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Si l'on veut, les épisodes IV-V-VI de Star Wars pourraient être rattachés à de la fantasy, car on y trouve certaines caractéristiques récurrentes : monstres, héros chevaleresques (l'Ordre est très médiéval, même avec des sabres laser, je trouve), et surtout la magie. Mais la Force finit par être expliquée scientifiquement dans la prélogie et rend l'univers de Star Wars finalement "réaliste", avec les mêmes règles que le nôtre - sinon que nous n'avons pas encore découvert la Force. D'ailleurs, s'ils sont dans une autre galaxie mais pas un autre "univers", on peut s'attendre à ce que les règles soient en effet les mêmes. Difficile dans ce cas de parler de fantasy, je pense.
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04.04.2018, 13:23
(Modification du message : 04.04.2018, 13:32 par Agmar.)
Je pense que vous chercher une définition manichéenne des genres SF/Fantasy/Fantastique et à y classer tous les auteurs alors qu'on a plus une palette très vaste de genre. Je vois plus un schéma avec trois cercles qui se croisent : la Fantasy pure monde médiéval/magie (tolkien), la SF pure aventure moderniste dans l'espace (van vogt) et le fantastique inclusion du paranormal dans un monde normal (King). Après il y a des auteurs "transgenre" aux intersections, star war est une histoire médiévale dans l'espace, Lovecraft est une histoire du monde normal vers un univers parallèle, Dune est presque un mélange des trois : espace, paranormal avec la prescience et médiéval avec la structure politique ....
Et pour rebondir sur le style, Le commissaire Vimaire n'est il pas un personnage romantique, une fois le coté burlesque écarté ?
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(04.04.2018, 08:59)Hofnarr Felder a écrit : De même, je ne pense pas qu'il y ait des dieux dans le Trône de Fer. Dans Moorcock, je ne suis pas sûr non plus.
Il y a des cultes dans le Trône de Fer et les aptitudes particulières de certains mystiques semblent implicitement corrélées à leur foi envers certaines divinités. Quant à Moorcock, toute son oeuvre peut être résumée comme une lutte éternelle entre les divinités de l'Ordre et les divinités du Chaos dans l'infinité du Multivers.
(04.04.2018, 08:59)Hofnarr Felder a écrit : Je me demande néanmoins s'il n'y a pas la possibilité d'une fantasy "politique", comme peut-êtreGagner la guerre, que je n'ai pas lu.
Bien sûr et c'est loin d'être le seul exemple. Suffit de prendre Abyme, de Gaborit (très bon aussi) pour en être convaincu.
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(04.04.2018, 08:59)Hofnarr Felder a écrit : Je me demande néanmoins s'il n'y a pas la possibilité d'une fantasy "politique", comme peut-êtreGagner la guerre, que je n'ai pas lu. Mais cela ouvrirait le genre à une diversité qui laisse entendre que le caractère commun à toutes ses déclinaisons possibles n'est ni l'aventure, ni la quête, ni l'épopée, et nous échappe encore. Un point qui me semble important ici, et je reviens vers ma toute première proposition, c'est que le cadre, en fantasy, déborde toujours son intrigue ; si bien que même s'il n'y a pas quête, ou épopée, ou aventures, il y en a toujours la possibilité suggérée.
Game of Thrones est clairement de la fantasy politique, en ce sens que la politique est le cœur de l'intrigue, le nom de l'oeuvre le reflète bien, le jeu des trônes, toute l'histoire se résume à: qui va régner à la fin de la guerre.
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(04.04.2018, 08:59)Hofnarr Felder a écrit : Un point qui me semble important ici, et je reviens vers ma toute première proposition, c'est que le cadre, en fantasy, déborde toujours son intrigue
Hum, j'ai aussi vu cette caractéristique dans les romans historiques : par exemple l'aventure du Athénien, ayant notamment pour but de faire découvrir la Grèce Antique, etc.
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Et donc la question est : pour vous, est-ce que cela fait une différence ? Est-ce que cela produit des effets différents, est-ce que cela suscite des attentes différentes ? Lisez-vous la fantasy politique de la même manière que la fantasy d'aventures ou que la fantasy épique ?
Bien vu Tikidiki pour Star Wars. Mais j'aurais tendance à classer Star Wars du côté de la fantasy parce que :
a°) les références culturelles de notre monde n'ont pas cours dans le monde de Star Wars (contrairement à la science-fiction habituelle, on ne peut pas partir d'un point de départ qui serait la Terre telle que nous la connaissons à partir duquel appréhender l'univers présenté, comme c'est le cas chez Asimov par exemple.
b°) Star Wars ne se résume pas à une intrigue, mais à l'immersion dans un univers ; la preuve en est qu'on a toujours des éléments qui servent à s'aventurer "au-delà" de l'intrigue proposée, qui ouvrent à la découverte (et au milliard de romans de l'Univers Étendu).
Évidemment, j'applique mes critères pour étayer ma conclusion, donc c'est d'un intérêt limité...
Mais par exemple, sur le fait que Star Wars, parce que se déroulant dans le même univers, doit obéir aux mêmes lois ; c'est vrai pour bon nombre d’œuvres de fantasy, à commencer par le légendaire tolkienien ou le monde de Conan. On ne s'attend qu'assez rarement, je pense, à trouver dans la fantasy une "physique", une "chimie", une "biologie" différente. La seule différence, comme mentionné souvent, ce serait la magie. Et on en revient toujours au même point : la magie est-elle nécessaire à la fantasy et doit-elle rentrer dans sa définition ?
Auquel cas que faire du multivers Marvel ou du multivers DC, où la magie a bien cours et où les "mondes secondaires" pullulent ? Faut-il invoquer un médiévalisme dont certains ont montré les limites ? C'est une possibilité. Ou faut-il voir, comme je le préconise, une différence d'intention, une différence de vocation, un but et des moyens littéraires ou narratifs différents ?
EDIT : Désolé Dwayn, nos messages se sont croisés et je rebondissais sur la remarque de Widor. Quant à cette caractéristique qu'on retrouve dans d'autres ouvrages, c'est vrai, notamment de la littérature de voyage, par exemple. Mais la clef ici, c'est que le cadre est inventé, imaginaire : ce n'est pas de la pédagogie ou de l'instruction, c'est la porte d'un autre monde. D'où la nécessité d'un monde secondaire ou du moins "autre". C'est la raison pour laquelle j'invoquais le second critère de l'absence de référent culturel.
D'ailleurs, ceci explique partiellement pourquoi la fantasy se complaît mieux dans un univers qui nous évoque plutôt notre passé (quoique ce soit avant tout lié à ses sources romantiques comme vous l'avez à mon avis très intelligemment mis en avant) ; c'est que le passé est irrémédiablement perdu, il est séparé de nous, comme un ailleurs inaccessible ; alors que l'avenir, en ce que nous nous orientons vers lui, en ce que nous allons "l'atteindre", ne nous est pas pareillement aliéné. Certes nous le connaissons moins ; mais en même temps il nous est laissé ouverte la possibilité de le vivre. Et donc, le critère de l'aliénation (qui serait un troisième critère, proche du second) fait que la fantasy sera plutôt "vers le passé", au contraire de la science-fiction.
De même, si Star Wars était "dans un très lointain avenir", on pourrait penser que les humains ont colonisé une autre galaxie, et donc qu'on se dirige possiblement vers cet univers ; mais non, ce rapport au passé, délibéré, achève de nous l'aliéner.
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(04.04.2018, 18:30)Widor a écrit : Game of Thrones est clairement de la fantasy politique, en ce sens que la politique est le cœur de l'intrigue, le nom de l'oeuvre le reflète bien, le jeu des trônes, toute l'histoire se résume à: qui va régner à la fin de la guerre.
Pour mémoire, le cycle romanesque se nomme en VO A Song of Ice and Fire « une chanson de glace et de feu ». Le Trône de fer n'est que la traduction du titre du premier roman de la série.
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04.04.2018, 21:55
(Modification du message : 04.04.2018, 22:15 par Tikidiki.)
