20.10.2013, 23:20
(Modification du message : 20.10.2013, 23:40 par aravanessë.)
Quitte à être un peu long, revenons sur le concept.
En fait, ce concept de weariness renvoie à la théorie de Tolkien selon laquelle les Hommes, en-dehors de toute maladie ou de toute blessure, doivent mourir de leur belle mort en acceptant leur finitude et même en prenant les devants de leur mort en en choisissant l’instant, comme ce fut le cas de Bëor the Old une fois le grand âge venu ou Aragorn qui dans l’Appendice A explique à Arwen à l’orée de sa mort qu’il a reçu « the grace to go at my will, and give back the gift » (« la grâce de s’en aller de son propre chef et de rendre le don [de Dieu] »).
De même, dans The Tale of Years of the Third Age :
Ce terme est d’ailleurs employé aussi pour les Elfes qui sentent grandir cette lassitude à mesure que le Monde vieillit (chacun son échelle), voire plus tôt pour Míriel vidée de son vouloir-vivre par sa grossesse et l’enfantement de Fëanor.
Ceci rappelé, il ne s’agit aucunement de dire que les Nazgûl sont des sages , loin de là. Toutefois, puisqu’il est dit par Gandalf que si « a mortal […] keeps one of the Great Rings [..], he merely continues, until at last every minute is a weariness » (cas que si « un mortel conserve l’un des Grands Anneaux, il continue simplement jusqu’à ce qu’à la fin chaque minute soit lassitude »), il est évident que ce sentiment de lassitude s’est emparé des Neuf Spectres car le long fardeau de leur servitude à l’anneau le leur a insufflé comme l’explique cette citation.
D’ailleurs, Frodon avec l’Anneau Unique est un cas approchant qui peut servir de point de comparaison : il serait intéressant de faire un relevé systématique qui montre qu'à mesure de l'avancement de sa quête le terme de « weariness/weary » est de plus en plus souvent employé par Tolkien dans Le Seigneur des Anneaux. Enfin, son départ pour Aman, forme de mort symbolique, est interprétée de la sorte également par Arwen quand elle dit à Frodon:
Mais comme l’explique très bien Tolkien dans sa lettre n°246, ce genre de lassitude faite par l’Anneau ne peut probablement pas être soignée, à part peut-être en Aman (« Frodo was sent or allowed to pass over Sea to heal him - if that could be done, before he died », cad « Frodon fit envoyé ou autorisé à traverser la Mer pour être soigné, si tant est que celui se puisse, avant qu’il ne meure »).
Bref, tout ça pour en revenir sur deux points : primo, la mort est chez Tolkien une délivrance au Monde qui finit par accabler celui a trop vécu, et secundo, Dieu sait que ces Spectres ont trop vécu (Je rappelle : « A mortal who keeps one of the Great Rings, does not die, but he does not grow or obtain more life, he merely continues, until at last every minute is a weariness »).
Pour ce qui est de l'évanouissement suicidaire pour reprendre ton expression, le Reader's Companion décrit ce sentiment effectivement comme « akin to suicide » (« s’apparentant au suicide »), ce qui me semble être une comparaison maladroite. On est très loin d’une pulsion de mort comme contraire de la vie. Tout à l'inverse, on est dans l’accomplissement final d’une vie longue et bien remplie, et dans le cas des Neuf, déjà bien trop longue et remplie (la réalisation complète du don d'Eru).
Ainsi, en l’absence de volonté, celle de Sauron disparue et la leur propre détruite par l’anneau, qui puisse contrecarrer cette lassitude inhérente à la condition humaine, la mort n’a pu que s’emparer d’eux (confer pour l'importance de la volonté l'Ósanwe-kenta et divers textes des HoMe X et XII).
Pour ce qui est de la chute de Sauron en 3441 du Second Âge, je rappellerai que la Volonté de Sauron n’est pas brisée puisque toujours contenue de son Anneau Intact (et les débris de son être). Les Spectres n’ont d’ailleurs pas dû passer très loin de leur disparition comme le suggère cette fameuse lettre n°131 :
Il est dit que les esclaves de l’anneau sont réduits à vivoter comme des ombres. Cependant Sauron, les anneaux et l'Unique sont tous encore de ce monde, alors que Sauron à la fin du Troisième Âge (qui vient d'être détruit pour la 4ème fois quand même !) n'est plus qu'un de ces esprits incapables de se reconstruire tels que décrits par Tolkien dans l'Ósanwe-kenta (note 5).
aravanessë
En fait, ce concept de weariness renvoie à la théorie de Tolkien selon laquelle les Hommes, en-dehors de toute maladie ou de toute blessure, doivent mourir de leur belle mort en acceptant leur finitude et même en prenant les devants de leur mort en en choisissant l’instant, comme ce fut le cas de Bëor the Old une fois le grand âge venu ou Aragorn qui dans l’Appendice A explique à Arwen à l’orée de sa mort qu’il a reçu « the grace to go at my will, and give back the gift » (« la grâce de s’en aller de son propre chef et de rendre le don [de Dieu] »).
De même, dans The Tale of Years of the Third Age :
LotR a écrit :VO : King Elessar and Queen Arwen reigned long and in great blessedness; but at the last the weariness came upon the King, and then, while still in vigour of mind and body, he laid himself down after the manner of the ancient kings of Númenor, and died.
