Je réponds à mon tour au questionnaire préliminaire, j'en profiterai pour développer quelques points importants pour toute étude sur ce sujet:
- Comment avez-vous découvert le monde de Tolkien ?
J'ai lu Le Seigneur des anneaux, emprunté à la bibliothèque municipale, alors que j'avais 15 ans et en ai été fortement impressionné. Je n'ai cependant apprécié la richesse du monde imaginaire ainsi construit qu'à l'occasion d'une seconde lecture vers 18-19 ans ; j'ai assez rapidement enchaîné avec Le Hobbit, le Silmarillion, avant de recommencer tout et de poursuivre avec le reste de l'oeuvre, mais cette fois-ci en anglais. C'est peu après que j'ai fait mes premiers pas sur Internet, et découvert qu'il y avait nombre d'autres passionnés avec qui échanger...
- Pour vous, l’elfique peut-il être considéré comme une "langue" ? Pourquoi ?
Il importe, comme ç'a déjà été souligné, de préciser que Tolkien a imaginé de nombreuses langues elfiques, liées entre elles par une histoire fictive ("interne") et dont la parenté apparaît à la comparaison (Tolkien, comme philologue, a une approche principalement diachronique et comparative des langues, et le reproduit dans sa fiction.) Elles ont également une histoire externe, dans notre propre monde : Tolkien a commencé ses premières langues elfiques vers 1915 ou un peu avant, et n'a pas cessé de les construire jusqu'à sa mort en 1973, et les conceptions qu'il s'en faisait n'ont cessé d'évoluer (parfois de façon assez radicale) tout au long de sa vie.
Je n'hésiterai pas à qualifier au moins les deux plus développées, c'est à dire le quenya et le sindarin, de langues à part entière : elles en ont en effet l'essentiel des propriétés. Chacune possède sa phonologie, sa grammaire, son lexique propre, et (assez clairement pour le quenya, dans une moindre mesure pour le sindarin) elles sont effectivement susceptibles de remplir des fonctions de communication, dans certaines limites dues au caractère fragmentaire de leurs attestations.
Les autres langues étant trop incomplètement connues pour être vraiment utilisables même à un faible degré, on pourrait parler d'esquisses de langues ou de langues en puissance.
Leur caractère particulier tient au fait qu'elles ont un auteur identifiable (comme toute langue construite - ce n'en fait en rien des non-langues), et que toutes sont fragmentaires. Tolkien n'a visiblement jamais cherché à les rendre complètes, il s'agissait manifestement pour lui avant tout d'un plaisir principal de composition.
- Quelle langue elfique étudiez-vous ? (Quenya, Sindarin ?)
Toutes, et plus généralement toutes les langues construites par Tolkien (certaines ne sont pas elfiques) ; c'est en effet l'approche comparative (en interne : ces langues entre elles, comme en externe : avec les langues de notre monde qui leur ont servi d'inspirations principales) qui permet le mieux d'en rendre raison.
J'ai cependant une affinité plus particulière pour le sindarin, que je ne m'explique pas entièrement. Je pense qu'une des raisons est que la langue, malgré son rôle dominant dans le Seigneur des anneaux et un corpus conséquent, était moins étudiée quand j'ai commencé, au début des années 2000 (c'est encore en partie le cas), qu'elle est de toute façon plus difficile d'accès (histoire externe tourmentée, phonologie et morphologie moins transparentes qu'en quenya)... de sorte que le défi intellectuel était plus grand... comme la satisfaction à découvrir de l'ordre dans le chaos apparent du sindarin. Une autre raison est peut-être d'ordre esthétique ; en utilisant de façon extrêmement grossière une opposition caricaturale (et française) entre esthétiques classique et romantique, le quenya serait assez manifestement du côté du classicisme et le sindarin du romantisme... or tant en littérature, en musique savante qu'en peinture, je suis plus fortement touché par les oeuvres romantiques. Mais il y aurait là amplement matière à une autre discussion tout entière... de quoi refaire des débats interminables en histoire de l'art et des idées.
- Quelles ont été vos motivations pour étudier l'elfique ?
De deux ordres principalement : d'une part, c'est une forme d'immersion dans un monde imaginaire que l'on aime - que d'autres exprimeront par le jeu de rôles, la reconstitution, la fan-fiction, etc. D'autre part, il y a le défi intellectuel de comprendre "comment ça marche", et la fascination en retour lorsque l'on découvre que ces langues ont une véritable profondeur, qu'il y a ample matière à explorer. De ce côté-là, en un sens, plus c'est difficile et mieux ça vaut...