Ce n'est pas trop insister sur certains cas de SF pour en faire un point d'achoppement de nos théories. Or, l'univers de Star Wars est issu de celui d'Asimov. Coruscant, c'est Trantor ; la Force, c'est celle de Terre et Fondation ; sans parler des pouvoirs psychiques. Admettons que cette paternité soit niée par Star Wars, mais cela n'en rapproche que plus les deux univers : dans les deux, nous sommes propulsés dans un univers futuriste (bien que déroulé "il y a bien longtemps", cela n'a rien à voir : ainsi 2001 l'Odyssée de l'Espace commence avant l'Homme ; mais c'est bien de la science fiction ; idem pour Battlestar Galactica) et dans les deux nous sommes face à des pouvoirs qui échappent à notre univers présent : n'est-ce pas l'ambition d'un écrivain de science fiction que de les anticiper et de les expliquer scientifiquement, comme avec l'argument de l'évolution pour Asimov ? (argument repris par X-Men, ce qui les fait bien échapper à la fantasy... on peut en penser autant des Avengers, comme de Superman, et donc des superhéros en général qu'on se gardera bien de faire appartenir à la fantasy!).
Oui, les deux genres de la SF et de la Fantasy imaginent tous les deux des mondes, à partir de rien. Asimov commentait qu'il était bien plus difficile de le faire que de partir d'un monde préexistant. Néanmoins, le fait de plonger le lecteur dans l'univers davantage que dans l'intrigue relève du degré de profondeur de cet univers... Il est bien simple, pour Tolkien, de dire que tel mur en ruine rappelle qu'on s'est autrefois battu ici ; il ne l'invente pas sur le moment, pas plus que ses langues. Certains auteurs travaillent plutôt leur scénario et leurs coups de théâtre, comme Martin je pense. Et bien des nouvelles de SF et de Fantasy, parce que le format ne leur en laisse pas l'opportunité, se concentrent sur l'intrigue et pas sur l'univers, se contentant du minimum à ce propos. Tous ces auteurs doivent-ils être considérés comme de la fausse fantasy ?
Oui, la "magie", quelle que soit sa forme, est au coeur de la fantasy, comme la technologie l'est pour le monde futuriste, comme le nom science-fiction l'indique. Les genres en question sont pour ainsi dire nés de ces "délires". Mais la littérature est vaste, et il n'est pas étonnant de trouver certaines oeuvres qui ne reprennent qu'une partie des règles du genre.
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J'ai déjà plus que suffisamment parlé et il est bien tard... Il s'agira donc pour moi d'essayer simplement de répondre, un peu en vrac, à certains propos disséminés dans cette discussion.
(03.04.2018, 22:18)Elendil a écrit : Sauf erreur de ma part, les récits de Howard laissent une place assez conséquente à la magie (même si, comme l'explique plus haut Hyarion, les principaux protagonistes ont tendance à s'en méfier), mais malgré l'existence de nombreux cultes et temples, il n'y a aucune intervention divine. Dans mon souvenir, Howard laisse planer un doute assez fort comme quoi tous ces cultes ne seraient que des superstitions, occasionnellement renforcées par un clergé porté sur les arts occultes. (03.04.2018, 22:25)Agmar a écrit : Je n’ai pas lu conan depuis longtemps mais il me semble qu’il défie quelques divinités.
Robert Howard joue constamment sur l'ambiguïté du rapport avec le surnaturel dans ses histoires : il met en scène un passé dont est censé provenir l'ensemble des cultures historiques et mythiques que nous connaissons. Et il incite d'ailleurs finalement le lecteur à se poser la question : qu'est-ce au juste qu'une divinité ?
Deux histoires de Conan de Howard que j'ai déjà citées précédemment mettent notamment en scène le personnage face à des êtres surnaturels en lien avec le divin : La Fille du Géant du Gel ( The Frost-Giant's Daughter), La Tour de l'Éléphant ( The Tower of the Elephant). Dans le premier récit, très imprégné de mythologie nordique, Conan est confronté aux cruels enfants du géant Ymir, dont sa fille nommée Atali, et si le lecteur est amené à se demander si l'aventure que vit le guerrier cimmérien n'est pas un rêve de celui-ci, la conclusion de Howard incite in fine à douter que cela n'ait été qu'un rêve et à penser que Conan s'est véritablement hissé à la hauteur d'un mythe... Dans le deuxième récit, Conan rencontre Yag-kosha, un être surnaturel ressemblant à Ganesh, dont on note à la fois qu'il a été divinisé mais qu'il a aussi une origine extra-terrestre, un peu comme les Grands Anciens de H. P. Lovecraft, Grands Anciens que Robert Howard, qui fut un contributeur au "Mythe de Cthulhu" de son collègue Lovecraft, connaissait évidemment très bien.
Par ailleurs, je rappelle que dans ces histoires de Kull, Howard intègre volontiers une profonde dimension métaphysique, notamment dans la nouvelle Le Coup de gong ( The Striking of the Gong). Les Miroirs de Tuzun Thune ( The Mirrors of Tuzun Thune) est une autre histoire du roi Kull intéressante concernant le rapport entre réalité et illusion, ainsi que sur la question du pouvoir, caractéristique des questionnements de Howard.
(03.04.2018, 17:16)Elendil a écrit : (31.03.2018, 16:22)Dwayn a écrit : Quant à la place de Tolkien dans la fantasy… je ne pourrai mentionner qu'un détail : c'est que son travail a énormément contribué, je le remarque, à changer l'image des Elfes, faisant avant cela partie du petit peuple (cf. les Ñoldor, originellement des Gnomes), devenus des créatures gracieuses, élancées, féminines et spirituelles, symbolisant ce qu'il y a de plus élevé chez l'homme (opposées au nain, petit, lourd, hyper-virilisé, vil durant le Moyen-Âge, etc.).
Si l'on prend le Moyen Âge scandinave comme référence, les Nains n'étaient certainement pas petits, ni particulièrement virilisés. Quant aux Elfes, difficiles de dire comment ils étaient vus, mais Tolkien s'est efforcé de les dépeindre de la façon dont il considérait que les Scandinaves médiévaux les imaginaient. Avec l'avènement du christianisme, puis des Lumières, il est vrai que les Scandinaves ont eu tendance à réduire leurs personnages mythologiques pour leur donner finalement une apparence de "petit peuple", comme l'ont fait les autres peuples européens. C'est seulement ce dernier avatar "folklorisé" que Tolkien a battu en brèche.
À noter que Howard, pour sa part, a intégré dans son œuvre (au delà des seuls récits de Conan) cet aspect de "petit peuple" mais dans un sens évolutionniste, en étant notamment influencé par Arthur Machen, ce qui témoigne d'un souci de ne jamais trop détacher le mythe de l'histoire... mais c'est là un sujet très vaste, non réductible évidemment à ce que Tolkien a voulu faire des Elfes, du reste...
(03.04.2018, 09:09)Hofnarr Felder a écrit : Certes, le romantisme exalte, de manière fantasmée, un passé révolu ; et on peut voir en cela une caractéristique fondamentale de la fantasy, en ce qu'elle correspond à un retour sur l'épopée médiévale, comme l'a dit Tikidiki (même si je ne suis pas certain de voir en quoi cela est vrai pour Howard, qui pour moi se rapprocherait plus d'Edgar Rice Burroughs, par exemple, que personne ne glisse jamais dans la fantasy). (04.04.2018, 08:59)Hofnarr Felder a écrit : Tikidiki mentionnait quant à lui l'épopée médiévale, ce qui me fait penser à "l'épopée fantastique" de l'anthologie en quatre volumes du livre d'or de la science-fiction. Ce sens de l'épopée est cette fois-ci, il me semble, un héritage direct du romantisme, comme vous étiez plusieurs à le remarquer.
Mais les aventures à la Conan (qui décidément me paraît plus atypique qu'on ne le croit) n'ont pas forcément grand-chose d'épique, parfois même on pourrait presque lire quelque chose ayant trait à une "anti-épopée" : un héros vagabond, qui fuit les événements qui le dépassent et essaie simplement de tracer son chemin comme il peut dans un monde déroutant. Là, on est plus volontiers dans le registre de l'aventure.
Conan est un révélateur au sein d'un univers, un témoin des errements des peuples de l'Âge Hyborien, et il n'est jamais au centre des récits où Howard le met en scène, pas même présent dans le titre original des récits. Certaines histoires de Conan relèvent effectivement plutôt du registre de l'aventure, mais il y a aussi un registre clairement épique, que l'on retrouvera par exemple dans la nouvelle La Citadelle Écarlate ( The Scarlet Citadel), qui figure notamment dans le deuxième volume (reprenant justement le titre de cette nouvelle) de l'anthologie "l'épopée fantastique" du Livre d'or de la science-fiction (chez Pocket) que tu évoques. On retrouvera aussi un registre épique howardien dans le roman L'Heure du dragon ( The Hour of the Dragon), seule histoire de Conan relevant de la quête. Ce sont là, entre autres, deux récits de Howard où l'on peut notamment sentir une inspiration médiévale (inspiration que l'on peut retrouver plus explicitement encore, du reste, dans les récits d'aventure historiques de Howard situés à l'époque des croisades), mais qui n'est pas exclusive. Alors évidemment, le fait que l'inspiration howardienne ne soit pas "que" médiévale gêne peut-être ceux qui voudraient (par commodité ?) enfermer la fantasy dans le médiévalisme, mais la fantasy n'est précisément pas réductible à un "retour au Moyen Âge", et s'agissant du registre épique, n'oublions pas tout de même qu'il y a eu Homère avant Beowulf (Howard a lu les deux, cela tombe bien, et il a aussi beaucoup lu Shakespeare).
