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Ce sujet est un fuseau de travail, pour une ébauche d'essai pour lequel Sam Sanglebuc demande de l'aide. Il s'agit donc de discuter des voies vers lesquelles l'essai pourrait être développé. Toute idée d'argument en faveur/défaveur ou bien toute référence bibliographique pouvant permettre d'apporter de l'eau à ce moulin
Merci d'avance pour toute l'aide que vous pourrez apporter.
Citation :Aragorn, guerrier désarmé ?
[SdA L1, X] « Il tira son épée, et ils virent que la lame était, en fait, brisée à un pied de la garde : ça ne servirait pas à grand-chose , hein, Sam ? »
[SdA L1, XII] « Il y a des trolls!s'écria Pippin, haletant […] Nous allons jeter un coup d’œil, dit Grands-pas, ramassant un bâton »
Aragorn, héros du Seigneur des Anneaux, décrit par Gandalf comme le plus grand des chasseurs (1), ne porte pas d'arme. Comment est-ce possible ?
La mission du rôdeur Aragorn est de veiller sur les gens simples de Bree et de la Comté, menacés par de redoutables créatures (2), puis d'accompagner Frodon et ses compagnons sur une route périlleuse (3). Quels sont ces dangers ?
Pas des Orques, il n'y en a plus depuis l'exploit du vieux Touque (4)
Pas des loups, ils sont remontés dans le nord depuis le terrible hiver (5)
Pas des Gobelins car Gandalf a fait bloquer leur accès (6)
Alors ?
Il y a des espions (7), la force n'est pas nécessaire contre eux.
Il y a les agents de Saroumane (Cool, ils ne font rien d'illégal.
Il y a les Nazgûl qui ne craignent que le feu et l'eau (9).
Et il y a enfin les êtres des Galgal, qui sont là depuis longtemps. Installés par le Roi Sorcier (10) avec un objectif commun : comme Sauron, faire de la terre un monde désolé, où règne le désespoir et la peur. On ne combat pas ces créatures avec des épées, car elles sont inutiles. Il faut un autre pouvoir, comme le montre Tom Bombadil (11), où Aragorn lui-même au Chemin des morts (12).
Cependant, ailleurs dans le sud, d'autres ennemis sévissent. Aragorn les a déjà affrontés, sous l'identité de Thorongil (13). Probablement des Orques au milieu des Eored de Th. Il est évident que les fiers guerriers Rohirrim n'ont pas accepté un frère d'arme désarmé. De même lorsqu'il mena un raid victorieux contre les pirates d'Umbar avec les Hommes du Gondor.
Désarmé pour sa mission dans le nord, Aragorn a été armé lorsqu'il fut dans le sud. Que faisait il à cette époque de l'épée brisée d'Isildur ?
Après le conseil d'Elrond à Fondcombe Narsil est reforgée. Il lui donne un nouveau nom : Anduril ; et tout deux prennent la route du sud.
Mais lorsqu' Aragorn traque Gollum dans des territoires où les Orques sont nombreux, que fait il ? Avec ou sans arme ?
Et enfin reste le problème des trolls, qui sont nombreux dans l'ancien Rhudaur (14). Certes Aragorn se contente de ramasser un bâton quand M P le prévient affolé de la présence de ces créatures (15) car il fait grand jour, mais le reste du temps ? Il n'est pas ventriloque comme Gandalf...
Difficile de trouver une cohérence, une logique interne au fait qu'Aragorn soit un guerrier désarmé en des lieux si dangereux.
Plutôt que de pousser trop loin une logique tirée par les cheveux, en imaginant qu'il est maître dans le camouflage et capable de marcher aussi silencieusement qu'un Elfe (16), qu'il connaît en plus des sentiers (17) de multiples bivouacs secrets où passer la nuit sans être surpris, ou qu'il peut effrayer Gollum par sa simple prestance, il nous faut trouver une autre explication.
Serait ce un artifice littéraire destiné à grandir ce personnage ? En faire un combattant capable d'utiliser d'autres armes que celles de la violence sanguinaire ?
C'est une remarque que Faramir fait à Sam et Frodon qui va à mon avis nous éclairer.
[SdA L4, V] « Car nous rangeons les Hommes dans notre tradition sous l'appellation de Hommes du Haut, ou Hommes de l'Ouest, qui étaient les Numenoriens; Hommes du Milieu ou Hommes du Crépuscule - tels sont les Rohirrim et leurs semblables qui résident encore loin dans le Nord; et les Sauvages, les Hommes des Ténèbres. Mais à présent, si les Rohirrim nous sont devenus plus semblables par certains côtés, ayant développé leurs arts et leur douceur, nous aussi nous sommes devenus plus semblables à eux, et nous ne pouvons plus guère revendiquer le titre d'Hommes du Haut. Nous sommes devenus des Hommes du Milieu, du Crépuscule, mais avec le souvenir d'autres choses. Car, comme les Rohirrim, nous aimons à présent la guerre et la valeur en tant que choses bonnes en soi, en même temps jeu et fin; et quoique nous considérions toujours qu'un guerrier doit avoir d'autres talents que la seule adresse à manier les armes et à tuer, nous ne l'en plaçons pas moins dans notre estime au-dessus des hommes des autres professions. Ainsi le veut la nécessite de nos jours »
Tolkien aimait et respectait les simples soldats (1Cool, lui même s'est battu en 14-18, mais il n'aime pas le « militarisme de l'armée » (19). Il dira pendant la seconde guerre mondiale « Nous essayons de vaincre Sauron avec l'Anneau » (20) en parlant des politiques des Alliés alors que pour lui il existe d'autres armes, qui sont les seules efficaces : la Conversion universelle et le Saint Sacrement (21).
