24.07.2019, 19:53
.oOo.
Par ce petit matin, Blodwen passe le nez à la fenêtre. L’air frais lui picote les narines mais colporte des fragrances d’humus et de bois de pin sous des cieux immaculés. La journée va être magnifique !
Toute joyeuse, la jeune femme charge la brouette de denrées appétissantes qu’elle a longuement préparées avec amour, de quelques outils et du plant d’orme que son mari chéri a enfin ramené hier. Puis elle réveille sa petite famille, l’habille chaudement et la mène tambour battant derrière la maison, jusqu’à l’arbre de Torgil qu’elle avait planté au-dessus de la source où ils s’approvisionnent.
Blodwen dresse une nappe de pic-nic sous le jeune frêne élancé en fredonnant gaiement un vieil air des collines, pendant que Torgil joue avec son fils, perché sur son ventre.
- Et ça, ça sert à quoi ?, demande le mari en avisant une assiette de bois qui sert d’ordinaire à entasser les restes qu’on balancera au cochon.
- Mais voyons, Torgil, les jours de fête, on dresse le couvert du pauvre, c’est la tradition !
- Allons bon !, pense le mari, voilà encore une journée traditionnelle ! À quelle douloureuse acrobatie coutumière vais-je encore devoir me plier pour plaire aux esprits ?
La réponse ne tarde guère…
- Voilà, tout est prêt ! Mais avant, quelques petites formalités… , lance joyeusement Blodwen avec un clin d’œil à l’adresse de son fils.
Torgil rentre les épaules, tandis que le petit Tuismir bat des mains avec enthousiasme.
La famille plante la pousse non loin du frêne, juste assez près pour profiter de la vigueur protectrice du jeune arbre élancé, mais suffisamment loin pour développer sa personnalité propre sans prendre ombrage de ses ombrelles.
Tuismir est autorisé à planter quelques pommes fripées au pied de chacun des deux arbres. Puis Blodwen va déposer une collation au bord de la source, qui glousse indifférente son air éternel entre les mousses.
Toute joyeuse, la jeune femme charge la brouette de denrées appétissantes qu’elle a longuement préparées avec amour, de quelques outils et du plant d’orme que son mari chéri a enfin ramené hier. Puis elle réveille sa petite famille, l’habille chaudement et la mène tambour battant derrière la maison, jusqu’à l’arbre de Torgil qu’elle avait planté au-dessus de la source où ils s’approvisionnent.
Blodwen dresse une nappe de pic-nic sous le jeune frêne élancé en fredonnant gaiement un vieil air des collines, pendant que Torgil joue avec son fils, perché sur son ventre.
- Et ça, ça sert à quoi ?, demande le mari en avisant une assiette de bois qui sert d’ordinaire à entasser les restes qu’on balancera au cochon.
- Mais voyons, Torgil, les jours de fête, on dresse le couvert du pauvre, c’est la tradition !
- Allons bon !, pense le mari, voilà encore une journée traditionnelle ! À quelle douloureuse acrobatie coutumière vais-je encore devoir me plier pour plaire aux esprits ?
La réponse ne tarde guère…
- Voilà, tout est prêt ! Mais avant, quelques petites formalités… , lance joyeusement Blodwen avec un clin d’œil à l’adresse de son fils.
Torgil rentre les épaules, tandis que le petit Tuismir bat des mains avec enthousiasme.
La famille plante la pousse non loin du frêne, juste assez près pour profiter de la vigueur protectrice du jeune arbre élancé, mais suffisamment loin pour développer sa personnalité propre sans prendre ombrage de ses ombrelles.
Tuismir est autorisé à planter quelques pommes fripées au pied de chacun des deux arbres. Puis Blodwen va déposer une collation au bord de la source, qui glousse indifférente son air éternel entre les mousses.
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Revenant sur ses pas vers ses deux hommes, Blodwen tressaille et pâlit, s’arrêtant net. Torgil suit le regard de son épouse et manque de défaillir alors que Tuismir se met à pleurer, cherchant maladroitement à rejoindre les jupes de sa mère. Une silhouette enveloppée d’un linceul sombre est installée devant l’assiette du pauvre, semblant attendre le début du repas.
- Qui êtes-vous ?, lance Torgil d’une voix mal assurée en saisissant la bêche. Que nous voulez-vous ?
Le sombre capuchon se tourne lentement vers Torgil. Une puanteur insupportable s’élève et prend les vivants à la gorge, comme si des myriades de larves nauséabondes écloraient de concert pour répandre les humeurs pestilentielles d’un mort incapable de quitter ce monde.