Concernant Edgar Rice Burroughs, également évoqué dans le fuseau de la section des sondages, il peut fort bien être glissé dans la fantasy selon les points de vue, concernant notamment son univers de Pellucidar, mais encore une fois, c'est comme pour Lovecraft : les auteurs américains populaires du premier XXe siècle n'ont pas vocation à intégrer tels quels des "cases" de genre développées a posteriori, car ils ont fait un peu de tout au rayon imaginaire (comme je l'ai dit l'autre jour dans le fuseau du sondage). L'œuvre de Howard s'inscrit bien sûr pour partie dans le sillage de l'œuvre de Burroughs, mais il serait très réducteur d'enfermer la fiction howardienne dans un tel sillage, tant elle a plusieurs visages, et sachant bien qu'elle ne se limite pas à la fantasy.
(03.04.2018, 09:09)Hofnarr Felder a écrit : Je veux bien que le romantisme soit "à la source" de la fantasy, et je te fais tout à fait confiance pour le rapport entre romantisme et littérature pulp, tu connais tout cela bien mieux que moi ; mais j'ai tout de même l'impression que dire cela, c'est presque ne rien dire, et passer en même temps à côté de l'essentiel.
[...]
Mais dégager ce lien génétique entre certains aspects, qui resteraient largement à dégager, du romantisme, et la fantasy, ne nous aide pas beaucoup à comprendre la spécificité de cette dernière, et ses mécaniques d'invention propres. Il me semble précisément que la fantasy s'affranchit du romantisme et ne peut exister que de la sorte. C'est particulièrement évident chez Tolkien où on voit s'opérer cet affranchissement. Les Contes Perdus sont pour moi dans une veine romantique assez nette ; le Seigneur des Anneaux l'est déjà beaucoup moins. Enfin, Tolkien a donné lieu à un héritage assez vaste, qui rompt les liens avec le romantisme, et perpétue pourtant la fantasy. J'ai pris Tolkien comme exemple, mais on pourrait songer à d'autres.
Aussi, sur le fait qu'il y a au moins deux courants distincts ayant donné naissance à la fantasy à travers leur convergence, évidemment, les auteurs américains et européens communiquaient ; mais là encore, dire cela, c'est noyer la fantasy, les auteurs qui l'ont façonnée, dans un cadre et un ensemble d'affirmations beaucoup trop généraux. On finira par voir toute la littérature comme une vaste communauté d'auteurs, sans percevoir des mouvements différenciés dans ce fleuve immense. Je ne suis pas sûr que Tolkien lisait la littérature des fleuves ; et si Howard et Lovecraft se sont peut-être nourris de Morris et Dunsany, comme Tolkien, il n'en demeure pas moins que leur rapport à l'écriture, et le rapport même du lectorat à leurs publications, était radicalement différent. Ce n'est pas la même chose d'écrire pour des magazines avec des illustrations un peu tapageuses et aguichantes comme Weird Tales, qu'écrire des petits Contes sur un joli carnet avec une calligraphie soignée qu'on envoie ensuite traditionnellement à un éditeur qui va publier ça dans un livre relié, etc. Amalgamer l'un et l'autre de ces courants au nom d'influences culturelles entre Europe et Amérique, c'est à mon avis touiller un peu large.
Le romantisme et la fantasy sont, à mon avis, des mouvements culturels aux dimensions très vastes - tout comme le symbolisme par exemple - n'ayant pas forcément vocation à désigner une "école" très précise, avec une définition collée dessus qui serait "canonique" comme si les créateurs plus ou moins concernés avaient tous adhéré formellement à un club ou à ce que fut par exemple le groupe surréaliste de Breton. J'ai dit que le romantisme était à la source simplement pour expliciter une large part du contexte d'apparition d'un genre, la fantasy au XIXe siècle, mais l'histoire littéraire et l'histoire de l'art en général ne se résument pas à une succession de mouvements et genres dans lesquels on pourrait commodément enfermer les créateurs. La fantasy n'a ainsi pas à être "dégagée" du romantisme : ce ne sont là que quelques points de repère dans le temps et dans l'espace, qui n'ont pas vocation en soi à clarifier tous les "problèmes" que l'on peut noter concernant les différences entre telle ou telle œuvre de tel ou tel auteur. Quel serait l'intérêt de vouloir percevoir des mouvements différenciés si le but in fine est d'enfermer les créateurs dans des cases, et de leur coller des étiquettes comme à des produits de supermarché (les sous-genres en fantasy relève assez largement, selon moi, de cette logique pauvrement consumériste) ?
Si je puis me permettre cette recommandation à qui voudra bien l'entendre, n'essayez pas de vouloir toujours "maîtriser" les choses comme certains prétendent "maîtriser" le quenya ou la généalogie des rois du Gondor... Nous avons affaire là à des œuvres d'art, pas à des précipités de chimie ou à des analyses d'ADN (et quand bien même)... Passer à côté de l'essentiel, c'est vouloir enfermer les choses dans des cases sous prétexte de vouloir résoudre un problème, du moins est-ce mon avis...
Ce que tu appelles, Hofnarr, "touiller un peu large", c'est simplement essayer de faire preuve d'équilibre, entre l'excès de dissection et d'étiquetage (critiqué du reste par Tolkien dans On Fairy-Stories), et la volonté légitime d'appréhender, entre autres, des tendances et des mouvements si l'on peut en identifier. Pour ma part, je n'amalgame pas : je refuse simplement de segmenter par réflexe et de me focaliser d'emblée essentiellement sur les différences comme le font notamment, depuis des années, les spécialistes et lecteurs respectifs de Tolkien et Howard, pour citer les deux auteurs que j'étudie le plus. Bien sûr qu'il y a des différences... d'intentions immédiates, de moyens de diffusion, de réceptions, de styles d'écriture, d'inspirations, etc, et chacun peut toujours passer son temps à seulement les lister (y compris pour mieux justifier son intérêt plus ou moins exclusif pour tel ou tel auteur). Mais il me parait plus facile de se contenter de noter les différences entre une couverture de Weird Tales par Margaret Brundage illustrant une histoire de Conan et une illustration de Tolkien pour le Hobbit, et entre le lectorat visé par l'un et l'autre auteur à l'origine, que d'essayer d'aller voir au-delà de cela en ayant un point de vue différent, plus large, comme j'essaye modestement de le faire, en estimant notamment nécessaire de savoir prendre du recul par rapport à certaines habitudes consistant notamment à coller des étiquettes partout et à ne pas chercher à voir au-delà de ce qui est censé sauter aux yeux (apprendre à voir : une nécessité pour nous tous). Et entendons-nous bien : il ne s'agit pas de planer dans le vague non plus, mais de rechercher simplement l'équilibre (au risque, une fois de plus, de me répéter) entre excès de spécialisation et souci légitime de connaissance.
Voila pourquoi la définition de la fantasy d'Anne Besson que j'ai rappelé dans mon premier message, ainsi que la notion de "cœur de genre" que je lui emprunte également, me conviennent personnellement, en l'état des connaissances actuelles et sachant bien que rien n'est figé, car la fantasy a beaucoup évolué depuis une quinzaine d'années, dans un sens toujours plus protéiforme, semble-t-il...
(03.04.2018, 09:58)Hofnarr Felder a écrit : Ce que je me demande plus personnellement c'est : pourquoi lire un roman de fantasy ? Qu'attend-on lorsqu'on lit un roman de fantasy ?
[...] En tout cas, je suis curieux de savoir pourquoi vous lisez, vous, de la fantasy, et ce que vous pensez être en droit de vous attendre à y trouver ; c'est-à-dire pour quelles raisons vous pourriez refermer l'ouvrage, déçu ou non, en vous disant : "Mais... Ce n'était pas de la fantasy !"
