03.06.2018, 16:49
Personnellement, je pense que l'exemple de la religion est assez mal choisi, déjà parce que le statut des textes religieux soulève bien d'autres débats associés, qu'il ne serait guère opportun de discuter ici. Et aussi parce que ces textes ont été produits dans des conditions difficilement comparables avec ceux de Tolkien.
Je ne vois pas sur quoi tu te bases pour parvenir à cette conclusion. Sur ton propre ressenti vis-à-vis de l'interdiction du vin ? Pas très pertinent dans le contexte. Si la conclusion théologique avait été que l'autorisation du vin était postérieure, aurais-tu conclu en sens inverse ?
La seule chose qui paraisse relativement objective dans le contexte est que l'immense majorité des théologiens musulmans jusqu'à nos jours considère que les sourates postérieures abrogent celles qui précèdent en cas de contradiction. Et incidemment, que la totalité du Coran a été mise par écrit assez longtemps après la mort de Mahomet, en se basant sur les témoignages de ses proches, qui se souvenaient par cœur de ses prêches.
C'est plus que caricatural, c'est franchement erroné. L'Église catholique ne « produit » aucun nouveau texte sacré. Elle se contente de poursuivre un travail exégétique et théologique bimillénaire, en s'efforçant de tirer toutes les conséquences de l'interprétation desdits textes. Ce que font strictement toutes les églises du monde, sans exceptions, mais avec des approches diverses et des statuts différents pour ces textes d'interprétation. Les deux principales divergences tiendront au corpus canonique retenu (certains textes étant ou non considérés inspirés selon les églises, suivant différents critères), au corpus théologique concerné et au statut canonique des textes théologiques (qui peuvent être considérés comme prescriptifs ou simplement injonctifs). Ainsi les églises luthérienne se fondent considérablement sur les exégèses de Luther, plutôt que celles des Pères de l'Église. Pour autant, l'approche est comparable.
Quant aux courants ultra-réductionnistes auxquels tu fais allusion, il concernent exclusivement des scientifiques et ne sont adoptées, à ma connaissance, par aucune église chrétienne.
Cela tombe bien, puisqu'aucune église ne considère plus que l'un ou l'autre récit aient une valeur historique ou chronologique... Se focaliser sur le sens symbolique (ou anagogique) est une manière de dépasser la contradiction apparente.
Incidemment, le cas de la Bible est encore plus complexe que celui du Coran, car il est admis que la Bible a été écrite par une multitude d'auteurs. Le canon hébraïque et le canon chrétien n'ont l'un et l'autre été définitivement fixés qu'au début de l'ère chrétienne.
Comme l'indique Faerestel, ici se retrouve la complexité engendrée par une multitude d'auteurs, en plus de la question éditoriale. Là encore, on est très loin de la situation tolkienienne, je pense.
Il serait utile que tu donnes des exemples, car je ne connais aucun exemple de texte publié par Tolkien pour lequel il serait revenu à un brouillon antérieur pour la publication. C'est tout le contraire : le Hobbit a été revu et corrigé après-guerre pour le mettre en conformité avec le SdA, pourtant postérieur. De même, le SdA a lui-même été révisé sur plusieurs points narratifs (et linguistiques) vers 1966, pour le mettre en cohérence avec les nouvelles idées de Tolkien.
En revanche, il est arrivé que Tolkien renonce à publier des modifications, au motif qu'elles introduiraient trop de changement dans le récit : c'est ainsi qu'il a abandonné l'idée de revoir le Hobbit de fond en comble dans les années 1960, car il s'est rendu compte qu'il aurait fallu tout réécrire et que le nouveau livre aurait été complètement différent de la tonalité de l'ancien.
En l'occurrence, il est arrivé que Tolkien se laisse convaincre par son éditeur pour la longueur des Appendices du SdA et la division en trois volumes, mais ce sont les seul exemple de contrainte éditoriale que je connaisse chez Tolkien.
Excellent exemple.
Les exégètes du Coran s'accordent généralement sur le fait que la chronologie du Coran a été élaborée essentiellement sur des critères d'opportunité politique. De même, on a quelques excellents exemples d'influence politique sur l'élaboration du canon biblique, à commencer par l'opportune « redécouverte » du Deutéronome sous le roi Josias...
