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Tolkien le catholique.
#61
A mon humble avis, je pense que cela est difficile voire impossible. La présence de la religion (comme il a été dit au-dessus) dans l'oeuvre fictionnelle de Tolkien est trop diffusée (ou "infusée") pour qu'elle soit analysable en tant que telle (en tant qu'elle se comprend comme un rapport à Dieu exclusivement).

Par ailleurs, je ne comprends pas très bien ta récusation de l'argument de Fergus juste au-dessus, enfin je le comprends, mais je ne suis pas certaine que l'on puisse appliquer une analyse purement théologique à un texte de fiction destiné à un lectorat qui n'est pas initié - à mon sens, l'analyse purement théologique d'un texte ne peut se faire que pour un texte théologique, en dehors de ceux-là, l'analyse théologique se mêlera forcément à d'autres aspects (en particulier et au minimum, sociologiques), et ne peut les négliger.

Sinon, pour répondre à ton explication qui répondait à mon message plus haut Smile

Citation :Par ailleurs, j'ai cru comprendre que Tolkien allait tous les jours à la messe. Tu en connais beaucoup vous des gens comme ça? Pour aller tous les jours à la messe, il faut être obsédé par Dieu. Je vois mal comment on peut faire abstraction de cela lorsqu'on s'interresse à Tolkien.

En effet, Tolkien était très religieux. De là à dire qu'il allait à la messe tous les jours, je ne sais pas. J'ai profité de ce sujet et ce débat pour refaire un tour dans la Biographie et les Lettres et je ne suis pas arrivée à cette conclusion (à part pour son enfance et adolescence)(mais j'ai retrouvé des détails intéressants du coup ^^). C'est en cela aussi que je pense que sa religion, sa foi en l'occurrence, ne peut pas complètement être séparée d'une analyse à la fois sociologique, historique et psychologique. L'attachement de Tolkien pour le catholicisme était en grande partie liée à ses attachements affectifs (avec sa mère puis avec le père Francis Morgan), mais aussi à toute une époque (la présence de la religion dans son école-lycée était réelle, de même que dans la vie quotidienne de Tolkien à Birmingham, puis à Oxford en tant qu'étudiant - les moeurs ont changé).
En farfouillant donc, il me semble que les lettres 250 (où il explique que les prêtres etc. peuvent être mauvais, mais que ce qui compte avant tout c'est la foi propre) et 306 (où il reconnaît l'existence d'un développement des religions et de l'Eglise au fil de l'histoire, et que les catholiques sont plus acceptés dans la société contemporaine en Angleterre, tout en rappellant que lui s'est senti persecuté en tant que catholique étant enfant) sont d'une lecture utile Smile.


Citation :Et le Pape aide à se protéger contre l'idée de posséder la Vérité comme le Gandalf protège contre l'idée de possèder l'anneau.
Au-delà du rapport avec Tolkien, permets-moi de réagir à ceci, je ne vois pas en quoi le pape aide à se protéger contre cela, puisque le pape est justement la personne qui promulgue les bulles qui donnent forme et corps au dogme catholique et le font évoluer. S'il y a quelque chose qui permet de se protéger contre l'idée de posséder la Vérité, pour moi cela se situe plutôt dans la foi pure, qui mène à l'humilité (comme tu le disais, si j'ai bien compris).
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#62
(02.05.2012, 17:32)Druss a écrit : Pour être honnête, moi qui n'y connait rien en religion, je ne pige rien à tes propos. Je n'ai rien contre le fait de confronter les points de vue, mais 3 pages sans un fond clair, je suis désolé, mais je ne vois l'intérêt. J'aimerais bien que tu apportes des citations, des références à des critiques, ou toutes autres sources du même acabit (même des illustrations de la main de Tolkien, si besoin) qui permettraient d'avancer réellement.

En fait la difficulté vient du fait que chez les catholiques on trouve difficilement des gens qui connaissent suffisemment Tolkien et chez les amateur de Tolkien, on trouve difficilement des gens qui connaissent suffisamment le catholicisme.

On trouve même des gens qui cultivent le paradoxe soit d'être catholiques et d'être rebutés par Tolkien, soit d'aimer Tolkien et de haïr le catholicisme. Mr. Green


Personnellement, je n'ai lu le SdA qu'une fois et attaque une nouvelle lecture aprés être passé par Saint augustin et Saint Thomas d'Aquin.
Et alors que ma comprehension de la foi grandissait, je me rendis compte que j'étais passé à côté de pans entiers du livre.

Certes, ce que je découvrais dans le SdA à la lumière de la foi se retrouve en partie dans les essais lisibles sur ce site mais certains éléments manquent. Notamment la foi qui est à mon sens présent dans le rapport à l'Anneau.
Je ne désespère pas de découvrir autre chose au fil de ma relecture (il y a déja tant de choses à dire sur les péchés véniels des Hobbits!).

Je tiens aussi à préciser que je découvre dans les essais tout un tas de choses auxquelles je n'avais pas pensé.


L'oeuvre de Tolkien est complexe. Est-il imaginable qu'un lecteur qui connait, comprend et vit la foi catholique voit des choses dans le SdA qu'un autre ne verra pas ? Comme le linguiste y voit des choses que les autres sont incapables de voir.
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#63
Mais est-ce que tu aurais des citations précises à nous soumettre pour illustrer ton propos ? Tu dis que « certains éléments manquent. Notamment la foi qui est à mon sens présent dans le rapport à l'Anneau. » ou encore qu' « un lecteur qui connait, comprend et vit la foi catholique voit des choses dans le SdA qu'un autre ne verra pas ». Est-ce qu'il y a une phrase tirée du roman qui pourrait nous permettre de mieux comprendre ce que tu dis ? Juste un exemple qui pourrait nous montrer que tes idées ne sont pas que de pures extrapolations ?
"Come Frodo, there! Where be you a-going? Old Tom Bombadil's not as blind as that yet. Take off your golden ring! Your hand's more fair without it."
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#64
(02.05.2012, 18:15)GURTHANG a écrit : L'oeuvre de Tolkien est complexe. Est-il imaginable qu'un lecteur qui connait, comprend et vit la foi catholique voit des choses dans le SdA qu'un autre ne verra pas ? Comme le linguiste y voit des choses que les autres sont incapables de voir.

A ta question je répond oui même si je ne "connais" pas la foi (la foi n'est pas à mon avis affaire de connaissances mais affaire de morale et de valeur tout d'abord), je la comprend et la vie.
Ensuite dire que Tolkien aller tout les jours à la messe est faux, il y aller beaucoup oui, mais replaçons nous à son époque et dans son milieu social, était-ce si rare de voir des gens comme lui fréquenter régulièrement les églises?
Tout ça pour en revenir à l'étude du catholicisme dans le SDA, qui je pense n'a pas été abordé "à bras le corps" comme tu dis pour une raison que j'ai évoqué plus haut et qui a été reprise clairement par je ne sais plus qui "le catholicisme est trop diffusé et infusé dans l’œuvre". En effet en plus de ne pas vouloir faire d'allégories Tolkien écrivait pour son plaisir (construire une base historique à ses langues imaginaires) et pour faire rêver ses lecteurs qui après Bilbo le Hobbit voulaient retrouver la Terre du Milieu son imaginaire et ses gens simples et bons que sont les Hobbits. Or comme je l'ai dis plus haut pour rêver on s'inspire des idéaux,valeurs auxquels on croit mais aussi de tout l'imaginaire dont on a connaissance.
Il n'était pas dans l'intention de Tolkien de faire passer un message religieux dans ses livres, ou du moins on n'en a pas trace et il ne me semble pas à la lecteur des HOME, du SDA et de Bilbo. Dans le SDA on peut voir des valeurs qui ont due marquer Tolkien telles que le courage,la droiture, la bravoure et l'abnégation pour une cause plus grande, l'intérêt général (Tolkien les a surement vu durant les guerres mondiales), désolé mais j'attache beaucoup d'importance au contexte historique dans la production artistique car même la religion change avec l'Histoire.
Il n'y a que dans les textes fondateurs de la mythologie de Tolkien que la touche catholique est vraiment présente mais là elle se justifie par le fait qu'il réécrivait une mythologie de l'Angleterre et qu'il était fortement croyant, donc comment pouvait-il imaginer autre chose qu'un dieu unique Eru créateur? Mais ces textes sont à détacher des autres car ils sont bien particuliers et le catholicisme n'en ai pas la seule source d'inspiration.