Lorsque je lis de la fantasy, je m'attend plutôt à trouver un rapport au surnaturel relevant de l'acceptation de celui-ci dans le contexte du récit, généralement sans explication scientifique et/ou technique, et je m'attend aussi souvent à trouver la mise en scène de personnages au sein d'un monde secondaire et/ou dans un passé alternatif. Mais c'est juste là une tendance très générale, tant la variété possible de récits de ce genre semble infinie, y compris au prix de frontières poreuses avec le fantastique, la science-fiction, le récit historique ou le récit policier... ce qui, sur le principe, n'est pas un problème pour moi ! Ce sont les œuvres en elles-mêmes, indépendamment de catégorisations, qui comptent avant tout. ^^
En espérant avoir été utile à cette réflexion commune, je vous souhaite une bonne nuit.
Amicalement,
Hyarion.
All night long they spake and all night said these words only : "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish." "Dirty Chu-bu," "Dirty Sheemish," all night long.
(Lord Dunsany, Chu-Bu and Sheemish)
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(04.04.2018, 21:55)Tikidiki a écrit : Or, l'univers de Star Wars est issu de celui d'Asimov. Coruscant, c'est Trantor ; la Force, c'est celle de Terre et Fondation ; sans parler des pouvoirs psychiques.
Autant Coruscant doit effectivement beaucoup au Trantor d'Asimov, que Lucas lisait vraisemblablement, autant il ne faut pas non plus généraliser.
Terre et Fondation est parue en 1986, tandis que le premier Star Wars est sorti en 1977. S'il y a influence, c'est dans l'autre sens.
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Fais attention Hyarion à ne pas faire preuve, avec nos opinions, de la même tendance à l'étiquetage que tu nous reproches de faire preuve vis-à-vis des œuvres... Ce n'est pas parce que nous discutons du genre de la fantasy, une approche qui relève forcément, partiellement au moins, de la taxinomie littéraire, que nous étiquetons les livres comme des bocaux de cornichons. Et quand bien même nous nous amuserions à multiplier les sous-catégories, par jeu ou par intérêt, cela ne rendrait pas caduque la discussion ; la classification est un trait culturel commun à tous les peuples et toutes les cultures ; en faire le monopole exclusif de la société consumériste, c'est lui vouer plus qu'elle ne possède. De même, ta distinction hiérarchique entre une réflexion "facile" qui consisterait à remarquer des contrastes forts, et une réflexion "qui prend du recul" visant à embrasser l'équilibre de la Force, ne me paraît pas nécessairement habile ; il n'y a rien de facile ou de difficile, tout dépend de ce qu'on en fait, et de si on a, ou non, des choses intéressantes à en dire.
La destination d'Anne Besson me paraît à certains égards, trop générale, à d'autres trop respective. Par exemple : "la fantasy est à destination d'un large publique" ; qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut-il dire que la fantasy est suffisamment diverse pour que, dans le jeu de ses différences internes, il y est de quoi satisfaire tous les publics ? Ou s'agit-il de souligner une quelconque filiation "populaire" ? Au contraire, et en tout cas en France, la fantasy me paraît être un genre plutôt intimiste, de niche, et il n'apparaît en-dehors que certains produits qui, la plupart pour de bonnes raisons et de façon entièrement méritée, rencontrent un plus large succès (la première adaptation cinématographique de Conan, la trilogie de Peter Jackson, la série Games of Thrones, la saga Harry Potter). Après ça, des grands noms comme Terry Pratchett, David Eddings, Tad Williams, sont tous à peu près inconnus au bataillon.
"prenant le contre-pied de la modernité industrielle" : là encore, à l'origine, sans doute. Mais il s'est développé depuis une fantasy plus variée. Le monde d'Arcanum, par exemple, s'y enracine au contraire tout entier. Or, aux yeux de beaucoup, il y a une continuité manifeste entre la fantasy tolkienienne, howardienne, et la fantasy d'Arcanum ou d'autres univers fictionnels ; la question, c'est de savoir sur quoi se fonde cette sensation de communauté. Justement, tout en "prenant le contre-pied de la modernité industrielle" (dans une veine romantique si l'on veut), ces auteurs ont inventé des formes fictionnelles qui ont leur logique propre, indépendamment de leur filiation initiale ; reste à mieux appréhender cette logique. En quoi est-ce que cela se distingue de ton propre questionnement et de ta propre mise à distance, je me le demande... A ceci près qu'il n'y a rien de modeste dans l'approche que je revendique, et pas de prise de recul non plus ; c'est ambitieux, et à bras-le-corps.
"elle fait régner le merveilleux dans des cadres imaginaires, passés ou actuels" ; il faut donc qu'il y ait merveilleux d'une part (avec tout le flou que cette définition comporte ; mais je pense qu'avec l'insistance portée sur la magie, cela répond à une sensation éprouvée par la plupart, et que cela fait sens), cadre imaginaire de l'autre. C'est effectivement un bon début et nous l'avons tous admis, je crois. Mais il y a difficulté à aller au-delà des impressions vagues et premières, et de saisir vraiment ce que nous entendons par tous ces mots (merveilleux ? imaginaire ? Cambrai est déjà un cadre imaginaire, et pourtant...). C'est là encore un des enjeux de la discussion.
Pour Star Wars, je n'avais jamais perçu la parenté avec Asimov ; mais cela fait sens. Cela dit, si on trouve des éléments communs, l'atmosphère, l'orientation, et même le rapport à l'histoire, est très différent. J'insiste : dans Fondation, il y a un rapport à l'histoire, à la société, à la culture humaines. Pas dans Star Wars. C'est cet "absence de référent culturel" que je définis comme une des marques de la fantasy. En fantasy, nous sommes radicalement étrangers. Et l'univers de Star Wars me semble nous être considérablement plus étranger que l'univers de l'Empire trantorien.
Quant aux univers Marvel et DC : Tikidiki cite les X-Men, à raison, mais j'avais plutôt en tête Doctor Strange pour Marvel, Zatanna pour DC... La magie existe bel et bien dans ces univers, et côtoie sans trop de difficulté la SF, la technologie, les mutants et les extra-terrestres. Je n'y verrais pas de la fantasy pour autant, parce qu'il n'y a pas les mêmes sensations associées, précisément, et que les référents culturels restent fortement présents.
Je vous transmets aussi une liste des dix "ingrédients" de l'heroic fantasy selon David Eddings :
Citation :the ten central elements of good fantasy: a theology, the quest, the magic thingamajig, the hero, the wizard, the heroine, the diabolical villain, the (male) companions on the quest, the ladies in attendance on these companions and the rulers and government officials
On retrouve différents éléments évoqués ; notamment le rapport indispensable à une forme de panthéon divin évoqué par Agmar, la magie bien sûr, et d'autres éléments plus inattendus (un gouvernement ?).
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La liste d'Eddings semble se focaliser sur le cœur de la notion de fantasy, mais effectivement, il soulève une réflexion intéressante : la fantasy parle presque toujours d'une certain rapport au pouvoir. Il y a presque toujours un ou plusieurs personnages puissants qui incarnent l'ordre et l'autorité. Souvent en arrière-plan, occasionnellement comme personnages principaux. Or ce n'est pas le cas de toutes les formes littéraires, loin s'en faut.
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La discussion avance plutôt bien je trouve. A travers les arguments, exemples et citations des uns et des autres, il devient possible d'avancer quelques invariants (ou presque) du genre. Ce n'est bien sûr pas encore une définition.
La présence du rapport au pouvoir, comme le souligne Elendil, est une ligne de force du genre. J'y souscris totalement.
L'éloignement culturel, physique, temporel constitue un autre invariant.
La présence de la magie et son intégration au monde secondaire, malgré quelque rare contre-exemple (tout cela au singulier pour le moment), est constitutif du genre.
Bien sûr on trouvera toujours des oeuvres qui empruntent à plusieurs courants de sorte qu'elles sont difficilement classables. A ce propos je me suis interrogé sur le cas de la bande dessinée Thorgal. Une saga familiale dans un moyen-âge scandinave mythologique imprégné de magie et de dieux bien tangibles mais où le personnage principal est l'un des derniers survivants des Atlantes, peuple tout à fait humain, avancé technologiquement et qui a quitté la Terre depuis des siècles à bord de vaisseaux spatiaux. Throgal y est régulièrement confronté à des gens qui abusent de leur pouvoir mais il croise aussi la déesse Frigg.
Mon avis est que malgré tout la distance culturelle n'est pas assez importante que pour considérer Thorgal comme une oeuvre de fantasy et qu'elle oscille entre fantastique et SF.