Il serait intéressant que tu précises ce à quoi tu fais allusion. L'éditeur semble avoir donné fort peu de consignes à Tolkien, en-dehors de fournir un livre pour enfants qui soit une suite au Hobbit et qui contienne des hobbits. Et Tolkien s'est expliqué dans les Lettres des raisons pour lesquelles le SdA n'est pas vraiment un livre pour enfants selon lui.
(02.06.2018, 23:42)Vinyamar a écrit : Mon propos n'est pas ici de trouver une solution à ce problème - sur lequel les théologiens et croyants musulmans s'affrontent encore (tapez "Coran abrogeant" dans Google si vous voulez en apprendre plus) - mais de montrer pourquoi la solution du plus récent abrogeant les anciens n'est pas forcément la meilleure.
Je ne vois pas sur quoi tu te bases pour parvenir à cette conclusion. Sur ton propre ressenti vis-à-vis de l'interdiction du vin ? Pas très pertinent dans le contexte. Si la conclusion théologique avait été que l'autorisation du vin était postérieure, aurais-tu conclu en sens inverse ?
La seule chose qui paraisse relativement objective dans le contexte est que l'immense majorité des théologiens musulmans jusqu'à nos jours considère que les sourates postérieures abrogent celles qui précèdent en cas de contradiction. Et incidemment, que la totalité du Coran a été mise par écrit assez longtemps après la mort de Mahomet, en se basant sur les témoignages de ses proches, qui se souvenaient par cœur de ses prêches.
(02.06.2018, 23:42)Vinyamar a écrit : Dans la religion chrétienne, deux courants "s'affrontent" presque depuis l'origine. De façon caricaturale : ceux qui font vivre la Parole de Dieu en l'interprétant sans cesse de nouveau et l'adaptant au monde (l'Eglise catholique pour simplifier, qui "produit" donc de nouveaux textes) VS ceux qui recherchent le message originel et courent sans cesse auprès du Jésus le plus "pur", c'est à dire débarassé de tout ce qui a été surajouté ensuite (cela va des protestants qui vont se référrer à l'écriture seule jusqu'aux courants les plus forcenés de l'exégèse qui vont jusqu'à faire le tri même dans la Bible pour tenter d'isoler les textes les plus anciens seulement, jugés plus purs (tout ajout ultérieur étant qualifié d'impureté)).
C'est plus que caricatural, c'est franchement erroné. L'Église catholique ne « produit » aucun nouveau texte sacré. Elle se contente de poursuivre un travail exégétique et théologique bimillénaire, en s'efforçant de tirer toutes les conséquences de l'interprétation desdits textes. Ce que font strictement toutes les églises du monde, sans exceptions, mais avec des approches diverses et des statuts différents pour ces textes d'interprétation. Les deux principales divergences tiendront au corpus canonique retenu (certains textes étant ou non considérés inspirés selon les églises, suivant différents critères), au corpus théologique concerné et au statut canonique des textes théologiques (qui peuvent être considérés comme prescriptifs ou simplement injonctifs). Ainsi les églises luthérienne se fondent considérablement sur les exégèses de Luther, plutôt que celles des Pères de l'Église. Pour autant, l'approche est comparable.
Quant aux courants ultra-réductionnistes auxquels tu fais allusion, il concernent exclusivement des scientifiques et ne sont adoptées, à ma connaissance, par aucune église chrétienne.
(02.06.2018, 23:42)Vinyamar a écrit : D'un point de vue historique et chronologique, les deux récits se contredisent. (si on considère que les auteurs inspirés ne font que retranscrire chacun le même Auteur divin ?)
(bien que d'un point de vue ontologique, les deux montrent que l'homme et la femme sont égaux, et que le monde a été fait pour eux)
Cela tombe bien, puisqu'aucune église ne considère plus que l'un ou l'autre récit aient une valeur historique ou chronologique... Se focaliser sur le sens symbolique (ou anagogique) est une manière de dépasser la contradiction apparente.
Incidemment, le cas de la Bible est encore plus complexe que celui du Coran, car il est admis que la Bible a été écrite par une multitude d'auteurs. Le canon hébraïque et le canon chrétien n'ont l'un et l'autre été définitivement fixés qu'au début de l'ère chrétienne.
(02.06.2018, 23:42)Vinyamar a écrit : Je saute d'un pas léger vers un exempe beaucoup moins complexe : les comics américains.
J'ai voulu un jour m'aenturer à lire un résumé de l'histoire de Superman. Grave erreur ! Il y a tellement de contradictions et d'incohérence dans l'ensemble du récit que la seule solution a été d'imaginer une multitude d'univers parallèles permettant aux diverses versions de n'être cohérentes que dans un univers donné.