Enfin, l'étude des langues de Tolkien, comme l'a souligné Hiswelókë, fait découvrir un grand nombre de domaines que l'on n'aurait sans doute pas abordé autrement, et qui deviennent des joies supplémentaires. Personnellement, cela m'a été l'occasion d'acquérir de solides bases en linguistique historique, d'apprendre quelques notions de gallois et sensiblement plus de vieil anglais (avant de "goûter", sans les apprendre, à quantité de langues différentes par la suite), de m'essayer à la traduction poétique avant que cet intérêt ne prenne des formes plus "sérieuses", et de travailler ma diction en maintes langues. J'ai quelque peu l'impression de me payer de mots en disant que ces études sont une propédeutique à la philologie mais il y a bel et bien de cela. (C'est vrai dans une certaine de toute oeuvre à laquelle on s'attache ; hors ses langues, Tolkien m'a aussi entraîné vers des lectures que je n'aurais sans doute pas faites sans lui, et qui m'ont donné grande joie.)
J'y ajouterai en dernier lieu une motivation plus "instrumentale" (plus "carnassière" diraient certains...) : du fait de l'importance de ses langues pour Tolkien, il me semble indispensable d'en avoir quelque connaissance pour réellement comprendre sa démarche créative.
Mais fondamentalement, l'approche "art pour l'art" reste dominante chez moi - et c'est sans doute aussi celle qui caractérise le mieux le rapport de Tolkien aux langues (il en parle à plusieurs reprises dans sa correspondance).
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Je ne sais s'il faut comprendre "difficulté" comme "entrave", dans la mesure où la difficulté constitue une part de ma motivation ! Par ailleurs, la notion même d'apprentissage est extrêmement problématique s'agissant des langues inventées de Tolkien. Comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer ailleurs, elles relèvent à strictement parler de la philologie plutôt que de l'apprentissage des langues : elles ne sont pas réellement apprenables telles quelles, car trop fragmentaires, évolutives au cours de la vie de leur auteur, avec divers états de développement externe souvent contradictoires (un exemple canonique est le mot quenya lá, qui pendant la vie de Tolkien a signifié tantôt "oui", tantôt "non").
Ce que les gens apprennent sont des versions simplifiées, régularisées et éditées de façon créative, distinguées souvent par un préfixe "néo-" (néo-quenya, néo-sindarin), et que certains refusent même de considérer comme ayant vraiment à voir avec l'original. Il y a une réelle dichotomie entre l'approche "étude de la création d'un auteur" et celle "utilisation des langues", qui ne va pas sans tensions voire polémiques parfois acerbes ; ce particulièrement vers le début des années 2000, avec la sortie des films de Peter Jackson, qui comportent à côté de quelques citations de la plume de Tolkien de nombreux exemples de "néo-elfique", lesquels ont déchaîné les passions... Cela dit, il ne faudrait pas non plus faire un mur de cette différence d'approche : si la plupart des gens que je connais dans ce (tout petit) monde penchent plutôt d'un côté ou de l'autre, la majorité ont tâté quelque jour de l'approche "utilisation" - et l'expérience montre que même pour les philologues les plus exclusifs, lorsque l'approche devient vraiment trop aride et académique, le champ perd en fertilité : combien de messages ces derniers temps sur Lambengolmor ? combien d'articles sur Tengwestië ?
Pour répondre plus directement : la difficulté principale vient de la complexité même du matériel, qui de plus n'était le plus souvent pas directement destiné à la publication et qui nécessite un important travail d'édition et d'élucidation. Le travail d'édition est réalisé par un petit groupe de l'Elvish Linguistic Fellowship et est toujours en cours. Cela signifie que le corpus est évolutif, de sorte qu'il faut régulièrement mettre à jour ses connaissances... et réviser ses théories explicatives.
- Par quelles méthodes avez-vous étudié l'elfique ?
