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Il faut sauver le roi Thraïn - P.2 Dol Guldur *
#9
.oOo.
Gandalf fit quelques pas au hasard dans les couloirs, consterné et indécis. C’est alors qu’il le vit.

Un vieux nain, assis sur sa couchette de pierre, respirait par saccades. Ses hardes répugnantes étaient retenues à la taille par les restes d’une ceinture de cuir. Les pierreries incrustées en avaient été volées, mais le magicien reconnut l’insigne frappé sur la boucle.

Le long crâne décharné, appuyé à la muraille moisie, ne bougeait pas. Seules les pupilles, recouvertes d’un voile terne, semblaient animées de spasmes dans leurs orbites sèches. La barbe du nain, jadis tresses drues et noires luisant comme l’aile du corbeau, pendait à présent en amas de poils figés de crasse et grouillant de vermine.

-« Thraïn ? », souffla le magicien d’une voix brisée qui trahissait son désarroi.

Les pupilles du nain, presque blanches, se mirent à virevolter comme des papillons pourchassés.

-« Norin ? Ils t’ont ramené, Mahal soit loué ! Je ne puis plus te voir, mon pauvre ami, les fièvres ont emporté ma vue. »

Le corps émacié du nain fut secoué d’une quinte gutturale qui s’acheva dans un soupir chuintant. Thraïn riait.

-« A présent personne ne pourra plus m’obliger à contempler Norin se faire dévorer par la Dame aux mille toiles… »

Le rire inique s’interrompit :
-« …Tu n’es pas Norin ! Qui est venu me tourmenter ? Qui es-tu ? », éructa le nain en agitant dangereusement sa maigre carcasse.
- « C’est toi Dwalor ? », fit-il en se calmant.
-« Dwalor le fidèle, dernier des derniers comme il fut le premier ! Comme nous étions forts et nombreux autrefois ! Comment vous ai-je tous perdus, incapable que je suis ? »

La cage thoracique du moribond se serra en spasmes convulsifs, jusqu’à ce qu’il reprît son souffle dans un sanglot. Thraïn pleurait.

Abaissant la voix jusqu’au murmure, le vieux nain susurra :
- « Il me l’a révélé, je l’ai vu dans Sa salle aux miroirs : les orques cupides du Gundabad en guerre, s’appropriant mes richesses, les trésors des deux vers que j’ai terrassés de mes mains. »

Le nain levait deux paumes étiques et pelées, en témoignage de ses exploits, l’un bien réel, et l’autre pure élucubration d’un esprit en déroute. S’animant d’une indignation croissante, le nain poursuivait :

-« Mais j’ai vu d’autres choses ! Il ne s’en est pas rendu compte mais j’ai espionné Ses miroirs ! J’ai vu ce félon mener ses rôdeurs à l’assaut du Mont Gram avec la bénédiction de son comparse Gris, et vaincre par la vertu d’un héritage de ma maison ! Il me l’a volé, je le sais ! Qu’il soit maudit jusqu’à la troisième génération ! Tous maudits ! Tous des voleurs ! »

Pendant un long moment le vieux nain se recroquevilla sur sa misérable paillasse, semblant fuir un souvenir odieux qui le tourmentait :

- « Voleur ! Rendez-le ! Rendez l’anneau à Dùrin trompe-la-mort ! Vous ne pouvez le revendiquer ! Vous mentez, il ne fut jamais à Vous ! Vous ne pouvez… Dwalor, non ! »

Sur les pupilles aveugles de Thraïn, dansait le souvenir macabre de son dernier compagnon, contraint par la simple volonté du nouveau maitre de l’anneau de Dùrin, à se trancher lui-même la gorge. Le misérable hère resta prostré quelques instants puis :

-« Tu n’es pas Dwalor ! »

La main émaciée se tendit à travers la lourde grille, effleurant la barbe de Gandalf abasourdi par les dernières paroles du nain. Le magicien souffla :

-« Voulez-vous dire qu’Il l’a, prétendant le recouvrer comme autrefois ? Mais… N’aviez-vous pas laissé le dernier des anneaux des nains à votre héritier ?

- Thorin ? Mon fils ! Tu ne dois pas échouer ! L’honneur de notre maison repose sur toi, à présent. Méfie-toi de ce magicien, il poursuit ses propres menées ! La fortune de nos lignées lui est bien indifférente… Mais tu auras besoin de ceci… »

Alors le vieux nain fit une chose étrange : de ces longues mains fripées, il entreprit de dénouer les tresses de sa barbe sale. En quelques instants, il avait dévoilé et libéré un petit parchemin roulé, qu’il tendit à travers la grille :

- « Ce vieux fou avait raison, malgré sa fourberie : il faut éliminer le dernier des grands vers. Et c’est à toi que reviendra cette gloire insigne. Reçois la carte de Thror et la clé du passage secret de ton Grand-père. »

Comme s’il s’était débarrassé d’une charge immense, le vieux nain soupira quelques instants. Puis, rassemblant des forces surprenantes, le moribond se tendit brusquement, agrippant la grille. Mais il ne parvint pas à se lever. Le vieux nain, Thraïn le second, descendant de Dùrin trompe-la-mort, s’effondra mort à la porte de sa cellule.
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A suivre...
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