(1) « Aragorn, le plus grand voyageur et chasseur de ce temps » [SdA L1, II]
(2) « " Grands-Pas " suis-je pour un gros homme qui habite à une journée de marche d'ennemis qui lui glaceraient le cœur ou qui réduiraient son petit bourg en ruine s'il n'était gardé sans répit. [SdA L2, II]
(3) « Après le Mont Venteux, notre voyage deviendra plus ardu, et il nous faudra choisir entre différents dangers » [SdA L1, X]
(4) « … la bataille des Champs Verts (DC 1147) , dans laquelle Bandobras Touque défit une invasion d'Orques »
(5) « les loups qui autrefois, pendant les hivers rigoureux, descendaient du nord en quête de leur proie n'étaient plus qu'un conte de bonne femme » [SdA Prologue]
(6) « Il faut que j'avise à trouver un géant plus ou moins convenable pour le bloquer à nouveau, dit Gandalf ; sans quoi, on ne pourra bientôt plus franchir les montagnes du tout » [Bilbo, VI]
(7) « Et il y a à Bree des gens à qui il ne faut pas faire confiance. Bill Fougeron, par exemple. Il a mauvaise réputation dans le Pays de Bree, et de curieuses gens lui rendent visite. Vous avez dû le remarquer dans la compagnie: un noiraud ricaneur. Il était très proche d'un de ces étrangers du sud, et ils se sont glissés dehors ensemble juste après votre " accident ". Ces gens du sud n'ont pas tous des intentions pures; quant à Fougeron, il vendrait n'importe quoi à n'importe qui, ou il ferait du mal par simple plaisir » [SdA L1, X]
(Cool « Les rangers (rôdeurs) étaient méfiants, mais ils ne s'opposèrent pas à l'entrée de ses serviteurs » [CLI 3A, IV, 2]
(9) « Pris entre le feu et l'eau, et voyant un Seigneur Elfe, révélé dans son courroux, ils furent épouvantés et leurs chevaux furent pris de folie » [SdA L2, I]
(10) « Il avait lui même posté des esprits malfaisants dans les tumulus abandonnés des Hautes brandes » [CLI 3A, IV, 2 et note 19]
(11) [SdA L1, VIII]
(12) [SdA L5, II]
(13) [SdA appendice A, I, IV]
(14) « des trolls étaient susceptibles de descendre parfois, vaguant, des vallées septentrionales des Monts Brumeux » [SdA L1, XI]
(15) [SdA L1, XII]
(16) « Ils reprirent alors leur marche en silence, passant comme des ombres ou de faibles lueurs: car les Elfes (plus encore que les Hobbits) pouvaient, quand ils le voulaient, marcher sans le moindre bruit ni son de pas » [SdA L1, III]
(17) « Grands-Pas peut vous mener par des sentiers rarement parcourus » [SdA L1, X]
(1Cool L45
(19) L40
(20) L66
(21) L43
Et voici quelques précisions de la part de l'auteur :
Citation :Mon rêve, ou projet, serait de faire du travail collectif. Pour le moment, ça n'a pas pu se faire (à part une traduction de module AD&D sur le forum Donjon du dragon) et des essais de composition à plusieurs mains de scénarios JDR qui n'ont pas abouti.
Mais je persévère, avec une contribution à l'encyclopédie (entrée Númenoréen noir) et cette ébauche d'essai.
Il mérite des développements.
Tu parles d'épées brisées, je te fais confiance (et aux autres Tolkiendili) pour apporter ces notions (je n'ai que de très faibles compétences en Histoire !).
Je pensais aussi développer les notions d'armes spirituelles (glaive de la Parole et bouclier de la Foi selon St Paul), mais là je marche sur des œufs.
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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21.04.2015, 12:37
(Modification du message : 21.04.2015, 12:38 par Tikidiki.)
Pourquoi pas un article sur ce thème, en effet?
J'ai cependant émis quelques désaccords avec ses conclusions provisoires, voire avec le titre:
(20.04.2015, 16:00)Tikidiki a écrit : Même si ce n'est encore qu'une ébauche, je ne partage pas ses conclusions.
Tolkien aurait fait de Grands-pas un guerrier désarmé afin de grandir le personnage, parce que lui-même aimait les soldats simples?
Cette idée rencontre un certain nombre de questions pour moi:
1) En quoi le fait d'être désarmé est-il une qualité? Ne serait-ce plutôt une preuve d'inconscience du soldat? A l'inverse, quand le soldat finit par porter une arme, comme Andùril, est-il dévalorisé aux yeux de Tolkien?
2) En quoi le fait d'être désarmé est-il surprenant? Les Rôdeurs s'adaptent: lorsque les Nazgûl envahissent la Comté, ils trouvent les Rôdeurs armés. Lorsque Aragorn vient cueillir les Hobbits à Bree sans être averti du danger des Nazgûl, sa mission est d'agir avec discrétion et rapidité. Il n'y a pas de danger véritable pour Grands-pas, donc pas besoin d'arme.
3) Alors, pourquoi porter les fragments de Narsil? Parce qu'elle est à la fois sa propriété, sa meilleure défense, et surtout sa carte d'identité.
Comme le rappelle Sam Sanglebuc, Aragorn n'est pas toujours désarmé: il s'est battu au Gondor et en Rohan. Et il bénéficie bientôt d'Andùril. Ce qui signifie que l'Aragorn désarmé n'est pas un procédé de valorisation du personnage: on ne peut pas dire de l'Aragorn de ces époques qu'il est dévalorisé par Tolkien.
