28.09.2015, 20:39
Voici le deuxième chapitre. Bonne lecture, merci d'avance pour vos suggestions!
Chapitre 2: Suite du premier jour
Le voyage n’est pas long, et bientôt il aperçoit du coin de l’oeil une petite maison bâtie sur le flanc d’une colline. Le montagnard appelle; la porte s’ouvre sur un garçon d’une dizaine d’années, suivi d’une femme qui tient une fillette dans ses bras.
L’homme donne ses ordres d’une voix brève et sèche, dans une langue gutturale. Trop épuisé pour résister, Eomer le laisse le soulever sous les bras, tandis que son fils lui porte les jambes. Le mouvement avive la douleur, et il ferme les yeux en refoulant un gémisse-ment. Il ne veut pas se montrer faible devant ces gens.
Quand la douleur finit par décroître, il réalise qu’il est allongé par terre, sur une pile de couvertures, dans une petite pièce aux murs de bois. L’homme, agenouillé à côté de lui, déchire le tissu de la jambe de son pantalon avec son couteau, puis examine soigneuse-ment la blessure.
Il a dû heurter un rocher. C’est une chance que l’os ne soit pas cassé. Mais il faut arrêter ce saignement, ou je n’aurai qu’un morceau de viande livide à amener au Roi.
Le montagnard se lève et passe dans la pièce voisine en traversant un rideau de perles. Eomer en profite pour se redresser péniblement et regarder sa jambe. Juste en-dessous du genou, il distingue une plaie large comme sa main, mais le sang qui la recouvre l’empêche d’en estimer la gravité.
Tout ce qui lui reste à faire est d’attendre et de veiller. Si on le laisse en vie, il profitera de la première occasion pour s’enfuir; mais pour le moment, il n’en a pas la force, et il le sait. Il espère juste qu’on le gardera en vie assez longtemps pour qu’il retrouve de la vigueur.
Le montagnard revient, muni d’une bassine d’eau fumante. La peur saisit soudain Eomer: et s’il lui venait à l’esprit de renverser le récipient brûlant sur lui? Mais l’homme, sans un regard, pose la bassine et se penche à nouveau sur sa jambe, qu’il entreprend de nettoyer avec un linge humide.
Eomer se raidit: la douleur est supportable, mais il veut se tenir prêt en cas de surprise. Les mouvements de l’homme ne sont pas doux, mais soigneux; son visage est impassible et détaché, comme s’il s’occupait d’un vulgaire animal blessé. Quand il saisit une poignée d’herbes broyées et l’applique sur la plaie, Eomer ne peut retenir un chuintement rauque. Il lui semble qu’une sorte de sourire ironique apparaît sur le visage de l’homme, et il serre furieusement les lèvres.
Il est courageux. A sa place, j’aurais crié. Mais que cela serve d’expiation pour tous les Dunlendigs qu’il a pu tuer!
La douleur s’estompe lentement. Il regarde l’homme sortir après avoir bandé sa jambe, dont le saignement s’est arrêté, puis inspecte l’endroit où il se trouve. La pièce est vide, hormis un tas de planches derrière lui. Dans l’air flotte une odeur de sciure. De l’autre côté du rideau de perles, il aperçoit un âtre et une petite table. L’homme est apparemment charpentier: des outils sont empilés dans un coin, sans doute hâtivement posés là pour libérer l’établi.
L’homme est assis à table avec ses enfants, tandis que sa femme sert le souper. Ils discutent à voix basse, jetant fréquemment de brefs regards vers lui. Il n’a pas faim, mais sa gorge est sèche. Au bruit de la soupe versée dans les bols, il passe sa langue sur ses lèvres craquelées, mais il se refuse à demander quoi que ce soit. La fatigue revient, plus forte que jamais, mais il n’ose pas dormir.
Il a l’air d’avoir soif; rien d’étonnant, après tout le sang qu’il a perdu. Quand ma femme a proposé de lui apporter de l’eau, j’ai d’abord refusé: j’aimerais voir le Cavalier quémander. Mais elle a insisté: « Tu ne vois pas qu’il a de la fièvre? Tu veux donc le retrouver mourant demain matin? ». Alors j’ai cédé.
Il se contracte au tintement du rideau: la femme vient d’entrer. Elle se penche timidement, dépose une gourde à côté de lui, puis sort en hâte.
Par contre, il n’aura pas de nourriture. Ma femme a cuit juste assez de pain pour nous quatre. Cela attendra demain.
Son attitude diffère beaucoup de celle de son mari. On dirait presque qu’elle a pitié. Eomer tend la main vers la gourde et boit à longs traits.
Sa jambe le laisse tranquille s’il reste immobile; il ferme les yeux , et le sommeil finit par le prendre.
Dans la pénombre du crépuscule, il semble profondément endormi. La gourde est vide à ses côtés. Quand je m’approche plus près, je réalise que ma femme ne s’est pas trompée: il est secoué de frissons, et serre ses bras contre lui comme pour se réchauffer.
Je n’ai aucune compassion pour lui, mais j’ai besoin qu’il vive encore quelques jours. Je le recouvre doucement d’une couverture. C’est tout ce que je peux faire pour lui.
Quand il émerge d’un sommeil agité, il est enveloppé d’une couverture jusqu’aux épaules. Il tente faiblement de la rabattre, car son corps tout entier brûle.
Après quelques instants, il prend conscience d’une présence auprès de lui. Quelque chose de frais et d’humide passe sur son visage et son cou, plusieurs fois de suite, jusqu’à ce que la morsure de la fièvre disparaisse.
Il entrouvre les yeux pour voir une silhouette s’éloigner à travers le rideau. La lumière de la lune à travers l’étroite fenêtre lui permet de reconnaître la femme.
