14.08.2014, 23:13
Avant d'entrer dans des considérations d'ordre étatique, on peut rappeler la manière dont s'exerce en général le pouvoir chez Tolkien: il s'agit d'un pouvoir confié à un seul, y compris chez les Hobbits et les Ents chez qui l'intérêt du pouvoir est le plus dilué. Deuxièmement, la plus ou moins grande consultation des avis trahit souvent l'origine de ce pouvoir: plus il est légitime, en accord avec Eru, la tradition et le peuple gouverné, plus le souverain réunit autour de lui un conseil. Ainsi, Manwë, Turgon, Eorl (par exemple) consultent les hauts personnages qui les entourent, en nombre généralement restreint à une dizaine de personnes; mais Melkor, Sauron, Saroumane mènent leurs politiques avec des lieutenants qui n'ont qu'un rôle d'exécution. Chez Saroumane, la prise du pouvoir s'est même accompagnée d'un rejet de l'avis du Conseil Blanc.
La consultation est donc chez Tolkien une composante essentielle dans une politique dite "légitime" ou de plein droit. Mais de même que le 'pouvoir' est accordé légitimement par Eru à un individu, ce pouvoir ne peut être divisé ou approprié par une assemblée, et les Conseils n'ont ainsi qu'un rôle consultatif. Un bon exemple de cette légitimité, de ce "pouvoir de gouverner" accordé par Eru à un unique souverain, est bien visible dans le cas des Palantiri, qui ne peuvent être maniés que par des détenteurs légitimes, rois ou lieutenants désignés.
En ce qui concerne le Conseil du Sceptre à Nùmenor vers 1100 S.A., il s'agissait explicitement d'un conseil consultatif, composé de six membres au minimum, sept si l'Héritier était proclamé, avec l'ajout possible de personnalités reconnues.
Je ne me souviens pas avoir lu que le Conseil du Sceptre acquérait davantage de pouvoir ou de prérogatives lors des derniers siècles de Nùmenor, ce qui étonnerait d'ailleurs vu la montée en puissance de Sauron et l'autocratisme des derniers souverains.
Le Conseil du Gondor sort logiquement en droite file du Conseil du Sceptre. Le rétablissement du "Grand Conseil" par Elessar est sans doute la conséquence de la Réunification des Royaumes d'Arnor et de Gondor. Les membres de ce Conseil ne sont pas aussi clairement définis que pour Nùmenor, mais il faut certainement y inclure: les Seigneurs des fiefs du Gondor, dont le nombre a varié avec le temps; l'Intendant; ainsi que, potentiellement, un nombre de personnes choisies par le souverain et l'héritier déclaré de celui-ci.
Cependant, le souverain n'était pas forcé de consulter son Conseil, ni même d'attendre que tous ses membres aient donné leur avis. Il y avait également une hiérarchie en son sein. En effet, en 2510 T.A., Cirion, Surintendant Régnant du Gondor, devait n'emmener que trois membres de son Conseil; et parmi eux le Prince de Dol Amroth, qui était le conseiller principal puisqu'il était le "chef de ceux qui suivaient Cirion" (UT/CLI III, 2, 3) (en cas de vacance de l'Intendant, on sait que le Seigneur de Dol Amroth pouvait le remplacer, lui qui constituait une sorte de "troisième homme" de la Couronne, SdA, V, 9).
En ce qui concerne son rôle et ses attributions, cela demeurait je pense dans le même esprit qu'à Nùmenor: un souverain légitime, qu'il fût roi ou intendant, demandait conseil sans être contraint de le suivre. Ce fut donc le cas, à mon avis, de Pelendur et de Denethor II pour les situations que tu proposes.
Par ailleurs, le Roi, l'Intendant ou le Surintendant du Gondor disposaient eux-mêmes de ministres et de lieutenants qui détenaient une part de leur pouvoir légitime. C'est cette transmission de pouvoir qui rendait aptes les lieutenants à manipuler aisément les palantiri (CLI, IV, 3). A mon avis, il n'y avait pas de croisement entre les fonctions d'exécutant (ministre ou lieutenant) et de membre du Conseil; on ne pouvait être que l'un ou l'autre. Seul l'Intendant du Roi disposait d'une place au Conseil et aussi d'une parcelle de sa légitimité, comme potentiellement le Prince de Dol Amroth.
Le terme de ministre est bien attesté et touche le Gondor des rois:
Ces "rapports" au Conseil font supposer que ses séances n'étaient pas uniquement convoquées qu'en cas d'extrême gravité comme l'histoire du Gondor nous en donne l'exemple, mais aussi sans doute de façon régulière, ici afin d'informer les Seigneurs des Fiefs de la situation des marches du royaume.
La consultation est donc chez Tolkien une composante essentielle dans une politique dite "légitime" ou de plein droit. Mais de même que le 'pouvoir' est accordé légitimement par Eru à un individu, ce pouvoir ne peut être divisé ou approprié par une assemblée, et les Conseils n'ont ainsi qu'un rôle consultatif. Un bon exemple de cette légitimité, de ce "pouvoir de gouverner" accordé par Eru à un unique souverain, est bien visible dans le cas des Palantiri, qui ne peuvent être maniés que par des détenteurs légitimes, rois ou lieutenants désignés.
En ce qui concerne le Conseil du Sceptre à Nùmenor vers 1100 S.A., il s'agissait explicitement d'un conseil consultatif, composé de six membres au minimum, sept si l'Héritier était proclamé, avec l'ajout possible de personnalités reconnues.