L'Aragorn "désarmé" est plutôt une étape dans l'évolution du personnage, de plusieurs points de vue: du point de vue interne au Légendaire, et pour le lecteur du Seigneur des Anneaux. Dans le Légendaire, Grands-pas est une étape entre l'apprentissage de Thorongil et le couronnement d'Elessar. Le lecteur, lui, ne connaît pas cet entre-deux, il ne sait d'Aragorn que ce que Gandalf en rapporte dans l'Ombre du Passé, le désignant comme le plus grand voyageur de son temps, et le mystérieux poème qui accompagne la lettre à l'auberge de Bree. Pour le lecteur, Grands-pas est un entre-deux au sens de l'athelas, que l'on prend pour une mauvaise herbe en ne sachant rien de sa qualité royale.
Or c'est grâce à Narsil que Grands-pas intrigue ainsi le lecteur et qu'il devient énigmatique. Sans Narsil, point de mystère qui jaillit devant Sam. Il aurait pu s'agir d'un autre Rôdeur, qui n'aurait été armé que d'un poignard, et aurait donc été désarmé. C'est l'épée brisée qui donne son futur au personnage de Grands-pas.
Pour résumer et simplifier, Grands-pas n'était pas "désarmé" ou n'avait pas besoin d'être armé, et ses attributs sont indissociables de sa transformation en héritier du trône. Il ne s'agit donc pas d'une valorisation du personnage, et on peut même penser cette "rusticité" comment une étape préparant le contraste réalisé à Fondcombe.
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Je pars en vacances, je répondrai lundi.
Cordialement,
Sam
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22.04.2015, 17:51
(Modification du message : 22.04.2015, 17:55 par Faerestel.)
Je souscrit au point de vue de Tikidiki quand il situe Aragorn dans un entre-deux. Le Seigneur des Anneaux est aussi un roman initiatique non seulement pour le lecteur qui recompose sans cesse la trame des événements et peut la relier à un passé décrit dans d'autres textes et brièvement évoqué dans le roman (par exemple le surgissement du conte de Tinuviel en au moins deux occurrences dont une dans les Appendices ou l'évocation de Numenor), que pour les personnages (Gandalf, Frodon, Gimli et bien sûr Sam mais tant d'autres encore comme Eowyn). D'un point de vue symbolique il n'est pas étonnant qu'un Aragorn en transition, dont le double destin de la royauté ou de l'anéantissement de sa race et de lui-même pèse sur ses choix, ainsi que l'évoque Elrond pour repousser son union avec Arwen, ne porte pas ouvertement les attributs du Guerrier mais seulement la marque brisée de sa légitimité. C'est aux portes de la victoire, au climax épique, qu'Anduril reforgée vient en sa possession.
Du point de vue purement littéraire, l'épée brisée, une arme dont on pourrait se débarrasser si elle n'était qu'une simple épée, participe à l'aura de mystère qui entoure le personnage depuis que nous l'avons rencontré seul et un peu inquiétant, les traits dissimulés par sa capuche, dans un coin sombre d'une auberge. Ces éléments nous donnent une impression étrange, voire un sentiment de méfiance corroboré par la première description qui nous est faite par Prosper, un homme vers qui va notre confiance puisque Gandalf a conseillé son établissement. Je me souviens encore qu'adolescent, à ma première lecture du SdA, j'avais un moment craint que les Hobbits ne tombent dans un piège en rejoignant le Rôdeur.
Aragorn est une être en devenir: le sceptre d'Annuminas est caché, Narsil est brisée, le Gondor gouverné par les Intendants depuis des temps immémoriaux, son Amour inaccessible à sa condition actuelle et le monde est menacé par le Mal. Il est bel et bien un Dépossédé qui doit tout reconquérir. Je ne crois pas que des questions purement contingentes (Comment fait-il sans épée?) doivent se poser.
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
Là où l'espoir demeure, les eaux chantent sous la nuit
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23.04.2015, 12:39
(Modification du message : 23.04.2015, 13:10 par Pelargien.)
Humble contribution :
Anduril c'est le pouvoir des rois, l'épée de combat mais aussi un regalia qui confère au roi non seulement la force guerrière, mais aussi celle d'adouber, et par conséquent, celle de reconstruire par la récompense de l'anoblissement un royaume en déserrance tel qu'est le Gondor lors de la guerre de l'anneau. Tolkien utilise cette symbolique du bras séculier du souverain féodal pour contrer aussi le pouvoir de l'anneau, objet de magie noire et presque "spirituel" vaincu déjà par la même épée. L'arme objet séculier de pouvoir devient plus lisible qu'un simple anneau "papal" qui n'est qu'un ornement, même si celui-ci concentre bien plus de pouvoir. Là aussi, Tolkien inscrit la symbolique de force dans un objet anodin mais marquant bien son possesseur originel comme détenteur du pouvoir qu'il incarne, tout comme le pouvoir papal. Alors que l'épée reste parfaitement identifiable comme objet militaire agressif d'attaque et de défense, mais aussi plus "chevaleresque" qui ne prend de la valeur qu'à travers les faits d'arme de son possesseur. C'est aussi un peu la lutte du monde réel contre les forces de l'au-delà, Aragorn (même s'il a du sang elfique) est un homme incarnant le monde réel, l'humain qui permet à la terre du Milieu de retrouver son équilibre politique en défaisant le pouvoir magique. Qu'il n'en use pas directement contre l'anneau prouve bien qu'il sait qu'il ne peut pas lutter contre lui, mais il la brandit devant la porte noire comme objet de son héritage et de sa lignée.
Les empereurs germaniques du Saint Empire, en lutte contre le pouvoir papal au XIe et XIIe siècle avaient fait de l'épée un objet de pouvoir lors de leur sacre, avec le sceptre, le globe, la couronne, le manteau et les éperons. Ces symboles ont été maintenus pour le sacre des rois de France.