Roule alors une voix sépulcrale, dont le ton posé pourtant semble chercher la conciliation :
- L’on m’a invité à la fête. Je viens recevoir ma part !
Torgil blêmit, lui lance un fromage et s’exclame en brandissant sa bêche :
- Luinril, prenez cela et laissez-nous !
La forme se redresse lentement. Les effluves de chairs corrompues laissent entrevoir ce que le sombre manteau voile encore aux regards.
- La part qui me revient de droit est cette vie volée dans l’interstice du règne des hommes et du royaume des ombres, énonce la voix d’un ton sans appel, en élevant un index à vif, aux répugnants reflets putrides, qui désigne le petit Tuismir.
- C’est trop tard ! rugit la jeune mère en s’interposant devant son fils, le cœur gonflé d’une rage de lionne et bardé d’une assurance d’airain.
Les vœux à la Déesse sont prononcés et l’enfant trouve sa place dans le règne des hommes !
- Ces vœux furent prononcés dans le vent de Samain et la Déesse n’en a rien su. L’arbre protecteur que tu as planté n’est pas celui de ton fils !
La confiance de Blodwen s’effondre d’un coup. Elle tourne son regard éperdu et implorant vers Torgil, qui baisse les yeux pour ne pas le croiser. Elle n’est pas shaman du clan Prenn Lûth, mais elle sait que rien n’empêchera le seigneur de la nuit d’emmener son dû. À moins d’un sacrifice au-delà de la vie humaine… Mûe par un noir ressentiment, Blodwen saisit la hache de Torgil et, du coup puissant du désespoir, tranche le jeune frêne.
La forme sombre siffle comme un serpent blessé et glapit de dépit :
- Tu choisis de conserver ton fils ! Mais que ferais-je de ce bon à rien de mécréant ? » éructe le manteau en considérant Torgil atterré, déjà gagné par un teint cireux et grisâtre.
- Il promet de te donner le repos ! rugit la femme en pleurs, tremblante comme une feuille d’arbre prête à s’envoler au vent de Samain.
- Qui êtes-vous ?, lance Torgil d’une voix mal assurée en saisissant la bêche. Que nous voulez-vous ?
Le sombre capuchon se tourne lentement vers Torgil. Une puanteur insupportable s’élève et prend les vivants à la gorge, comme si des myriades de larves nauséabondes écloraient de concert pour répandre les humeurs pestilentielles d’un mort incapable de quitter ce monde.
Roule alors une voix sépulcrale, dont le ton posé pourtant semble chercher la conciliation :
- L’on m’a invité à la fête. Je viens recevoir ma part !
Torgil blêmit, lui lance un fromage et s’exclame en brandissant sa bêche :
- Luinril, prenez cela et laissez-nous !
La forme se redresse lentement. Les effluves de chairs corrompues laissent entrevoir ce que le sombre manteau voile encore aux regards.
- La part qui me revient de droit est cette vie volée dans l’interstice du règne des hommes et du royaume des ombres, énonce la voix d’un ton sans appel, en élevant un index à vif, aux répugnants reflets putrides, qui désigne le petit Tuismir.
- C’est trop tard ! rugit la jeune mère en s’interposant devant son fils, le cœur gonflé d’une rage de lionne et bardé d’une assurance d’airain.
Les vœux à la Déesse sont prononcés et l’enfant trouve sa place dans le règne des hommes !
- Ces vœux furent prononcés dans le vent de Samain et la Déesse n’en a rien su. L’arbre protecteur que tu as planté n’est pas celui de ton fils !
La confiance de Blodwen s’effondre d’un coup. Elle tourne son regard éperdu et implorant vers Torgil, qui baisse les yeux pour ne pas le croiser. Elle n’est pas shaman du clan Prenn Lûth, mais elle sait que rien n’empêchera le seigneur de la nuit d’emmener son dû. À moins d’un sacrifice au-delà de la vie humaine… Mûe par un noir ressentiment, Blodwen saisit la hache de Torgil et, du coup puissant du désespoir, tranche le jeune frêne.
La forme sombre siffle comme un serpent blessé et glapit de dépit :
- Tu choisis de conserver ton fils ! Mais que ferais-je de ce bon à rien de mécréant ? » éructe le manteau en considérant Torgil atterré, déjà gagné par un teint cireux et grisâtre.
- Il promet de te donner le repos ! rugit la femme en pleurs, tremblante comme une feuille d’arbre prête à s’envoler au vent de Samain.
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A suivre...