11.06.2008, 11:08
Le Silmarillion - Akallabêth
Les Pères des Humains des trois maisons fidèles furent, eux aussi, richement récompensés : Eönwë vint parmi eux les enseigner, il leur donna la sagesse, le pouvoir et une existence plus longue qu'aucun mortel avant eux. Une terre fut faite pour qu'ils y vivent, séparée des Terres du Milieu comme de Valinor. Ossë la fit surgir du fond de la Grande Mer, elle fut façonnée par Aulë et enrichie par Yavanna, puis les Eldar y apportèrent des fleurs et des fontaines de Tol Eressëa. Les Valar appelèrent ce pays Andor, le Pays de l'Offrande, et l'Etoile d'Eärendil brillait à l'ouest pour annoncer aux Edain que tout était prêt et pour les guider à travers les mers. Les Humains s'émerveillèrent grandement de voir cette flamme d'argent dans le sillage du soleil.
Alors les Edain firent voile sur les eaux profondes en suivant l'Etoile, les Valar maintinrent les vagues en paix pendant de nombreux jours, firent donner le soleil et un vent favorable, si bien que les eaux brillaient sous les yeux des navigateurs comme un frémissement de cristal et que l'écume était comme une neige à la proue des navires. Rothinzil brillait d'un tel éclat que les Humains purent la voir dès le matin percer la brume de l'ouest, et qu'elle resplendissait seule dans le ciel nocturne, car tous les astres étaient éclipsés par sa présence. Leur course ainsi guidée, les Edain parcoururent d'innombrables lieues d'étendue marine et virent au loin la terre qui les attendait, Andor, le Pays de l'Offrande, qui frémissait dans un halo doré. Ils débarquèrent pour trouver une terre riche et fertile, ils furent heureux et l'appelèrent Elenna, la Route de l'Etoile, et aussi Anadûnê, l'Occidentale, ou Númenórë dans l'Ancien Langage des Eldar.
[...]
Autrefois la plus grande ville et le premier port de Númenor se trouvait au milieu de la côte occidentale, et on l'appelait Andúnië car elle donnait sur le soleil couchant. Et il y avait au milieu des terres une haute et abrupte montagne appelée Meneltarma, le Pilier du Ciel, en haut de laquelle était un endroit consacré à Eru Ilúvatar. C'était un temple sans murs et sans toit, et aucun autre ne s'élevait au pays des Númenóréens. Au pied de la montagne se dressaient les tombes des Rois et sur une colline voisine Armenelos, la plus belle des cités, où se trouvait la forteresse et la tour construites par le fils d'Eärendil, Elros, que les Valar avaient nommé premier Roi des Dúnedain.
[...]
Parfois les Premiers-Nés venaient jusqu'à Númenor dans leurs bateaux sans rames comme des oiseaux blancs accourus du soleil couchant. Ils apportaient maintes offrandes à Númenor : oiseaux chanteurs, fleurs odorantes, herbes de hautes vertus, et un jour ils leur firent don d'une pousse de Celeborn, l'Arbre Blanc qui poussait au centre d'Eressëa, lui-même un rejet de Galathilion l'arbre de Túna, l'image de Telperion que Yavanna avait donnée aux Eldar à Valinor. L'arbre grandit dans les jardins du Roi, à Armenelos, il fleurit et on le nomma Nimloth. Ses fleurs s'épanouissaient au crépuscule et venaient parfumer les ombres de la nuit.
[...]
Ar-Pharazôn fut saisi d'une grande colère et réfléchit longtemps en secret, le cœur pris d'un désir de puissance illimitée où sa volonté serait maîtresse absolue. Il décida, sans l'avis des Valar ni de quiconque hormis lui-même, qu'il revendiquerait lui-même le titre de Roi des Hommes et ferait de Sauron son vassal ou son esclave, car son orgueil ne souffrait pas qu'aucun roi pût devenir assez grand pour rivaliser avec l'héritier d'Eärendil. Il fit alors forger des grandes quantités d'armes et construire de nombreux navires de guerre qu'il garnit de ces armes et, quand tout fut prêt, il fit voile vers l'est à la tête de son armée.
Les Humains virent ses voiles surgir du couchant, teintes d'écarlate et rehaussées d'or et de vermillon, la peur prit ceux qui vivaient sur les côtes et ils s'enfuirent au loin. La flotte arriva en vue d'Umbar, le plus grand port jamais construit par les Númenóréens, et toutes les terres alentour étaient vides et silencieuses. Le Roi de la Mer s'avança sur les Terres du Milieu, bannières et trompettes en tête, et le septième jour, il trouva une colline où il monta pour installer sa tente et son trône. Il se mit sur son trône au milieu du pays, les tentes de son armée rangées autour de lui, bleues, or et blanches, comme une forêt de hautes tours. Puis il envoya ses hérauts ordonner à Sauron de paraître devant lui et lui jurer fidélité.