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La construction de cette ébauche suivait une certaine logique, une sorte de mystère progressif, mais maladroit, et la fin était tronquée. Pardonnez une certaine timidité, due à mon respect pour l'oeuvre de JRRT et mes compétences limitées.
Pour ce qui est de la cohérence interne:
(22.04.2015, 17:51)faerestel a écrit : Je ne crois pas que des questions purement contingentes (Comment fait-il sans épée?) doivent se poser.
on peut à mon avis conclure rapidement: il y a une incohérence, mais Tolkien, qu'il s'en soit aperçu ou pas privilégie l'aspect littéraire (point de vue du lecteur). Aragorn ne peut se balader sans arme avec des Hobbits dans une région où peuvent arriver des Trolls. C'est avec son épée que Pippin tue un Troll. [SdA L5, X]
L'expression "guerrier désarmé" veut faire titre choc. Ce qui m'a guidé, ce sont ces deux citations de la Bible que JRRT connaissait bien (parce qu'il est catholique 'très pratiquant' et très formé):
« Armez-vous de force dans le Seigneur...Prenez surtout le bouclier de la Foi... et le glaive de la Parole... » [Ephésiens 6, 10]
« Tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée » [Mathieu 26, 52]
Bien entendu il n'y a pas d'allégorie directe, mais Aragorn a bien compris que les armes de la guerre classique ne peuvent vaincre Sauron.
Tout comme des catholiques ont pris les armes et le maquis en 39-45, tout en sachant que la victoire finale reviendrait à leur Christ Seigneur, tout comme JRRT s'est battu en 14-18, Aragorn et les Sages (*) sont obligés de se battre à certains moments mais la victoire finale est ailleurs, dans le domaine de la Foi.
(*) Comme le dit Elrond : « ...puisque notre espoir réside dans la rapidité et le secret. Eusse-je une phalange d'Elfes en armes des Anciens Jours que cela servirait seulement à éveiller la puissance du Mordor. » [SdA L2, III].
@Tikidiki: je ne considère donc pas que Aragorn désarmé soit dévalorisé, et s'il est grandi, c'est qu'il sait au bon moment choisir les bonnes armes.
Cette conclusion n'exclue bien sûr pas les autres (que vous évoquez) !
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27.04.2015, 13:37
(Modification du message : 27.04.2015, 13:42 par Tikidiki.)
Tu te situes donc sur un domaine bien particulier, en parlant de victoire de la foi. Pourquoi pas, mais je trouve que cela manque un peu de rapport au texte.
- Par exemple, tu dis que Tolkien "connaissait bien" ces versets? Il les connaissait sûrement, certes, mais bien?
- Aragorn "a bien compris": où?
- Ce n'est pas une épée d'Aragorn que Pippin utilise, mais une épée récupérée dans le Galgal.
- Certes, il y a des Trolls en Eriador... mais surtout dans les Landes d'Etten, là où fut tué Arador, père d'Arathorn. Si les Nains tombent dessus dans le Hobbit, mis à part la péripétie que cela représente narrativement, on peut légitimement penser que c'est parce qu'ils connaissent le pays bien moins qu'Aragorn, dont l'occupation principale de ses soixante dernières années a été de traverser la TdM en long et en large. Donc non, il n'y a pas de grand risque de tomber sur des Trolls en balade, à mon avis...
La question de la foi est intéressante, mais je me demande si elle colle véritablement à cette idée d'un Aragorn qui serait dépourvu d'autre arme que Narsil. En quoi le choix des armes reflète-t-il cette foi? La foi telle que tu la vois est-elle une arme, et quand?..
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Pour rebondir sur la question de Tikidiki, je ne vois pas le lien logique que tu déduits (Sam) entre le discours d’Elrond : « ...puisque notre espoir réside dans la rapidité et le secret. Eusse-je une phalange d'Elfes en armes des Anciens Jours que cela servirait seulement à éveiller la puissance du Mordor. » [SdA L2, III] et ta conclusion : « la victoire finale est ailleurs, dans le domaine de la Foi. »
Il me semble qu’Elrond est explicite : la victoire finale réside dans le secret (de l’objectif) et la rapidité (de la mise en œuvre) du projet : La destruction de l’Anneau unique.
Pour moi, il n’est pas question de foi mais de tactique. Alors oui, il faut y croire, à cette tactique risquée, mais il est question plus de confiance (dans la capacité du groupe à mener la mission à bien) que de transcendance (au sens chrétien/catholique que tu citais plus haut, -et de manière déjà un peu abusive il me semble, mais ceci est un autre débat).
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27.04.2015, 16:44
(Modification du message : 27.04.2015, 16:46 par Sauron.)
Désolé si ce n'est pas pertinent, mais rappelez vous que quand Bilbo et les Nains partent en quêtes d'Erebor, ils partent totalement désarmés (avec un dragon au bout de la quête quand même).
Donc soit, les routes ne sont pas si dangereuse que ca, et ca colle avec un Aragorn "desarmé", soit c'est une volonté de l'auteur de ne pas armer ses héros au début des aventures.
Bref désolé pour mon intervention si je suis a coté de la plaque.
S.
PS: j'ai bien conscience que The hobbit et LOTR ont été écrit avec beaucoup d'années d’écart, et pas forcement destiné au même public.
a.k.a Mairon
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27.04.2015, 17:23
(Modification du message : 27.04.2015, 17:27 par Tikidiki.)
Ça pourrait être une idée, effectivement Sauron, vu comme les deux oeuvres se ressemblent scénaristiquement Les Nains partent quasiment désarmés, puis tombent sur Glamdring, Orcrist et Dard. Dans Hobbit et Lotr, les protagonistes acquièrent donc en route les armes qui leur seront nécessaires plus tard... selon le même schéma, Aragorn pourrait presque être vu comme "désarmé" avant d'arriver à Fondcombe, puisqu'il y refait Andûril.