Bref prendre à bras le corps le catholicisme dans l’œuvre de Tolkien serait réducteur car il est trop diffus. Contrairement peut-être à Narnia de C S Lewis mais là je ne m'avance pas plus.
J'ai l'impression de me répéter mais dans toutes ces échanges plus où moins clair pour moi, ma position me semble la plus juste.
Pour ma part j'aime bien expliquer les choses, leurs fondements ce n'est pas pour rien que je suis parti en études scientifiques, mais il y a des domaines où vouloir tout expliquer peut nuire, particulièrement en matière d'art où le goût et le plaisir, notions totalement personnelles, prennent une trop grand part.

ptit du nord
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#65
C'est déjà bien long tout ça, je ne sais pas trop comment commencer.

Mais déjà, je pense qu'il y a quelques petites choses à nuancer. D'une part, attention à ne pas surinterpréter la volonté de Tolkien à écrire une "mythologie pour l'Angleterre" évoquée plus haut : c'est surtout vrai pour les premières strates du légendaire, comme il l'explique dans sa lettre à Milton Waldman (partiellement citée en n° 131 dans les Lettres, et par la suite intégralement publiée dans d'autres ouvrages), où il s'inspire dans sa jeunesse du matériel mythologique des Eddas, Kalevala, Beowulf etc. et place son monde de fiction dans un contexte pseudo-historique (le marin anglo-saxon Aelfwine, Tol Eressea conçue comme la Grande Bretagne etc.). Le projet littéraire a évolué et c'est à plusieurs égards beaucoup moins vrai par la suite, même s'il en subsiste des traces. C'est difficile à traiter en quelques mots ici sans trop dériver du sujet de ce fuseau, mais cette question a déjà été abordée dans plusieurs articles.

Ensuite, sur la "teinte" religieuse et catholique romaine, il convient aussi de la nuancer. Elle n'est pas intrinsèquement présente dès le début du légendaire, comme Tolkien l'explique dans une autre lettre, elle lui est surtout apparue lors des révisions du Seigneur des Anneaux. Elle s'est aussi manifestée juste après, quand il s'est à nouveau penché sur son "Silmarillion" : en simplifiant ici à l'extrême, cela couvre une période allant de 1947 à 1958 environ, pendant laquelle il s'est inquiété sur la manière de rationaliser son œuvre et de la mettre en adéquation avec ses croyances. Cela l'a notamment amener à se poser des questions fondamentales (qu'il n'a pas toujours su complètement résoudre sans remanier son légendaire et l'emberlificoter) - Quelques exemples viennent à l'esprit, que je simplifie forcément encore ici : les questions de la réincarnation des Elfes (et par là, de la nature de leur "âme"), de la nature des Orques (et par là, de la capacité du Mal à corrompre la Création), et enfin de la possibilité même du Mal (et par là, une réflexion sur la nature de Melkor et Sauron). Cela a donné des notes parfois confuses ou remettant trop en cause ses écrits, mais aussi quelques très beaux textes, tels que l'Athrabeth Finrod ah Andreth et l'Osanwe-kenta (respectivement publiés dans Morgoth's Ring et Vinyar Tengwar n°39).

Enfin, il y a, je pense, un autre point à rappeler pour bien savoir de quoi on parle quand on évoque le catholicisme de Tolkien : il s'agit de catholicisme romain, dans un pays majoritairement anglican, ce qu'il faut aussi replacer dans son contexte à l'époque - c'est à dire une éducation et une pratique de la foi qui diffèrent de la pratique générale autour de lui (notamment sur le rapport à la Vierge Marie et aux sacramentaux). C'est une situation que nous appréhendons forcément différemment, dans notre contexte actuel et depuis un pays où la culture chrétienne est majoritairement celle du catholicisme romain.

Voilà déjà pour quelques nuances rapides.

Didier.
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#66
Permettez encore un petit complément (je grappille dans vos interventions précédentes)...

Prendre "à bras le corps" le catholicisme dans l’œuvre de Tolkien, il y en a bien eu quelques tentatives, mais ce ne sont pas forcément les meilleurs essais qu'il m'a été donné de lire et je ne vais pas les citer (ou alors peut-être un seul même si je ne suis pas totalement convaincu par la forme du propos ?). Sauf à ce contenter de grandes phrases simplistes (et de valeurs très générales au final), poser l'équation "Tolkien catholique = Seigneur des Anneaux catholique" de façon globalisante est à mon avis un non-sens et une erreur, surtout vu les précautions de Tolkien pour éviter l'allégorie et la transposition de texte (ce qui l'oppose effectivement en partie à C.S. Lewis, il me semble, mais je connais trop mal ce dernier pour dépasser ce qui m'en a été dit). De même que poser des équations strictes comme "Eru = Dieu" est un non-sens et une erreur, etc.

Didier.
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#67
(03.05.2012, 03:10)Hisweloke a écrit : Cela a donné des notes parfois confuses ou remettant trop en cause ses écrits, mais aussi quelques très beaux textes, tels que l'Athrabeth Finrod ah Andreth et l'Osanwe-kenta (respectivement publiés dans Morgoth's Ring et Vinyar Tengwar n°39).

Pour ceux que ça intéresse, vous pouvez trouver une traduction autorisée de l'Osanwe-kenta sur notre site.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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#68
Merci Hisweloke et Druss pour ces précisions.

Il est clair (enfin, à mon avis) que le Seigneur des Anneaux et l'ensemble de l’œuvre de Tolkien ne sont pas un décalque du catholicisme romain dans un monde de fantasy, et qu'il serait vain de vouloir retrouver dans l’œuvre les dogmes et les figures du catholicisme romain, surtout d'une manière systématique.

Il est toutefois aussi clair, je pense, que Tolkien, surtout dans les années tardives que cite Hisweloke, s'est posé - par rapport à l’œuvre - des questions fondamentales que se posent tous les croyants, et aussi des non-croyants, sur la nature du monde, celle de l'Homme, du Mal et de ses origines. Ces questions, et les réponses qu'il a tenté d'y apporter, semblent s'inscrire dans le cadre sa vision personnelle, qui était chrétienne, et en particulier catholique romaine.

Réfléchir sur les rapports entre la foi de Tolkien d'une part, et la "doctrine" implicite en matière philosophique, théologique et métaphysique contenue dans son œuvre d'autre part, nécessite quelques précautions préalables. Il faut, je crois, tout d'abord bien connaître l’œuvre tolkienienne. Non seulement l'avoir lue, mais l'avoir assez "travaillée" pour y faire des références précises, non seulement tirées du SdA, mais de toute l’œuvre telle qu'elle se présente à nous, c'est-à-dire dans son évolution (connue grâce à HoME). J'avoue que je ne la maîtrise pas assez aujourd'hui pour avoir ce niveau. J'y travaille.

