24.12.2013, 10:37
(24.12.2013, 02:06)Crayon Volant a écrit : Combe Fendue, Fendeval, ou Val fendu selon les traductions... Val percé ?... Perceval ! ... Voilà une heureuse rencontre ! Quand on connait le rôle et l' histoire de ce personnage, la maison d' Imladris me parait bien éclairée par les liens symboliques évoqués dans le fuseau séparé. Elle est le "secret du Val", que les voyageurs nés de la plume de Tolkien ont tant de mal à trouver...
Il est évident, là encore, que nulle confrontation analytique ne confirmera de tels choix: seule une lecture synthétique peut saisir le jeu de l' auteur. Mais il n' y a rien à expliquer, ou pas grand chose, le Seigneur des Anneaux n' étant pas un récit ésotérique à mon sens.
Il s'agit toutefois là d'un effet déformant de la traduction, qui adapte un mot dont l'étymologie est purement germanique à notre langue latine. Le nom Rivendell (de riven « partagé, fendu, rompu », dérivé du norrois rífa, et dell « vallon », venant directement de l'anglo-saxon et étant apparenté au néerlandais del) n'évoque absolument pas Perceval. Si Tolkien avait voulu faire une telle allusion, l'anglais le lui permettait facilement : il aurait pu prendre des mots apparentés au verbe to pierce et au nom vale pour former un nom d'apparence tout à fait naturelle en anglais. Il n'en a rien fait. Je crois pour ma part que c'est à dessein, justement parce que le SdA ne se voulait pas un récit ésotérique et que Tolkien désirait éviter toute allusion de ce genre à une réalité extérieure au conte. On notera à ce propos que Tolkien détestait apparemment les récits ésotériques de son collègue des Inklings, Charles Williams, récits qui étaient eux baignés de mysticisme et d'allusions au Monde Primaire. Je pense qu'il convient donc de distinguer ce qu'on peut déduire de Tolkien en lisant son récit en anglais de ce que la traduction semble nous montrer.
Cela dit, j'admets volontiers (et Tolkien l'admettait aussi) que l'applicabilité du récit varie selon le lecteur. Nous sommes donc libres d'y rajouter des significations qui nous sont propres et nous parlent, car le récit dépasse ce qu'a voulu dire l'auteur. Dans cette mesure, les nuances apportées par la traduction sont entièrement légitimes. Il est fort possible que Francis Ledoux (qui a commencé par traduire Charles Williams) ou Daniel Lauzon aient pu voir une allusion à la Matière de Bretagne dans le nom de Rivendell. Ledoux n'est plus là pour en parler, mais on peut toujours poser la question à Lauzon. Et même si ce n'est pas le cas, l'inspiration des traducteurs peut toujours nous évoquer, à nous Français, des liens supplémentaires. Le tout est de savoir distinguer ce qui vient de l'auteur (et éventuellement des traducteurs) des significations que nous rajoutons au conte lors de la lecture que nous en faisons.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
— La Chanson de Roland