Fondcombe serait ainsi une étape importante, où la Compagnie repart armée. On a ainsi : 1) Comté désarmée, 2) premières épreuves et armes en chemin (Trolls/Galgal), 3) Armement physique et moral à Fondcombe.
Selon moi, Aragorn se trouverait donc à nouveau dans un entre-deux... ^^
Mais ça peut n'être qu'une ficelle narrative
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J'ai un peu réfléchi ces derniers jours à l'absence d'arme d'Aragorn et l'intervention de Sauron me permet de partager cette réflexion en prolongeant la sienne.
Je pense qu'il faut envisager ce fait tout d'abord dans le cadre narratif et le mystère qui nimbe le Rôdeur au moment de sa rencontre avec les Hobbits. Le SdA a d'abord été envisagé comme une "suite" du Hobbit et ce n'est qu'au fil de sa construction qu'il a trouvé son essence au point de justifier quelques remaniements du précédent roman. La rédaction s'est étalée sur des années et il n'est pas sûr que Tolkien maîtrisait en tout point le destin de chacun des personnages. Quand il rédige la scène du Poney Fringant, où il y a encore quelque chose du "Hobbit", le personnage mystérieux est quand même une ficelle de la littérature pour jeunes, Tolkien sait-il qu'Aragorn combattit pendant des années sur Terre et sur Mer pour le Rohan ou le Gondor? La biographie d'Aragorn ne s'est-elle pas créée petit à petit, en fait découverte par l'auteur plutôt que résultant d'un plan dûment établi?
Ensuite, une fois acquis qu'Aragorn ne porte qu'une arme brisée, fallait-il tout remanier pour régler quelques problème purement pratiques et malgré tout hypothétiques?
Je pense qu'on est vraiment face à un effet littéraire qui peut ensuite être justifié par la grandeur du personnage, qui ne se situe effectivement pas que dans le maniement des armes. Aragorn est un Roi thaumaturge, juste et équitable, détenteur de savoirs anciens et populaires (l'Athélas) et bon connaisseur d'une histoire familiale fortement liée à celle du monde (Beren et Luthien) qui remonte à des milliers d'années.
Dorées les feuilles tombent, mais le rêve se poursuit
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02.05.2015, 09:09
(Modification du message : 02.05.2015, 09:09 par sam sanglebuc.)
J'ai pris le temps de réfléchir à toutes vos contributions et mon point de départ sera la question de Tikidiki:
"- Par exemple, tu dis que Tolkien "connaissait bien" ces versets? Il les connaissait sûrement, certes, mais bien?"
J'ai d'abord cherché à contacter un prêtre de mon diocèse, spécialiste du rite catholique d'avant Vatican 2. Il aurait pu me dire: " Selon le Lectionnaire issu du Concile de Trente, Ephésien 6 était lu tant de fois par an, et un fidèle comme JRRT qui va à la messe plus d'une fois par semaine l'a entendu tant de fois au cours de sa vie". J'aurais pu rappeler que JRRT a fait partie de l'équipe de traduction de la Bible, et qu'il connaissait le latin et le grec (langue d'origine d'Ephésien 6).
Mais j'ai senti que je faisais fausse route.
Ce forum rassemble, autour d'un objet commun qui est l'étude d'une oeuvre littéraire, avec les outils scientifiques adéquats et sa promotion avec d'autres outils qui peuvent ne plus être seulement scientifiques mais artistiques, rassemble donc des personnes de tout bord, qui peuvent être catholiques comme JRRT, mais aussi athées (militants ou non), agnostiques ou sans étiquette religieuse.
Pour ce qui est de l'approche scientifique de l'oeuvre, pas de problème majeur. La science apporte des preuves, elle mesure, compare. Chacun apporte qui une citation, qui un fait Historique, qui une règle de grammaire elfique.
Mais pour ce qui est de la Foi (chrétienne), on est dans un autre registre. La Foi ne mesure ni n'est mesurée, donc pas de preuves, de comparaisons. Loin de l'obscurantisme, le chrétien vit avec les deux poumons de la Raison et de la Foi (il faudrait caser la philo entre ces deux, mais je ne suis pas assez compétent pour ça).
Ainsi, parce que l'oeuvre du SdA est "fondamentalement religieuse et catholique" [Lettre n°142] les catholiques d'hier et d'aujourd'hui pourront en faire une autre lecture (ou une lecture complémentaire, ou une lecture entre les lignes...) que celle purement littéraire qu'en font les athées (sans aucune notion de supériorité d'un groupe sur l'autre, attention).
Parce qu'ils partagent le même Pain Eucharistique et Pain de la Parole (messes régulières L67,55), parce qu'ils adorent ce Saint Sacrement (L43) et partagent le même baptême, les catholiques vivent dans ce qu'ils nomment eux même la "Communion des Saints". Guidé par son Ange Gardien (L54, 89), le pèlerin de la terre vit la communion avec ceux qui sont déjà au ciel sous la bienveillante autorité du Vicaire du Christ.
Ainsi le catholique d'aujourd'hui peut vivre une proximité spirituelle avec JRRT (je ne parle pas de faire tourner les tables et de parler à l'esprit d'un mort...) et recevoir aide ou réconfort dans son pèlerinage terrestre. Ainsi un lecteur s'est nourri de l'invocation à Elbereth, un autre de la ressemblance entre Lembas et Viatique (L213) et aujourd'hui d'un Aragorn désarmé.
Je vais donc aborder maintenant ce que cette vision d'un Aragorn désarmé peut apporter à un lecteur partageant la Foi de JRRT.