Comme l'indique Faerestel, ici se retrouve la complexité engendrée par une multitude d'auteurs, en plus de la question éditoriale. Là encore, on est très loin de la situation tolkienienne, je pense.
(02.06.2018, 23:42)Vinyamar a écrit : Je n'ai pas fait cette étude chez Tolkien, mais de mes différentes lectures (letters et Home) je suis à peu près sûr que même dans ses brouillons Tolkien est revenu en arrière.
Il a pu avoir différentes idées sur ses histoires, changer d'avis tardivement dans ses brouillons. Mais au moment de publier l'histoire, il revenu à une version antérieure, soit qu'il la jugeait plus cohérente (la nouvelle idée générant trop d'incohérence), soit qu'il reconsidérait son idée antérieure comme plus conforme à sa philosophie.
Il serait utile que tu donnes des exemples, car je ne connais aucun exemple de texte publié par Tolkien pour lequel il serait revenu à un brouillon antérieur pour la publication. C'est tout le contraire : le Hobbit a été revu et corrigé après-guerre pour le mettre en conformité avec le SdA, pourtant postérieur. De même, le SdA a lui-même été révisé sur plusieurs points narratifs (et linguistiques) vers 1966, pour le mettre en cohérence avec les nouvelles idées de Tolkien.
En revanche, il est arrivé que Tolkien renonce à publier des modifications, au motif qu'elles introduiraient trop de changement dans le récit : c'est ainsi qu'il a abandonné l'idée de revoir le Hobbit de fond en comble dans les années 1960, car il s'est rendu compte qu'il aurait fallu tout réécrire et que le nouveau livre aurait été complètement différent de la tonalité de l'ancien.
(02.06.2018, 23:42)Vinyamar a écrit : C'est même parfois l'éditeur qui donne les choix à prendre à l'auteur, en connaissance du lectorat, de contraintes matérielle (nombre de pages) ou comme tiers relevant des incohérences que l'auteur a perdu de vue.
En l'occurrence, il est arrivé que Tolkien se laisse convaincre par son éditeur pour la longueur des Appendices du SdA et la division en trois volumes, mais ce sont les seul exemple de contrainte éditoriale que je connaisse chez Tolkien.
(03.06.2018, 11:28)Faerestel a écrit : Son légendaire se développait et s'expliquait au fur et à mesure qu'il était nourri de nouveaux textes. Il était en gestation perpétuelle. Ce qui impliquait de nécessaires corrections des écrits les plus anciens. Quand il s'avère que les Balrogs sont des Maiar qui peuvent envoyer "ad patres" un autre Maia, en l'occurrence Olorin, il est hors de question que Turgon en tue 40 lors de la chute de Gondolin! De même il ne peut en avoir existé des centaines. Entre 5 et 7 suffiront bien !
Excellent exemple.
(03.06.2018, 12:42)Vinyamar a écrit :Citation :Vinyamar nous montre que dans le cas des religions des versions différentes relèvent d'un enjeu politiquenon, non absolument pas.
Je n'ai jamais écrit que l'évolution du Coran avait eu, dans l'exemple, des motivations politiques, mais au contraire un contexte politique différent (qui permettait cette évolution, et non pas qui le motivait, c'est une nuance fondamentale).
Pareil dans la Bible, il n'y a aucune motivation politique, mais plutôt spirituelle (renforcer la foi).
Les exégètes du Coran s'accordent généralement sur le fait que la chronologie du Coran a été élaborée essentiellement sur des critères d'opportunité politique. De même, on a quelques excellents exemples d'influence politique sur l'élaboration du canon biblique, à commencer par l'opportune « redécouverte » du Deutéronome sous le roi Josias...
(03.06.2018, 12:42)Vinyamar a écrit : Et je suis convaincu que pour une œuvre aussi immense, l'éditeur a donné des consignes à Tolkien, sinon des modifications (il me semble en avoir lu quelques unes dont je ne saurais là retrouver la trace) - au-delà de la découpe en 3 tomes.
Il serait intéressant que tu précises ce à quoi tu fais allusion. L'éditeur semble avoir donné fort peu de consignes à Tolkien, en-dehors de fournir un livre pour enfants qui soit une suite au Hobbit et qui contienne des hobbits. Et Tolkien s'est expliqué dans les Lettres des raisons pour lesquelles le SdA n'est pas vraiment un livre pour enfants selon lui.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland