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Valinórean vs. Valinorian
#1
En parcourant mon beau La Formation de la Terre du Milieu (merci Christian Bourgois !), j'ai tiqué sur un mot : valinóréen (un exemple p. 55). Depuis quand cet adjectif prend-t-il un accent, me suis-je dit en mon for intérieur ? Sûr de mon bon droit et tout content à l'idée de pouvoir signaler une éventuelle bourde (que voulez-vous, j'ai vraiment mauvais fond), je suis allé vérifier dans la VO... qui donne bel et bien Valinórean (on le retrouve ailleurs, par exemple en XII.30*).

Autant vous dire que j'étais sur le cul. Mû par un horrible doute, j'ai feuilleté d'autres textes, qui fournissent un autre adjectif : Valinorian (un exemple : XII.331). Qui lui, ne prend pas d'accent.

De toute évidence, Valinórean est calqué sur Númenórean. Au-delà de la ressemblance évidente de ces noms dans leur formation (nom de lieu + suffixe), le fait que ce nom soit orthographié sans accent sur le o à sa seule occurrence dans Le Seigneur des Anneaux (livre V, chapitre The Houses of Healing), à l'image de Númenorean**, appuie cette hypothèse. Si je ne me trompe pas, Númenórean et Valinórean en prennent un pour des besoins d'indication de l'accent tonique (qu'on me corrige si je suis à l'ouest). Mais dans tous les cas, pourquoi Valinorian ne prend-t-il pas d'accent ? Est-ce simplement dû à l'inconstance de Tolkien, qui écrivait Númenórean tantôt avec un, deux, voire aucun accent ?

Bon, j'ai mal à la tête. Quelqu'un peut-il m'éclairer ?

* Merci à Aravanessë pour la référence :)
** Númenorean devient Númenórean dans la réforme Hammond-Scull (A Reader's Companion, p. 209), mais ils passent cependant à côté (volontairement ?) de ce Valinorean.
The gods forgot they made me, so I forget them too
I listen to the shadows, I play among their graves
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#2
Une proposition à la lumière de ceci :
Citation :The Compact Edition of the Oxford English Dictionary, Oxford University Press (1971)("OED") has an entry for the suffix "-an" (at page 75) and one for "-ian" (at page 1364). The OED's entry for "-an" describes "-ian" as "merely a euphonic variety of '-an'", citing "Christian" and "Corinthian" as examples. The OED's separate entry for "-ian" cites it as being used in "modern formations from proper names, the number of which is without limit," and lists a few dozen examples, including Wordsworthian, Johnsonian and Tennysonian.

On peut penser - ce qui me semble fort plausible - que valinorian soit l'adjectif créé à partir de la forme courte Valinor* additionné du -ian euphonique ; et que Valinórean soit l'adjectif créé à partir de la forme longue Valinórë* auquel a été ajouté le -an adjectival.

* Comparer : Melkor/Melkórë, Númenor/Númenórë,...
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#3
Je souscrit sans réserve à l'interprétation d'Aravanessë.

J'ajouterais que la forme "Valinorian" est plus anglaise, tandis que la forme "Valinórean" calque de plus près la formation adjectivale du quenya, puisque l'adjectif semble être basé sur la version longue du mot dont il est dérivé (l'adjectif quenya correspondant à note cas devant probablement donner Valinóreva).

Par contre, cela ne veut pas dire que la formation française mentionnée par Meneldur soit correcte pour autant. En français, les noms de lieux en -re tendent apparemment à former (de façon régulière) un adjectif en -rien, pas en -réen.

Ex : Terre -> terrien.

Ce qui donnerais donc valinorien ou valinórien. Ça résoudrait le problème des deux accents aigus ayant des fonctions différentes dans le même mot, ce qui est inélégant (notez, il y aurait pire encore, tel **númenóréen).
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#4
Mais Méditerranée fait méditerranéen et Mallarmé fait mallarméen, c'est le cas de tous les noms finissant par la sonorité /é/ pour une raison d'euphonie. Or dans Valinórë le -ë final n'est pas muet et se prononce comme tout autre "e" en quenya, cela est bien dit dans l'appendice sur la prononciation du Silmarillion (et je pense aussi du SdA), d'où valinóréen. Smile

aravanessë
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#5
C'est vrai. En tout cas, un certain nombre de ces mots ont un tel adjectif. Il semblerait cependant que les noms de lieu en -é forment de façon régulière un adjectif en -ois (j'ai le sentiment que Méditerranée est une exception).

Ex : Franche-Comté -> franc-comtois.

Cela ferait probablement un peu rustique pour un mot dérivé de l'elfique, d'où mon omission. J'ai préféré considérer que l'adjectif était dérivé de Valinor plutôt que de Valinórë.