Citation : In a note on the "Council of the Sceptre" at this time in the history of Númenor it is said that this Council had no powers to govern the King save by advice; and no such powers had yet been desired or dreamed of as needful. The Council was composed of members from each of the divisions of Númenor; but the King's Heir when proclaimed was also a member, so that he might learn of the government of the land, and others also the King might summon, or ask to be chosen, if they had special knowledge of matters at any time in debate. At this time there were only two members of the Council (other than Aldarion) who were of the Line of Elros: Valandil of Andúnië for the Andustar, and Hallatan of Hyarastorni for the Mittalmar; but they owed their place not to their descent or their wealth, but to the esteem and love in which they were held in their countries. (In the Akallabêth (p. 268 ) it is said that "the Lord of Andúnië was ever among the chief councillors of the Sceptre.")
Dans une note sur le "Conseil du Sceptre" à cette époque dans l'histoire de Nùmenor il est dit que ce Conseil n'avait pas de pouvoirs pour gouverner le Roi hormis par conseil; et aucun pouvoir de ce type n'avait alors été désiré ou rêvé comme nécessaire.
Le Conseil était composé de membres de chacune des divisions de Nùmenor; mais l'Héritier proclamé du Roi en faisait partie également, afin qu'il puisse se former au gouvernement du pays, et d'autres pouvaient être convoqués par le Roi, ou demander à être choisis, s'ils avaient une connaissance spéciale quelconque.
A cette époque demeuraient seuls deux membres du Conseil (en dehors d'Aldarion) qui étaient de la lignée d'Elros: Valandil d'Andùnië pour l'Andustar, et Hallatan d'Hyarstorni pour le Mittalmar; mais ils devaient leur place non a leur ascendance ou a leur richesse, mais à l'estime et à l'amour dans lesquels ils étaient tenus dans leurs contrées. (Dans l'Akallabêth p. 268 il est dit que le Seigneur d'Andùnië fut toujours parmi les principaux conseillers du Sceptre).
UT/CLI II, Aldarion et Erendis, note 23.
(trad. personnelle).
Je ne me souviens pas avoir lu que le Conseil du Sceptre acquérait davantage de pouvoir ou de prérogatives lors des derniers siècles de Nùmenor, ce qui étonnerait d'ailleurs vu la montée en puissance de Sauron et l'autocratisme des derniers souverains.
Le Conseil du Gondor sort logiquement en droite file du Conseil du Sceptre. Le rétablissement du "Grand Conseil" par Elessar est sans doute la conséquence de la Réunification des Royaumes d'Arnor et de Gondor. Les membres de ce Conseil ne sont pas aussi clairement définis que pour Nùmenor, mais il faut certainement y inclure: les Seigneurs des fiefs du Gondor, dont le nombre a varié avec le temps; l'Intendant; ainsi que, potentiellement, un nombre de personnes choisies par le souverain et l'héritier déclaré de celui-ci.
Cependant, le souverain n'était pas forcé de consulter son Conseil, ni même d'attendre que tous ses membres aient donné leur avis. Il y avait également une hiérarchie en son sein. En effet, en 2510 T.A., Cirion, Surintendant Régnant du Gondor, devait n'emmener que trois membres de son Conseil; et parmi eux le Prince de Dol Amroth, qui était le conseiller principal puisqu'il était le "chef de ceux qui suivaient Cirion" (UT/CLI III, 2, 3) (en cas de vacance de l'Intendant, on sait que le Seigneur de Dol Amroth pouvait le remplacer, lui qui constituait une sorte de "troisième homme" de la Couronne, SdA, V, 9).
En ce qui concerne son rôle et ses attributions, cela demeurait je pense dans le même esprit qu'à Nùmenor: un souverain légitime, qu'il fût roi ou intendant, demandait conseil sans être contraint de le suivre. Ce fut donc le cas, à mon avis, de Pelendur et de Denethor II pour les situations que tu proposes.
Par ailleurs, le Roi, l'Intendant ou le Surintendant du Gondor disposaient eux-mêmes de ministres et de lieutenants qui détenaient une part de leur pouvoir légitime. C'est cette transmission de pouvoir qui rendait aptes les lieutenants à manipuler aisément les palantiri (CLI, IV, 3). A mon avis, il n'y avait pas de croisement entre les fonctions d'exécutant (ministre ou lieutenant) et de membre du Conseil; on ne pouvait être que l'un ou l'autre. Seul l'Intendant du Roi disposait d'une place au Conseil et aussi d'une parcelle de sa légitimité, comme potentiellement le Prince de Dol Amroth.
Le terme de ministre est bien attesté et touche le Gondor des rois:
Citation :Other persons also were appointed to visit the Stones, and ministers of the Crown concerned with "intelligence" made regular and special inspections of them, reporting the information so gained to the King and Council, or to the King privately, as the matter demanded.
D'autres [que les gardiens des Pierres] pouvaient être désignées pour employer les Pierres, et les ministres de la Couronne en rapport avec "l'intelligence" y faisaient des inspections spéciales et régulières, reportant l'information obtenue au Roi et au Conseil, ou au Roi seulement, selon l'affaire.
(trad. personnelle).
UT/CLI, IV, 3, Palantiri
Ces "rapports" au Conseil font supposer que ses séances n'étaient pas uniquement convoquées qu'en cas d'extrême gravité comme l'histoire du Gondor nous en donne l'exemple, mais aussi sans doute de façon régulière, ici afin d'informer les Seigneurs des Fiefs de la situation des marches du royaume.