Comme il s'agit d'une énième lecture du SdA, après avoir déjà potassé de nombreux autres écrits, je compare immédiatement cet Aragorn (temporairement) désarmé à d'autres hommes: un Rohirrim, Boromir sont toujours armés. Faramir laisse entendre que le guerrier n'est pas une fin ultime. Ensuite je pense à Frodon qui est victorieux sans arme (sans occire Gollum avec Dard), puis au lien entre simple/ordinaire et noble/héroïque (L131), l'abnégation (L186, 43) dans les choix moraux. Aragorn n'utilise pas que son épée dans le combat face à Sauron. L'épée seule ne ferait que réveiller l'Ennemi (@ Taliesin: ma citation d'Elrond était mal utilisée). En 39-45 les bombes ne suffisent pas: comment réunifier le pays après? comment installer la paix? Dans un couple (cf L43) l'autorité violente d'un mari ne suffit pas. Le Christ appelle à se battre (Luc 22, 36), mais l'arme ultime n'est pas l'épée qui déchire les chairs: c'est le "glaive de la Parole" (Ephésiens 6) et l'Amour des ennemis (Luc 6, 27).
Quand je lis ce passage concernant Aragorn, je suis fortifié dans ma vie de tous les jours, renouvelé dans ma vocation de baptisé. Tolkien est pour moi un Père Spirituel, un Frère dans la Foi.
L'heure tourne, je reviendrai plus tard pour revenir à des thèmes spécifiquement littéraires.
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02.05.2015, 13:22
(Modification du message : 02.05.2015, 13:42 par Faerestel.)
(02.05.2015, 09:09)sam sanglebuc a écrit : Je vais donc aborder maintenant ce que cette vision d'un Aragorn désarmé peut apporter à un lecteur partageant la Foi de JRRT.
(...) Faramir laisse entendre que le guerrier n'est pas une fin ultime. Ensuite je pense à Frodon qui est victorieux sans arme (sans occire Gollum avec Dard), puis au lien entre simple/ordinaire et noble/héroïque (L131), l'abnégation (L186, 43) dans les choix moraux. Aragorn n'utilise pas que son épée dans le combat face à Sauron. L'épée seule ne ferait que réveiller l'Ennemi (@ Taliesin: ma citation d'Elrond était mal utilisée).
Chez Tolkien, ce n'est pas l'arme ou l'absence d'arme qui, à mon avis, fait le Héros mais la noblesse, la grandeur du geste pour des motifs liés à l'Amour ou au Bien. Sam, selon les mots de Tolkien le véritable héros du SdA, accompli armé ce qui constitue sans doute le plus grand exploit épique du Troisième et peut-être également du Deuxième Age, en blessant et mettant en fuite Arachne (tenant pour acquis que le combat de Gandalf et du Balrog concerne deux immortels). Et bien entendu ce n'est pas uniquement pour ce geste qu'il gagne ce statut aux yeux de son créateur mais aussi parce qu'il "ne perd pas Frodon des yeux" et participe, avec une humilité jamais démentie, au succès de la mission pour des motifs plus complexes que l'anti-quête de la destruction de l'Unique.
Faramir est aussi un grand Capitaine et Guerrier bien que ses goûts le portent à d'autres matières et philosophie de vie. Il est un Guerrier par nécessité tandis que Boromir, le Guerrier par nature, trouve après quelques errements une mort héroïque l'épée à la main.
Eowyn accompli également un immense exploit, partiellement motivé par la vengeance, abattant le Roi-Sorcier d'Angmar, un geste d'une certaine manière prophétisé, avant de renoncer au statut de Vierge Guerrière.
Tous ces différents héros, jusqu'aux Ents assiégeant Orthanc, tiennent partiellement du Guerrier et Frodon est le seul personnage d'importance qui renonce à toute violence, à l'exception notable de Bombadil (mais il est assurément un cas particulièrement particulier!), mais pour le Hobbit ce sont aussi les choix d'un vaincu. D'une certaine manière, Frodon a perdu la Guerre de l'Anneau et aussi la Comté bien que paradoxalement il ait contribué d'une manière essentielle à la victoire. Ses blessures sont trop graves et très vite dans le roman ses éventuelles prétentions guerrières s'effacent jusqu'à disparaître totalement même au cours du Nettoyage de la Comté à l'issue duquel sa pitié pour Saroumane est un échec "pratique", ne lui valant qu'un compliment de l'Istar sur sa grandeur accrue, puisque assassiné par Grima la rédemption du Magicien est impossible. Et c'est un Frodon non héroïque, qui renonce au Glaive.
J'espère avoir montré dans ce cours texte, même maladroitement, combien le couple du Héros et de l'Arme chez Tolkien n'est pas une notion figée mais multiple et polysémique.
EDIT après relecture:
Au fond Frodon est envers et contre tout un Elu, un martyr qui une fois fait le choix ultime de porter l'Anneau vit le reste de l'aventure comme si ce choix fait à Fondcombe dépassait ensuite tout libre arbitre. Sa chute face au pouvoir de l'Anneau, face aux Crevasses du Destin (celui du Hobbit?), renforçant cette impression.
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A la marge du sujet, mais :
(02.05.2015, 13:22)faerestel a écrit : ... puisque assassiné par Grima la rédemption du Magicien est impossible.
Point délicat, mais je ne vois pas en quoi l'assassinat par Grima aurait quelque effet sur une éventuelle rédemption. Une forme de rédemption lui est d'abord proposée par Gandalf lors de la prise d'Orthanc, à la condition qu'il se rallie à eux contre Sauron, pour défaire ce qu'il a fait. Il la rejette, par haine et par orgueil. On ne peut pas dire qu'il améliore ensuite son cas, cherchant à se venger des Hobbits. Une forme de jugement apparaît aussi à sa mort, où un vent d'Ouest vient disperser la brume grise qui s'élève de son corps - On peut mettre le passage en vis-à-vis de celui de la destruction de Sauron, où l'apparence éthérée de ce dernier est balayée par un grand vent.