[...]
En ce temps le Meneltarma était complètement déserté : Sauron n'osait pas encore profaner le lieu béni mais le Roi interdisait d'y monter sous peine de mort, même aux Fidèles qui adoraient encore Ilúvatar. Sauron pressa le Roi d'abattre l'Arbre Blanc, le Beau Nimloth, qui poussait dans son jardin, puisque c'était un souvenir des Eldar et de la lumière de Valinor.
Au début le Roi refusa, croyant encore que la fortune de sa maison était liée à celle de l'Arbre, comme l'avait prédit Tar-Palantir. Dans sa folie celui qui maintenant haïssait les Eldar et les Valar se raccrochait vainement à l'ombre de l'ancienne allégeance de Númenor. Quand Amandil apprit les intentions perfides de Sauron il en fut blessé au cœur, sachant qu'en fin de compte Sauron en ferait à sa guise. Il alla parler à Elendil et à ses fils, leur raconta l'histoire des Arbres de Valinor, et Isildur, sans rien dire, sortit dans la nuit et accomplit un exploit qui lui valut plus tard la renommée. Il entra seul, déguisé, à Armenelos, pénétra dans les jardins du Roi interdits aux Fidèles, il alla jusqu'à l'Arbre dont personne ne devait approcher sur l'ordre de Sauron et qui était gardé nuit et jour par ses serviteurs. Nimloth ne brillait pas et ne portait aucune fleur, car c'était la fin de l'automne et l'hiver s'approchait. Isildur évita les gardes, prit un fruit qui pendait et voulut repartir. Mais les gardes, alertés, l'attaquèrent et il dut se frayer un chemin à coups d'épée en recevant plusieurs blessures. Son déguisement fit qu'on ignora qui avait porté la main sur l'Arbre, mais c'est à peine s'il put revenir à Rómenna et déposer le fruit dans les mains de son père avant que ses forces ne l'abandonnent. Le fruit fut planté en secret, béni par Amandil, et une pousse s'éleva qui grandit au printemps. Et quand s'ouvrit la première feuille, Isildur, qui était resté longtemps couché sur le seuil de la mort, se leva et oublia ses blessures.
Ce ne fut pas trop tôt car, peu après, le Roi céda à Sauron : il abattit l'Arbre Blanc et abandonna complètement l'allégeance de ses pères. Ensuite Sauron fit construire sur la colline qui était au centre d'Armenelos la Vermeille un gigantesque temple : il était circulaire, les murs épais de cinquante pieds, le diamètre de cinq cents pieds, les murs s'élevaient à cinq cents pieds au-dessus du sol, surmontés d'une énorme coupole. Ce dôme était entièrement couvert d'argent et miroitait au soleil si bien qu'on le voyait de très loin, mais bientôt sa lueur s'éteignit et l'argent se noircit, car il y avait au milieu du temple un autel et un feu, et au milieu du dôme un trou d'où sortait une épaisse fumée. Sauron fit le premier feu avec les branches de Nimloth qui crépitèrent en se consumant, et les hommes furent frappés par la puanteur qui en sortit : un nuage pesa pendant sept jours sur le pays avant de glisser lentement vers l'ouest.
Ensuite le feu et la fumée ne cessèrent plus. Le pouvoir de Sauron grandissait chaque jour et les hommes venaient au temple faire des sacrifices à Melkor, dans le sang, la torture et la plus grande cruauté, pour qu'il les délivrât de la mort. Ils choisissaient le plus souvent leurs victimes parmi les Fidèles, sans jamais les accuser ouvertement de ne pas adorer Melkor, le Libérateur, mais en leur faisant grief de haïr le Roi, de se révolter contre lui, de conspirer contre sa Maison, d'inventer calomnies et poisons. Ces accusations étaient presque toujours fausses, mais l'époque était féroce et la haine fait naître la haine.
[...]
On raconte qu'Amandil partit de nuit dans un petit bateau, d'abord vers l'est, qu'il fit un grand tour et se dirigea vers l'ouest. Il prit avec lui trois serviteurs chers à son cœur, et jamais plus le monde n'en reçut un mot ou un signe, aucun récit ne raconte leur sort ni même ne l'imagine. Une telle ambassade ne pouvait pas sauver les hommes une seconde fois et la trahison de Númenor n'était pas si facile à absoudre.
