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La diète amoureuse
#1
Bourg-de-Touque, An 1231 de la Datation de la Comté

-« Taa, Taratataaaa ! Le chevalier Odrazàr revêt son armure… étincelloyante… offerte par les forgerons elfes ! », claironna un freluquet plein d’assurance en revêtant le justaucorps d’apiculteur de son grand-père.

- « Voilà, on est prêtes ! », tintinnabula un aréopage de fillettes pomponnées en princesses, depuis l’abri de l’aïeul, au fond du jardin.
- Viens vite nous délivrer de l’horrible château où y’a même rien à manger !
- Ben sauf nous ! Nous, on est à manger pour l’ogre ! Tu comprends rien, toi !
- Oui, là, ça y est, on est pétri-terrifiées par le vilain ogre ! Tu peux venir ! », lança la plus fantasque.

Mais le héros – un hobbit de huit ans aux boucles blondes savamment négligées - ne laissa pas les gloussements alarmés troubler le recueillement du preux avant l’épreuve – il avait un rituel à respecter, sinon ça valait pas !

- « Taa, Taratataaaa ! Odrazàr le puissant chausse son heaulme magique, qui le protège des… des ensortillègements ! », fanfaronna-t-il en posant une casserole sans manche sur sa tête.
- « Bon, ben si tu chaussais plutôt tes bottes de sept lieues ? Ca irait plus vite ! Pasque nous, on est prêtes à être délivrées, hein !
- Et pis on a faim !
- Mais laisse-le, y faut bien qu’y s’équipe ! Sinon y va jamais pouvoir nous délivrer ! Tu comprends rien aux héros, toi !
- Taa, Taratataaaa ! Odrazàr le redoutable Numéro… - Numérien ? -… chevalier de Numénor enfourche son fidèle destrier ! »
Le destrier canin émit un jappement désapprobateur, grogna un peu lorsque le petit hobbit le saisit au cou, mais il dut obéir au tyran.

- « Bon, ça y est, là, tu viens l’ouvrir, c’te porte ? Enfin, j’veux dire… ce pont-levis ?
- Patience, damoiselles éplorées ! Votre héros vole à votre secours ! Taa, Taratataaaa ! Odrazàr le magnifique ceigne… - sein ? -… euh prend son bouclier aux trois bandes et brandit sa lance !
- Oh, là là, qu’est-ce qu’il en met du temps pour s’habiller, çui-là !
- Faut dire qu’il est toujours tellement attifé mignon !
- … et choux avec ça ! Mais pousse-toi, je vois rien ! »

Les petites hobbites, méconnaissables sous leurs draperies princières, se bousculaient à la lucarne de la remise – pardon, aux vitraux du donjon - où l’ogre les avait enfermées, pour contempler leur promis dans toute sa splendeur. A dire vrai, le conciliabule des princesses n’avait pas encore résolu la question de savoir qui allait réellement épouser le séduisant Gerry lorsqu’elles seraient grandes. Pour le moment, chacune des altesses royales se projetait dans une union sublime avec le fringant Odrazàr-Gerry, héritier du Thain de la Comté et des légendes de jadis, sans vraiment réaliser que les rêves de ses consœurs pourraient bien un jour contrarier le sien.

Odrazàr, en la personne de son jeune admirateur Gerry, avait lancé sa monture – c’est-à-dire Houn, le gros chien noir de la famille – sus au premier obstacle, son rateau pointé en avant.
Un épouvantail, chargé de la cotte de mailles du Thain, étendait des bras grelets et menaçants au milieu du potager.
- « Taa, Taratataaaa ! L’assaut est lancé ! Le monstre rugit et frappe… sournoivéliquement… des griffes et des crocs ! Mais Odrazàr l’indomptable férut… - ferra ?... férit ? -… re-frappe de taille et d’estoc pour terrasser son ignoble adversaire ! »

Le combat s’éternisa, sous les regards ébahis des princesses qui se prenaient au jeu. L’ogre perdit sa citrouille – pardon, sa tête – qui éclata en répandant des filaments orange dégoutants, sous les houras du donjon. Le héros s’assurait de temps en temps, du coin de l’œil, de l’effet produit sur son public en liesse. Mais en vérité, l’ogre, même décapité, poursuivit le combat et se défendit plutôt bien : lors du corps-à-corps final, la lourde cotte fit choir l’épouvantail et le gamin sur un tas de fumier frais.

Le héros dandy, penaud et suffocant – mais toujours soucieux de la qualité du spectacle - annonça pudiquement qu’il lui fallait convoquer son écuyer pour refourbir ses armes. Odrazàr le puant s’esquiva donc pour se refaire une beauté. La galerie s’étonna :
-« Mais qu’est-ce qu’y fait ? Pourquoi y joue plus ?
- Pfuu ! L'est tellement crotté que même Houn s’écarte de lui !
- Bon, ben moi j’en ai assez ! Je vais prendre mon goûter…
-… mais ? Il a vraiment fermé la porte à clé ! »
.oOo.
A suivre...
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La diète amoureuse - par Chiara Cadrich - 21.10.2018, 12:01

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