Dans un tout premier temps, en compulsant les appendices du SdA et du Silmarillion et en essayant d'y trouver un ordre. Peu convaincant... Mes bases ont réellement été jetées lorsque j'ai pu avoir accès à des publications secondaires, qui vers 2000 étaient principalement le Dictionnaire des langues elfiques d'Edouard Kloczko et quelques sites, dont évidemment Ardalambion de Helge K. Fauskanger, incontournable à l'époque (et sans doute encore aujourd'hui, bien que son contenu ait vieilli), et dont j'ai traduit certains articles. J'ai beaucoup utilisé de lexiques divers à l'époque, je me suis fait des fiches papiers de déclinaisons et de conjugaisons, des tableaux de prépositions (pour les spatiales, de petits dessins clarifient bien les idées...), et j'ai pratiqué diverses traductions en néo-elfique. Je ne me suis plus penché dessus de longtemps et ne sais ce que j'en penserais aujourd'hui.
Plus tard, ma compréhension du sujet croissant, ainsi que ma connaissance des sources primaires et des méthodes de la linguistique historique, j'ai pris de la distance par rapport à ce que j'avais appris auparavant et suis passé de l'"utilisation" à l'"étude" proprement dite (tels que j'ai expliqués ces termes plus haut), et j'ai commencé à me construire des théories plus personnelles. Les forums et listes de discussions ont été importants à ce moment charnière. Je suis nettement moins actif aujourd'hui - d'une part parce que l'intérêt, sans disparaître, perd quand même de son acuité initiale, et que la vie présente d'autres objets concurrents ; mais aussi parce que je suis plus intéressé aujourd'hui par la réflexion au long cours que par l'échange quotidien. J'ai toujours l'espoir d'en incarner une partie dans des articles - dont la majorité ne verra jamais le jour... Et plus bêtement, mon emploi actuel ne me laisse pas la disponibilité intellectuelle nécessaire.
- Utilisez-vous l'elfique ? À quelles occasions ?
Au début, j'ai traduit divers textes (surtout des poèmes, en essayant d'y garder une structure poétique), pour pratiquer les langues (des néo-elfiques, en l'occurrence) et me familiariser avec leurs mécanismes. Il y a bien longtemps que je ne l'ai plus fait ; mon intérêt pour la traduction s'est déplacé vers le rendu de poèmes en vers français. Il m'arrive encore d'utiliser des formules elfiques ponctuellement pour une salutation, un voeu... des occasions où il peut y avoir complicité entre passionnés.
Bertrand Bellet
- Comment avez-vous découvert le monde de Tolkien ?
J'ai lu Le Seigneur des anneaux, emprunté à la bibliothèque municipale, alors que j'avais 15 ans et en ai été fortement impressionné. Je n'ai cependant apprécié la richesse du monde imaginaire ainsi construit qu'à l'occasion d'une seconde lecture vers 18-19 ans ; j'ai assez rapidement enchaîné avec Le Hobbit, le Silmarillion, avant de recommencer tout et de poursuivre avec le reste de l'oeuvre, mais cette fois-ci en anglais. C'est peu après que j'ai fait mes premiers pas sur Internet, et découvert qu'il y avait nombre d'autres passionnés avec qui échanger...
- Pour vous, l’elfique peut-il être considéré comme une "langue" ? Pourquoi ?
Il importe, comme ç'a déjà été souligné, de préciser que Tolkien a imaginé de nombreuses langues elfiques, liées entre elles par une histoire fictive ("interne") et dont la parenté apparaît à la comparaison (Tolkien, comme philologue, a une approche principalement diachronique et comparative des langues, et le reproduit dans sa fiction.) Elles ont également une histoire externe, dans notre propre monde : Tolkien a commencé ses premières langues elfiques vers 1915 ou un peu avant, et n'a pas cessé de les construire jusqu'à sa mort en 1973, et les conceptions qu'il s'en faisait n'ont cessé d'évoluer (parfois de façon assez radicale) tout au long de sa vie.
Je n'hésiterai pas à qualifier au moins les deux plus développées, c'est à dire le quenya et le sindarin, de langues à part entière : elles en ont en effet l'essentiel des propriétés. Chacune possède sa phonologie, sa grammaire, son lexique propre, et (assez clairement pour le quenya, dans une moindre mesure pour le sindarin) elles sont effectivement susceptibles de remplir des fonctions de communication, dans certaines limites dues au caractère fragmentaire de leurs attestations.
Les autres langues étant trop incomplètement connues pour être vraiment utilisables même à un faible degré, on pourrait parler d'esquisses de langues ou de langues en puissance.
