25.11.2009, 16:55
Telles sont les énigmes : incroyablement inextricables de prime abord, mais insolemment évidentes une fois résolues !
Ces quatre petites questions que je me posais (En quoi la mortalité affecte-t-elle l’art ? Pourquoi l’art subcréatif est-il en conflit avec le Monde Primaire ? Pourquoi ne peut-il être comblé par lui ? Pourquoi le subcréateur ne doit-il pas se sentir propriétaire de sa subcréation ?) m’ont pas mal défoncé le crâne pendant cette semaine, et s’avèrent au final –pour celles résolues- disposer de réponses évidentes !
En quoi la mortalité affecte-t-elle l’art et le désir subcréatif ?
Nous savons que « L’art est le procédé » aboutissant notamment à la subcréation, c’est-à-dire à la création d’un monde secondaire, avec ce but : passer du monde primaire à cet autre monde nouveau-né. Ce que Tolkien dans Du Conte de Fées appelle « l’Evasion ». Mais il y parle également de « la Grande Evasion » :
Hors là surgit le lien. Car, dans cette vision catholique qui est celle de Tolkien, qu’est-ce que la Mort sinon la porte de passage (de sortie en fait) d’un monde à l’autre ? Cela est vrai de nous autres mortels du monde primaire ; cela l’est également des Second Enfants d’Illuvatar, les humains d’Arda, qui par ce don de la mort peuvent du fait de leur éternité sortir hors même des limites d’Arda, quand les Premiers-Nés demeurent prisonniers d’Arda et mourront définitivement avec lui.
Passage d’un monde à l’autre, la subcréation l’est tout autant, elle qui nous fait expérimenter si je puis dire la Mort ! Car le voilà le lien entre la Mort et la Subcréation : notre désir de mourir, de passer de ce monde à l’autre !
Mais attention, il ne s’agit pas là d’une volonté suicidaire. Nous ne souhaitons pas mourir par dépit, par dégoût du monde primaire, car chez Tolkien un profond amour du monde primaire anime l’homme. Ceci est résumé par cette Lettre n°186 :
Pour ma part, si j’adhère tout à fait à la notion d’Évasion de la Mort, j’avoue cependant ne pas tout à fait comprendre celle d’Amour pour le monde primaire… (Peut-être Tolkien non plus d’ailleurs, lui qui utilise le terme de « mystère » ^^). Pourquoi souhaiter s’évader si nous aimons ce monde ? o0 Tolkien énonce d’ailleurs clairement ce paradoxe (Lettre n°131) : « Ce désir [subcréatif] est à la fois uni à un amour passionné du monde réel et primaire – et de ce fait il est pénétré du sentiment de la mortalité –, et pourtant il n’est pas comblé par lui. »
Pourquoi l’art subcréatif est-il en conflit avec le Monde Primaire ?
D’une part parce qu’il se « distingue des satisfactions de la vie biologique simple et ordinaire avec laquelle, dans notre monde, il est généralement en conflit », d’autre part parce qu’ « il n’est pas comblé par lui ».
La première énonciation est évidente : l’art est inutile (même s’il est nécessaire) en ce sens qu’il ne répond à aucun besoin de la vie matérielle, aucun impératif de survie. En philosophie on dit d’ailleurs que le jeu, les loisirs, l’art sont nés chez l’homme du fait qu’il disposait de temps libre, c’est-à-dire de moments où la survie ne se faisait pas sentir. Et même aujourd’hui, l’art est bien souvent encore considéré comme inutile (notamment par mes parents qui pensent que me consacrer à mes poèmes et histoires délirantes ne me fera pas réussir mes examens de droit !
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Ensuite pour savoir en quoi le monde primaire ne peut combler le désir subcréatif, il suffit d’aller voir ce que l’artiste et le lecteur vont chercher dans les mondes secondaires : « la Fantasy, le Recouvrement, l’Evasion et la Consolation » énumère Tolkien.
J’expliquerai ces notions plus loin, chacune d’elle méritant je pense d’amples développements, mais en attendant il est assez aisé de comprendre que le monde primaire ne peut répondre à tous nos désirs (par exemple, et tout simplement : le bonheur) voire même produit devant nos yeux ce que nous souhaiterions n’avoir jamais vu (pour Tolkien, ce pourra être aussi bien les guerres mondiales, la perte tragique de proches, ou bien encore l’avènement des machines…).
Et pourtant nous l’aimons, nous l’aimons malgré son imperfection. Or je n’ai pas trouvé d’écrits de Tolkien développant ce mystérieux paradoxe. Cependant je dois avouer que je l’éprouve depuis longtemps. Je le mets parfois même dans la bouche de mes personnages (le Guérisseur par exemple dans ma fanfic’ sur les Mirdains, chapitre 2), pensant qu’en fait malgré l’imperfection de notre monde (qui en fait d’ailleurs à mon sens tout son charme), c’est cette notion de temporalité qui me fait tant l’aimer, cette idée que tout peut changer, évoluer, en mal ou en pire, la rédemption comme la damnation, du fait de notre liberté. Et je serais certes malheureux si dans l’après-vie le Temps n’existait plus. Finalement, je rejoins Tolkien affirmant que la Mortalité, autrement dit la Temporalité, affectait l’artiste et son désir… Mais vous l’avez compris, ce n’est qu’une impression personnelle
Pourquoi le subcréateur ne doit-il pas se sentir propriétaire de sa subcréation ?
Pas encore de réponse précise pour cette question. Mais j’attends vos avis (voire sur d’autres points d’ailleurs si vous souhaitez les aborder) !
Ces quatre petites questions que je me posais (En quoi la mortalité affecte-t-elle l’art ? Pourquoi l’art subcréatif est-il en conflit avec le Monde Primaire ? Pourquoi ne peut-il être comblé par lui ? Pourquoi le subcréateur ne doit-il pas se sentir propriétaire de sa subcréation ?) m’ont pas mal défoncé le crâne pendant cette semaine, et s’avèrent au final –pour celles résolues- disposer de réponses évidentes !