D.
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02.05.2015, 15:10
(Modification du message : 02.05.2015, 15:12 par Faerestel.)
Tu m'as mal compris ou je me suis mal exprimé. Je ne veux pas dire qu'être assassiné rend impossible la rédemption mais que les paroles de Frodon sont les dernières qui eussent pu conduire Saroumane à se repentir avant qu'il ne soit trop tard. Ma formulation, que je veux bien reconnaître équivoque, tient au fait qu'il ne se passe que quelques instants entre l'offre de Frodon et le geste fatal de Grima.
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Je pense Sam sanglebuc que tu te diriges vers une maturation de tes idées qu'il faut te laisser expliquer, mais j'ai néanmoins un commentaire général sur ta démarche.
En tant que spécialistes de Tolkien, nous devons nous référer constamment au texte de manière précise. Le fait que tu cites davantage la Bible et les Lettres, sans te référer au SdA, me gêne dans le cadre d'une certaine interprétation de son texte. Cela mène à parler de généralités lorsque tu retournes vers le texte, avec des approximations, voire des erreurs. Or le contact avec la précision du texte est nécessaire pour valider la qualité de l'interprétation
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02.05.2015, 16:23
(Modification du message : 02.05.2015, 16:29 par sam sanglebuc.)
Bon ça fait du bien de travailler à plusieurs, et la réponse de Faerestel me remet en mémoire un point vital (à mes yeux de lecteur catho): le combat spirituel.
Contrairement à un 'mauvais' chrétien comme G. Bush (je ne connais de ce monsieur que ses actions extérieures, pas le fond de son cœur) qui déclara un jour que l'Axe du Mal passait par l'Irak (de mémoire), le 'bon chrétien' sait que l'Axe du Mal passe au milieu de son propre cœur.
Pour moi le SdA est une illustration de ce combat spirituel (mais pas que ça).
Quand Sam repousse Arachne, quand Eowyn défait le Roi Sorcier... je reconnais là une facette (facette, mais pas analogie directe, pas d'allégorie chez JRRT) de mon propre combat. Ma lutte contre ma paresse pour balayer les miettes autour de la planche à pain alors que je sais que ça aide mon épouse, contre ma timidité qui me pousse à rester égoïstement dans mon coin sans m'ouvrir aux autres dans une soirée, contre mes tentations quand je croise des femmes qui seraient tellement mieux pour moi, contre mon égoïsme d'occidental qui maintient au prix de l'esclavage des pays pauvres le prix de la tablette de chocolat sous les 1€ (je reste dans des combats caricaturaux, chacun les siens).
Le SdA est aussi une aide, une nourriture pour mener ce combat. Le souffle de l'oeuvre, sa dynamique et ses idées influent sur ma vie personnelle.
Plutôt que de prendre une épée, ou une bombe comme les Brigades Rouges, plutôt que de prendre une épée, ou une kalachnikov pour changer la société, je vais d'abord lutter contre moi-même, avec abnégation, mais pas seul: dans cette Communion des Saints.
Le SdA rapporte au premier degré des formes de combat spirituel, ou de dilemme éthique (Eomer:"comment jugerait-on de ce qu'il faut faire en une telle époque?" SdA L3, II ou les doutes d'Aragorn: aller ou ne pas aller à Minas Tirith, suivre Frodon ou pas ?), mais pour moi il est aussi, dans son ensemble une forme de combat spirituel, comme la Bible, remplie de batailles et de guerres !
Edit: réponse de Tikidiki lue entre temps.
C'est pour ça que j'essaie de faire deux sujets séparés. Une vision catholique de la chose, non scientifique car spirituelle, mais qui se nourrit (et réciproquement) de la vision littéraire scientifique.
PS: je suis long à accoucher mes textes, et comme Tolkien paresseux; vous me forcez à me dépasser... Merci quand même !
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L'idée de Sam Sanglebuc me semble mériter d'être creusée en détail. Il existe certainement plusieurs lectures complémentaires de l'absence d'armes chez certains personnages.
Dans plusieurs cas, cela permet d'introduire une scène mémorable d'armement du personnage, qui consacre un changement de statut à l'issue d'aventures initiales et constitue un prélude à de nouvelles aventures, où il faudra inévitablement faire face à des situations plus dangereuses encore. C'est un ressort narratif bien connu et caractéristique de nombreux contes de fées. C'est vraisemblablement ainsi qu'il faut lire les scènes d'armement de Bilbo, de Thorin, de Frodo et de ses amis (avec la subtilité que Frodo se fait armer deux fois, ce qui le distingue justement des trois autres Hobbits, puis renonce à toute arme à la fin du roman).
Pour Aragorn, on peut penser que ce moteur scénaristique joue aussi, mais n'est peut-être pas la seule raison de son désarmement. Sam Sanglebuc a raison de souligner que les armes ont un statut ambivalent chez Tolkien. On peut à ce titre souligner la prémonition funeste de Melian au sujet de l'épée Anglachel, emportée par Beleg et plus tard utilisée par Turin, qui la fera reforger. L'épée peut être un signe d'héritage (cas d'Aragorn), mais rarement un signe d'élection, sauf dans le cas de Tuor, quand il découvre la panoplie d'armes laissées pour lui à Vinyamar par Turgon sur les directives d'Ulmo -- et dans ce cas, l'épée n'est qu'une partie d'une panoplie complète de guerrier (on peut d'ailleurs souligner que le rôle premier de Tuor est d'annoncer à Turgon que la guerre risque d'emporter sa belle cité, et qu'il est donc logique d'être vêtu en guerrier dans ce but).