D'autre part, il faut aussi posséder une culture solide en matière d'histoire des religions, de philosophie, de métaphysique, etc. Les grandes questions auxquelles je faisais allusion au début de ce message, ont été abordées par d'innombrables penseurs issus de toutes les cultures, de toutes les religions/traditions. Le catholicisme romain de Tolkien, par exemple, n'est pas un bloc homogène isolé du reste du monde, c'est un courant de pensée théologique vivant et donc évolutif, en relation avec d'autres courants plus ou moins éloignés ou proches avec lesquels il partage ou non certains concepts et certaines valeurs. Ces proximités peuvent se retrouver dans l’œuvre tolkienienne, d'une manière plus ou moins explicite. Par exemple, l'Ainulindalë est à la fois très originale (la notion de création musicale est une belle invention poétique), mais aussi très proche, dans ses grandes lignes, de toutes les conceptions cosmogoniques de la tradition judéo-chrétienne – et pas seulement catholique romaine. En tentant de concilier une origine unique (Eru) avec une mythologie apparemment polythéiste (les Ainur, dont certains deviennent liés à Arda : les Valar et les Maiar), l'Ainulindalë et sa suite, le Valaquenta, se rapprochent de conceptions cosmogoniques gnostiques où la Création se produit par émanations en plusieurs étapes, dans une graduation facilement accusée de "panthéisme" par l'orthodoxie chrétienne. Les Ainur sont à la fois les « anges » de l'angélologie d'origine sémitique, et, en tant que Valar et Maiar, les « dieux » des paganismes indo-européens. Dans ce contexte, il semble en effet impropre d'assimiler Eru Iluvatar au « Dieu » du christianisme catholique. Il n'est ni Dieu-le-Père, ni, évidemment, le Fils ou le Saint-Esprit, ni même le Dieu triple.

La Création par émanation implique aussi la notion d'exil de l'Homme dans une terre dominée par le Mal et, en effet, dans l’œuvre tolkienienne, les Enfants d'Iluvatar sont (presque) tous soumis au "marrissement" d'Arda. Seuls les Elfes restés en Aman y échappent (et encore). Aman est alors comme une projection de la perfection divine sur la terre, mais elle est inaccessible au commun des mortels. La nature de l'Homme (et par extension des Elfes et des Nains) est une question fondamentale, et je manque encore de culture tolkienienne pour avoir une opinion définitive. Il me faut étudier des textes comme l'Osanwe-Kenta, décortiquer les notions de sáma – fëa – hroa (y a-t-il corrélation avec la notion traditionnelle esprit-âme-corps ?), ou la question du destin des Enfants d'Iluvatar.

En l'état actuel de mes connaissances tolkieniennes, il me semble que le Conte d'Arda, loin d'être un simple décalque du catholicisme romain, relève plutôt d'une synthèse volontaire entre une cosmologie d'origine sémitique – plus préchrétienne que réellement chrétienne – et une mythologie de type indo-européen.

De nombreux éléments typiques du christianisme catholique sont absents : la Trinité, Dieu Un en trois personnes ; l'Incarnation de Dieu sous forme humaine, dans le sein d'une Vierge ; une Église des Saints, intermédiaire entre les hommes et Dieu ; le péché originel ; des sacrements et des rites (baptême, eucharistie, ordination...), etc.

En revanche, les éléments indo-européens sont bien présents et méritent une étude plus approfondie. Je pense en particulier au ternaire fondamental, dont les trois fonctions duméziliennes ne sont qu'une expression particulière.

Bref, il y a du pain (béni) sur la planche, et j'espère contribuer à ce travail de compréhension, à mon niveau et avec les outils dont je dispose.

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#69
(03.05.2012, 13:43)Fergus a écrit : Dans ce contexte, il semble en effet impropre d'assimiler Eru Iluvatar au « Dieu » du christianisme catholique. Il n'est ni Dieu-le-Père, ni, évidemment, le Fils ou le Saint-Esprit, ni même le Dieu triple.

Tout d'abord, il n'y a pas de Dieu triple dans le catholicisme mais un Dieu unique trinité.

Et la terre du milieu a son Dieu trinité et unique.

C'est Tolkien !

Je m'explique.

Dans le catholicisme, le fait que l'homme soit à l'image de Dieu signifie que l'homme est une trinité certes imparfaite mais une trinité.

En effet Yaveh (Je Suis en hébreu) est l'Etre, il est appelé Père.
Le Verbe est la connaissance de Yaveh par lui même, il est appelé Fils.
Etant parfait Dieu s'aime lui même (le Père aime le Fils, le Fils aime le Père), cet Amour est appelée Esprit Saint.

Dieu étant suffisant à lui même, c'est trois personnes sont également Dieu.

Pour chacun de nous, c'est exactement la même chose. En effet, Je suis, je sais que suis, j'aime être, j'aime savoir être et j'aime l'amour que je porte à mon être.

Cela s'appelle le "cogito Augustinien" - Cité de Dieu, L XI, Ch XXVI)
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints...c510342287

Maintenant, la génèse expose que Dieu crée par son Verbe, en parlant : "Dieu dit que la Terre soit".


Tolkien fait de même. C'est par son Verbe (sa parole mis en écrits) qu'il crée la Terre du Milieu.
C'est le concept de sub création forgé par Tolkien Lui même.
Voici l'extrait de l'essai de Mazas qui traite parfaitement du sujet :
Citation :Sens théologique de la « subcréation » : de la vérité des mythes
vant d’aller plus loin, il faut ici exposer une théorie audacieuse de J. R. R. Tolkien à propos des mythes. Pour beaucoup, ils ne sont que mensonges, certes beaux, poétiques et parfois magnifiques, mais mensonges quand même. Rappelons simplement l’opposition mythos / logos, où seule la lumière de la raison pourrait accéder à la vérité. Tel n’était pas l’avis de Tolkien. Pour lui, tous les hommes sont « made in the image and likeness of a Maker » [1], créés à l’image et à la ressemblance d’un Créateur. Or, il y a eu une Chute de l’Homme : on ne voit que trop bien qu’il est loin d’être parfait. Cependant, il doit subsister chez l'Homme un écho de cette « perfection » ou de cette « Vérité » originelle, qui touche à ce qu'est vraiment l'Homme dans sa nature et sa relation avec Dieu. Si l'Homme est à la ressemblance du Maker, du Créateur, il est donc capable de création également, en l'occurrence de création littéraire, et dans le cas de Tolkien, de création d'un monde imaginaire : un « sous-monde », d'où le terme forgé par Tolkien de « subcréation ». La conséquence des deux dernières phrases est que pour Tolkien, on doit donc retrouver dans les mythes un écho de cette Vérité originelle. Tout comme dans les autres œuvres de création, d’ailleurs ; cependant les mythes traitent des sujets essentiels à la nature humaine, de sa création et de son rapport avec Dieu.

our dire les choses autrement, les mythes ne sont pas des mensonges : ils sont un langage spécifique mais capable de vérité. Comme nous venons de Dieu, cette création doit refléter quelque chose de cette origine, même si les mythes contiennent des erreurs. C’est d’ailleurs cette argumentation que Tolkien utilisa pour convaincre une nuit de 1931 son ami C. S. Lewis. Celui-ci comprit alors, au cours de cette fameuse conversation, que l’Evangile était en fait un mythe qui s’était réellement passé, un mythe vrai. Cette nuit-là, Lewis (déjà revenu au théisme) passa « d’une croyance en Dieu à une croyance dans le Christ ». D’après son biographe Humphrey Carpenter [2], Tolkien dit au cours de cette conversation :

« Les mythes que nous tissons, même s'ils renferment des erreurs, reflètent inévitablement un fragment de la vraie lumière, cette vérité éternelle qui est avec Dieu. »
l faut ici citer un extrait du poème Mythopoiea que Tolkien écrivit en rentrant chez lui après cette conversation avec Lewis :

« Le cœur de l'homme n'est pas composé uniquement de mensonges, car il est sage d'une sagesse qui lui vient de Celui qui est très sage, et dont il est l'image. Quoique séparé de Lui depuis longtemps, l'homme n'est pas complètement perdu, ni entièrement changé. […] Il traîne encore des lambeaux de sa grandeur passée. […] Nous continuons de créer de la manière dont nous avons été créés. »
n voit donc à quel point la sous-création, qu’elle soit littéraire ou artistique, avait un sens particulier aux yeux de Tolkien, à tel point qu’il forgea le terme de « subcréation » pour en rendre compte et replacer son œuvre de création par rapport à son propre Créateur. Quoi d’étonnant alors que la Fantasy, ou faërie, lui apparaisse comme le plus noble genre littéraire qui soit !

