05.06.2018, 08:23
Pour reprendre le fil de mon propos, et poursuivre avec l'analogie proustienne, on est en droit de considérer que le Seigneur des Anneaux, et le Silmarillion qui coexistait à cette époque (si je ne m'abuse, le Silmarillion publié est essentiellement basé sur les écrits de cette période, moins sur les transformations ultérieures, mais je me trompe sans doute) constituaient déjà une cohérence suffisante, éminemment satisfaisante, et dont les légères disparités, les quelques incohérences, font l'office de points d'ombre au sujet desquels chacun peut apporter sa propre hypothèse, pour peu qu'elle concorde suffisamment avec le reste (l'origine des Orcs, par exemple). Et donc, en suivant cette ligne de pensée, que les modifications ultérieures à cette œuvre ne sont que l'expression d'un maniérisme excessif dans le souci de cohérence, qu'ils résultent de ce que l'auteur s'est trouvé emporté dans son propre élan créateur et a dépassé, en quelque sorte, le pinacle d'aboutissement et d'achèvement qu'il avait atteint à travers son œuvre publiée.
Dans ces conditions, on peut considérer que le lecteur, finalement, a une meilleure compréhension des limites et de la logique de l'œuvre que son propre auteur, qui s'est lui-même égaré dans une quête créatrice sans fin, et, parce que soucieuse de perfection, vouée à une sorte de destruction, de délayage, de relâchement d'une trame pourtant déjà énergiquement tissée. C'est là à mon avis la vraie question des sources telle qu'elle est pertinente pour l'œuvre de Tolkien, bien au-delà de ces histoires de "microcosme" ou de "macrocosme", dont je ne sais pas ce qu'elles viennent faire là. C'est la tension entre ce qui nous convient en tant que lecteurs et ce que recherche (sans que l'on puisse savoir si l'y aboutit ou non) l'auteur ; entre nos attentes personnelles, la réception que l'on a d'une œuvre, et l'intention véritable qui animait son créateur.
Rejeter les écrits plus récentes, c'est tout à fait possible, mais cela suppose de considérer que l'auteur a fait fausse route par rapport à sa propre création littéraire. Pourquoi pas ; c'est un droit auquel chacun de nous peut bien prétendre, en tant que lecteur. Cela suppose qu'à un moment donné, nous avons compris l'œuvre mieux que celui qui l'a produite. C'est une belle idée ; et cela arrive. Pour ma part, je ne soutiens donc pas qu'il "faut" tenir compte des sources les plus récentes et que seule celle-là compte. Nous cherchons tous à adopter une vision cohérente du légendaire, et nous faisons tous nos propres choix en ce sens en accord avec nos propres références. C'est le reflet de la richesse de l'œuvre, d'ailleurs.
On peut donc très bien considérer, d'une part, qu'Elladan et Elrohir sont restés, de l'autre, qu'on ne peut pas savoir. Le seul point où cela importe de trancher plus objectivement, c'est dans la constitution d'un canon sur lequel s'accorder (la question s'impose par exemple dans le cas d'une encyclopédie). Mais il n'y a pas vraiment raison de le faire : une fois qu'on a établi que Tolkien avait changé d'avis, on peut soit dire "je suis d'avis que seul l'écrit le plus récent fait autorité' ou considérer "non, je trouve qu'il a eu tort de se raviser", cela n'a pas beaucoup d'importance et n'est qu'une question d'appropriation personnelle de l'œuvre, non ?
Dans ces conditions, on peut considérer que le lecteur, finalement, a une meilleure compréhension des limites et de la logique de l'œuvre que son propre auteur, qui s'est lui-même égaré dans une quête créatrice sans fin, et, parce que soucieuse de perfection, vouée à une sorte de destruction, de délayage, de relâchement d'une trame pourtant déjà énergiquement tissée. C'est là à mon avis la vraie question des sources telle qu'elle est pertinente pour l'œuvre de Tolkien, bien au-delà de ces histoires de "microcosme" ou de "macrocosme", dont je ne sais pas ce qu'elles viennent faire là. C'est la tension entre ce qui nous convient en tant que lecteurs et ce que recherche (sans que l'on puisse savoir si l'y aboutit ou non) l'auteur ; entre nos attentes personnelles, la réception que l'on a d'une œuvre, et l'intention véritable qui animait son créateur.
Rejeter les écrits plus récentes, c'est tout à fait possible, mais cela suppose de considérer que l'auteur a fait fausse route par rapport à sa propre création littéraire. Pourquoi pas ; c'est un droit auquel chacun de nous peut bien prétendre, en tant que lecteur. Cela suppose qu'à un moment donné, nous avons compris l'œuvre mieux que celui qui l'a produite. C'est une belle idée ; et cela arrive. Pour ma part, je ne soutiens donc pas qu'il "faut" tenir compte des sources les plus récentes et que seule celle-là compte. Nous cherchons tous à adopter une vision cohérente du légendaire, et nous faisons tous nos propres choix en ce sens en accord avec nos propres références. C'est le reflet de la richesse de l'œuvre, d'ailleurs.
On peut donc très bien considérer, d'une part, qu'Elladan et Elrohir sont restés, de l'autre, qu'on ne peut pas savoir. Le seul point où cela importe de trancher plus objectivement, c'est dans la constitution d'un canon sur lequel s'accorder (la question s'impose par exemple dans le cas d'une encyclopédie). Mais il n'y a pas vraiment raison de le faire : une fois qu'on a établi que Tolkien avait changé d'avis, on peut soit dire "je suis d'avis que seul l'écrit le plus récent fait autorité' ou considérer "non, je trouve qu'il a eu tort de se raviser", cela n'a pas beaucoup d'importance et n'est qu'une question d'appropriation personnelle de l'œuvre, non ?