Leur caractère particulier tient au fait qu'elles ont un auteur identifiable (comme toute langue construite - ce n'en fait en rien des non-langues), et que toutes sont fragmentaires. Tolkien n'a visiblement jamais cherché à les rendre complètes, il s'agissait manifestement pour lui avant tout d'un plaisir principal de composition.
- Quelle langue elfique étudiez-vous ? (Quenya, Sindarin ?)
Toutes, et plus généralement toutes les langues construites par Tolkien (certaines ne sont pas elfiques) ; c'est en effet l'approche comparative (en interne : ces langues entre elles, comme en externe : avec les langues de notre monde qui leur ont servi d'inspirations principales) qui permet le mieux d'en rendre raison.
J'ai cependant une affinité plus particulière pour le sindarin, que je ne m'explique pas entièrement. Je pense qu'une des raisons est que la langue, malgré son rôle dominant dans le Seigneur des anneaux et un corpus conséquent, était moins étudiée quand j'ai commencé, au début des années 2000 (c'est encore en partie le cas), qu'elle est de toute façon plus difficile d'accès (histoire externe tourmentée, phonologie et morphologie moins transparentes qu'en quenya)... de sorte que le défi intellectuel était plus grand... comme la satisfaction à découvrir de l'ordre dans le chaos apparent du sindarin. Une autre raison est peut-être d'ordre esthétique ; en utilisant de façon extrêmement grossière une opposition caricaturale (et française) entre esthétiques classique et romantique, le quenya serait assez manifestement du côté du classicisme et le sindarin du romantisme... or tant en littérature, en musique savante qu'en peinture, je suis plus fortement touché par les oeuvres romantiques. Mais il y aurait là amplement matière à une autre discussion tout entière... de quoi refaire des débats interminables en histoire de l'art et des idées.
- Quelles ont été vos motivations pour étudier l'elfique ?
De deux ordres principalement : d'une part, c'est une forme d'immersion dans un monde imaginaire que l'on aime - que d'autres exprimeront par le jeu de rôles, la reconstitution, la fan-fiction, etc. D'autre part, il y a le défi intellectuel de comprendre "comment ça marche", et la fascination en retour lorsque l'on découvre que ces langues ont une véritable profondeur, qu'il y a ample matière à explorer. De ce côté-là, en un sens, plus c'est difficile et mieux ça vaut...
Enfin, l'étude des langues de Tolkien, comme l'a souligné Hiswelókë, fait découvrir un grand nombre de domaines que l'on n'aurait sans doute pas abordé autrement, et qui deviennent des joies supplémentaires. Personnellement, cela m'a été l'occasion d'acquérir de solides bases en linguistique historique, d'apprendre quelques notions de gallois et sensiblement plus de vieil anglais (avant de "goûter", sans les apprendre, à quantité de langues différentes par la suite), de m'essayer à la traduction poétique avant que cet intérêt ne prenne des formes plus "sérieuses", et de travailler ma diction en maintes langues. J'ai quelque peu l'impression de me payer de mots en disant que ces études sont une propédeutique à la philologie mais il y a bel et bien de cela. (C'est vrai dans une certaine de toute oeuvre à laquelle on s'attache ; hors ses langues, Tolkien m'a aussi entraîné vers des lectures que je n'aurais sans doute pas faites sans lui, et qui m'ont donné grande joie.)
J'y ajouterai en dernier lieu une motivation plus "instrumentale" (plus "carnassière" diraient certains...) : du fait de l'importance de ses langues pour Tolkien, il me semble indispensable d'en avoir quelque connaissance pour réellement comprendre sa démarche créative.
Mais fondamentalement, l'approche "art pour l'art" reste dominante chez moi - et c'est sans doute aussi celle qui caractérise le mieux le rapport de Tolkien aux langues (il en parle à plusieurs reprises dans sa correspondance).
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Je ne sais s'il faut comprendre "difficulté" comme "entrave", dans la mesure où la difficulté constitue une part de ma motivation ! Par ailleurs, la notion même d'apprentissage est extrêmement problématique s'agissant des langues inventées de Tolkien. Comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer ailleurs, elles relèvent à strictement parler de la philologie plutôt que de l'apprentissage des langues : elles ne sont pas réellement apprenables telles quelles, car trop fragmentaires, évolutives au cours de la vie de leur auteur, avec divers états de développement externe souvent contradictoires (un exemple canonique est le mot quenya lá, qui pendant la vie de Tolkien a signifié tantôt "oui", tantôt "non").
