04.06.2018, 08:31
Exemple anecdotique de "retour en arrière" : la nature de Beren, humaine dans les toutes premières versions du Conte, puis elfique dans le Conte, puis humaine à nouveau dans l'ensemble des versions successives. Je suis sûr qu'on pourrait en trouver un paquet d'autres, mais je ne vois pas bien ce que ça dit.
A mon tour, j'exprime une forme de scepticisme vis-à-vis de la pertinence qu'il y aurait à comparer des problèmes très complexes "d'autorité des sources", qui mêlent différents contextes et différents auteurs, au problème purement tolkienien, où il s'agit d'un auteur qui s'efforce lui-même d'apporter autant que possible une cohérence à son univers à mesure qu'il en ajoute des éléments et l'enrichit de nouvelles trames narratives. La démarche n'est pas la même, et en ce sens, si l'on considère que le légendaire forme une œuvre en tant que tel, je pense qu'il est plutôt légitime de considérer ses versions les plus récentes, qui s'approchent le plus d'une forme de parachèvement.
Ce serait comme considérer que les brouillons du Seigneur des Anneaux publiés dans les HoME ont autant d'autorité que le Seigneur des Anneaux dernière édition, ayant bénéficié de tous les amendements visant à en parfaire la cohérence. Refuser la dernière version, ce serait se focaliser sur un moment transitoire de la genèse d'une œuvre dont on nous livre le processus d'élaboration ; il s'agit d'un choix qui me semble arbitraire et relever de la préférence personnelle. C'est le choix que je fais parfois d'ailleurs, quand je préfère, à titre personnel, telle ou telle version du texte, qui n'est pas forcément la dernière.
Evidemment, le plus difficile est souvent d'organiser la chronologie relative des différentes sources... Dans le cas de l'exemple qui a motivé la création de ce fuseau, on a vu que ce n'était pas toujours immédiatement clair, et il faut se méfier.
Cela dit, la dernière version n'est pas toujours la meilleure. Prenons par exemple le Kalevala, qui existe en deux versions (celle de 1835 et cellle de 1849). La deuxième version reflète les vues ultérieures de son auteur, complètent la première par un nombre important d'additions précieuses, mais s'éloigne un peu plus de son matériel folklorique, et la trame principale se trouve souvent obscurcie et délayée dans les multiples digressions proposées. On peut donc à juste titre préférer la version de 1835 et considérer que c'est elle qui devrait faire autorité, car elle découle de principes plus strictement compilatoires, et ne se distord pas dans une sorte de fantasme romantique. Cependant, si on souhaite connaître l'opinion que Lönnrot se faisait lui-même de son œuvre, si on veut approcher d'au plus près sa pensée sur l'ensemble, alors il est évidemment pertinent de se focaliser sur la version 1849.
De même, pour Tolkien, si on s'intéresse au mouvement littéraire du retour vers le merveilleux dans lequel s'inscrivent les Contes Perdus, il est bien plus approprié d'oublier tout ce qui vient ensuite, mais si on cherche à approcher sa vision personnelle globale du Légendaire, telle qu'il la concevait quand celui-ci atteignait sa plus grande extension, c'est-à-dire après le développement du Seigneur des Anneaux, il me semble bien que nous avons tout intérêt à considérer les sources plus récentes, cela d'autant plus que l'essentiel de son œuvre après parution du SdA, rattrapez-moi si je m'égare, a essentiellement consisté en une vaste et inachevée "mise en cohérence" de l'ensemble du légendaire, chaque détail sur lequel il s'est finalement arrêté pouvant alors être vu comme un pas de plus effectué vers sa complétion hypothétique.
A mon tour, j'exprime une forme de scepticisme vis-à-vis de la pertinence qu'il y aurait à comparer des problèmes très complexes "d'autorité des sources", qui mêlent différents contextes et différents auteurs, au problème purement tolkienien, où il s'agit d'un auteur qui s'efforce lui-même d'apporter autant que possible une cohérence à son univers à mesure qu'il en ajoute des éléments et l'enrichit de nouvelles trames narratives. La démarche n'est pas la même, et en ce sens, si l'on considère que le légendaire forme une œuvre en tant que tel, je pense qu'il est plutôt légitime de considérer ses versions les plus récentes, qui s'approchent le plus d'une forme de parachèvement.
Ce serait comme considérer que les brouillons du Seigneur des Anneaux publiés dans les HoME ont autant d'autorité que le Seigneur des Anneaux dernière édition, ayant bénéficié de tous les amendements visant à en parfaire la cohérence. Refuser la dernière version, ce serait se focaliser sur un moment transitoire de la genèse d'une œuvre dont on nous livre le processus d'élaboration ; il s'agit d'un choix qui me semble arbitraire et relever de la préférence personnelle. C'est le choix que je fais parfois d'ailleurs, quand je préfère, à titre personnel, telle ou telle version du texte, qui n'est pas forcément la dernière.
Evidemment, le plus difficile est souvent d'organiser la chronologie relative des différentes sources... Dans le cas de l'exemple qui a motivé la création de ce fuseau, on a vu que ce n'était pas toujours immédiatement clair, et il faut se méfier.
Cela dit, la dernière version n'est pas toujours la meilleure. Prenons par exemple le Kalevala, qui existe en deux versions (celle de 1835 et cellle de 1849). La deuxième version reflète les vues ultérieures de son auteur, complètent la première par un nombre important d'additions précieuses, mais s'éloigne un peu plus de son matériel folklorique, et la trame principale se trouve souvent obscurcie et délayée dans les multiples digressions proposées. On peut donc à juste titre préférer la version de 1835 et considérer que c'est elle qui devrait faire autorité, car elle découle de principes plus strictement compilatoires, et ne se distord pas dans une sorte de fantasme romantique. Cependant, si on souhaite connaître l'opinion que Lönnrot se faisait lui-même de son œuvre, si on veut approcher d'au plus près sa pensée sur l'ensemble, alors il est évidemment pertinent de se focaliser sur la version 1849.
De même, pour Tolkien, si on s'intéresse au mouvement littéraire du retour vers le merveilleux dans lequel s'inscrivent les Contes Perdus, il est bien plus approprié d'oublier tout ce qui vient ensuite, mais si on cherche à approcher sa vision personnelle globale du Légendaire, telle qu'il la concevait quand celui-ci atteignait sa plus grande extension, c'est-à-dire après le développement du Seigneur des Anneaux, il me semble bien que nous avons tout intérêt à considérer les sources plus récentes, cela d'autant plus que l'essentiel de son œuvre après parution du SdA, rattrapez-moi si je m'égare, a essentiellement consisté en une vaste et inachevée "mise en cohérence" de l'ensemble du légendaire, chaque détail sur lequel il s'est finalement arrêté pouvant alors être vu comme un pas de plus effectué vers sa complétion hypothétique.