Note de ce sujet :
  • Moyenne : 0 (0 vote(s))
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
La confrérie du Taste-Moût
#5
.oOo.
Quelques préposés amenaient paniers et plateaux, qui s'en vinrent rejoindre flasques et tonnelets, abondant sur les tables disposées au pied de l'estrade. Chacun se servait sans façon, mais sans bousculade. Dufimbec attrapa deux pintes :

- Ah ! Voici le panetier et ses tabellions ! Les débats vont pouvoir commencer !
- Quels débats, donc ?
- Hé bien ! La grande affaire de notre confrérie est de veiller à la richesse culturelle de notre bonne ville de Bree.
- ... ?

Bouche bée et regard ahuri de Pathelin incitèrent Dufimbec à reformuler :
- Les Joyeux Chevaliers aiment la musique, les comédies et les tragédies, les beaux-arts, les produits de qualité, ...
- ... et les bonnes ventrées gouleyantes, j'ai compris, finit Pathelin avec un sourire matois.
- Les véritables nourritures rassasient l'esprit ! rétorqua Dufimbec, un pâté à la main et sa chope dans l'autre.
- Si fait ! répondit Pathelin en vidant la sienne. Mais alors, ces débats ?
- Le concile décide quelle activité culturelle doit être soutenue et encouragée. Les plus prometteuses sont d'abord présentées ici-même.

Pathelin ne discernait pas clairement ce que pouvait bien être une activité culturelle. Bien sûr il avait assisté, sur les tréteaux de la foire de printemps, à quelques pantalonnades champêtres. Mais la présente assemblée, même si elle s’adonnait à la bonne chère, se parait de rites fort mystérieux.

L’estrade était pleine à présent et la séance semblait sur le point de commencer. Les capitouls –les dignitaire de la confrérie - s’étaient levés. Tous arboraient une toge rayée de couleurs vives qui rappelaient les mordorures du bonnet.

La doyenne capitoule, une hobbite âgée juchée sur un fauteuil surélevé, souriait à l'assemblée d'un air maternel et bienveillant, mais son regard sagace ne manquait aucun signe de défiance, d'ennui ou d'incompréhension dans l'auditoire. A ses côtés, le notaire Beaupécule, dont le gros crâne chauve s'accommodait mal du petit bonnet multicolore, feuilletait un épais cartulaire de cuir en fronçant ses sourcils épais. A leur droite, une grande femme enjouée taillait sa plume avec application, en rajustant souvent son bonnet d'un air fort coquet.

D'autres dignitaires complétèrent la tablée, non sans la garnir de platées et godets. Enfin, un homme de forte carrure vint s'asseoir au bout de l'estrade, avec l'air patient et décidé du marchand venu négocier des affaires.

- Ah, lui je le connais, souffla Pathelin, c'est Maître Lamalteuse. Il achète l'orge et le houblon à la ferme.
- Il est l'un des pourvoyeurs de délicatesses de notre guilde. Nous tenons à la haute qualité des productions de Bree.
- Alors il est aussi Capitoul, souffla Pathelin avec admiration.
- Non pas ! Maître Lamalteuse n’est que sénéchal dans la hiérarchie de notre confrérie. Il ne peut s’opposer aux propositions des capitouls, qu’à condition de réunir auparavant une motion significative…

La tète tournait au pauvre Pathelin :
- Oh ! Mais comment donc qu'on reconnaît les sénéchaux et les capitouls ?
- C'est très simple, mon cousin ! A la couleur !
- La couleur du bonnet ?
- Que nenni ! La couleur du nez ! Rose pour les chevaliers, Rouge pour les sénéchaux, Violet pour les capitouls !

Pathelin commençait à entrevoir la logique inhérente à ces subtilités hiérarchiques. Les capitouls arboraient avec un bel ensemble, un dégradé nasal cramoisi du plus bel effet.
.oOo.
A suivre...
Répondre


Messages dans ce sujet

Atteindre :


Utilisateur(s) parcourant ce sujet : 1 visiteur(s)