Peut-être cet exemple contribuera-t-il à progresser dans cette quête?
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Pour le coup, je pense que Thorgal est pleinement de la fantasy : dans les premiers volumes, on pouvait croire que le récit se passait sur la Terre, mais les récits ont progressivement mis en place une géographie politique ressemblant certes à la nôtre, mais incompatible avec notre histoire. On peut considérer que l'action est une uchronie ou se situe sur un monde parallèle.
La présence de quelques éléments technologiques avancés chez les survivants des Atlantes pourrait éventuellement faire pencher la balance en faveur du sous-genre de la science-fantasy, à l'instar de la Romance de Ténébreuse, de Marion Zimmer Bradley (série dont certains volumes méritent d'être lus). Néanmoins, la balance est assez nettement en faveur de la fantasy : seuls les pouvoirs psychiques de Jolan ont une explication (vaguement) scientifique, tandis que pullulent Elfes, Nains, dieux scandinaves et sorciers en tous genres.
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05.04.2018, 20:24
(Modification du message : 05.04.2018, 20:27 par Widor.)
La référence au Moyen-Âge ou à l'antiquité, un Moyen-Âge imaginaire, dans la fantasy est à mon avis un élément important lié à la période de naissance de la fantasy, XIXème, XXème siècle, la période de l'ère industrielle. l'ère de la masse, de l'exode rurale et d'une certaine manière de la fin des héros guerriers. Il y a dans un Moyen-Âge fantasmé non seulement l'idée d'une Terre avec de grands espaces mais aussi une Terre où les rapports personnels (du seigneur à son vassal etc.) primes sur les rapports de classe perçu comme déshumanisés (les patrons, les ouvriers etc.). Il y a aussi le rapport à une technologie vue comme potentiellement destructrice et destructrice à un niveau jamais vu auparavant.
Tolkien débute la création de son oeuvre lors de la Première Guerre Mondiale et le Seigneur des Anneaux est écrit avant, pendant et après la Seconde Guerre Mondiale. Il doit y avoir (même inconsciemment) un rapport à la modernité conflictuel, une envie de revenir aux "temps des héros".
Je lisais récemment un article qui expliquait plutôt bien que notre société qui continue à produire des héros semble les cacher, s'évertue à les laisser dans l'ombre et l'auteur nous pose une question: pourriez-vous me citer un seul, juste un héros des guerres que mène actuellement la France (Afghanistan, Mali, Syrie, Centre-Afrique...) ? Personnellement j'en suis incapable mais je connais Bertrand Du Guesclin, Roland, Bayard le chevalier sans peur et sans reproche etc.
Il y a probablement dans la fantasy l'envie de revenir à une civilisation plus simple, plus humaine. Il ne s'agit pas d'écrire que le Moyen-Âge c'était super et aujourd'hui c'est nul, ce n'est pas mon propos. Mon propos c'est que notre époque provoque certainement un désir de fuite vers des mondes héroïques, pourquoi ? Je ne saurais le dire véritablement.
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Le désir de fuite vers des mondes merveilleux se retrouve dans des histoire très anciennes à des époques bien moins moderne que la notre.
Je m’interroge peut on considérer les contes types Grimm ou Perrault comme de la fantasy ? On y retrouve la magie le « medievalisme » et beaucoup d’élement cité par Edding’s ?
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06.04.2018, 01:11
(Modification du message : 06.04.2018, 11:58 par Agmar.)
N'est ce pas juste le ratio armes tranchantes armes à feu/laser qui permet de faire le tri entre fantasy et Sf. Fantasy qui est un genre très sanglants, beaucoup plus que la SF ou le fantastique d'ailleurs.
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Grimm et Perrault n'ont fait que collecter et mettre par écrit des contes traditionnel européens. Or le fantasy nécessite une grande part d'invention, même si certains motifs peuvent être repris aux codes du genre.
Quant à savoir si la fantasy est plus sanglante que la SF, je n'en suis nullement convaincu : la série de Dune, pour prendre un célèbre exemple, est une longue suite de massacres entrecoupés par des génocides. Et les principaux personnages sont à peu près démunis à empêcher les catastrophes qu'ils anticipent.
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(05.04.2018, 14:08)Elendil a écrit : Pour le coup, je pense que Thorgal est pleinement de la fantasy : dans les premiers volumes, on pouvait croire que le récit se passait sur la Terre, mais les récits ont progressivement mis en place une géographie politique ressemblant certes à la nôtre, mais incompatible avec notre histoire. On peut considérer que l'action est une uchronie ou se situe sur un monde parallèle.
Le monde parallèle est effectivement une possibilité, bien que je n'ai jamais rien lu de Van Hamme, le scénariste, qui confirme cette hypothèse. D'une certaine manière l'existence de mondes parallèles est une idée assez proche de la SF qui ouvre la porte à des "explications scientifiques" quant à ce phénomène. Mais je ne vois in fine guère d'inconvénients à considérer Thorgal comme de la fantasy mâtinée de SF. Certains albums, comme l'Enfant des Etoiles ou Aaricia plus encore, sont féériques dans un sens proche de celui de Tolkien. Même si le cadre général est un éventuel monde parallèle et non pas notre Terre même uchronique. J'ajoute que l'Arda décrite par Tolkien, censée être bel et bien notre Terre, est tout aussi incompatible avec notre monde. Ce qui est assez remarquable dans Thorgal c'est qu'il arrive que les auteurs s'affranchissent totalement de considérations féériques, de fantasy ou de SF pour nous livrer une aventure dans un cadre sans artifice. Les Archers, l'un des meilleurs albums de la série, en est un exemple.
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06.04.2018, 12:08
(Modification du message : 06.04.2018, 12:08 par Agmar.)
(06.04.2018, 06:55)Elendil a écrit : Grimm et Perrault n'ont fait que collecter et mettre par écrit des contes traditionnel européens.
Je parlais des contes en eux même pas forcément de l'auteur. remarque les contes traditionnel décrivent leurs époques respectives avec une touche de surnaturel c'est presque plus du fantastique qui a vieilli.
Or le fantasy nécessite une grande part d'invention, même si certains motifs peuvent être repris aux codes du genre.
(06.04.2018, 06:55)Elendil a écrit : Quant à savoir si la fantasy est plus sanglante que la SF
Je ne disait pas que la SF ne pouvait pas être sanglante, mais je n'ai pas à l'esprit de Fantasy sans pléthore de mort violente et batailles alors que des romans de SF sans guerre ou bataille il y en a peut être un peu plus.
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Je suis assez d'accord pour dire que la fantasy a à voir avec la geste guerrière. A ma connaissance, il n'y a pas de fantasy sans combat (alors qu'il est vrai que j'ai lu des livre de SF sans combat), pas forcément la guerre mais il s'agit toujours de l'histoire d'un combattant ou de l'histoire d'un civil qui doit apprendre à combattre. La geste chevaleresque et les sagas sont probablement une source de la fantasy.
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(06.04.2018, 18:45)Widor a écrit : Je suis assez d'accord pour dire que la fantasy a à voir avec la geste guerrière. A ma connaissance, il n'y a pas de fantasy sans combat (alors qu'il est vrai que j'ai lu des livre de SF sans combat), pas forcément la guerre mais il s'agit toujours de l'histoire d'un combattant ou de l'histoire d'un civil qui doit apprendre à combattre. La geste chevaleresque et les sagas sont probablement une source de la fantasy.
Je pense que c'est un peu prendre l'effet pour la cause. Ce sont les enjeux de pouvoir qui sont au coeur de la fantasy, et c'est l'un des grands thèmes du SdA mais aussi du Silmarillon. La guerre ou le combat ne sont que l'un des moyens de s'en emparer ou d'empêcher un autre de le conquérir. Ainsi, il y a très peu de combats ou de champs de bataille dans l'Assassin Royal de Hobb. Quelques bagarres et quelques raids de "Forgisés" sans rien d'épique.
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06.04.2018, 19:22
(Modification du message : 06.04.2018, 19:28 par Widor.)
C'est pourtant bien ce que j'ai écrits la geste guerrière ne signifie pas forcément la guerre mais je ne connais aucune histoire de fantasy sans ne serait-ce qu'un seul combat fut-il une joute, une bagarre de taverne etc. Le combat sous toutes ses formes fait partit du genre et le SdA n'en manque pas.
J'avais lu dans l'avant propos de la réédition des histoires de Conan que ce personnage était né de l'inspiration des gaillards Texans (je crois qu'Howard lui même était costaud), Tolkien pour sa part s'est inspiré des sagas en particulier celle de Beowulf. Le genre est né en intégrant la violence dans ses codes d'écriture.