Ce que les gens apprennent sont des versions simplifiées, régularisées et éditées de façon créative, distinguées souvent par un préfixe "néo-" (néo-quenya, néo-sindarin), et que certains refusent même de considérer comme ayant vraiment à voir avec l'original. Il y a une réelle dichotomie entre l'approche "étude de la création d'un auteur" et celle "utilisation des langues", qui ne va pas sans tensions voire polémiques parfois acerbes ; ce particulièrement vers le début des années 2000, avec la sortie des films de Peter Jackson, qui comportent à côté de quelques citations de la plume de Tolkien de nombreux exemples de "néo-elfique", lesquels ont déchaîné les passions... Cela dit, il ne faudrait pas non plus faire un mur de cette différence d'approche : si la plupart des gens que je connais dans ce (tout petit) monde penchent plutôt d'un côté ou de l'autre, la majorité ont tâté quelque jour de l'approche "utilisation" - et l'expérience montre que même pour les philologues les plus exclusifs, lorsque l'approche devient vraiment trop aride et académique, le champ perd en fertilité : combien de messages ces derniers temps sur Lambengolmor ? combien d'articles sur Tengwestië ?
Pour répondre plus directement : la difficulté principale vient de la complexité même du matériel, qui de plus n'était le plus souvent pas directement destiné à la publication et qui nécessite un important travail d'édition et d'élucidation. Le travail d'édition est réalisé par un petit groupe de l'Elvish Linguistic Fellowship et est toujours en cours. Cela signifie que le corpus est évolutif, de sorte qu'il faut régulièrement mettre à jour ses connaissances... et réviser ses théories explicatives.
- Par quelles méthodes avez-vous étudié l'elfique ?
Dans un tout premier temps, en compulsant les appendices du SdA et du Silmarillion et en essayant d'y trouver un ordre. Peu convaincant... Mes bases ont réellement été jetées lorsque j'ai pu avoir accès à des publications secondaires, qui vers 2000 étaient principalement le Dictionnaire des langues elfiques d'Edouard Kloczko et quelques sites, dont évidemment Ardalambion de Helge K. Fauskanger, incontournable à l'époque (et sans doute encore aujourd'hui, bien que son contenu ait vieilli), et dont j'ai traduit certains articles. J'ai beaucoup utilisé de lexiques divers à l'époque, je me suis fait des fiches papiers de déclinaisons et de conjugaisons, des tableaux de prépositions (pour les spatiales, de petits dessins clarifient bien les idées...), et j'ai pratiqué diverses traductions en néo-elfique. Je ne me suis plus penché dessus de longtemps et ne sais ce que j'en penserais aujourd'hui.
Plus tard, ma compréhension du sujet croissant, ainsi que ma connaissance des sources primaires et des méthodes de la linguistique historique, j'ai pris de la distance par rapport à ce que j'avais appris auparavant et suis passé de l'"utilisation" à l'"étude" proprement dite (tels que j'ai expliqués ces termes plus haut), et j'ai commencé à me construire des théories plus personnelles. Les forums et listes de discussions ont été importants à ce moment charnière. Je suis nettement moins actif aujourd'hui - d'une part parce que l'intérêt, sans disparaître, perd quand même de son acuité initiale, et que la vie présente d'autres objets concurrents ; mais aussi parce que je suis plus intéressé aujourd'hui par la réflexion au long cours que par l'échange quotidien. J'ai toujours l'espoir d'en incarner une partie dans des articles - dont la majorité ne verra jamais le jour... Et plus bêtement, mon emploi actuel ne me laisse pas la disponibilité intellectuelle nécessaire.
- Utilisez-vous l'elfique ? À quelles occasions ?
Au début, j'ai traduit divers textes (surtout des poèmes, en essayant d'y garder une structure poétique), pour pratiquer les langues (des néo-elfiques, en l'occurrence) et me familiariser avec leurs mécanismes. Il y a bien longtemps que je ne l'ai plus fait ; mon intérêt pour la traduction s'est déplacé vers le rendu de poèmes en vers français. Il m'arrive encore d'utiliser des formules elfiques ponctuellement pour une salutation, un voeu... des occasions où il peut y avoir complicité entre passionnés.
Bertrand Bellet