupable en levant un doigt menaçant. Le sourire moqueur du galopin s’évanouit. Lobelia s’apprêtait à le gober tout cru, mais à ce moment la montagne - celle du feu d’artifice – cracha des flammes vertes et écarlates. S'envola un dragon d'or rouge non pas grandeur nature, mais terriblement naturel d'aspect, il y eut un rugissement, et il survola par trois fois les têtes de la foule, en sifflant. Tous se jetèrent face contre terre. Le dragon passa comme un express, se retourna en un soubresaut et éclata au-dessus de Lézeau en une explosion assourdissante.
Frédégar Bolger, implorant pardon pour son outrage, décampa sans demander son reste, laissant fulminante Lobelia le Dragon.
« C'est le signal du souper ! » dit Bilbon. La douleur et l'alarme s'évanouirent d'un coup, et les Hobbits prostrés se relevèrent d'un bond. Les Bessac-Descarcelle s’assirent en bout de tablée, assez mal à l’aise sous les regards distants, sinon désapprobateurs de leurs pairs. Jamais ils n’avaient été très appréciés… Mais patience, on verrait ce que l'on verrait...
Les tables constellées de bougies rayonnaient autour de l’arbre illuminé, qu’englobait l’immense chapiteau des « Vénérables Invités Privilégiés », lui aussi tout piqueté d’étoiles multicolores. Lobelia jeta des regards concupiscents vers les couverts d’argent, alignés comme des compagnies de petits chevaliers en armure sur la nappe brodée. Pour la majorité des hobbits présents, de nature assez terre-à-terre, ces fantaisies et ces richesses paraissaient un peu bizarres. A dire vrai toute cette mise en scène aurait prêté à rire, si les fumerolles qui s’élevaient des mets disposés à table, n’avaient promis monts et merveilles culinaires.
Et ces promesses furent tenues, et bien au-delà, tant l’art de Bilbon avait mûri avec l’âge.
Puis il fallut en passer par le discours. L’inévitable pensum risquait de s’étirer, accumulant récits grotesques et poésie lénifiante du cru de Bilbon. Pourtant les invités, bienveillants comme peuvent l’être des hobbits repus, encourageaient un peu leur hôte, qui monta sur une chaise sous les lanternes du grand arbre.
Au début, le vieux fou sembla admirablement s’en tirer, flattant sans vergogne l’enthousiasme hobbit pour les joyeuses réunions de famille. Mais Lobelia détecta tout de suite que quelque chose clochait : le sourire de l’orateur était trop espiègle, ses compliments trop emberlificotés - il devait préparer quelque tour pendable. D’ailleurs il tripatouillait nerveusement quelque chose dans sa poche, tandis que s’égarait son regard dans la pénombre au-delà des collines.
L’appel des grands espaces, ce mal congénital de son côté Touque, le travaillait manifestement. Et le jeune Frodon lui aussi, semblait tout bizarre, à écouter le vieil original d’un air distrait, comme si tous deux étaient déjà absents…
Lorsque Bilbon réclama le silence en cornant par trois fois, et qu’il lança « Je vous ai tous rassemblés pour une certaine raison » avec un air étrange, elle sut que le versant Touque de sa personnalité – son côté timbré - allait prendre le dessus d’un moment à l’autre. Secouant Othon qui cuvait son repas, Lobelia fut prise d’un espoir insensé.
Son sang ne fit qu’un tour lorsque Bilbon tint à rappeler que Frodon, la pièce rapportée, « entrait aujourd’hui dans sa majorité et dans son héritage » : l’incontrôlable héritage Touque, allait-il encore une fois déferler, emportant pêle-mêle la raison de l’oncle et la prudence du neveu ?
Bilbon poursuivait, le regard lointain et la main toujours nerveuse dans sa poche :
- Troisièmement et pour finir, dit-il, je voudrais vous faire une ANNONCE. J'ai le regret de vous annoncer - quoique, je vous l'ai dit, undécante-un ans soit un temps bien insuffisant à passer parmi vous, que ceci est la FIN. Je m'en vais. Je pars MAINTENANT ! ADIEU !
Bilbon descendit de sa chaise et tout simplement, il disparut !
Il y eut un éclair aveuglant, qui fit cligner des yeux toute l’assemblée. Lobelia maintint les siens fermés, formant des vœux pour que…
Elle les rouvrit – hé bien non, Frodon, lui, n’avait pas disparu : l’imposteur assis sur sa chaise, restait le regard dans le vide, insensible au tollé qui enflait sous le pavillon.
.oOo.
A suivre...
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12.07.2018, 19:28
(Modification du message : 03.12.2018, 02:08 par Chiara Cadrich.)
Sam
.oOo.
Sam suait à grosses gouttes sur la route de Longoulet. Chaque pas lui coutait, arc-bouté sur sa brouette lourdement chargée. Les vaches du Quartier Sud le regardaient passer en mâchonnant leur herbe grasse, sous un soleil impitoyable.