Le fait est que la version courte "Valinor" vient du fait que les voyelles courtes finales ont cessées d'être prononcées en quenya, dans la plupart des cas. L'écriture quenya a fonctionné comme l'anglais dans le sens ou une voyelle finale non prononcée ne s'écrit pas. En français, on aurait probablement conservé la voyelle muette et écrit "**Valinore", même si l'on ne prononçait pas le 'e'. D'où mon analogie.

Maintenant, comme je l'ai dit, ma solution a de plus l'avantage d'éviter de mélanger les accents français (modifiant le son d'une voyelle) et les accents utilisés par Tolkien (accent tonique). Ce qui est à mon sens un atout majeur.

Une autre façon de faire consisterait à attribuer un symbole différent pour les accents toniques (l'anglais n'a pas ce problème, puisqu'il n'utilise pas d'accents, en général). Évidemment, ce serait une disparité de plus entre la façon anglaise d'écrire les mots eliques et la façon française.
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#6
Méditerranée est loin d'être une exception : Corée > coréen, Guinée > guinéen, Vendée > vendéen (et même Europe > européen). Smile Après on peut estimer que mélanger accents hérités du quenya et accents hérités du français comme une mauvaise chose, mais puisque ces formes sont déjà des mixes cela me semble peut probant.

Quant à l'adjectif quenya valinóreva il est bel et bien attesté (X:133).

aravanessë
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#7
J'ai omis de signaler quelque chose, au temps pour moi : Méditerranée, Corée, Guinée, Vendée sont tous des noms en -ée, pas en -ré ou en -re. La formation de l'adjectif est donc basée sur l'ajout d'un suffixe en -n. C'est tout.

Il ne s'agit donc pas de savoir si l'adjectif se forme en remplaçant le 'e' (ou 'é') final par le suffixe -éen ou par le suffixe -ien (les deux cas de figure qui nous intéressent) : pour autant que je sache, en français, il est impossible d'avoir un mot se terminant par -ééen ou par -éien. Wink

Les exemples proposés (à l'exception d'Europe) sont donc irrelevants. Pour Europe, on pourrait se demander si c'est approprié, vu qu'il n'y a pas de mots se terminant en -p en quenya. Mais passons, il y a plus intéressant : le plus ancien adjectif attesté pour qualifier quelque chose en lien avec l'Europe est europien (1563 adj. europien (Bonivard, Advis et devis des lengues, p. 23 ds Gdf. Compl.)). Razz

L'adjectif 'européen' apparaît être une formation savante dérivée (c. 1720) par analogie avec l'adjectif latin europaeus, provenant du nom Europa, 'Europe' (comparer avec l'adjectif bas-latin europensis, probablement à l'origine de la forme archaïque europien).

Donc 'européen' apparaît bien (en tout cas à mes yeux) comme une exception au regard de l'évolution de la langue française. EDIT : En fait, il apparaîtrait que je me sois trompé. Cf. mon message (#14), plus bas.

Et potentiellement, Valinorian devrait se traduire par 'valinorien' et Valinórean par 'valinórien'. À moins qu'on utilise de façon systématique un accent tonique différent, ce qui pourrait donner une transcription française Valinōrë avec un adjectif francisé 'valinōrien' (le macron est notamment utilisé dans les translittérations japonaises pour marquer les voyelles longues, et Tolkien l'utilise de la même manière pour noter les voyelles longues en quendien primitif).
Rollant est proz e Oliver est sage.
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#8
Elendil a écrit :Il ne s'agit donc pas de savoir si l'adjectif se forme en remplaçant le 'e' (ou 'é') final par le suffixe -éen ou par le suffixe -ien (les deux cas de figure qui nous intéressent) : pour autant que je sache, en français, il est impossible d'avoir un mot se terminant par -ééen ou par -éien. Wink
... plébéien Wink

Elendil a écrit :Donc 'européen' apparaît bien (en tout cas à mes yeux) comme une exception au regard de l'évolution de la langue française.
... cyclopéen Wink
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#9
Huan a écrit :... plébéien Wink

Touché ! Smile Très bonne remarque.

On notera cependant qu'il s'agit d'un adjectif descendant directement d'un adjectif latin (plebeius), plutôt qu'un d'un adjectif formé à partir d'un nom français. Mais ça prouve effectivement que ce n'est pas une forme totalement impossible (par contre, -ééen, j'ai des doutes...)

Huan a écrit :... cyclopéen Wink

Contexte inadapté Wink. On parlait d'adjectifs dérivés de noms de lieux.

En outre, c'est un adjectif savant, une fois de plus (dérivé une fois de plus d'un mot en -pe, d'ailleurs). Apparemment, il est attesté pour la première fois en 1808.
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#10
Citation :le macron est notamment utilisé dans les translittérations japonaises pour marquer les voyelles longues

Euh, si tu parles de la transcription en rômaji du japonais, l'accent circonflexe est quand même plus souvent utilisé, non ? Enfin on s'en fiche c'est un détail.
Par contre, le macron est utilisé pour marquer les voyelles longues ou accentuées lors de la scansion des vers (par exemple en grec ancien) même si ça n'apparaît pas directement sur le texte.