De ce fait, il est effectivement judicieux de se demander pourquoi Tolkien donne un passé de guerrier à Aragorn, passé qui implique qu'il ait été correctement armé pour ensuite lui faire transporter uniquement une épée brisée dans son fourreau alors qu'il est à la recherche de quatre Hobbits mis en danger par l'Ennemi dans un pays qui retourne à la sauvagerie et comporte nombre de dangers. De mémoire, dans ce voyage, Aragorn n'est pas même armé d'un arc, ce qui est surprenant pour un grand voyageur ne pouvant guère compter que sur la chasse pour subsister loin des demeures des Hommes.
Il y a donc contradiction entre le statut pratique d'Aragorn en tant que Coureur et l'image qu'en donne Tolkien quand Aragorn rencontre les Hobbits. Or on ne retrouve pas cette contradiction chez les Hobbits, logiquement désarmés quand ils débutent leur aventure, puisqu'ils n'ont jamais été formés à la guerre et viennent d'un pays paisible où on ne trouve guère d'armes. Cette contradiction mérite donc d'être explorée plus en détail. A ce titre, le discours de Faramir, soulignant que la guerre n'était pas une fin en soi pour les Numenoréens de l'ancien temps mérite d'autant plus d'être sollicité que la conclusion du "Conte d'Aragorn et d'Arwen" fait dire à Aragorn, arrivé à la fin de sa vie, qu'il est le dernier des Numenoréens.
Est-ce le seul axe possible d'exploration ? Sans doute pas, mais c'est certainement un axe valable.
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La question de savoir quels dangers menacent le voyageur en Eriador me préoccupe. Il faut dire que je suis en train de préparer une campagne JDR. Et par déformation 'professionnelle' (j'ai découvert Donjons & Dragons avant le SdA), j'ai commis je crois une erreur : celle de penser qu'il y a des monstres à chaque coin de rue.
Je viens de trouver les passages suivants.
Gandalf dit à la communauté avant d'entrer dans la Moria :
« Mais la plupart des orques des Monts Brumeux furent dispersés ou détruits à la Bataille des Cinq Armées. Les Aigles rendent compte que les orques se rassemblent de nouveau des terres lointaines » [SdA L2, IV]
Puis Aragorn :
« Comme le vent hurle ! s’écria-t-il. Il hurle de la voix des loups. Les ouargues sont passés à l'ouest des Montagnes! » [SdA L2, IV]
Ces deux passages semblent indiquer que l'Eriador était jusque là vide de monstres (nécessitant une épée pour se défendre) et que Gandalf (et Aragorn et les rôdeurs qu'ils tient informés) le savait.
Tolkien utiliserait donc un style/effet littéraire pour montrer un Aragorn désarmé, mais en plus il garde (volontairement ?) la cohérence interne de son monde.
Reste un point délicat, qui montre que la cohérence interne n'est pas complète. Où Aragorn entrepose-t-il son épée entière (celle de Thorongil) et aura-t-il le temps d'aller la chercher quand Gandalf ou les aigles le préviennent ?
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Ce n'est pas incohérent, personne n'a dit qu'il avait une épée complète: il a pu en avoir plusieurs (une au Rohan, une au Gondor), ça pouvait ne pas être une épée... :p
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(04.05.2015, 21:36)sam sanglebuc a écrit : La question de savoir quels dangers menacent le voyageur en Eriador me préoccupe. Il faut dire que je suis en train de préparer une campagne JDR. Et par déformation 'professionnelle' (j'ai découvert Donjons & Dragons avant le SdA), j'ai commis je crois une erreur : celle de penser qu'il y a des monstres à chaque coin de rue.
Sans parler de "monstres" au sens Fantasy, la nature peut être très hostile, comme des loups, des ours, des sangliers et j'en passe.(y compris dans notre monde à nous )
Je ne suis pas un pro de survivalisme, mais si je devais partir dans une région sauvage, je ne partirais pas sans être un minimum équipé.
Dans notre monde, au minimum un couteau et de quoi faire un feu.
Dans la terre du milieu, au minimum un couteau et un arc, voir une épée.
Pour ce qui est de où sont ses armes, peut être que les rôdeurs maintiennent des caches bien entretenues un peu partout.(un peu comme pour les buches que les rôdeurs laissent pour leurs camarades de passage)
Du coup, Aragorn sait peut être ou trouver une lame "pas très loin" en cas de soucis.
Sinon il sait certainement se débrouiller avec son tronçon d’épée pour survivre: ca coupe et ca ne doit pas faire du bien entre ses mains
a.k.a Mairon
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Je me demande si il ne serait pas possible de trouver des infos dans le volume de l'Histoire de la Terre du Milieu consacré à la rédaction du début du SdA ; peut-être que cette question y a été abordée.
J'avais lu ici que le "proto Aragorn" était un hobbit, avant d'évoluer pour devenir le personnage que nous connaissons tous.
N'ayant pas le livre, je ne peux le consulter (j'attends impatiemment la traduction en français...) mais si quelqu'un peut vérifier, il pourrait peut-être nous dire de quelle arme disposait ce rôdeur aux pieds poilus ?
Et de quelle manière cette arme (s'il en portait) est-elle devenue une épée brisée dans le fourreau de l'hériter d'Isildur ?
Ca pourrait nous donner des indications sur la vision dont Tolkien percevait le voyage :
- Le guide était-il armé au départ, ne se retrouvant ensuite équipé d'une épée brisée que pour des besoins romanesques ?
- Etait-il déjà désarmé (à l'image des Nains de Bilbo, comme l'a souligné Sauron un peu plus haut) ?
Ca ne trancherait pas la question, bien sûr, mais ça donnerait un éclairage intéressant de le savoir, je pense.
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