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07.04.2018, 01:38
(Modification du message : 07.04.2018, 20:16 par Hyarion.)
(05.04.2018, 09:58)Hofnarr Felder a écrit : Fais attention Hyarion à ne pas faire preuve, avec nos opinions, de la même tendance à l'étiquetage que tu nous reproches de faire preuve vis-à-vis des œuvres... Ce n'est pas parce que nous discutons du genre de la fantasy, une approche qui relève forcément, partiellement au moins, de la taxinomie littéraire, que nous étiquetons les livres comme des bocaux de cornichons. Et quand bien même nous nous amuserions à multiplier les sous-catégories, par jeu ou par intérêt, cela ne rendrait pas caduque la discussion ; la classification est un trait culturel commun à tous les peuples et toutes les cultures ; en faire le monopole exclusif de la société consumériste, c'est lui vouer plus qu'elle ne possède. De même, ta distinction hiérarchique entre une réflexion "facile" qui consisterait à remarquer des contrastes forts, et une réflexion "qui prend du recul" visant à embrasser l'équilibre de la Force, ne me paraît pas nécessairement habile ; il n'y a rien de facile ou de difficile, tout dépend de ce qu'on en fait, et de si on a, ou non, des choses intéressantes à en dire.
De grâce, évitons de mettre du Star Wars dans ce que j'appelle la recherche d'équilibre : la prévention des anciens Grecs contre l' hybris ne date pas des films de George Lucas... Et aussi bien si j'ai pu donner l'impression (fausse) de donner des leçons, je m'en excuse.
Il y a effectivement quelque-chose de "facile" à se contenter de noter ce que tu appelles des contrastes forts : combien de spécialistes et lecteurs ont pris prétexte de cela pour justifier leurs passions exclusives et leurs petites spécialités reflétant volontiers, du reste, leurs seuls (centres d')intérêts... Selon moi, cela ne peut pas suffire à appréhender les choses, et c'était là tout le sens de mon propos, sans chercher à avoir raison, ni à paraître "supérieur" dans ma réflexion. Des contrastes, des différences, des frontières, il s'en trouvera toujours. C'est quelque-chose d'incontournable. Comme le disent Michel Agier et Régis Debray, dont j'ai lu quelques propos récemment, la frontière est bonne à penser, car elle aide à mettre un peu d'ordre sur un plan symbolique au milieu d'un réel chaotique, à travers un jeu d'oppositions (ying/yang, chaud/froid, féminin/masculin, appolinien/dyonysiaque, gauche/droite...), et elle permet d'éviter l'ennui d'une identité sans altérité, car la frontière est en fait une porte supposant un passage, et non un mur. Ce que j'aimerai que l'on évite, personnellement, ce sont donc les murs, plus faciles à construire que les portes.
Or, on n'évite pas toujours la constructions de murs lorsque l'on se pique de classifications, et c'est un effet pervers que j'ai pu constater dans le domaine de la fantasy, en naviguant notamment entre la planète Tolkien et la planète Howard. Ce n'est que mon point de vue, mais je constate que les catégorisations en fantasy sont largement un fait éditorial et commercial, avec parfois de bonnes intuitions, mais aussi souvent une obsession de l'étiquetage avec des clientèles en ligne de mire... Je ne suis d'ailleurs pas sûr que la constitution de communautés de "fans" autour de tel ou tel auteur soit complètement étrangère à ce phénomène socio-économique : diffuseurs et publics ont de toute façon partie liée au sein de ce que Howard Becker appelle les mondes de l'art.
Je trouve en tout cas l'excès de catégorisation et de classification très nuisible à une appréhension équilibrée des écrivains (et des artistes en général) comme de leurs œuvres. Tolkien n'a pas à être enfermé dans une case "high fantasy" et Howard n'a pas à être enfermé dans une case "heroic fantasy" ou "sword and sorcery", surtout si cette compartimentation implique implicitement une hiérarchisation (le label "high fantasy" valant titre de noblesse pour les Elfes de Tolkien, tandis que les aventuriers barbares de Howard devraient se contenter de la basse-cour "heroic fantasy"/"sword and sorcery" : pour moi, c'est injuste et ridicule, mais c'est cependant comme ça que les choses ont longtemps été conçues et vues par beaucoup, et parfois encore aujourd'hui !). Plus largement, Tolkien et Howard, en tant qu'auteurs, ne sont pas réductibles à la fantasy, et la fantasy n'est pas réductible à tel ou tel modèle qu'un auteur serait censé incarner. Il faut abattre les murs, et ouvrir un peu plus les portes et les fenêtres. Concevoir cela, c'est déjà prendre du recul, et tant mieux si je ne suis pas le seul dans ce cas.
(05.04.2018, 09:58)Hofnarr Felder a écrit : La destination d'Anne Besson me paraît à certains égards, trop générale, à d'autres trop respective. Par exemple : "la fantasy est à destination d'un large publique" ; qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut-il dire que la fantasy est suffisamment diverse pour que, dans le jeu de ses différences internes, il y est de quoi satisfaire tous les publics ? Ou s'agit-il de souligner une quelconque filiation "populaire" ? Au contraire, et en tout cas en France, la fantasy me paraît être un genre plutôt intimiste, de niche, et il n'apparaît en-dehors que certains produits qui, la plupart pour de bonnes raisons et de façon entièrement méritée, rencontrent un plus large succès (la première adaptation cinématographique de Conan, la trilogie de Peter Jackson, la série Games of Thrones, la saga Harry Potter). Après ça, des grands noms comme Terry Pratchett, David Eddings, Tad Williams, sont tous à peu près inconnus au bataillon.
Or, aux yeux de beaucoup, il y a une continuité manifeste entre la fantasy tolkienienne, howardienne, et la fantasy d'Arcanum ou d'autres univers fictionnels ; la question, c'est de savoir sur quoi se fonde cette sensation de communauté. Justement, tout en "prenant le contre-pied de la modernité industrielle" (dans une veine romantique si l'on veut), ces auteurs ont inventé des formes fictionnelles qui ont leur logique propre, indépendamment de leur filiation initiale ; reste à mieux appréhender cette logique. En quoi est-ce que cela se distingue de ton propre questionnement et de ta propre mise à distance, je me le demande... A ceci près qu'il n'y a rien de modeste dans l'approche que je revendique, et pas de prise de recul non plus ; c'est ambitieux, et à bras-le-corps.
Attention au saut de l'ange, quand même... je ne garantie pas la destination !
Je ne suis pas sûr que la sensation de communauté puisse être cernée autant que tu le souhaiterais peut-être. Si la définition d'Anne Besson te parait à la fois trop générale et trop restrictive, c'est parce qu'elle renvoie à un phénomène protéiforme que l'on ne peut peut-être pas appréhender précisément ni comme une "école" artistique qui vaudrait pour tout mode d'expression, ni comme un phénomène de société dont la réception serait la même partout. Quand Anne parle d'un large public, elle fait référence à un contexte mondial, essentiellement occidental, mais en tout cas pas seulement français, et surtout, elle souligne par là la dimension populaire du genre. L'impression de genre plutôt intimiste et de niche dont tu fais état me parait surtout renvoyer à la dimension littéraire de la fantasy. Or, ce genre a de nombreux visages, loin de se limiter à la littérature, puisqu'il s'épanouit aussi notamment dans les très vastes domaines des arts visuels, dont on s'accordera pour dire qu'ils sont aujourd'hui des vecteurs forts de diffusion culturelle, surtout quand le contenu de la culture populaire finit par être récupéré par la culture de masses. Bien sûr, le rapport texte/image a toujours été important en fantasy (le merveilleux l'encourage par nature), mais n'oublions pas, en tout cas, que la fantasy n'est pas qu'une affaire de livres, illustrés ou non, mais aussi, de plus en plus, une affaire de films et de séries TV... avec des publics constituant un vaste ensemble mais sans pour autant être homogène (les "fans" de la série GoT, par exemple, ne sont pas forcément des "fans" des livres de George Martin dont est issue la série TV, et vice versa).
C'est ce qui me fait envisager le fait que la fantasy est, en quelque sorte, plus un moyen qu'une fin : c'est une forme contemporaine de merveilleux, dont on peut identifier une apparition au XIXe siècle, en réaction à l'industrialisme ou industriation, mais qui reprend tout un rapport au surnaturel que l'on peut retrouver dans les mythes anciens, les contes et les légendes des siècles précédents. C'est une grille de lecture possible pour appréhender un certain nombre d'artistes, comme le fantastique ou la science-fiction, mais cette grille peut être conçue de façon suffisamment souple pour ne pas enfermer les œuvres dans des cases si on ne le souhaite pas, comme c'est mon cas.