J'y connais rien en linguistique, mais le cas de Mallarmé me paraît intéressant, moi, on l'oublie, là. D'accord ça se finit pas par "ré" mais ça me semble pas être un argument suffisamment important. Et c'est un nom propre.
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#11
Au sujet du romaji, j'aurais dû préciser que je parlais du système Hepburn (le plus utilisé à l'international), qui utilise le macron (ex : Tōkyō)

C'est vrai que les systèmes romaji Nihon-shiki et Kunrei-shiki utilisent eux l'accent circonflexe (ex : Tôkyô). Mais ces systèmes furent créés principalement par et pour les Japonais. Vu que ceux-ci n'utilisent évidemment pas d'accents circonflexes au quotidien, cela ne leur pose aucun problème.

On notera également une variante (dite passport Hepburn) qui consiste à introduire un h derrière la voyelle allongée (ex : Ohno pour Ōno). Mais elle est peu utilisée et conduirait évidemment à un nombre incalculable de problèmes en quenya.

Mallarméen est évidemment un néologisme journalistique (c. 1885). Ce n'est pas un adjectif qui fut créé avec le souci de respecter la formation naturelle du français. On note également l'existence de la variante 'mallarmiste', datant exactement de la même époque, ainsi que celle du substantif 'mallarmisme', légèrement antérieur, et qui a la bonne grâce d'avoir été forgé par les Goncourt.
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#12
Citation :Ce n'est pas un adjectif qui fut créé avec le souci de respecter la formation naturelle du français.

La formation naturelle du français ? Mr. Green Dans ce cas, j'ai pas l'impression qu'il y en a une véritablement naturelle ! Pour des mots de départs plus ou moins similaires, on a quand même au final beaucoup de constructions différentes. (-ois, -ien, -éen...)

Quant au japonais, OK, mais c'était pas la peine de déblatérer autant pour un truc pareil, hein.
En quoi le fait que le néologisme soit créé par un journaliste et pas par les Goncourt fait loi ? Y'a une règle spécifique ?

Et au fait, a-t-on un exemple en français de -é > -ien ?
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#13
Elendil a écrit :
Huan a écrit :... cyclopéen Wink
Contexte inadapté Wink. On parlait d'adjectifs dérivés de noms de lieux.
... guadeloupéen Wink
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#14
Les Goncourt ne font évidemment pas loi. Mais disons que je préfère utiliser un néologisme créé par un écrivain célèbre que par le journaliste X ou Y (d'où le fait que je ne condamne pas 'abracadabrantesque', par exemple).

Dans le premier cas, on peut au moins avoir l'espoir que la personne en question a réfléchi cinq minutes avant de coucher ledit néologisme sur le papier (sans animosité aucune envers les journalistes, puisque nombreux furent les grands écrivains qui furent aussi journalistes ou tout au moins collaborèrent avec des journaux). La fonction du journaliste n'est pas - à la base - de se poser des questions sur l'évolution du français et sur les procédés de substantivation à travers les âges.

Par contre, il semblerait que je me soit trompé sur un point au moins : les noms de lieu en -é ont, pour nombre d'entre eux, des adjectifs en -éen. Internet donne (entre autres) :
Agmé -> Agméen
Amuré -> Amuréen
Dozulé -> Dozuléen
Dyé -> Dyéen
Eancé -> Eancéen
Fyé -> Flacuméen ou Flétuméen
etc.

Il y a aussi une formation d'adjectif en -sien qui paraît assez courante (moins que la précédente, cependant) :
Aytré -> Aytrésien
Cigogné -> Cogognassien
Thairé -> Thairésien
etc.

Avec les formations en -ois et en -ien, ça devient décidément confus.

En tout cas, voilà qui met à mal une grande part de mon argument (même si le 'é' français a une fonction et une origine différentes du 'é' quenya). Donc, oui, je suppose que Valinóréen et Númenóréen (il fait vraiment mal aux yeux, ce nom) sont acceptables.

Ça ne fait malheureusement qu'argumenter en faveur d'un accent tonique différent de l'accent aigu, je pense...

PS : J'ignorais qu'il y avait un village s'appelant Oô (habitants : les Ousiens). Smile
Rollant est proz e Oliver est sage.
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Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#15
Je vois que nous avons à faire à des joueurs, alors jouons Razz ; nous avons Cythère > cythéréen (on avait pas d'exemple en -re pour l'heure ^^).
En gros, on peut conclure que quoi que le traducteur eût mis, avec le nombre d'exceptions qu'il y a en Français, ça aurait été juste.

aravanessë
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#16
Citation :En gros, on peut conclure que quoi que le traducteur eût mis, avec le nombre d'exceptions qu'il y a en Français, ça aurait été juste.

Je crois qu'on est tous d'accord là-dessus Very Happy
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