Son chargement quant à lui, se portait très bien : le regard un peu trouble et les idées embrouillées, Lothon profitait de la balade en se délectant des efforts du jeune Sam :
- C’est gentil de me ramener chez moi. J’suis bien sûr que t’en aurais pas eu l’idée tout seul, pas vrai ?
- L’Ancien a dit « Débarrasse-m’en Cul-de-Sac d’cette balayure ! »
- Oh ben y faudra qu’tu t’habitues, bientôt c’est mon père qui sera le chef à Cul-de-Sac !
- Tu radotes des menteries sans savoir ! siffla Sam entre ses dents
- Hmm, tu défends encore cet étranger, ce Frodon ! Un Brandebouc ! Mais ma mère va faire casser son héritage ! C’pas naturel, c'te disparition manigancée avec ce magicien ! Qui sait où ils ont escamoté le corps de ce vieux timbré de Bilbon ?
C’en fut trop pour Sam.
Lothon fut propulsé sans ménagement dans l’abreuvoir des laitières.
- Profites-en donc pour te laver, La Pustule !
.oOo.
Fin !
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Excellent ! Merci Chiara !!
I. M.
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Merci beaucoup d'avoir participé à ce sujet.
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14.07.2018, 11:42
(Modification du message : 03.12.2018, 02:10 par Chiara Cadrich.)
Merci à vous !
Mieux vaut tard que jamais. Ce pourrait être l'adage de Bilbon, d'ailleurs.
Je me rends compte que j'ai oublié un épisode… entre la majestueuse meringue et les aventures de Lothon.
Il a pour but d'insinuer que déjà, Saroumane préparait en sous-main, l'accès aux ressources économiques de la Comté, au service de ses goûts de luxe et de sa puissance militaire naissante.
Rory Brandebouc
.oOo.
Lorsque les Bessac-Descarcelle pénétrèrent sous le pavillon des « Vieux Idiots Pompeux » - comme le nommait l’irrévérence du commun des hobbits, privé des agapes raffinées qui s’y dérouleraient - le vieux Rory Brandebouc se pencha vers le presque aussi vieux Ferumbras Touque :
- Voilà l’ambition au bras de la cupidité !
Le Touque jaugeait les situations de famille avec dérision :
-Bilbon aurait dû épouser Lobelia ! Il n’aurait certes pu s’adonner à ses aventures absurdes, et ses richesses acquises de façon douteuse l’eussent été par l’honorable voie du mariage ! Quant à elle, son instinct de dragonne gardienne du trésor, eût profité de l’affable gentillesse du bonhomme !
- Bessac le Fou et Descarcelles la Despote, tous deux muselés par l’anneau du mariage ! Qui peut croire à cette fable ? J'ai le sentiment qu'aucun anneau ne pourra jamais avoir raison du dérangement de ces deux-là ! (1)
Comme si Lobelia, de l’autre bout de la table, se fût doutée que les deux compères parlaient de sa mésalliance, elle les toisa d’un regard à faire tourner la mayonnaise.
Pour se donner une contenance, Rory se resservit du Vieux Clos, leva courtoisement son verre en direction de Lobelia et enchaina sur le ton de la confidence :
- Je me demande d’où Othon tire tout cet argent et ces idées ! Jusqu’ici il n’avait rien réalisé de bien remarquable… Le notaire Fouille le jeune ne veut rien me dire officiellement, mais je sais qu’Othon achète à tour de bras les propriétés de Bilbon – une offre anonyme a été enregistrée sur les vignes de son père Bungo et même les plants de « Nectar Doré » de son grand-père Mungo. Et tout cela, sans que ce toqué de Bilbon semble s’en inquiéter !
- Oh, il n’y a pas que cela ! Je sais que Lobelia a acheté et fait agrandir la fromagerie qui appartenait à la maman de Bilbon, ma tante Belladone ! Ils fabriquent maintenant des meules de longue garde, beaucoup plus volumineuses. De grandes roues dorées, salées et affinées bien plus longuement ! C’est aussi pour cela qu’Othon a acheté les anciennes carrières du Gué de Sarn, pour les y entreposer. Et puis hop, Passez Muscade ! - les fromages sont expédiés le Roi sait où, et on n’en voit plus que quelques meules sur les marchés du Quartier Sud !
.oOo.
Notes
[1] Le lecteur notera l'extraordinaire lucidité du chef Brandebouc !
.oOo.
Et cette fois, c'est vraiment fini.
Merci pour vos encouragements et votre patience.
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Je vais vous avouer que j'étais un peu perplexe en lançant se sujet. Je me doutais bien que ça serait sur le long terme et, je l'espère, que d'autres contributions viendront se greffer à celle qui ont déjà été faites.
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