(05.04.2018, 09:58)Hofnarr Felder a écrit : "elle fait régner le merveilleux dans des cadres imaginaires, passés ou actuels" ; il faut donc qu'il y ait merveilleux d'une part (avec tout le flou que cette définition comporte ; mais je pense qu'avec l'insistance portée sur la magie, cela répond à une sensation éprouvée par la plupart, et que cela fait sens), cadre imaginaire de l'autre. C'est effectivement un bon début et nous l'avons tous admis, je crois. Mais il y a difficulté à aller au-delà des impressions vagues et premières, et de saisir vraiment ce que nous entendons par tous ces mots (merveilleux ? imaginaire ? Cambrai est déjà un cadre imaginaire, et pourtant...). C'est là encore un des enjeux de la discussion.
Mais on a déjà mis sur la table une définition du merveilleux, non ? En tout cas, personnellement je l'ai fait : peut relever du merveilleux, selon moi, tout ce qui relève du surnaturel perçu comme tel par le lecteur et qui est accepté comme réalité sans explication scientifique ou technique dans le récit. C'est assez clair, non ? Pour une fois que j'essaie d'éviter le flou...
Il y a du merveilleux chez Homère et l'Arioste, comme chez Tolkien et Howard. Mais seuls les deux derniers s'inscrivent dans un phénomène contemporain nommé fantasy, né au XIXe siècle et au sein duquel l'usage de mondes secondaires dans un passé alternatif, et d'une dose plus ou moins importante de surnaturel, fait sens.
Pour le reste, on pourra noter toutes les correspondances que l'on voudra, comme par exemple la récurrence de la question du pouvoir : mais celle-ci est-elle plus présente en fantasy que dans le reste de la littérature, à commencer par les autres littératures de l'imaginaire ? Façonner des mondes secondaires amène en fait assez naturellement à se poser, entre autres, la question du pouvoir : cela fait partie de la charrette subcréative, si j'ose dire.
Ah, oui, je suppose qu'il faudrait aussi une définition des littératures de l'imaginaire (fantasy, fantastique, science-fiction)... Si je dis qu'une littérature de l'imaginaire est une littérature non-mimétique par rapport au réel, ça vous irait ? ^^
(06.04.2018, 19:22)Widor a écrit : J'avais lu dans l'avant propos de la réédition des histoires de Conan que ce personnage était né de l'inspiration des gaillards Texans (je crois qu'Howard lui même était costaud), Tolkien pour sa part s'est inspiré des sagas en particulier celle de Beowulf. Le genre est né en intégrant la violence dans ses codes d'écriture.
Robert Howard a longtemps été décrit comme un colosse : en réalité, il mesurait un mètre quatre-vingt, étant donc légèrement plus grand que la moyenne, mais s'il fut un temps un homme sportif entre la fin de l'adolescence et le début de la vingtaine, c'était aussi un assez gros mangeur qui dû par la suite lutter régulièrement contre les kilos. Concernant l'origine de Conan, Howard a effectivement raconté (à Clark Ashton Smith) que ce personnage serait la somme de rencontres diverses que l'auteur a (ou aurait) pu faire au quotidien dans sa région, Howard parlant de "chasseurs de primes, bandits armés, contrebandiers, durs à cuire des champs de pétrole, joueurs, et honnêtes travailleurs", mais Patrice Louinet rappelle souvent, et à raison, qu'il ne faut pas toujours prendre ce que dit Howard au pied de la lettre, d'autres facteurs étant du reste vraisemblablement intervenus dans le façonnement du personnage, notamment le fort intérêt de son créateur pour l'histoire et la civilisation des peuples celtes. Entre autres lectures d'œuvres épiques, on sait que Howard a également lu Beowulf (même s'il ne l'a sans doute pas étudié aussi doctement que Tolkien).
Concernant le rapport entre violence et fantasy, je ne sais pas s'il y a là une vraie spécificité : là encore, comme la question du pouvoir, cela me semble faire partie de la charrette subcréative, mais cela ne caractérise pas forcément la fantasy, moins en tout cas a priori que le genre policier, par exemple, dont la mise en scène de la violence (à travers le crime) est, pour ainsi dire, la raison d'être.
Amicalement, ^^
Hyarion.
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Hyarion, tu as bien raison sur beaucoup de points ; notamment sur le fait qu'il y a matière à être méfiant vis-à-vis d'une entreprise qui consisterait à séparer le genre en de multiples cases hermétiques pour tenir les différentes œuvres les unes à l'écart des autres. Quant à la dimension éditoriale de la chose, très saillante et qu'Elendil et moi avions rapidement évoqués en amont de cette conversation, il est évident qu'elle doit nous interpeller, mais non nous guider. C'est justement la volonté, en ce qui me concerne, de m'approprier ces catégories, plutôt que d'en laisser la définition aux mains des directeurs de collection, qui a motivé l'ouverture du présent fuseau.
Et l'objectif, je ne peux m'empêcher de le souligner une fois encore, n'est pas de définir des catégories fermées, des séparatrices, mais plutôt d'identifier des ressorts particuliers, des motifs littéraires (ou plus largement narratifs ; inutile d'argumenter sur l'aspect plurimédiatique mis en avant par Anne Besson et que j'admets plus que volontiers), qui feraient l'intérêt du genre. Ceux qui me connaissent bien savent que je cherche à faire valoir la légitimité, artistique et esthétique, d'un genre qui m'est tout particulièrement cher -comme à toi, je le crois. Il ne s'agit jamais d'établir une hiérarchie, un jugement de valeur, mais de poser, si l'on veut, les coordonnées d'un repère plus vaste où la place de chacune des œuvres s'éclaire. Il y a aussi un peu, pour moi, de cette idée que Tolkien ne définit pas "la" fantasy, que ce n'est qu'une fantasy possible, qui joue selon certains axes choisis, lesquels ne sont pas nécessairement tous définitoires et n'épuisent certainement pas l'immensité du genre. Définir la fantasy, c'est aussi permettre de poser un cadre plus général, dans lequel il deviendrait à la fois possible de définir la spécificité tolkienienne, bien réelle, et à la fois de reconnaître la valeur intrinsèque des productions qui s'en distinguent. Je crois que sur tous ces points, nous partageons des visées communes ! C'est pourquoi j'insistais sur le fait de ne pas nous faire rejoindre trop vite le champ des attitudes et des positions que tu décries.
Au passage je te remercie pour ta définition concise de merveilleux, que j'enregistre et à laquelle je réfléchis.
Beaucoup de choses ont été dites depuis que j'ai mis les pieds ici ! C'est très excitant !
Sur la violence en fantasy, c'est un point dont je n'avais pas conscience, mais il est vrai que je m'attends, en fantasy, à ce qu'il y ait de la castagne. Mais je partage peut-être un peu la perspective de Hyarion : dans la mesure où la fantasy est souvent un roman d'aventures, avec des péripéties, de l'action, on s'attend à y voir de la violence. Mais en même temps, quand je songe aux Tombes d'Atuan de Le Guin, difficile de trouver un seul combat là-dedans : très franchement je crois bien qu'il n'y en a aucun. Pourtant, c'est de la fantasy de premier ordre, et à la lecture de ce livre, j'éprouve très certainement la sensation spécifique que j'associe au genre.
Le rapport au pouvoir est un autre point intéressant. Dans une fantasy d'aventures, du type de certaines nouvelles de Howard, il n'y a pas nécessairement un rapport très prononcé au pouvoir non plus. Mais si les nouvelles de Howard sont très bonnes et que je les apprécie personnellement, je n'y trouve pas forcément cette sensation évoquée plus haut -et qui peut s'associer à la magie, au merveilleux, à une sorte de sensation qu'il y a comme une dimension supplémentaire, une profondeur nouvelle qui infuse tous les aspects de la réalité, et en particulier la nature. Je pense que le rapport particulier au pouvoir ; d'abord, quand on imagine un pays imaginaire, on a souvent tendance à partir "d'en haut" ; c'est plus facile de commencer avec un royaume, qu'avec une anthropologie détaillée des mœurs quotidiennes des habitants. Ensuite, le rapport au pouvoir est généralement présent dans la littérature épique puisque les choses peuvent difficilement advenir sans que les autorités n'interviennent. Dans l'imaginaire même actuel, les clefs de l'action, du pouvoir humain, sont dans les mains des dirigeants. Si donc on veut une dimension d'action inhabituelle, qui dépasse l'ordinaire et le quotidien, il va falloir se mêler au pouvoir, je pense. De même, pas d'armée (et donc pas de bataille) sans un pouvoir permettant de rassembler les combattants, d'établir une stratégie générale, de les armer, etc.