Voilà déjà un bout
Les Pères des Humains des trois maisons fidèles furent, eux aussi, richement récompensés : Eönwë vint parmi eux les enseigner, il leur donna la sagesse, le pouvoir et une existence plus longue qu'aucun mortel avant eux. Une terre fut faite pour qu'ils y vivent, séparée des Terres du Milieu comme de Valinor. Ossë la fit surgir du fond de la Grande Mer, elle fut façonnée par Aulë et enrichie par Yavanna, puis les Eldar y apportèrent des fleurs et des fontaines de Tol Eressëa. Les Valar appelèrent ce pays Andor, le Pays de l'Offrande, et l'Etoile d'Eärendil brillait à l'ouest pour annoncer aux Edain que tout était prêt et pour les guider à travers les mers. Les Humains s'émerveillèrent grandement de voir cette flamme d'argent dans le sillage du soleil.
Alors les Edain firent voile sur les eaux profondes en suivant l'Etoile, les Valar maintinrent les vagues en paix pendant de nombreux jours, firent donner le soleil et un vent favorable, si bien que les eaux brillaient sous les yeux des navigateurs comme un frémissement de cristal et que l'écume était comme une neige à la proue des navires. Rothinzil brillait d'un tel éclat que les Humains purent la voir dès le matin percer la brume de l'ouest, et qu'elle resplendissait seule dans le ciel nocturne, car tous les astres étaient éclipsés par sa présence. Leur course ainsi guidée, les Edain parcoururent d'innombrables lieues d'étendue marine et virent au loin la terre qui les attendait, Andor, le Pays de l'Offrande, qui frémissait dans un halo doré. Ils débarquèrent pour trouver une terre riche et fertile, ils furent heureux et l'appelèrent Elenna, la Route de l'Etoile, et aussi Anadûnê, l'Occidentale, ou Númenórë dans l'Ancien Langage des Eldar.
[...]
Autrefois la plus grande ville et le premier port de Númenor se trouvait au milieu de la côte occidentale, et on l'appelait Andúnië car elle donnait sur le soleil couchant. Et il y avait au milieu des terres une haute et abrupte montagne appelée Meneltarma, le Pilier du Ciel, en haut de laquelle était un endroit consacré à Eru Ilúvatar. C'était un temple sans murs et sans toit, et aucun autre ne s'élevait au pays des Númenóréens. Au pied de la montagne se dressaient les tombes des Rois et sur une colline voisine Armenelos, la plus belle des cités, où se trouvait la forteresse et la tour construites par le fils d'Eärendil, Elros, que les Valar avaient nommé premier Roi des Dúnedain.
[...]
Parfois les Premiers-Nés venaient jusqu'à Númenor dans leurs bateaux sans rames comme des oiseaux blancs accourus du soleil couchant. Ils apportaient maintes offrandes à Númenor : oiseaux chanteurs, fleurs odorantes, herbes de hautes vertus, et un jour ils leur firent don d'une pousse de Celeborn, l'Arbre Blanc qui poussait au centre d'Eressëa, lui-même un rejet de Galathilion l'arbre de Túna, l'image de Telperion que Yavanna avait donnée aux Eldar à Valinor. L'arbre grandit dans les jardins du Roi, à Armenelos, il fleurit et on le nomma Nimloth. Ses fleurs s'épanouissaient au crépuscule et venaient parfumer les ombres de la nuit.
[...]
Ar-Pharazôn fut saisi d'une grande colère et réfléchit longtemps en secret, le cœur pris d'un désir de puissance illimitée où sa volonté serait maîtresse absolue. Il décida, sans l'avis des Valar ni de quiconque hormis lui-même, qu'il revendiquerait lui-même le titre de Roi des Hommes et ferait de Sauron son vassal ou son esclave, car son orgueil ne souffrait pas qu'aucun roi pût devenir assez grand pour rivaliser avec l'héritier d'Eärendil. Il fit alors forger des grandes quantités d'armes et construire de nombreux navires de guerre qu'il garnit de ces armes et, quand tout fut prêt, il fit voile vers l'est à la tête de son armée.
Les Humains virent ses voiles surgir du couchant, teintes d'écarlate et rehaussées d'or et de vermillon, la peur prit ceux qui vivaient sur les côtes et ils s'enfuirent au loin. La flotte arriva en vue d'Umbar, le plus grand port jamais construit par les Númenóréens, et toutes les terres alentour étaient vides et silencieuses. Le Roi de la Mer s'avança sur les Terres du Milieu, bannières et trompettes en tête, et le septième jour, il trouva une colline où il monta pour installer sa tente et son trône. Il se mit sur son trône au milieu du pays, les tentes de son armée rangées autour de lui, bleues, or et blanches, comme une forêt de hautes tours. Puis il envoya ses hérauts ordonner à Sauron de paraître devant lui et lui jurer fidélité.