Et j'ajourerais qu'il est permis de penser que c'est le cogito Augustinien qui explique l'amour de Tolkien pour le Verbe, sa philologie.
Aimant Dieu, Tolkien aime le Verbe, aimant le Verbe il aime le Logos, il est donc philologue.


J'ajouterais que la Génèse nous expose que Dieu voit que sa création est bonne.
Ainsi en est-il de Tolkien qui cherche à faire une subcréation bonne, c'est à dire fidèle à la création bonne au regard de Dieu. Et pour Tolkien, une subcréation bonne est une subcréation catholique, ce qui le conduit à écrire la phrase suivante:

" Le Seigneur des Anneaux est bien sûr une oeuvre fondamentalement religieuse et catholique; inconsciemment au départ, mais consciemment dans la révision. C'est pourquoi je n'ai pas inclus, ou ai supprimé, pratiquement toute référence à quoi que ce soit approchant la "religion", les cultes ou les pratiques, dans le monde imaginaire. Car l'élément religieux est absorbé dans l'histoire et le symbolisme." lettre 181 adressée au père Murray en 1953.
(03.05.2012, 03:10)Hisweloke a écrit : Ensuite, sur la "teinte" religieuse et catholique romaine, il convient aussi de la nuancer. Elle n'est pas intrinsèquement présente dès le début du légendaire, comme Tolkien l'explique dans une autre lettre, elle lui est surtout apparue lors des révisions du Seigneur des Anneaux. Elle s'est aussi manifestée juste après, quand il s'est à nouveau penché sur son "Silmarillion" : en simplifiant ici à l'extrême, cela couvre une période allant de 1947 à 1958 environ, pendant laquelle il s'est inquiété sur la manière de rationaliser son œuvre et de la mettre en adéquation avec ses croyances. Cela l'a notamment amener à se poser des questions fondamentales (qu'il n'a pas toujours su complètement résoudre sans remanier son légendaire et l'emberlificoter) - Quelques exemples viennent à l'esprit, que je simplifie forcément encore ici : les questions de la réincarnation des Elfes (et par là, de la nature de leur "âme"), de la nature des Orques (et par là, de la capacité du Mal à corrompre la Création), et enfin de la possibilité même du Mal (et par là, une réflexion sur la nature de Melkor et Sauron). Cela a donné des notes parfois confuses ou remettant trop en cause ses écrits, mais aussi quelques très beaux textes, tels que l'Athrabeth Finrod ah Andreth et l'Osanwe-kenta (respectivement publiés dans Morgoth's Ring et Vinyar Tengwar n°39).

Merci cher Didier,

Voilà de belles pistes à explorer.

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#70
(02.05.2012, 17:43)Forfirith a écrit :
Citation :Et le Pape aide à se protéger contre l'idée de posséder la Vérité comme le Gandalf protège contre l'idée de possèder l'anneau.
Au-delà du rapport avec Tolkien, permets-moi de réagir à ceci, je ne vois pas en quoi le pape aide à se protéger contre cela, puisque le pape est justement la personne qui promulgue les bulles qui donnent forme et corps au dogme catholique et le font évoluer. S'il y a quelque chose qui permet de se protéger contre l'idée de posséder la Vérité, pour moi cela se situe plutôt dans la foi pure, qui mène à l'humilité (comme tu le disais, si j'ai bien compris).

Cher Forfirith,

Je reprends l'explication donnée plus haut.

Il est indispensable de bien comprendre ce qu'est la foi. La foi est une attitude de fidélité à la Vérité. Foi vient du latin fides, elle n'est ni la doxa (opinion) ni la croyance.

Or le Pape est faillible en tout, sauf pour affermir la foi, ce pour quoi il est infaillible. Luc 22,32 : Mais moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères.


Maintenant, il est indispensable de comprendre que catholique signifie universel en grec. Ainsi, la foi catholique est la foi en l'universalité de la Vérité. Pour celà, toute les vérités doivent être tenus ensembles par l'homme de foi.

Ainsi celui qui fait un choix dans les vérités n'est plus fidèle à l'universalité de la Vérité. Hérésie vient du grec et signifie choix.

Un dogme est le rappel d'une vérité à celui qui fait un choix au seins des vérités et oublie que toutes les vérités doivent être tenues ensemble.

C'est pourquoi celui qui respecte les dogmes reste fidèle à la Vérité puisqu'il tient toutes les vérités alors que celui exclut le dogme est infidèle (n'a plus la foi) et donc s'éloigne de la Vérité.

C'est pourquoi le dogme libère la pensée.

Ce livre explique cela trés bien. http://www.amazon.fr/La-Trinit%C3%A9-Aug...2729821104

Cela fait 20 pages mais aprés tu verras peut être ce que je veux dire lorsque je dis que le rapport à l'anneau a à voir avec le rapport à la Vérité.

Le dogme libère la pensée et l'hérésie l'emprisonne comme la possession de l'anneau emprisonne l'accapareur.

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#71
Ainsi, dans chaque roman, l'écrivain est Dieu. Un peu facile.
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#72
(03.05.2012, 18:52)Fergus a écrit : Ainsi, dans chaque roman, l'écrivain est Dieu. Un peu facile.

Et pourtant, à l'image de Dieu nous avons tous un verbe. Et les artistes ont un verbe subcréateur selon de concept de Tolkien.



Répondre
#73
(03.05.2012, 19:00)GURTHANG a écrit :
(03.05.2012, 18:52)Fergus a écrit : Ainsi, dans chaque roman, l'écrivain est Dieu. Un peu facile.

Et pourtant, à l'image de Dieu nous avons tous un verbe. Et les artistes ont un verbe subcréateur selon de concept de Tolkien.

Ouille, là, pour moi, j'ai peur que ce soit un hors sujet complet par rapport au propos initial, sinon une sortie en vrille.

D.

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#74
Oui, on n'est plus dans l'analyse ni dans l'herméneutique du texte ...
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#75
Citation :Et pourtant, à l'image de Dieu nous avons tous un verbe.
Moi, mon verbe, c'est manger Mr. Green

Je sors...
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#76
(03.05.2012, 20:11)Hisweloke a écrit :
(03.05.2012, 19:00)GURTHANG a écrit :
(03.05.2012, 18:52)Fergus a écrit : Ainsi, dans chaque roman, l'écrivain est Dieu. Un peu facile.

Et pourtant, à l'image de Dieu nous avons tous un verbe. Et les artistes ont un verbe subcréateur selon de concept de Tolkien.

Ouille, là, pour moi, j'ai peur que ce soit un hors sujet complet par rapport au propos initial, sinon une sortie en vrille.

D.