J'aurais envie de suggérer trois "tendances" à la fantasy : la fantasy épique, la fantasy de quête, et la fantasy d'aventures. Là encore, il ne s'agit pas de séparer, et l'une et l'autre peuvent bien se combiner ; ce sont des composantes plus que des catégories. La première fait forcément intervenir une dimension "nationale" ; et donc on s'attendra à trouver des références explicites au pouvoir, des batailles, etc. La fantasy politique se rattache plus volontiers à cette fantasy épique. La fantasy de quête n'a je crois pas besoin de définition : il s'agit de décrire le mouvement d'un groupe de personnages vers un objectif très déterminé présenté comme crucial. Le grand trope de la fantasy tolkienienne, c'est évidemment d'articuler la fantasy épique à la fantasy de quête, mais on peut très bien trouver l'une sans l'autre (Games of Thrones pour la première, on va dire, même si je ne connais pas bien, et Terremer pour la seconde). La troisième est une fantasy qui se centre plutôt sur un individu ou un individu et ses compagnons et qui décrivent les péripéties qui leur adviennent, mais qui ne s'insèrent pas nécessairement le long d'un fil donné. Evidemment, une péripétie peut être une quête, mais la quête suggère malgré tout une succession de péripéties parcourues par un horizon commun et une tension constante vers un objectif qui les dépasse. Cette fantasy d'aventures regrouperait Conan, Kull (malgré son rapport prononcé au pouvoir, Kull n'est jamais vraiment épique au sens où les aventures n'ont pas de dimension nationale), Lankhmar, etc.
Après, aucune de ces trois composantes n'est nécessairement propre à la fantasy (quoique le thème de la quête ne se retrouve pas volontiers ailleurs, il me semble). Et je pense que certaines œuvres de fantasy ne se retrouvent volontiers dans aucune de ces trois perspectives.
Je m'interroge par ailleurs sur le rapport, essentiel ou non, de la fantasy à la nature. Il me semble qu'il ne peut pas y avoir de fantasy sans un monde naturel. Evidemment, il y a des exceptions ; mais je me demande à quel point, pour ces exceptions, la fantasy opère.
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(09.04.2018, 14:10)Hofnarr Felder a écrit : Sur la violence en fantasy, c'est un point dont je n'avais pas conscience, mais il est vrai que je m'attends, en fantasy, à ce qu'il y ait de la castagne.
Je n'ai pas voulu réagir directement sur ce point, car dans la mesure où l'aventure semble effectivement indissociable de la fantasy, la violence s'y rencontre assez fréquemment. Néanmoins, pour ma part, je ne pense pas que ce soit constitutif du genre : ton exemple des Tombes d'Atuan est tout à fait pertinent à cet égard. De même, guère de violence physique dans "Aldarion et Erendis", qui est pourtant en plein dans le Legendarium tolkienien. De même, dans la Ballade de Pern, plusieurs romans contiennent très peu de violence, notamment ceux qui sont consacrés à la redécouverte du continent méridional (je reconnais que c'est un exemple marginal, parce que c'est aussi à ce stade que la série bascule clairement de la fantasy vers la SF). Ce serait en tout cas une question à creuser, je pense.
(09.04.2018, 14:10)Hofnarr Felder a écrit : Dans une fantasy d'aventures, du type de certaines nouvelles de Howard, il n'y a pas nécessairement un rapport très prononcé au pouvoir non plus.
Justement, j'ai longuement réfléchi aux romans et nouvelles de Howard avant de parler de la question du pouvoir. S'il y a une seule nouvelle de Kull ou Conan qui fasse l'économie d'une relation entre le héros et le pouvoir en place, je demande à savoir laquelle.
(09.04.2018, 14:10)Hofnarr Felder a écrit : Après, aucune de ces trois composantes n'est nécessairement propre à la fantasy (quoique le thème de la quête ne se retrouve pas volontiers ailleurs, il me semble). Et je pense que certaines œuvres de fantasy ne se retrouvent volontiers dans aucune de ces trois perspectives.
A ce sujet, je suis dans l'ambivalence : autant je crois volontiers qu'il y aura assez peu d’œuvres de fantasy qui échapperont à l'une ou l'autre des trois catégories que tu proposes (d'autant qu'elles peuvent se recouper), autant je pense que la quête, pour naturelle qu'elle soit en fantasy, se retrouve facilement dans d'autres genres.
Qu'est-ce qu'un roman policier, en règle générale, sinon le roman d'une quête pour retrouver le coupable ou pour l'arrêter ? Qu'est-ce, en somme, que le Procès sinon l'échec de la quête entreprise par K. pour être innocenté ? A moins bien sûr qu'on exige de la quête qu'elle soit épique, mais dans ce cas, les Mines du Roi Salomon remplissent encore le cahier des charges, de même que les Enfants du Capitaine Grant.
(09.04.2018, 14:10)Hofnarr Felder a écrit : Je m'interroge par ailleurs sur le rapport, essentiel ou non, de la fantasy à la nature. Il me semble qu'il ne peut pas y avoir de fantasy sans un monde naturel. Evidemment, il y a des exceptions ; mais je me demande à quel point, pour ces exceptions, la fantasy opère.
Pour le coup, j'aurais tendance à être d'accord. La nature en question peut être entièrement inventé et radicalement différente de la nôtre, mais sans milieu naturel, difficile de se situer en fantasy. La fantasy urbaine est une exception (cf. Abyme, déjà mentionné) mais suppose malgré tout l'existence d'un extérieur naturel. Si l'ensemble du décor est artificiel, on verse plutôt dans la SF ou tout au moins dans ce sous-genre qu'on nomme le Space Opera.
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— La Chanson de Roland
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10.04.2018, 01:03
(Modification du message : 10.04.2018, 01:05 par Agmar.)
Certain volumes de Prachett sont uniquement urbain. Mais il y a presque toujours il me semble une forme « d’ampleur » du décor dans les récits de Fantasy. De grand paysages type western de grande cités (même celle ayant une population d’une ville petite à moyenne actuelle). On n’imagine pas de huit clos de fantasy.
Une histoire avec Gandalf, Druss, Conan et Vimaire discutant dans une taverne serait elle de la Fantasy. Est ce les capacités des personnages ou leur manière d’interagir Avec leur environnement qui fait la fantasy. Les Dragons de Pern quand il sont dominant et quasi magique on est dans la fantasy quand il deviennent des « outils » en tand que créature génétiquement modifié on est dans la SF
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Aldarion et erendis est un autre exemple si on retire les aventures en terre su milieu d'aldarion, on a presque pas une histoire de Fantasy, la violence et les aventures en arriiére plan font la fantasy.
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Sans avoir très longuement réfléchi à la question, comme d'autres il me semble qu'une très large part de la fantasy est un prolongement du romantisme, et notamment du romantisme allemand.
Les contes/märchen de Ludwig Tieck, de Frédéric de la Motte-Fouqué, le roman Henri d'Ofterdingen de Novalis sont très proches de la fantasy par leur ambiance. Même ETA Hoffmann, généralement considéré comme l'inventeur du fantastique, a écrit certaines histoires d'une féerie si échevelée qu'elle flirte presque avec de la fantasy, le Vase d'or en est un bon exemple.
Tolkien a reconnu ce qu'il devait au romantisme, George McDonald considérait Novalis comme son écrivain préféré et William Morris peut sans problème être présenté comme un romantique. Comme le symbolisme, le préraphaélisme dérive du romantisme.
La fantasy politique ou dite parfois "à capuche" semble être un peu plus éloigné de cela, mais elle souvent mâtiné de cape et d'épée, ce qui nous ramène à Alexandre Dumas, et Dumas était assez proche des romantiques... Et pour la fantasy américaine il y a aussi une influence même si elle est moins prégnante. Je ne peux pas trop parle de Robert Howard ne l'ayant que trop peu lu mais Clark Ashton Smith était traducteur de Baudelaire ce qui l'a émulé pour ses propres écrits... Bref, à part peut-être pour la fantasy urbaine j'ai l'impression qu'on peut presque tout ramener au romantisme
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