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L'Art selon Tolkien
#15
Note : Toutes les citations issues de l’essai Du conte de Fées seront signalées par un astérisque.


Citation :D'accord en partie avec l'influence qu'a la mortalité sur le désir créatif. Néanmoins, cette analyse ne prend pas en compte le fait que les artistes par excellence de la Subcréation de Tolkien sont des Immortels (ou presque) : les Elfes.[…] Par conséquent, je ne suis pas sûr que le désir de Subcréation soit directement à mettre en rapport avec le passage vers l'autre monde qu'est la mort. Au contraire, la Subcréation chez Tolkien reste intimement liée au monde réel.

Il est utile et intéressant que tu me remettes ainsi sur le droit chemin! Razz
J'ai en effet faux quand je parle de lien entre l'art et la mortalité. La vérité est en effet de dire que la Mort, et donc le désir du passage de ce monde à l’autre, n’influe non pas sur l’art en général, mais sur cet art humain en particulier qui aboutit à l’élaboration de mondes secondaires : la fantasy. Qui diffère dailleurs de l’art elfique : l’Enchantement. Ce qui m’amène pour le coup à (re)préciser plusieurs notions.


I. La Fantasy

« La Fantasy est une activité humaine naturelle »*, « la Fantasy cet art-subcréatif »* Forme d’art humain, elle aboutit sur la création d’un monde secondaire.

Mais la Fantasy désigne aussi chez Tolkien l’imagination, qu’il nomme parfois fancy, «fancy étant la forme réduite et péjorative du terme plus ancien de Fantasy »*. Or il énonce plus loin : « l’Art, le lien à l’œuvre entre l’imagination et le résultat final qu’est la sub-création »*, d’où il ressort que l’Art et l’imagination ne peuvent être la même chose. Ce qu’infirme la notion de Fantasy, à la fois art et imagination ! Incohérence de l’auteur ? Subtilité plutôt.

Tolkien déplorait qu’en son temps on fasse une fausse distinction entre the imagination et the fancy (=fantasy). « Ces derniers temps, […] l’imagination a souvent été tenue pour quelque chose de plus élevé que […] la fancy »*. L’imagination étant alors vue comme le « pouvoir de donner à des créations idéales la consistance profonde de la réalité »*, et la fancy comme le « simple fait de créer des images »*. La différence est dans la notion de réalisation.

Tolkien redéfinit ces deux termes. L’imagination devient la « faculté mentale de créer des images »*, l’Art « la réalisation de l’expression, qui donne la consistance profonde de la réalité »*, et la Fantasy une forme particulière d’Art, un art humain à caractère fantastique aboutissant sur la création d’un monde secondaire. Il réaffirme en même temps que l’Art et l’Imagination ne peuvent être la même chose. L’Imagination est « une chose, ou un aspect »*, l’Art « toute autre chose, ou un autre aspect »*. Alors la Fantasy, art ou imagination ?

Ce qu’il faut comprendre c’est que la Fantasy est la réalisation humaine de l’imagination fantastique qui aboutit sur un Monde Secondaire. Or ce Monde Secondaire ne peut faire partie du Monde Primaire que nous appréhendons avec nos sens, il ne peut être réalisé dans ce monde sensible sans quoi il ne serait plus Monde Secondaire. Ainsi le Monde Secondaire ne peut être mis en scène au théâtre. « La dissolution ou la dégradation sont le sort probable de la Fantasy lorsqu’un dramaturge tente d’y recourir, fût-il Shakespeare »* ; c’est parce « qu’au théâtre, les personnages et même les scènes ne sont pas imaginés mais réellement vus, que le théâtre est un art fondamentalement différent de l’art narratif ».* Imaginés. Voici le mot clé pour comprendre la Fantasy. Cet art a pour but de réaliser le Monde Secondaire dans l’imagination d’autrui. Le subcréateur qui a imaginé dans son esprit un Monde Secondaire, par le biais de la Fantasy (ce peut-être par exemple l’art narratif) va le réaliser, c’est-à-dire permettre à d’autres esprits d’imaginer à leur tour ce monde subcréé. Ainsi la Fantasy, bien qu’elle soit art, demeure enfermée dans le champ clos de l’imagination humaine. Elle n’est pas à la fois Art et Imagination, mais Art dans Imagination.


II. L’Enchantement

« J’appellerai Enchantement cet art plus puissant et plus particulièrement elfique. L’enchantement produit un Monde Secondaire… »*. Forme d’art elfique, il aboutit lui aussi sur la création d’un monde secondaire. Mais à la différence de la Fantasy, il ne demeure pas enfermé dans le champ clos de l’imagination. « L’Enchantement produit un Monde Secondaire dans lequel auteur et spectateur peuvent tous deux pénétrer, [non pas avec leur seule imagination, mais] à la grande satisfaction de leurs sens aussi longtemps qu’ils s’y trouvent ». C’est par exemple le cas du « théâtre faërien ». « Si vous assistez à du théâtre faërien, vous êtes vous-même (ou pensez être) physiquement présent dans le Monde Secondaire […], vous êtes dans un rêve que trame l’esprit d’un autre »*. Il s’agit là d’une illusion sensible si je puis dire. Le submonde produit par l’Enchantement est sensible, tandis que celui produit par la Fantasy est simplement imaginaire.


III. L’Art

C’est le processus de réalisation de ce qui est imaginé par l’artiste. « l’Art, le lien à l’œuvre entre l’imagination et le résultat final qu’est la sub-création »*.


IV. La Subcréation

« ce résultat final qu’est la subcréation ».
ManThanoMénos a écrit :Aussi disposons-nous de deux solutions :
- soit (sub)création = Art (acte) + Monde (résultat). Mais dans ce cas, restons-nous fidèles à Tolkien disant : « l’Art, le lien à l’œuvre entre l’imagination et le résultat final qu’est la sub-création » ?
- soit (sub)création = résultat seul (comme l’entendent les britanniques).

À mon avis, je crois que pour Tolkien la subcréation était bien le résultat seul. Cependant il faut préciser une chose. Pour les britanniques le terme de subcréation est synonyme de monde secondaire. C’est trop restrictif. Car cela signifierait que l’art a pour seul but d’aboutir à la réalisation d’un monde secondaire. Ce qui n’est pas le cas du théâtre par exemple, ou de la sculpture qui réalisent les choses crées dans le monde primaire. Or Tolkien énonce : « le théâtre est un art fondamentalement différent de l’art narratif »*. C’est un art qui dans la logique de Tolkien aboutit bien à une subcréation : « l’Art, le lien à l’œuvre entre l’imagination et le résultat final qu’est la sub-création »*. Ainsi subcréation n’est pas un synonyme de monde secondaire, tandis que le monde secondaire est une forme de subcréation.

La seule chose qui finalement motive l’ajout du préfixe « sub » est l’opposition d’ordre religieux que souhaite établir Tolkien entre les créations du Créateur et les (sub)créations des créatures-créatrices.


Si ces définitions vous paraissent incomplètes, ou erronées, n'hésitez pas à le dire Wink
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L'Art selon Tolkien - par Juliεη - 03.11.2009, 16:10

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