VF : Le Roi Elessar et la Reine Arwen régnèrent longtemps et dans une grande félicité ; mais à la toute fin, la lassitude s'empara du Roi, et alors, bien que toujours vigoureux d'esprit et de corps, il se coucha à la manière des anciens rois de Númenor, et mourut.
Ce terme est d’ailleurs employé aussi pour les Elfes qui sentent grandir cette lassitude à mesure que le Monde vieillit (chacun son échelle), voire plus tôt pour Míriel vidée de son vouloir-vivre par sa grossesse et l’enfantement de Fëanor.
Ceci rappelé, il ne s’agit aucunement de dire que les Nazgûl sont des sages , loin de là. Toutefois, puisqu’il est dit par Gandalf que si « a mortal […] keeps one of the Great Rings [..], he merely continues, until at last every minute is a weariness » (cas que si « un mortel conserve l’un des Grands Anneaux, il continue simplement jusqu’à ce qu’à la fin chaque minute soit lassitude »), il est évident que ce sentiment de lassitude s’est emparé des Neuf Spectres car le long fardeau de leur servitude à l’anneau le leur a insufflé comme l’explique cette citation.
D’ailleurs, Frodon avec l’Anneau Unique est un cas approchant qui peut servir de point de comparaison : il serait intéressant de faire un relevé systématique qui montre qu'à mesure de l'avancement de sa quête le terme de « weariness/weary » est de plus en plus souvent employé par Tolkien dans Le Seigneur des Anneaux. Enfin, son départ pour Aman, forme de mort symbolique, est interprétée de la sorte également par Arwen quand elle dit à Frodon:
LotR a écrit :VO : « A gift I will give you. […] If your hurts grieve you still and the memory of your burden is heavy, then you may pass into the West, until all your wounds and weariness are healed ».
VF : « Un don vais-je vous donner. [...] Si vos blessures vous font toujours souffrir et que la mémoire de votre fardeau se fait pesant, alors vous pourriez traverser vers l'Ouest jusqu'à ce que vos blessures et votre lassitude soient soignés. »
Mais comme l’explique très bien Tolkien dans sa lettre n°246, ce genre de lassitude faite par l’Anneau ne peut probablement pas être soignée, à part peut-être en Aman (« Frodo was sent or allowed to pass over Sea to heal him - if that could be done, before he died », cad « Frodon fit envoyé ou autorisé à traverser la Mer pour être soigné, si tant est que celui se puisse, avant qu’il ne meure »).
Bref, tout ça pour en revenir sur deux points : primo, la mort est chez Tolkien une délivrance au Monde qui finit par accabler celui a trop vécu, et secundo, Dieu sait que ces Spectres ont trop vécu (Je rappelle : « A mortal who keeps one of the Great Rings, does not die, but he does not grow or obtain more life, he merely continues, until at last every minute is a weariness »).
Pour ce qui est de l'évanouissement suicidaire pour reprendre ton expression, le Reader's Companion décrit ce sentiment effectivement comme « akin to suicide » (« s’apparentant au suicide »), ce qui me semble être une comparaison maladroite. On est très loin d’une pulsion de mort comme contraire de la vie. Tout à l'inverse, on est dans l’accomplissement final d’une vie longue et bien remplie, et dans le cas des Neuf, déjà bien trop longue et remplie (la réalisation complète du don d'Eru).
Ainsi, en l’absence de volonté, celle de Sauron disparue et la leur propre détruite par l’anneau, qui puisse contrecarrer cette lassitude inhérente à la condition humaine, la mort n’a pu que s’emparer d’eux (confer pour l'importance de la volonté l'Ósanwe-kenta et divers textes des HoMe X et XII).
Pour ce qui est de la chute de Sauron en 3441 du Second Âge, je rappellerai que la Volonté de Sauron n’est pas brisée puisque toujours contenue de son Anneau Intact (et les débris de son être). Les Spectres n’ont d’ailleurs pas dû passer très loin de leur disparition comme le suggère cette fameuse lettre n°131 :
Letters a écrit :VO :So ends the Second Age with the coming of the Númenórean realms and the passing of the last kingship of the High Elves. The Third Age is concerned mainly with the Ring. The Dark Lord is no longer on his throne, but his monsters are not wholly destroyed, and his dreadful servants, slaves of the Ring, endure as shadows among the shadows.
VF :Ainsi prit fin le Deuxième Age avec l’arrivée des royaumes númenóréens et la disparition de la dernière royauté des Hauts Elfes. Le Troisième Age est centré essentiellement sur l’Anneau. Le Seigneur Ténébreux n’est plus assis sur son trône, mais ses monstres ne sont pas complètement détruits, et ses terrifiants serviteurs, les esclaves de l’Anneau, perdurent comme des ombres parmi les ombres.
Il est dit que les esclaves de l’anneau sont réduits à vivoter comme des ombres. Cependant Sauron, les anneaux et l'Unique sont tous encore de ce monde, alors que Sauron à la fin du Troisième Âge (qui vient d'être détruit pour la 4ème fois quand même !) n'est plus qu'un de ces esprits incapables de se reconstruire tels que décrits par Tolkien dans l'Ósanwe-kenta (note 5).
aravanessë