Nous savons que « L’art est le procédé » aboutissant notamment à la subcréation, c’est-à-dire à la création d’un monde secondaire, avec ce but : passer du monde primaire à cet autre monde nouveau-né. Ce que Tolkien dans Du Conte de Fées appelle « l’Evasion ». Mais il y parle également de « la Grande Evasion » :
Citation :Et pour finir, il y a le plus ancien et le plus profond désir, la Grande Evasion : l’Evasion de la Mort. Les contes de fées en fournissent de nombreux exemples et de nombreux modes, ce que l’on pourrait qualifier d’authentique esprit d’évasion ou de fuite, dirais-je. Mais d’autres récits font de même (surtout ceux d’inspiration scientifique), ainsi que d’autres études. Les contes de fées sont l’œuvre des hommes non des fées.
Hors là surgit le lien. Car, dans cette vision catholique qui est celle de Tolkien, qu’est-ce que la Mort sinon la porte de passage (de sortie en fait) d’un monde à l’autre ? Cela est vrai de nous autres mortels du monde primaire ; cela l’est également des Second Enfants d’Illuvatar, les humains d’Arda, qui par ce don de la mort peuvent du fait de leur éternité sortir hors même des limites d’Arda, quand les Premiers-Nés demeurent prisonniers d’Arda et mourront définitivement avec lui.
Passage d’un monde à l’autre, la subcréation l’est tout autant, elle qui nous fait expérimenter si je puis dire la Mort ! Car le voilà le lien entre la Mort et la Subcréation : notre désir de mourir, de passer de ce monde à l’autre !
Mais attention, il ne s’agit pas là d’une volonté suicidaire. Nous ne souhaitons pas mourir par dépit, par dégoût du monde primaire, car chez Tolkien un profond amour du monde primaire anime l’homme. Ceci est résumé par cette Lettre n°186 :
Citation : Mon véritable thème tourne autour de quelque chose de permanent et difficile : la mort et l’immortalité, c’est-à-dire la mystère de l’amour du monde dans les cœurs de ceux ‘destinés’ à le quitter et apparemment à le perdre, et l’angoisse dans les cœurs de la race ‘destinée’ à ne pas la quitter.
Pour ma part, si j’adhère tout à fait à la notion d’Évasion de la Mort, j’avoue cependant ne pas tout à fait comprendre celle d’Amour pour le monde primaire… (Peut-être Tolkien non plus d’ailleurs, lui qui utilise le terme de « mystère » ^^). Pourquoi souhaiter s’évader si nous aimons ce monde ? o0 Tolkien énonce d’ailleurs clairement ce paradoxe (Lettre n°131) : « Ce désir [subcréatif] est à la fois uni à un amour passionné du monde réel et primaire – et de ce fait il est pénétré du sentiment de la mortalité –, et pourtant il n’est pas comblé par lui. »

D’une part parce qu’il se « distingue des satisfactions de la vie biologique simple et ordinaire avec laquelle, dans notre monde, il est généralement en conflit », d’autre part parce qu’ « il n’est pas comblé par lui ».
La première énonciation est évidente : l’art est inutile (même s’il est nécessaire) en ce sens qu’il ne répond à aucun besoin de la vie matérielle, aucun impératif de survie. En philosophie on dit d’ailleurs que le jeu, les loisirs, l’art sont nés chez l’homme du fait qu’il disposait de temps libre, c’est-à-dire de moments où la survie ne se faisait pas sentir. Et même aujourd’hui, l’art est bien souvent encore considéré comme inutile (notamment par mes parents qui pensent que me consacrer à mes poèmes et histoires délirantes ne me fera pas réussir mes examens de droit !

Ensuite pour savoir en quoi le monde primaire ne peut combler le désir subcréatif, il suffit d’aller voir ce que l’artiste et le lecteur vont chercher dans les mondes secondaires : « la Fantasy, le Recouvrement, l’Evasion et la Consolation » énumère Tolkien.
J’expliquerai ces notions plus loin, chacune d’elle méritant je pense d’amples développements, mais en attendant il est assez aisé de comprendre que le monde primaire ne peut répondre à tous nos désirs (par exemple, et tout simplement : le bonheur) voire même produit devant nos yeux ce que nous souhaiterions n’avoir jamais vu (pour Tolkien, ce pourra être aussi bien les guerres mondiales, la perte tragique de proches, ou bien encore l’avènement des machines…).
Et pourtant nous l’aimons, nous l’aimons malgré son imperfection. Or je n’ai pas trouvé d’écrits de Tolkien développant ce mystérieux paradoxe. Cependant je dois avouer que je l’éprouve depuis longtemps. Je le mets parfois même dans la bouche de mes personnages (le Guérisseur par exemple dans ma fanfic’ sur les Mirdains, chapitre 2), pensant qu’en fait malgré l’imperfection de notre monde (qui en fait d’ailleurs à mon sens tout son charme), c’est cette notion de temporalité qui me fait tant l’aimer, cette idée que tout peut changer, évoluer, en mal ou en pire, la rédemption comme la damnation, du fait de notre liberté. Et je serais certes malheureux si dans l’après-vie le Temps n’existait plus. Finalement, je rejoins Tolkien affirmant que la Mortalité, autrement dit la Temporalité, affectait l’artiste et son désir… Mais vous l’avez compris, ce n’est qu’une impression personnelle


Pas encore de réponse précise pour cette question. Mais j’attends vos avis (voire sur d’autres points d’ailleurs si vous souhaitez les aborder) !
