30.08.2018, 22:40
(Modification du message : 27.09.2018, 08:37 par Chiara Cadrich.)
Bonjour à tous ! Voici une petite nouvelle inspirée des légendes maltaises.
.oOo.
En rade d'Umbar…Le clapotis de la rame se perdait dans la brume qui enserrait la barque de voiles inquiétants. Le pêcheur godillait à l’aveuglette, guidé seulement par les rumeurs trompeuses d’étraves et de brisants.
Sombres comme l’abysse, ourlés du vert et argent de la vague, les yeux de la Dame des océans, peints à l’avant de l’embarcation, scrutaient fidèlement la mer étale.
Le fils cadet du pêcheur, comme une girouette indécise, jetait de tous côtés des regards inquiets, fouillant la brume à la recherche d’un fanal.
La barque glissait lentement, semblant errer sur un océan oublié, où le moindre clapot sonnait de façon étrange, déformé par le brouillard et l’imagination des marins.
Mais Sajjied savait parfaitement ce qu’il faisait. Par le sang du Kraken, l’occasion était trop belle ! Cette brume ne se produisait qu’une ou deux fois par an, vers l’équinoxe de printemps, tôt le matin avant que ne se réveillât la brise de mer. Dans la nuit les rhumatismes du pêcheur l’avaient averti de la brume qui se levait, et les voilà debout avant le soleil pour profiter de l’aubaine.
Mais l’entreprise était dangereuse. De temps en temps, une cloche ou une corne de brume résonnait dans la pénombre, indice ténu des allées et venues dans la rade. Sajjied écoutait, déjouant les mirages sonores du brouillard en reconnaissant un signal de galiote ou la corne d’un phare.
- On y est presque… chuchota le pêcheur, qui avait senti la présence du récif de Hûb Tafnen, sans vraiment l’avoir vu.
En effet surgirent bientôt silencieusement de la brume, un quai couvert de moules - c’était marée basse – puis la muraille du lazaret.
- Pourquoi on vient ici, papa ?
- Qu’est-ce que tu crois ? Pour pêcher, mon fils ! Des langoustes grosses comme le bras !
Ce que Sajjied cachait à son fils, c’est que les corps des malheureux ayant succombé aux fièvres, étaient jetés du haut de la grande tour de quarantaine, juste devant eux. Alors les cadavres se décomposaient dans l’eau parce qu’il y avait là une cuvette peu profonde que la marée ne pouvait jamais complètement nettoyer, et la nuit les langoustes sortaient pour manger.
- Maintenant, il faut te taire, souffla le pêcheur. Il est défendu d’approcher. Si l’on nous prend, on nous jettera aux galères ! Au travail ! Juste là, la profondeur est idéale !
Les deux hommes s’emparèrent de leurs instruments, sortes de longues perches munies de râteaux en osier.
La pêche miraculeuse commença : par grappes orangées qui s’agitaient frénétiquement, les deux hommes remontaient les crustacés empêtrés dans les brins d’osier. Elles ne faisaient pas la taille d’un bras, mais ils en tireraient un bon prix à l’auberge de l’Accorte Naufrageuse. Fréquemment, ils devaient rejeter à la mer, un lambeau de chair douteuse.
Lorsqu’une main déchiquetée remonta, Sajjied chuchota à son fils livide :
- T’inquiète pas, là les fièvres elles sont déjà mortes ! La Dame des Océans elle nous protège !
Sombres comme l’abysse, ourlés du vert et argent de la vague, les yeux de la Dame des océans, peints à l’avant de l’embarcation, scrutaient fidèlement la mer étale.
Le fils cadet du pêcheur, comme une girouette indécise, jetait de tous côtés des regards inquiets, fouillant la brume à la recherche d’un fanal.
La barque glissait lentement, semblant errer sur un océan oublié, où le moindre clapot sonnait de façon étrange, déformé par le brouillard et l’imagination des marins.
Mais Sajjied savait parfaitement ce qu’il faisait. Par le sang du Kraken, l’occasion était trop belle ! Cette brume ne se produisait qu’une ou deux fois par an, vers l’équinoxe de printemps, tôt le matin avant que ne se réveillât la brise de mer. Dans la nuit les rhumatismes du pêcheur l’avaient averti de la brume qui se levait, et les voilà debout avant le soleil pour profiter de l’aubaine.
Mais l’entreprise était dangereuse. De temps en temps, une cloche ou une corne de brume résonnait dans la pénombre, indice ténu des allées et venues dans la rade. Sajjied écoutait, déjouant les mirages sonores du brouillard en reconnaissant un signal de galiote ou la corne d’un phare.
- On y est presque… chuchota le pêcheur, qui avait senti la présence du récif de Hûb Tafnen, sans vraiment l’avoir vu.
En effet surgirent bientôt silencieusement de la brume, un quai couvert de moules - c’était marée basse – puis la muraille du lazaret.
- Pourquoi on vient ici, papa ?
- Qu’est-ce que tu crois ? Pour pêcher, mon fils ! Des langoustes grosses comme le bras !
Ce que Sajjied cachait à son fils, c’est que les corps des malheureux ayant succombé aux fièvres, étaient jetés du haut de la grande tour de quarantaine, juste devant eux. Alors les cadavres se décomposaient dans l’eau parce qu’il y avait là une cuvette peu profonde que la marée ne pouvait jamais complètement nettoyer, et la nuit les langoustes sortaient pour manger.
- Maintenant, il faut te taire, souffla le pêcheur. Il est défendu d’approcher. Si l’on nous prend, on nous jettera aux galères ! Au travail ! Juste là, la profondeur est idéale !
Les deux hommes s’emparèrent de leurs instruments, sortes de longues perches munies de râteaux en osier.
La pêche miraculeuse commença : par grappes orangées qui s’agitaient frénétiquement, les deux hommes remontaient les crustacés empêtrés dans les brins d’osier. Elles ne faisaient pas la taille d’un bras, mais ils en tireraient un bon prix à l’auberge de l’Accorte Naufrageuse. Fréquemment, ils devaient rejeter à la mer, un lambeau de chair douteuse.
Lorsqu’une main déchiquetée remonta, Sajjied chuchota à son fils livide :
- T’inquiète pas, là les fièvres elles sont déjà mortes ! La Dame des Océans elle nous protège !
.oOo.
A suivre...