03.04.2018, 09:09
Je veux bien que le romantisme soit "à la source" de la fantasy, et je te fais tout à fait confiance pour le rapport entre romantisme et littérature pulp, tu connais tout cela bien mieux que moi ; mais j'ai tout de même l'impression que dire cela, c'est presque ne rien dire, et passer en même temps à côté de l'essentiel.
Plus qu'un genre littéraire clairement identifié, le romantisme est, je dirais, un rapport particulier à l'esthétique (j'espère que tu valideras cette expression) ; ses aspects sont extrêmement divers et nombreux, voire parfois inconciliables. Certes, le romantisme exalte, de manière fantasmée, un passé révolu ; et on peut voir en cela une caractéristique fondamentale de la fantasy, en ce qu'elle correspond à un retour sur l'épopée médiévale, comme l'a dit Tikidiki (même si je ne suis pas certain de voir en quoi cela est vrai pour Howard, qui pour moi se rapprocherait plus d'Edgar Rice Burroughs, par exemple, que personne ne glisse jamais fans la fantasy).
Mais dégager ce lien génétique entre certains aspects, qui resteraient largement à dégager, du romantisme, et la fantasy, ne nous aide pas beaucoup à comprendre la spécificité de cette dernière, et ses mécaniques d'invention propres. Il me semble précisément que la fantasy s'affranchit du romantisme et ne peut exister que de la sorte. C'est particulièrement évident chez Tolkien où on voit s'opérer cet affranchissement. Les Contes Perdus sont pour moi dans une veine romantique assez nette ; le Seigneur des Anneaux l'est déjà beaucoup moins. Enfin, Tolkien a donné lieu à un héritage assez vaste, qui rompt les liens avec le romantisme, et perpétue pourtant la fantasy. J'ai pris Tolkien comme exemple, mais on pourrait songer à d'autres.
Aussi, sur le fait qu'il y a au moins deux courants distincts ayant donné naissance à la fantasy à travers leur convergence, évidemment, les auteurs américains et européens communiquaient ; mais là encore, dire cela, c'est noyer la fantasy, les auteurs qui l'ont façonnée, dans un cadre et un ensemble d'affirmations beaucoup trop généraux. On finira par voir toute la littérature comme une vaste communauté d'auteurs, sans percevoir des mouvements différenciés dans ce fleuve immense. Je ne suis pas sûr que Tolkien lisait la littérature des fleuves ; et si Howard et Lovecraft se sont peut-être nourris de Morris et Dunsany, comme Tolkien, il n'en demeure pas moins que leur rapport à l'écriture, et le rapport même du lectorat à leurs publications, était radicalement différent. Ce n'est pas la même chose d'écrire pour des magazines avec des illustrations un peu tapageuses et aguichantes comme Weird Tales, qu'écrire des petits Contes sur un joli carnet avec une calligraphie soignée qu'on envoie ensuite traditionnellement à un éditeur qui va publier ça dans un livre relié, etc. Amalgamer l'un et l'autre de ces courants au nom d'influences culturelles entre Europe et Amérique, c'est à mon avis touiller un peu large.
Plus qu'un genre littéraire clairement identifié, le romantisme est, je dirais, un rapport particulier à l'esthétique (j'espère que tu valideras cette expression) ; ses aspects sont extrêmement divers et nombreux, voire parfois inconciliables. Certes, le romantisme exalte, de manière fantasmée, un passé révolu ; et on peut voir en cela une caractéristique fondamentale de la fantasy, en ce qu'elle correspond à un retour sur l'épopée médiévale, comme l'a dit Tikidiki (même si je ne suis pas certain de voir en quoi cela est vrai pour Howard, qui pour moi se rapprocherait plus d'Edgar Rice Burroughs, par exemple, que personne ne glisse jamais fans la fantasy).
Mais dégager ce lien génétique entre certains aspects, qui resteraient largement à dégager, du romantisme, et la fantasy, ne nous aide pas beaucoup à comprendre la spécificité de cette dernière, et ses mécaniques d'invention propres. Il me semble précisément que la fantasy s'affranchit du romantisme et ne peut exister que de la sorte. C'est particulièrement évident chez Tolkien où on voit s'opérer cet affranchissement. Les Contes Perdus sont pour moi dans une veine romantique assez nette ; le Seigneur des Anneaux l'est déjà beaucoup moins. Enfin, Tolkien a donné lieu à un héritage assez vaste, qui rompt les liens avec le romantisme, et perpétue pourtant la fantasy. J'ai pris Tolkien comme exemple, mais on pourrait songer à d'autres.
Aussi, sur le fait qu'il y a au moins deux courants distincts ayant donné naissance à la fantasy à travers leur convergence, évidemment, les auteurs américains et européens communiquaient ; mais là encore, dire cela, c'est noyer la fantasy, les auteurs qui l'ont façonnée, dans un cadre et un ensemble d'affirmations beaucoup trop généraux. On finira par voir toute la littérature comme une vaste communauté d'auteurs, sans percevoir des mouvements différenciés dans ce fleuve immense. Je ne suis pas sûr que Tolkien lisait la littérature des fleuves ; et si Howard et Lovecraft se sont peut-être nourris de Morris et Dunsany, comme Tolkien, il n'en demeure pas moins que leur rapport à l'écriture, et le rapport même du lectorat à leurs publications, était radicalement différent. Ce n'est pas la même chose d'écrire pour des magazines avec des illustrations un peu tapageuses et aguichantes comme Weird Tales, qu'écrire des petits Contes sur un joli carnet avec une calligraphie soignée qu'on envoie ensuite traditionnellement à un éditeur qui va publier ça dans un livre relié, etc. Amalgamer l'un et l'autre de ces courants au nom d'influences culturelles entre Europe et Amérique, c'est à mon avis touiller un peu large.