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Telle jumelle, tel jumeau
#14
Le but de mon frère n'est pas d'écrire une histoire distrayante, "d'aventure", mais plus une réflexion philosophique sur les Elfes. D'où l'absence de dialogue, la densité des paragraphes... mais on pourra arranger ça si c'est vraiment indigeste!

Voici toujours la suite... Je vous la mets en gros paragraphes bien lourds, en attendant l'aération.

Un soir venu (ce devait être la fin du quatrième jour ), elle revint sans que nous ne l’ayons entendu s’approcher, et elle nous dit :

« Messieurs il se fait tard,
Et la nuit va venir ;
Préparez le départ,
Soyez prêts à partir.
Restez encore ici
Parmi nous sommeillez ;
Demain avant midi,
Vous nous aurez quittés. »

Elle marqua alors un temps de silence, long et pesant… Nous ne souhaitions ni l’un ni l’autre quitter cet endroit de repos et de paix.
Enfin elle reprit :

« Mais avant ce moment
D’adieu et de tristesse,
Restez un peu de temps,
Soyez dans l’allégresse.
Ce soir soyons heureux :
L’année va débuter ;
Venez vite tous deux
Accourez au banquet.
Et demain vous irez,
Accompagnés des miens,
Tous deux me retrouver,
Près du fleuve voisin. »

Sur ce, elle se retourna sans un regard ni un sourire.
Mon ami et moi restâmes quelques instants sans faire aucun mouvement, de peur de briser le silence qui venait de s’installer.

Après un regard complice, nous sortîmes du lieu quelque peu déboisé où nous nous étions installés pour passer la nuit, et, suivant quelques Elfes empruntant le même sentier que nous, nous arrivâmes dans une grande clairière. De nombreux Elfes y étaient déjà présents, toujours très silencieux comme à leur habitude, et d’autres débouchaient des nombreux chemins partant de cette même clairière. Cette dernière, bien plus spacieuses que toutes celles que mon ami et moi avions découvertes depuis notre arrivée, comportait en plein centre une table immense, large, et très épaisse, provenant d’un bois dur. De nombreux fauteuils l’entouraient, de maintes formes, tailles et décorations. Je les estimais environ à moins d’une petite cinquantaine. Sur un signe des deux bras étendus, notre « porte-parole » elfique fit signe à l’assemblée de s’asseoir. Un Elfe à notre gauche nous invita également à prendre place sur de petits fauteuils, simples d’apparat, situés presque à l’extrémité de la grande table. Après l’installation de chaque Elfe, je sentis le besoin d’admirer l’exactitude avec laquelle les sièges avaient été préparés ; en effet, les grands côtés de la table étaient chacun précisément remplis de convives, et seules les extrémités étaient inoccupées, ce qui m’intrigua. L’une de ces extrémités ne comportait aucun fauteuil ; l’autre cependant en possédait deux, et des plus riches. Bien que je ne pus les admirer que de loin, ils me semblèrent dominer tous les autres, de part les sculptures et les multiples décorations qui y étaient présentes. Leurs occupants devaient-être –ou avoir été– de grands chefs ou de puissants guerriers, pour mériter ces couleurs et ces formes si travaillées. Je surpris quelques regards –toujours rêveurs– d’Elfes sur ces fauteuils, qui semblaient pour eux posséder une signification symbolique immense et m’étant totalement inconnue…
Autour de nous, six grands feux venaient d’être allumés, dont quatre aux différentes extrémités de la table. Cela me fit penser aux longues veilles durant lesquelles les soldats de Minas Thirith aiment à vanter leurs actions méritoires sur des champs de batailles lointains, oubliés de tous, et dont le temps a amplifié la valeur et la bravoure du narrateur…
De nombreuses chandelles étaient disposées sur la table, et répandaient une légère lumière autour d’elles, me permettant d’observer les personnes qui m’entouraient. Les ombres jouaient sur leurs visages, et excepté mon ami qui avait l’air aussi gêné que moi, chaque autre convive semblait serein et heureux, bien que je ne vis aucune expression de joie pendant toute la soirée.
La clairière permit presque soudainement à la pleine lune de nous inonder de sa blanche lumière. Mais cette dernière, bien que très claire, était insuffisante, voire oppressante…
Quelques étoiles étaient déjà présentes dans le ciel.
Ce lieu réunissait bien plus de variétés florales que tout ce que nous avions vu auparavant. Nous pouvions à peine distinguer leurs nombreuses couleurs dans la nuit, mais le parfum qui s’en dégageait nous faisait presque rêver. Il est vrai, je m’en rappelle maintenant, que nous étions au début du printemps.
Une douce musique semblait bercer tous les convives, mais elle m’était à peine perceptible… Etait-ce des Elfes qui, cachés parmi les grands arbres nous entourant, jouaient de la cithare et du flûtiau, ou simplement une rivière toute proche faisant rouler des pierres ?…
Soudain, provenant des différentes allées menant à la clairière, s’approchèrent quelques Elfes, droits et dignes, portant chacun un beau plat argenté ou une carafe de grande taille et de même teinte. Entourant la table, ils firent à tour de rôle se servir les convives. D’autres déposèrent en divers endroits de la table de petites corbeilles en osier, contenant une sorte de pain blanc de différentes formes et tailles. Je crus reconnaître dans ces corbeilles ce que nous donnaient chaque jour depuis notre arrivée des Elfes au moment des repas. Enfin un Elfe me présenta un grand plat d’argent contenant diverses viandes (je penchai pour de l’agneau et du blanc de poulet, à l’aspect), différents légumes (des variétés de choux et de carottes) et quelques petits œufs durs dont la coquille avaient été ôtée. M’étant servi, je remerciai l’Elfe par un sourire ; ce dernier me le rendis en clignant des yeux, comme s’il voulait me donner un signe de sa bienveillance à mon égard.
Nous n’avions, mon ami et moi, pas échangé un mot. Eux parlaient peu également, et leurs voix chantantes n’usaient pas du Langage Commun.
Le repas, nous changeant de l’ordinaire par la variété des mets, se prolongea avec l’arrivée de plateaux où étaient disposés de nombreux fruits (des oranges et différents types de pommes). Certains Elfes apportèrent également quelques biscuits noirs (que je pus ensuite distinguer comme étant aux noix).
On me servit un étrange vin, me changeant de l’eau que j’avais reçue pour toute boisson depuis le début de repas, un vin très fort au goût de miel. N’étant pas rassuré par cette nouvelle boisson, je refusai d’un petit geste de la main un deuxième verre qu’un Elfe attentif voulut me servir, mais je dois admettre que cette boisson n’a pas son pareil sur toutes les terres du Gondor.
Sentant que le repas touchait à sa fin, nous hésitions mon ami et moi à quitter la table, et préférions rester assis comme tout le monde. La table fut rapidement débarrassée par les Elfes apparemment « de service », mais chacun restait cependant à sa place. Le murmure des rares discussions du repas fit alors place au silence complet.
Après quelques instants, où chacun put goûter au bruit du vent dans les feuilles des arbres, un grand Elfe se leva. Je ne saurais dire s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme, même quand il commença à parler, tant sa voix était douce. Je reconnus à sa forme fixe et ses vers réguliers qu’il s’agissait d’un poème.
L’Elfe parlait en sa propre langue ; certaines phrases seulement furent dites en Langage Commun, je pense qu’elles nous étaient particulièrement adressées, à nous deux, qui ne connaissons pas la langue elfique. Les quelques paroles dont je me souvienne traitaient en termes simples du nouvel an des Elfes, fête de la chute de Dol Guldur, et du futur départ vers une autre contrée indéfinissable…
Quand il s’arrêta, après de longues minutes, les feux n’étaient plus que de chaudes braises rouges vifs. Il me semble bien m’être quelque peu endormi avec elles pendant le poème. Il était déjà très tard pour Milthonar et moi, mais cependant aucun Elfe ne paraissaient ressentir de la fatigue. L’Elfe qui s’était levé pour dire le poème se rassit, et il fut remercié simplement par des regards ou des légers sourires sincères de ceux de sa race, mais il ne semblait pas en attendre plus de la part de l’assemblée. Après avoir attendu quelques instants, tous les Elfes se levèrent ensemble après avoir entonné un chant mélancolique et calme. Chacun semblait repartir du sentier par lequel il était venu, et, quand ils se croisaient, ils se faisaient mutuellement un petit sourire presque complice, comme voulant rendre espoir à l’un de leur frère. C’était peut-être leur façon de se souhaiter une agréable nuit de méditation, de souvenir et d’espérance.
Le chant continuait encore ; il me mettait mal à l’aise, comme s’il entraînait chez moi une quelconque réminiscence. Quand il s’étouffa quelque peu tout autour de nous, nous nous levâmes, mon compagnon et moi, pour reprendre la direction de notre petit lieu de repos. Optant pour le chemin qui nous semblait être le bon, nous n’osions pas encore échanger nos impressions, de peur de troubler l’autre dans ses pensées. Après avoir marché quelques temps, nous nous arrêtâmes, peu confiants dans la direction prise. Il était vrai que de nombreux chemins se croisaient dans cette forêt, et de nuit il était presque impossible de se souvenir de l’itinéraire pris à l’aller. Fatigués par toutes les découvertes de la soirée et las de cette marche hasardeuse, nous nous assîmes chacun de part et d’autre de la route, adossés à un arbre. Prenant la parole, j’exprimai à mon camarade l’admiration que j’éprouvais pour les organisateurs de cette soirée, si simple et pourtant si réussie, même pour nous qui n’étions pas habitués à ce genre de divertissement. Milthonar ne put, quand à lui, s’empêcher de faire une comparaison avec les fêtes données à Minas Tirith. Le banquet de ce soir était sans aucun doute moins bruyant que chez nous, chacun préservant beaucoup sa dignité et son recueillement, et même s’il n’y avait eu ici aucun excès, de la joie put tout de même se lire sur tous les visages des convives, mais ailleurs que sur les lèvres. Cette fête nous sembla tous deux être quelque peu « passive », sans aucun attrait particulier. Mais était-ce par habitude ou encore le signe d’une envie démesurée de partir vers l’Ouest, désir entraînant de la lassitude pour tous ceux de ce peuple n’ayant encore quittés les rivages ?
S’approchèrent alors de nous deux Elfes, grands et beaux comme tous les autres. Ils venaient, me sembla-t-il, du lieu de la fête. Avec eux s’avançait la mélodie, très lente. Nous voyant assis de côté du chemin, je pense qu’ils découvrirent la raison de notre arrêt ; l’un d’eux sembla même esquisser un sourire d’amusement, mais peut-être fusse le jeu de la lune sur ses lèvres qui me donna cette impression.
Alors qu’ils se faisaient de plus en plus proches de nous, mon ami et moi nous levâmes, ne sachant comment leur demander leur aide sans les sortir de leur étrange et invisible torpeur.
S’étant arrêtés à quelques pas de nous, ils échangèrent un léger regard de connivence ; dans un même geste, ils nous invitèrent à les suivre, les bras légèrement tendus et la main à mi-hauteur, paume vers le ciel. Nous commençâmes alors à marcher lentement, eux deux nous précédant de deux pas. Malgré mes interrogations nombreuses, je nous sentais tous deux tellement éloignés de ces Elfes, que je craignis de ne pas vraiment pouvoir comprendre l’état d’esprit dans lequel ils vivaient, et vivent peut-être encore aujourd’hui. Je restai donc silencieux.
Ils nous conduisirent, sans jamais quitter le sentier, jusqu’à un carrefour d’où partaient quatre voies. Se retournant vers nous, ils refirent ensemble le même geste de la main, indiquant cette fois-ci un coin de forêt délimité par deux chemins, que nous reconnûmes plus tard comme « notre » parcelle de forêt.
Souhaitant alors engager la discussion, pour enfin parvenir à obtenir des réponses à mes nombreuses interrogations, je me décidai à demander si l’on viendrait nous chercher le lendemain pour partir au bord du fleuve, suivant les ordres de l’Elfe. Je n’eus le temps de formuler ma requête… Semblant au courant de ma demande, l’un d’eux me précisa, en termes simples du Langage Commun, qu’il ne fallait pas nous inquiéter de notre départ, que l’on nous accompagnerait jusqu’à la bordure de la forêt.
Après un court instant de silence que personne n’interrompit, les deux Elfes s’inclinèrent légèrement et repartirent par un autre sentier sans nous regarder, en reprenant leur chant. Chacun d’eux avait une mélodie unique, semblant compléter l’autre. Leurs chants s’unissaient au doux vent du soir et montaient faire trembler les feuilles des arbres autour de nous. Certains de ces arbres semblaient même vibrer plus que d’autres, comme s’ils comprenaient les paroles de ces chants, et y réagissaient. Ils semblaient presque vivants…

Revenus dans la clairière qui nous tenait lieu de refuge, je réfléchissais encore. Cette fête était-elle vraiment pour la nouvelle année commençante ? Ou serait-elle plutôt en l’honneur de Celles et de Ceux qui la fêtèrent jadis en ces mêmes lieux ?
Réfléchissant à tout cela, j’aperçu vite mon ami étendu près de moi, la respiration paisible et régulière. Décidant de l’imiter, je m’allongeai près de lui dans ma couverture.
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Telle jumelle, tel jumeau - par Tinakë - 03.05.2008, 12:36

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