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Il est des blessures que l'on ne peut entièrement guérir
#3
La suite avec Bilbo et Frodo

Pendant de trop longues années, Bilbo a été blessé, petit à petit par l'Anneau.
« Mais je me sens tout maigre, détiré en quelque sorte, si vous voyez ce que je veux dire: Comme du beurre qu'on a gratté sur une trop grande tartine. »(1)
Sa force intérieure, sa nature ne sont pas adaptées à cette charge.
« L'anneau est à moi je vous dis. A moi personnellement. Mon trésor, oui, mon trésor. »(1)
Insidieusement le Mal agi, comme il l'a déjà fait pour Gollum.
« Chaque mot que vous prononcez le montre clairement. L'anneau a une bien trop grande prise sur vous. Abandonnez-le! »(1)
Mais même après l'avoir abandonné, volontairement bien qu'avec l'aide précieuse de son ami Gandalf, il reste encore une « marque noire »(2) en Bilbo, que seul le séjour en Aman pourra guérir(3).
Mais il est une autre blessure qui se cache derrière celle infligée par les Ténèbres. Une blessure sans laquelle Bilbo n'aurait jamais été capable de prendre un chemin d'ombres, qui le conduirait un jour à apparaître aux yeux de son cher neveu comme « un petit être ridé, au visage avide, qui tendait des mains osseuses et tâtonnantes »(4), cambrioleur cherchant à lui dérober l'Anneau.
Cette blessure, c'est celle de l'Aventure, de l'appel de Faërie.
La vie de Bilbo se serait elle réalisée totalement sans qu'il fasse l'expérience de la "pure Elfitude" et qu'il ait la possibilité d'entendre les légendes et les histoires complètes dont les fragments l'avaient tellement enchanté ?(5)
Et Bilbo ne s'était jamais marié, car il voulait être libre de partir lorsque surviendrait la chance, ou lorsqu'il aurait rassemblé son courage.(6)

(1) [SdA L1, I]
(2) Bilbo est parti également. Sans aucun doute, pour achever le plan dû à Gandalf en personne. Celui-ci avait une grande affection pour Bilbo, remontant à l'enfance du Hobbit. Sa compagnie était vraiment nécessaire au bien-être de Frodo – il est difficile d'imaginer un Hobbit, même passé par les expériences qu'avait connues Frodo, être vraiment heureux même dans un paradis terrestre sans un compagnon de sa propre espèce, et Bilbo était la personne que Frodo aimait le plus. Mais Bilbo avait également besoin de cette faveur, et il la méritait pour lui-même. Il portait encore la marque de l'Anneau, qui avait besoin d'être définitivement enlevée: un reste d'orgueil, et de possessivité. Bien sûr il était âgé et son esprit un peu confus, mais c'est encore un signe de la "marque noire" lorsqu'il demande à Fondcombe: "qu'est-il advenu de mon anneau, que tu avais emporté, Frodo ?"; et lorsqu'on lui rappelle ce qui s'est passé, sa réponse spontanée est:"Quel dommage ! [...] J'aurais aimé le revoir." [L246]
(3)Toutefois, dans cette histoire, on suppose qu'il peut y avoir quelques rares exceptions ou aménagements (supposition légitime ? Il semble toujours y avoir des exceptions) ; certains "mortels", qui ont joué un grand rôle dans les affaires elfiques, peuvent donc passer avec les Elfes au pays des Elfes.[L154]
Quant à Frodo et autres mortels, ils ne pouvaient résider en Aman que pour une période limitée – qu'elle soit brève ou longue. Les Valar n'avaient ni le pouvoir ni le droit de leur conférer "l'immortalité". Leur séjour était un "purgatoire", mais de paix et de guérison, et ils finiraient par partir (mourir de leur propre libre arbitre et désir) vers une destination dont les elfes ne savaient rien. [L325]
(4) [SdA L2, II]
(5) [L246]
(6) J'appris qu'il ne s'était jamais marié. Je trouvais ça curieux, bien que je crusse comprendre pourquoi ; et la raison que je soupçonnais n'était pas celle que me fournirent la plupart des Hobbits: qu'il s'était trouvé tout jeune à la tête d'une grande fortune, et son propre maître. Non, je devinais qu'il avait voulu demeurer "libre" pour une autre raison, bien plus profonde et qui lui était propre, une raison qu'il ne comprenait pas lui même – ou se refusait à reconnaître, car elle l'effrayait. Il voulait cependant être libre de partir lorsque surviendrait la chance, ou lorsqu'il aurait rassemblé son courage. Je me souvenais comme il me harcelait de questions lorsqu'il était gamin, sur les Hobbits qui un beau jour "s'en étaient allés", comme on disait dans la Comté. Deux, au moins, de ses oncles du côté Took, l'avaient fait. [CLI 3A, III]


Enfant, je m'émerveillais des légendes elfiques que nous racontait oncle Bilbo. Il était parti à l'Aventure, franchissant les montagnes, affrontant les dragons et ramenant des trésors. Je l'aurais bien suivi quand il partit de nouveau, me laissant seul avec l'Anneau.
Partirais-je un jour, moi aussi ?
Quels sont ces espaces blancs au delà des frontières sur les cartes de la Comté ?
Et quelle est donc cette inquiétude qui habite les étrangers qui vont et traversent la Comté ?
Les Elfes que j'ai rencontré s'en vont vers la mer ; mais où naviguent ils ?
Mais je ne suis pas parti. J'ai fui, emmenant l'Anneau.
Je fut poursuivi par les Cavaliers Noirs et un arbre aux racines de colère a tenté de me noyer.
Tom ! Qu'as tu fait de mon Anneau ?
Belle dame Baie d'Or ! O toi, roseau pris du vivant étang ! Charme merveilleux mais point étrange.
Vous les Elfes dont le charme aigu et sublime perce mon cœur ! Lórien, foulerais-je de nouveau tes vertes pelouses ?
J’ai été blessé par poignard, piqûre et dent, et par un long fardeau. Où trouverai-je le repos ?
L’attrapant par la barbe, Baie d'Or attira le Vieux Tom en sa demeure,
Et Grands-Pas fut tout à la nuit étoilée d'Arwen.
Qui me retiendra ?
Riante vallée de la Comté ; tu fut sauvée, mais pas pour moi.
J'ai été le M. Baggins de Cul-de-sac, et quelques instants je revendiquais mien le Précieux Anneau ;
mais il a disparu à jamais, et maintenant tout est sombre et vide.

Frodo fut envoyé, ou autorisé à passer la Mer pour être soigné – si cela était possible, avant sa mort. Il devait finalement "partir": aucun mortel ne pouvait, ou ne peut, résider sur terre pour toujours, ou dans le Temps. Sa traversée était donc à la fois un purgatoire et une récompense, pour un temps: une période de réflexion et de paix, et pour acquérir une compréhension plus exacte de sa situation dans le mesquin et le grandiose, période toujours passée dans le Temps au milieu de la beauté naturelle d'"Arda Immarie", la Terre qui n'a pas été souillée par le Mal. [L246]
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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RE: Il est des blessures que l'on ne peut entièrement guérir - par sam sanglebuc - 13.02.2023, 18:30

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