Chapitre 2: Suite du premier jour
Le voyage n’est pas long, et bientôt il aperçoit du coin de l’oeil une petite maison bâtie sur le flanc d’une colline. Le montagnard appelle; la porte s’ouvre sur un garçon d’une dizaine d’années, suivi d’une femme qui tient une fillette dans ses bras.
L’homme donne ses ordres d’une voix brève et sèche, dans une langue gutturale. Trop épuisé pour résister, Eomer le laisse le soulever sous les bras, tandis que son fils lui porte les jambes. Le mouvement avive la douleur, et il ferme les yeux en refoulant un gémisse-ment. Il ne veut pas se montrer faible devant ces gens.
Quand la douleur finit par décroître, il réalise qu’il est allongé par terre, sur une pile de couvertures, dans une petite pièce aux murs de bois. L’homme, agenouillé à côté de lui, déchire le tissu de la jambe de son pantalon avec son couteau, puis examine soigneuse-ment la blessure.
Il a dû heurter un rocher. C’est une chance que l’os ne soit pas cassé. Mais il faut arrêter ce saignement, ou je n’aurai qu’un morceau de viande livide à amener au Roi.
Le montagnard se lève et passe dans la pièce voisine en traversant un rideau de perles. Eomer en profite pour se redresser péniblement et regarder sa jambe. Juste en-dessous du genou, il distingue une plaie large comme sa main, mais le sang qui la recouvre l’empêche d’en estimer la gravité.
Tout ce qui lui reste à faire est d’attendre et de veiller. Si on le laisse en vie, il profitera de la première occasion pour s’enfuir; mais pour le moment, il n’en a pas la force, et il le sait. Il espère juste qu’on le gardera en vie assez longtemps pour qu’il retrouve de la vigueur.
Le montagnard revient, muni d’une bassine d’eau fumante. La peur saisit soudain Eomer: et s’il lui venait à l’esprit de renverser le récipient brûlant sur lui? Mais l’homme, sans un regard, pose la bassine et se penche à nouveau sur sa jambe, qu’il entreprend de nettoyer avec un linge humide.
Eomer se raidit: la douleur est supportable, mais il veut se tenir prêt en cas de surprise. Les mouvements de l’homme ne sont pas doux, mais soigneux; son visage est impassible et détaché, comme s’il s’occupait d’un vulgaire animal blessé. Quand il saisit une poignée d’herbes broyées et l’applique sur la plaie, Eomer ne peut retenir un chuintement rauque. Il lui semble qu’une sorte de sourire ironique apparaît sur le visage de l’homme, et il serre furieusement les lèvres.
Il est courageux. A sa place, j’aurais crié. Mais que cela serve d’expiation pour tous les Dunlendigs qu’il a pu tuer!
La douleur s’estompe lentement. Il regarde l’homme sortir après avoir bandé sa jambe, dont le saignement s’est arrêté, puis inspecte l’endroit où il se trouve. La pièce est vide, hormis un tas de planches derrière lui. Dans l’air flotte une odeur de sciure. De l’autre côté du rideau de perles, il aperçoit un âtre et une petite table. L’homme est apparemment charpentier: des outils sont empilés dans un coin, sans doute hâtivement posés là pour libérer l’établi.
L’homme est assis à table avec ses enfants, tandis que sa femme sert le souper. Ils discutent à voix basse, jetant fréquemment de brefs regards vers lui. Il n’a pas faim, mais sa gorge est sèche. Au bruit de la soupe versée dans les bols, il passe sa langue sur ses lèvres craquelées, mais il se refuse à demander quoi que ce soit. La fatigue revient, plus forte que jamais, mais il n’ose pas dormir.
Il a l’air d’avoir soif; rien d’étonnant, après tout le sang qu’il a perdu. Quand ma femme a proposé de lui apporter de l’eau, j’ai d’abord refusé: j’aimerais voir le Cavalier quémander. Mais elle a insisté: « Tu ne vois pas qu’il a de la fièvre? Tu veux donc le retrouver mourant demain matin? ». Alors j’ai cédé.
Il se contracte au tintement du rideau: la femme vient d’entrer. Elle se penche timidement, dépose une gourde à côté de lui, puis sort en hâte.
Par contre, il n’aura pas de nourriture. Ma femme a cuit juste assez de pain pour nous quatre. Cela attendra demain.
Son attitude diffère beaucoup de celle de son mari. On dirait presque qu’elle a pitié. Eomer tend la main vers la gourde et boit à longs traits.
Sa jambe le laisse tranquille s’il reste immobile; il ferme les yeux , et le sommeil finit par le prendre.
Dans la pénombre du crépuscule, il semble profondément endormi. La gourde est vide à ses côtés. Quand je m’approche plus près, je réalise que ma femme ne s’est pas trompée: il est secoué de frissons, et serre ses bras contre lui comme pour se réchauffer.
Je n’ai aucune compassion pour lui, mais j’ai besoin qu’il vive encore quelques jours. Je le recouvre doucement d’une couverture. C’est tout ce que je peux faire pour lui.
Quand il émerge d’un sommeil agité, il est enveloppé d’une couverture jusqu’aux épaules. Il tente faiblement de la rabattre, car son corps tout entier brûle.
Après quelques instants, il prend conscience d’une présence auprès de lui. Quelque chose de frais et d’humide passe sur son visage et son cou, plusieurs fois de suite, jusqu’à ce que la morsure de la fièvre disparaisse.
Il entrouvre les yeux pour voir une silhouette s’éloigner à travers le rideau. La lumière de la lune à travers l’étroite fenêtre lui permet de reconnaître la femme.