En effet, là, on s'éloigne quelque peu de l'exégèse... Wink

Par ailleurs, il me vient une interrogation, sans doute de nature béotienne, car j'apprends tous les jours : le mot "subcréation" est-il un terme à fondement théologique ?
Bien qu'étant de culture catholique, j'avoue que la première fois que j'ai lu ce mot, j'ai procédé de manière déductive en fonction de l'étymologie du mot : le préfixe "sub" venant d'un terme latin signifiant "sous", "au fond de", "dessous", "au dessous de", j'en ai déduit, bien que connaissant la dimension religieuse du terme "Création", que cela pouvait correspondre simplement à l'élaboration d'un "monde secondaire", ici créé par un écrivain... J.R.R. Tolkien étant loin d'être le seul dans ce cas à avoir procédé à ce genre de "sous-création", et cela sans que la religion ne me paraisse avoir un quelconque rôle là-dedans (Robert E. Howard - j'y reviens toujours, je sais - me semblant être, à cet égard, un bon exemple, mais il y en d'autres, et qui, comme lui, ne doivent rien, historiquement parlant, à l'exemple tolkienien).
Pour moi, sauf à considérer que dans l'absolu le mot "création" ne peut être dissocié d'une dimension religieuse ("Création" prenant, dès lors, forcément un "C" majuscule), le terme de "subcréation" ne me parait pas forcément de nature religieuse lorsqu'on l'emploie dans le domaine de l'art, y compris vis-à-vis de Tolkien... Me trompé-je ?

Amicalement,

Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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#77
24 heures après, je précise que ma question est une vraie question... au cas où...

Cordialement,

Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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#78
Mille excuses si cette référence a été citée précédemment lors de cet échange très intéressant, sinon il me semble pertinent de la mentionner:
Il s'agit du livre "Tolkien, faërie et christianisme"
https://www.tolkiendil.com/tolkien/sur-t...redirect=1
Pour l'avoir lu (et prêté à une personne qui aurait déjà dû me le rendre et que je devrais donc relancer!), il est assez bien construit. J'ai seulement été attristé par le reproche fait par les auteurs à Vincent Ferré de ne pas mentionner assez explicitement la dimension chrétienne de l'oeuvre de JRRT dans ses analyses...

...et Isengar: ton verbe, c'est mon verbe aussi! Et d'ailleurs, on retrouve souvent le Christ attablé dans les écritures, non? Wink
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#79
Bonjour à tous,
Quelle activité sur ce fuseau... Après l'avoir aperçu ces derniers jours, je n'ai pu m'y mettre sérieusement que ce soir, et une seule réponse sera courte devant tout ce foisonnement...
Si j'essaye de faire le syncrétisme la synthèse de tout ce que j'ai lu, je vois cependant que ni les interrogations, ni les questions ne sont vraiment nouvelles, néanmoins elle restent d'actualité.
Le danger de chercher les allégories catholiques dans le legendarium a bien été souligné, et au final j'ai l'impression que tout le monde a à peu près convergé sur le point du rapport entre la catholicité de Tolkien et son processus (sub-)créatif. Abondance de références a été fournie (d'autant plus qu'elle ne nuit pas), je voudrais cependant mettre en exergue une des citations qui, à mon sens, résume le mieux le sujet. Dans la lettre 328, Tolkien évoque ce qu'un lecteur non-croyant lui écrivit en 1971 :
Citation :"You created a world in which some sort of faith seems to be everywhere without a visible source, like light from an invisible lamp."
Et pour les francophones :
Citation :« Vous avez créé un monde dans lequel une sorte de foi semble être partout [présente] sans source visible, comme une lumière [émanant] d'une lampe invisible »

Il me semble en fait que le point-clé, ce n'est pas tant de soliloquer sur la figure christique de Frodon, ou mariale de Galadriel, ou de rapprocher le lembas de l'hostie.
Je parlerais plutôt de compatibilité du legendarium avec la vision chrétienne, et plus spécifiquement catholique, de l'Homme et de son histoire avec Dieu.
Par compatibilité, j'entends par là que l'on peut avoir une lecture catholique approfondie de l'oeuvre ; que les vertus cardinales (j'emploie à dessein le mot vertu plutôt que valeur) exaltées chez Tolkien occupent une place très importante chez les catholiques : humilité, espérance, pardon... (en l'absence de Révélation, la foi, et son corollaire la confiance sont plus diffuses mais non absentes)
Aussi, et je parle d'expérience, au fur et à mesure que l'on approfondit sa connaissance de l'oeuvre, notamment en lisant et méditant quelques textes "annexes" fondamentaux tels l'Athrabeth ou le Conte d'Adanel, où justement Tolkien aborde, à sa façon, la nature des Eruhini, on peut se servir de sa réflexion pour interroger sa propre compréhension de notre nature à nous, et les résonances avec le legendarium auront d'autant plus d'amplitude que l'on adhère soi-même à la vision et à la compréhension qu'en a le catholicisme.
J'ai l'impression de m'être un peu égaré dans ma dernière phrase, mais l'idée que je veux faire passer est la suivante : plutôt que de traquer tous les aspects catholiques dans l'oeuvre de Tolkien, celle-ci peut nous aider à grandir dans la compréhension de la doctrine, et encore plus de notre propre nature.
Pour prendre un exemple, la lecture de l'Athrabeth m'a fait comprendre beaucoup de choses sur l'espérance, la Chute et l'effet du Marrissement sur la Mort. Et encore, j'étais passé à côté de certains points fondamentaux, qui ne me sont apparu qu'à la lecture des travaux que Jérôme Sainton va prochainement (enfin j'espère) publier dans l'Arc et le Heaume.
Didier a d'ailleurs mentionné quelques-uns de ces thèmes : réincarnation des Elfes, nature des Orques, possibilité même du Mal, auxquels je rajouterais, entre autres, la Chute, ou plutôt les Chutes (des anges, c'est-à-dire de Melkor, des Elfes, des Hommes), la Mort et l'immortalité (pour qui cherche bien transparaît le concept d'assomption pour les Hommes)...

Hyarion a écrit :Par ailleurs, il me vient une interrogation, sans doute de nature béotienne, car j'apprends tous les jours : le mot "subcréation" est-il un terme à fondement théologique ?
Bien qu'étant de culture catholique, j'avoue que la première fois que j'ai lu ce mot, j'ai procédé de manière déductive en fonction de l'étymologie du mot : le préfixe "sub" venant d'un terme latin signifiant "sous", "au fond de", "dessous", "au dessous de", j'en ai déduit, bien que connaissant la dimension religieuse du terme "Création", que cela pouvait correspondre simplement à l'élaboration d'un "monde secondaire", ici créé par un écrivain... J.R.R. Tolkien étant loin d'être le seul dans ce cas à avoir procédé à ce genre de "sous-création", et cela sans que la religion ne me paraisse avoir un quelconque rôle là-dedans (Robert E. Howard - j'y reviens toujours, je sais - me semblant être, à cet égard, un bon exemple, mais il y en d'autres, et qui, comme lui, ne doivent rien, historiquement parlant, à l'exemple tolkienien).
Pour moi, sauf à considérer que dans l'absolu le mot "création" ne peut être dissocié d'une dimension religieuse ("Création" prenant, dès lors, forcément un "C" majuscule), le terme de "subcréation" ne me parait pas forcément de nature religieuse lorsqu'on l'emploie dans le domaine de l'art, y compris vis-à-vis de Tolkien... Me trompé-je ?
Une dernière remarque, puisque je connais un peu l'essai ayant amené ce terme sur la planche à pain... Wink
La subcréation ne nécessite évidemment pas que le processus (sub)créatif ait une visée religieuse ou théologique, à mon sens. Ma compréhension est que ce terme est le résultat des réflexions de Tolkien sur le sens de son travail, qu'il a très vite élargies à l'ensemble des mythes en général et même à toute création littéraire ou artistique. Je vois ici un croyant sincère qui ne tire pas orgueil de son oeuvre, mais la replace au sein d'une oeuvre bien plus grande et qui le dépasse. Je pense qu'il vient se mettre sous son Créateur, en quelque sorte.
Pour résumer, je vois le concept de subcréation comme la façon d'un croyant de replacer humblement les choses dans leur contexte.

A.
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#80
A moi de rajouter ma petite réflexion à cet intéressant fuseau:

-Tout d'abord, on peut noter que la mère de Tolkien a longtemps été protestante, avant de se convertir au catholicisme de son mari. J. R. R. a donc dû grandir dans un "mélange" religieux, et sa pensée n'est pas forcément très claire sur certains points.
-Un spécialiste m'a dit que certains écrits étaient jansénistes (pensée condamnée par l'Eglise, mais qui a duré des siècles, disant en gros que les Hommes sont prédestinés d'avance au salut ou à l'enfer quels que soient leurs actes). Mais il me semble que les choix posés par les personnages du SdA s'effectuent librement, sans cette idée de grâce "divine" qui arrivera à ses fins quoi qu'on fasse.
Ces deux remarques seraient à vérifier dans les Lettres, où Tolkien explique son état d'esprit.

-Ensuite, il ne faut pas confondre "lire avec un regard catholique" (comme le dit Fergus) et "chercher dans tous les coins des symboles catholiques parce que l'auteur est catho". Tolkien n'a pas fait comme Lewis (dans Narnia et autres, les symboles chrétiens sont délibérément flagrants). Je pense que la morale d'un auteur influence forcément son oeuvre, sans qu'il en ait forcément conscience.
-Ca dépend donc de l'auteur, mais aussi du lecteur et de son interprétation. Les Schtroumpfs sont une hymne au communisme, mais je ne pense pas que ce soit fait exprès!

-Tu peux lire "Trouver Dieu dans le Seigneur des Anneaux", analyse superficielle mais qui donne des pistes de réflexion. Je ne sais plus le nom de l'auteur, mais on doit le trouver facilement sur Amazon ou autre.
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#81
(02.05.2012, 16:15)Zelphalya a écrit : Un petit tour et permet déjà de trouver une bonne quantité d'ouvrages.

2005 : Trouver Dieu dans le Seigneur des Anneaux - Kurt Bruner & Jim Ware

Wink
"L'urgent est fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai."
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#82
Citation :-Tout d'abord, on peut noter que la mère de Tolkien a longtemps été protestante, avant de se convertir au catholicisme de son mari. J. R. R. a donc dû grandir dans un "mélange" religieux, et sa pensée n'est pas forcément très claire sur certains points.
Je réagis rapidement sur ce point, je n'ai pas les ouvrages sous la main ni le temps de commenter en longueur, mais:
Le père de Tolkien n'était pas catholique ! Mabel Tolkien s'est convertie au catholicisme en 1900, sous l'influence d'une amie/connaissance (de mémoire). Donc il est vrai que le petit Tolkien avait été élevé jusque là dans une ambiance plutôt protestante - et encore, peut-être avec des influences différentes, car bien qu'il n'ait pas été beaucoup en contact avec sa famille paternelle, il me semble que les Suffield et les Tolkien n'était pas de la même 'école' protestante.
Quoiqu'il en soit, Tolkien a été un an dans une école catholique privée avant de rejoindre la King Edward's School, qui était certes protestante, mais pas de façon très marquée (à ma connaissance, il n'y avait pas de cours de religion, et l'appel du matin n'était pas accompagné d'une messe - mais je devrais vérifier ça). Pendant 4 ans, Tolkien a accompagné sa mère à la messe catholique avant d'être logé à l'Oratory - un lieu religieux où logeaient des prêtres catholiques.
Je m'éternise, mais en gros, si le contexte culturel, familial large et éducatif peuvent pencher vers des influences protestantes, je pense que l'influence de la dévotion fervente de sa mère pendant 4 ans puis l'influence du père Francis Morgan a du être suffisamment radicale pour éliminer toute trace de protestantisme dans la foi de Tolkien.
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#83
Oups! Désolée, j'étais persuadée pour son père... Je me coucherai moins bête ce soir.
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#84
On peut peut-être préciser que le père de Mabel et de May (la soeur de Mabel et donc la tante de JRR Tolkien) était un méthodiste (courant du protestantisme qui s'est popularisé en Angleterre et aux Etats-Unis à la fin du XVIIIè et au début du XIXè siècles). Humphrey Carpenter précise qu'il était unitarien à l'époque de la conversion de Mabel, c'est à dire - pour faire simple - un courant qui rejetait le principe de la trinité et, bien entendu, le culte de la vierge.

Mabel et May, toutes deux femmes éloignées de leurs maris qui travaillaient en Afrique du Sud (malheureusement, Arthur Tolkien est mort très vite) ont cherché un réconfort dans la foi.

On peut supposer qu'en se mariant, Les deux sœurs avaient adopté la foi de leurs époux respectifs : l'anglicanisme (puisqu'il n'est indiqué nulle part qu'elles étaient méthodistes ou unitariennes)
Carpenter précise que Walter Incledon, le amri de May était un anglican, et que Mabel fréquentait une paroisse anglicane avant sa conversion, ce qui permet de supposer qu'elle avait adopté elle aussi la foi de son époux.

Il est intéressant de noter que l'anglicanisme, bien que saisissant certaines particularité de la réforme calviniste (ce qui explique qu'on le range si rapidement et si pratiquement dans les courants extrêmement variés du protestantisme), a toujours conservé en bien des points une relation forte avec la pratique des rites catholiques, avec sa liturgie et son organisation hiérarchique.

Un des courants de l'anglicanisme le plus proche de la pratique catholique de la foi (le courant dit de la "haute Eglise" (High Church)) a laissé se développer en son sein un mouvement dit "mouvement d'Oxford" au milieu du XIXè siècle qui a favorisé de nombreuses et fameuses conversions de l'anglicanisme vers le catholicisme. Ce mouvement a influencé à la fin du XIXè siècle et au début du XXè le développement d'une branche de l'anglicanisme encore plus rapprochée des rites catholiques : l'anglo-catholicisme.
La proximité des liturgies, le rétablissement de la dévotion à la vierge Marie et tout un tas d'autres formes de rapprochement ont jeté des ponts très étroits entre les catholiques et certains anglicans à cette époque.

Je ne suis bien évidemment pas un spécialiste, mais je soupçonne les deux sœurs Suffield d'avoir baigné dans ce courant anglo-catholique de l'anglicanisme (anglican catholicism, en anglais), ce qui aurait facilité leur conversion, rapidement avortée pour l'une (Walter Incledon a mis fin à la conversion de May dès son retour d'Afrique du Sud) et définitivement confirmé pour l'autre (Mabel est, comme on le sait devenue fervente catholique - et catholique romaine).

Bref, en matière de foi et de pratique religieuse, tout n'est pas si tranché, et peut-être qu'il n'y a pas eu beaucoup d'effort à faire de la part de Mabel pour effacer toute trace de protestantisme chez l'enfant Tolkien, car elles n'ont peut-être jamais réellement été prégnantes Smile

I.
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#85
(05.05.2012, 22:49)Aglarond a écrit : Par compatibilité, j'entends par là que l'on peut avoir une lecture catholique approfondie de l'oeuvre ; que les vertus cardinales (j'emploie à dessein le mot vertu plutôt que valeur) exaltées chez Tolkien occupent une place très importante chez les catholiques : humilité, espérance, pardon... (en l'absence de Révélation, la foi, et son corollaire la confiance sont plus diffuses mais non absentes)

Merci pour ce long message, auquel j'adhère en grande partie.

Je reviens sur les vertus.

Les vertus cardinales sont prudence, tempérence, courage et justice.

Elles ne sont pas à proprement parlé catholiques mais platoniciennes et reprisent par le catholicisme. Attention, pour les catholiques la vertu pour la vertu ne vaut pas car elle est alors synonyme d'orgueil.

Ces vertus sont présentes dans le SdA.


Mais ce qui est proprement catholique, sont les vertus théologales :
Foi (fidélité à la Vérité)
Espérance (je serai face à la Vérité aprés ma mort, vision béatifique, repos en Dieu le 7ème jour)
Charité (Amour de Dieu et amour des autres à travers Lui)

Ces vertus sont présentes dans le SdA.

La charité : Frodon épargne Gollum parce qu'il le voit à travers la "providence".
L'espérance et partout présente.
La foi comme je l'ai déjà dit, il me semble que c'est dans le rapport à l'anneau qu'elle est traitée. Il y a ceux qui agissent fidèlement à la finalité de l'anneau -qui est sa destruction- et ceux qui par manque de vertu ne sont pas fidèles à cette finalité. Par exemple Boromir perd la foi par manque d'espérance.

Comme je l'ai dit dans un message supra, les raisons qui poussent à posséder l'Anneau pour soi sont les mêmes qui pousse à ne pas avoir la foi catholique.

Tolkien étant entourés d'hérétiques (protestant, anglicans) dont la foi n'était pas catholique (universelle) mais la conséquence de choix (qui se dit en grec hérésie), je ne trouve pas étonnant que, même inconsciemment au départ, ce thème soit central.



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#86
ISENGAR a écrit :Il est intéressant de noter que l'anglicanisme, bien que saisissant certaines particularité de la réforme calviniste (ce qui explique qu'on le range si rapidement et si pratiquement dans les courants extrêmement variés du protestantisme), a toujours conservé en bien des points une relation forte avec la pratique des rites catholiques, avec sa liturgie et son organisation hiérarchique.

C'est vrai, mais à la nuance près que l'Eglise anglicane s'est construite en virulente opposition à l'Eglise romaine, et que les sentiments "anti-papistes" ont longtemps été très présents et très prononcés. Cela dit, ce courant de catholicisme anglican que tu cites paraît effectivement avoir été une sorte de trait d'union. Quelle a été son poids et son influence, je ne saurais le dire, mais l'hypothèse que tu avances paraît plausible.

GURTHANG a écrit :Les vertus cardinales sont prudence, tempérence, courage et justice.

Elles ne sont pas à proprement parlé catholiques mais platoniciennes et reprisent par le catholicisme. Attention, pour les catholiques la vertu pour la vertu ne vaut pas car elle est alors synonyme d'orgueil.

Ces vertus sont présentes dans le SdA.

Je n'employais pas le terme de "vertus cardinales" au sens philosophique ni théologique, mais au sens où elles sont au coeur de l'oeuvre et, justement, jouent un rôle charnière (cardo, en latin) dans le jugement et l'action des personnages.

GURTHANG a écrit :Mais ce qui est proprement catholique, sont les vertus théologales :
Foi (fidélité à la Vérité)
Espérance (je serai face à la Vérité aprés ma mort, vision béatifique, repos en Dieu le 7ème jour)
Charité (Amour de Dieu et amour des autres à travers Lui)

Ces vertus sont présentes dans le SdA.

La charité : Frodon épargne Gollum parce qu'il le voit à travers la "providence".
L'espérance et partout présente.
La foi comme je l'ai déjà dit, il me semble que c'est dans le rapport à l'anneau qu'elle est traitée. Il y a ceux qui agissent fidèlement à la finalité de l'anneau -qui est sa destruction- et ceux qui par manque de vertu ne sont pas fidèles à cette finalité. Par exemple Boromir perd la foi par manque d'espérance.

Objection, votre Honneur !
On trouve en effet des exemples de l'importance de la Charité dans le SdA (voir par exemple le dialogue entre Gandalf et Frodo dans les Mines de la Moria à propos de Gollum, même si le terme n'est pas prononcé). Le cas de l'Espérance a également été abordé ; sans faire d'auto-citation je renvoie à la prochaine publication des travaux de Jérôme Sainton sur le sujet.
Quant à la Foi, il me semble cependant que le sujet est un tantinet plus complexe, et je n'adhère pas franchement, voire franchement pas, à l'exemple que tu donnes. La Foi est évidemment indissociable des deux autres vertus théologales, et en particulier on peut dire que l'Espérance repose sur la Foi (et en cela je dirais plutôt que Boromir n'a pas d'espérance, et donc perd tout espoir, justement parce qu'il n'a pas la foi). Mais il me semble que, pour qu'il y ait foi, il faut qu'il y ait eu une Révélation, c'est-à-dire un dialogue, ou une histoire commune, entre le Créateur et sa créature. Cette histoire est évidente dans le cas des Elfes, particulièrement des Eldar, et leur foi est pleine et entière (malgré l'épisode de leur Chute où, justement, ils ont mal placé leur confiance).
En ce qui concerne les Humains (ou les Hobbits), à l'époque du SdA, c'est donc un peu plus compliqué. Il y a certes la tradition númenoréenne, et la foi d'Aragorn apparaît pleinement lors de sa mort. Pour les Hommes plus ou moins étrangers à cette tradition venue des Eldar, Dieu est resté muet depuis bien longtemps. Une fois de plus, il faut relire l'Athrabeth Finrod ah Andreth, ainsi que le Conte d'Adanel, car l'attitude d'Adanel, c'est-à-dire celle de son peuple, est à l'opposé de celle d'Aragorn : la confiance en Dieu est complètement absente de son discours. Or il me semble que "confiance en Dieu" définit au moins aussi bien la Foi que "fidélité à la Vérité", même si l'étymologie est contre moi.
Aussi, la "foi" de Boromir ou des autres membres de la Communauté de l'Anneau dans la réussite de leur quête n'est pas du même niveau, puisqu'elle reste limitée aux choses de ce monde.

A.
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#87
J'ajoute que les trois vertus théologales, Foi, Espérance et Charité, ne sont pas spécifiquement catholiques, mais plus largement chrétiennes. Elles sont explicitement citées dans la première Epître de Paul aux Corinthiens (13, 13) : "Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande d'entre elles, c'est la charité." (Bible de Jérusalem). Les mots utilisés dans le texte original grec sont pistis (Foi), elpis (Espérance) et agapé .

La Foi (pistis, latin fides) est d'abord la confiance, il s'agit de "se fier à". Pour les auteurs latins classiques, le mot fides n'a aucune connotation religieuse ; il provient du vocabulaire profane, et évoque la simple confiance que l'on peut avoir en quelqu'un. Il s'agit dans le christianisme de la confiance en Dieu, et en Jésus-Christ.

L'Espérance (elpis, latin spe) est la confiance d'obtenir dans l'avenir, par la pratique des vertus cardinales et, plus largement, des enseignements de la religion, ce que Dieu a promis dans la Révélation, c'est-à-dire sa grâce sur terre, et la vie éternelle au Ciel.

La Charité : le mot grec agapé, traduit en latin par caritas , désigne l'Amour ; il ne s'agit donc pas seulement du "don" aux pauvres, mais de l'Amour inconditionnel que le vrai chrétien doit éprouver pour tous les hommes, voire toutes les créatures.

Dans Tolkien, qu'en est-il ? En qui les hommes et les autres créatures peuvent-ils avoir confiance ? Dans le SdA, ce n'est pas très évident.

Il n'y a (encore) eu aucune "révélation" divine, ni aucune incarnation de Dieu. Quelles sont les "promesses" d'Eru Iluvatar ? Le Destin des hommes et des elfes ?

Quant à l'Amour des hommes et des créatures, même maléfiques, il transparaît dans l'attitude de noblesse d'Aragorn, ou de Frodon, notamment envers Gollum.

Mais tout cela est bien diffus, et ne permet pas, à mon avis, de faire de l'oeuvre tolkienienne une oeuvre "catholique"...
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#88
Citation :C'est vrai, mais à la nuance près que l'Eglise anglicane s'est construite en virulente opposition à l'Eglise romaine, et que les sentiments "anti-papistes" ont longtemps été très présents et très prononcés. Cela dit, ce courant de catholicisme anglican que tu cites paraît effectivement avoir été une sorte de trait d'union. Quelle a été son poids et son influence, je ne saurais le dire, mais l'hypothèse que tu avances paraît plausible.

Dans le domaine "officiel", les catholiques avaient commencé à reprendre une place assez importante à la fin du XIX°s (depuis que l'interdiction d'exercer certains métiers avait été levée vers 1864 (par là)), et justement en particulier à travers le mouvement d'Oxford dont a parlé Isengar. Cela n'empêche pas je pense les sentiments "anti-papistes" dans certaines communautés, etc.
Toutefois, l'influence du mouvement d'Oxford est certaine. John Henry Newman a été l'homme qui a propulsé le mouvement sur le devant de la scène, et c'est lui justement qui a fondé l'Oratory où Tolkien a logé quelques temps (tout se recoupe). De plus, la culture catholique était très présente dans les quartiers de Birmingham avec une population immigrée irlandaise surtout, et de mémoire, Edgbaston, où Tolkien vécut après 1904 était bordé de quartiers populaires entre autre peuplés d'irlandais (mais je devrais vérifier cette information aussi, ma mémoire me fait défaut). Au delà de l'Oratory à Birmingham par exemple, le mouvement d'Oxford a aussi provoqué par ricochet un nombre important de conversions dans les rangs de l'aristocratie vers la fin du XIX°s, donc je pense qu'on peut vraiment dire que le catholicisme reprennait du poil de la bête en Angleterre à ce moment là Smile.
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#89
(08.05.2012, 18:03)Fergus a écrit : Mais tout cela est bien diffus, et ne permet pas, à mon avis, de faire de l'oeuvre tolkienienne une oeuvre "catholique"...

Contrairement à l'avis même de l'auteur ! Shocked

Le débat n'est pas savoir si l'oeuvre Tolkien est catholique car cela est directement confirmé par l'auteur.

Le débat est de savoir en quoi l'oeuvre est catholique.


Quant au vertus cardinales qui ne serait que chrétienne rappelons que les orthodoxes sont catholiques et que chez les protestants la foi seule sauve, la charité étant illusoire.

Du point de vue de Tolkien et de celui de tous les catholiques, il y a l'Eglise catholique corps mystique du Christ et des sectes (au sens de séparé).
Même si du point de vue extérieur, il y a le christianisme dont le catholicisme est une branche.





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#90
(08.05.2012, 16:42)Aglarond a écrit : Objection, votre Honneur !
On trouve en effet des exemples de l'importance de la Charité dans le SdA (voir par exemple le dialogue entre Gandalf et Frodo dans les Mines de la Moria à propos de Gollum, même si le terme n'est pas prononcé). Le cas de l'Espérance a également été abordé ; sans faire d'auto-citation je renvoie à la prochaine publication des travaux de Jérôme Sainton sur le sujet.
Quant à la Foi, il me semble cependant que le sujet est un tantinet plus complexe, et je n'adhère pas franchement, voire franchement pas, à l'exemple que tu donnes. La Foi est évidemment indissociable des deux autres vertus théologales, et en particulier on peut dire que l'Espérance repose sur la Foi (et en cela je dirais plutôt que Boromir n'a pas d'espérance, et donc perd tout espoir, justement parce qu'il n'a pas la foi). Mais il me semble que, pour qu'il y ait foi, il faut qu'il y ait eu une Révélation, c'est-à-dire un dialogue, ou une histoire commune, entre le Créateur et sa créature. Cette histoire est évidente dans le cas des Elfes, particulièrement des Eldar, et leur foi est pleine et entière (malgré l'épisode de leur Chute où, justement, ils ont mal placé leur confiance).
En ce qui concerne les Humains (ou les Hobbits), à l'époque du SdA, c'est donc un peu plus compliqué. Il y a certes la tradition númenoréenne, et la foi d'Aragorn apparaît pleinement lors de sa mort. Pour les Hommes plus ou moins étrangers à cette tradition venue des Eldar, Dieu est resté muet depuis bien longtemps. Une fois de plus, il faut relire l'Athrabeth Finrod ah Andreth, ainsi que le Conte d'Adanel, car l'attitude d'Adanel, c'est-à-dire celle de son peuple, est à l'opposé de celle d'Aragorn : la confiance en Dieu est complètement absente de son discours. Or il me semble que "confiance en Dieu" définit au moins aussi bien la Foi que "fidélité à la Vérité", même si l'étymologie est contre moi.
Aussi, la "foi" de Boromir ou des autres membres de la Communauté de l'Anneau dans la réussite de leur quête n'est pas du même niveau, puisqu'elle reste limitée aux choses de ce monde.

A.

Tolkien ne voulant pas de Dieu dans le SdA, l'objet de la foi est en effet une difficulté.
On peut donc difficlement parler de foi directe mais de foi en la providence (c'est à dire foi dans la création et donc dans le Verbe créateur) ainsi que de foi dans le bien (c'est à dire l'Amour) et donc innévitablement de foi envers l'Etre (existence de ce Verbe et de cet Amour).

En définitive, par le principe de subcréation, les personnages de foi dans l'oeuvre de Tolkien ont foi en Tolkien qui est la trinité (sub)créatrice.


Pour finir tu dis que la "foi" de Boromir ou des autres membres de la Communauté de l'Anneau dans la réussite de leur quête n'est pas du même niveau, puisqu'elle reste limitée aux choses de ce monde.

C'est vrai que les personnages ne semblent pas rechercher l'immuable bien et s'attachent à des biens muables.
Mais attention, il en est ainsi de nous tous. Depuis la chute nous recherchons l'immuable bien et nous le confondons souvent avec d'autres choses telles que la jouissance, la possession de biens, la santé, la descendence ...

Et pour les catholiques, la finalité de la création est de nous forger un coeur brisé et broyé (Cf Ps 51), d'être abaissé pour être élevé. Cela justement pour qu'à la fin nous comprenions où est le souverain bien.

Il faudrait se demander en quoi la création qu'est la Terre du milieu contribue à rendre les personnages qui la peuple humiliés et donc apte à accéder au salut.

Avec "les enfants de Hurin", c'est vraiment contenu dans l'oeuvre. D'humiliation en humiliation l'orgueil qui est le dragon (qui figure Lucifer chez les catholiques ) est abattu.

Avec le SdA c'est probablement plus sutil. Bien que tout au long de la quête il ne soit question de héros oubliés, de royaumes disparus, de mausolée en ruine, de races déclinantes ...

Ainsi tu dis que les personnages ne s'attachent qu'à ce qui est de monde mais dans le livre, rien de ce qui est de ce monde ne dure.

Voilà qui au final doit contribuer à renforcer l'humilité des personnages.

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