[...]
En ce temps le Meneltarma était complètement déserté : Sauron n'osait pas encore profaner le lieu béni mais le Roi interdisait d'y monter sous peine de mort, même aux Fidèles qui adoraient encore Ilúvatar. Sauron pressa le Roi d'abattre l'Arbre Blanc, le Beau Nimloth, qui poussait dans son jardin, puisque c'était un souvenir des Eldar et de la lumière de Valinor.
Au début le Roi refusa, croyant encore que la fortune de sa maison était liée à celle de l'Arbre, comme l'avait prédit Tar-Palantir. Dans sa folie celui qui maintenant haïssait les Eldar et les Valar se raccrochait vainement à l'ombre de l'ancienne allégeance de Númenor. Quand Amandil apprit les intentions perfides de Sauron il en fut blessé au cœur, sachant qu'en fin de compte Sauron en ferait à sa guise. Il alla parler à Elendil et à ses fils, leur raconta l'histoire des Arbres de Valinor, et Isildur, sans rien dire, sortit dans la nuit et accomplit un exploit qui lui valut plus tard la renommée. Il entra seul, déguisé, à Armenelos, pénétra dans les jardins du Roi interdits aux Fidèles, il alla jusqu'à l'Arbre dont personne ne devait approcher sur l'ordre de Sauron et qui était gardé nuit et jour par ses serviteurs. Nimloth ne brillait pas et ne portait aucune fleur, car c'était la fin de l'automne et l'hiver s'approchait. Isildur évita les gardes, prit un fruit qui pendait et voulut repartir. Mais les gardes, alertés, l'attaquèrent et il dut se frayer un chemin à coups d'épée en recevant plusieurs blessures. Son déguisement fit qu'on ignora qui avait porté la main sur l'Arbre, mais c'est à peine s'il put revenir à Rómenna et déposer le fruit dans les mains de son père avant que ses forces ne l'abandonnent. Le fruit fut planté en secret, béni par Amandil, et une pousse s'éleva qui grandit au printemps. Et quand s'ouvrit la première feuille, Isildur, qui était resté longtemps couché sur le seuil de la mort, se leva et oublia ses blessures.
Ce ne fut pas trop tôt car, peu après, le Roi céda à Sauron : il abattit l'Arbre Blanc et abandonna complètement l'allégeance de ses pères. Ensuite Sauron fit construire sur la colline qui était au centre d'Armenelos la Vermeille un gigantesque temple : il était circulaire, les murs épais de cinquante pieds, le diamètre de cinq cents pieds, les murs s'élevaient à cinq cents pieds au-dessus du sol, surmontés d'une énorme coupole. Ce dôme était entièrement couvert d'argent et miroitait au soleil si bien qu'on le voyait de très loin, mais bientôt sa lueur s'éteignit et l'argent se noircit, car il y avait au milieu du temple un autel et un feu, et au milieu du dôme un trou d'où sortait une épaisse fumée. Sauron fit le premier feu avec les branches de Nimloth qui crépitèrent en se consumant, et les hommes furent frappés par la puanteur qui en sortit : un nuage pesa pendant sept jours sur le pays avant de glisser lentement vers l'ouest.
Ensuite le feu et la fumée ne cessèrent plus. Le pouvoir de Sauron grandissait chaque jour et les hommes venaient au temple faire des sacrifices à Melkor, dans le sang, la torture et la plus grande cruauté, pour qu'il les délivrât de la mort. Ils choisissaient le plus souvent leurs victimes parmi les Fidèles, sans jamais les accuser ouvertement de ne pas adorer Melkor, le Libérateur, mais en leur faisant grief de haïr le Roi, de se révolter contre lui, de conspirer contre sa Maison, d'inventer calomnies et poisons. Ces accusations étaient presque toujours fausses, mais l'époque était féroce et la haine fait naître la haine.
[...]
On raconte qu'Amandil partit de nuit dans un petit bateau, d'abord vers l'est, qu'il fit un grand tour et se dirigea vers l'ouest. Il prit avec lui trois serviteurs chers à son cœur, et jamais plus le monde n'en reçut un mot ou un signe, aucun récit ne raconte leur sort ni même ne l'imagine. Une telle ambassade ne pouvait pas sauver les hommes une seconde fois et la trahison de Númenor n'était pas si facile à absoudre.
Voilà déjà un bout
"L'urgent est fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir un délai."