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Traductions datées ?
#1
Je termine ma première lecture de "la route perdue", et donc des "étymologies". Je précise que je ne suis pas linguiste, tout ce que j'y connais, c'est le lexique du Silm et les remarques dans les "Lettres" (connaissances de base du lecteur assidu de JRRT)
Je comprend mieux que Tolkien aimait créer des langues, et surtout des langues avec leur évolution historique propre.
D'où ma question: quand vous traduisez (vous=ceux qui en sont capable sur le forum), en réponse au demandes sur le forum, pouvez vous tenir compte de ces évolutions ?
Je précise. Il y a quelques temps j'ai posté un message à propos de Nandûr [vallée sombre], mot que j'ai composé à l'aide du lexique du Silm. Elendil et Corchalad m'ont très gentiment proposé leur aide savante confirmant plutôt la forme Nandur.
Mais je n'ai pas donné d'époque: ni époque où cette vallée est devenue sombre et donc où des gens ont commencé à la nommer, ni époque où je veux que des gens utilisent ce mot (j'ai formé ce mot pour un scénario de jeu de rôle, la vallée existe depuis que les Númenoréens ont dévasté les forêts du lieu, l'action se situe en 1448 3A au Gondor).
Y aurait il eu des variantes si mon mot était utilisé/créée au premier âge ? Au troisième âge ? chez des Gondoriens ou des Elfes des bois ?

EDIT

Question complémentaire: en quelle langue avez vous traduit mon mot ?
En Danien ? En Eldarin, Ilkorin Noldorin ? En Noldorin exilique ou Vieux Noldorin ? Et même, mon ignorance me pousse à dire en Quenya ou Sindarin ?
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#2
En fait, il y a même deux dimensions historiques distinctes à considérer :
  • l'histoire interne : l'évolution fictive des langues au sein du monde imaginaire ;
  • mais aussi l'histoire externe : l'évolution des conceptions que Tolkien avait de ses langues pendant sa vie à lui.
Par exemple, la variation entre vieux noldorin et noldorin exilique appartient à l'histoire interne : le premier est la langue que parlaient les Noldor du temps où ils demeuraient en Valinor, le second est le produit de son évolution ultérieure lors de leur exil en Beleriand.

La variation entre noldorin et sindarin, en revanche, ressort à l'histoire externe : pendant très longtemps, la langue d'inspiration galloise de Tolkien s'est appelée Noldorin, parce qu'il en attribuait l'origine aux Noldor au sein de son légendaire. Ce n'est que dans les années 1950 qu'il décida que les Noldor avaient finalement le quenya comme langue d'origine, et que la langue d'inspiration galloise était une langue autochtone en Beleriand (dans le scénario antérieur, c'était la place de l'ilkorin), adoptée progressivement par les Noldor en exil. Tolkien la renomma logiquement sindarin d'après les Sindar, peuple indigène de Beleriand.

Je pense que ta question concernait plutôt l'évolution interne des langues. Sur ce plan, on peut reconstituer les changements qui se sont produits entre l'elfique primitif et une langue elfique postérieure ; on peut même en ordonner logiquement certains par rapports à d'autres ; mais il est beaucoup plus difficile de les rattacher à des évènement précis de l'histoire fictive. Tolkien donne souvent des indications de l'état initial en elfique primitif à côté d'un mot en quenya, sindarin etc. mais il traite plus rarement des étapes intermédiaires ; et quand il le fait, il ne les rattache guère à des faits historiques précis.

Théoriquement, on peut reconstruire des mots en elfique primitif, par exemple. En pratique, dans les demandes de traduction, c'est généralement du quenya ou du sindarin qui est visé, implicitement sous la forme "classique" que l'on voit dans le SdA et le Silmarillion publié.

Le Silmarillion pose d'ailleurs un problème : les noms sindarins qu'on y voit sont de formes linguistiquement très comparables à ceux de la fin du Troisième Âge dans le SdA, alors qu'il s'est écoulé deux âges entretemps. Comme le sindarin était une langue vivante pendant tout ce temps, il est difficile d'imaginer qu'il soit resté inchangé. Peut-être a-t-il simplement peu évolué. Une autre hypothèse (sans allusion de Tolkien en ce sens, pour autant que je me souvienne) serait d'invoquer les conditions de transmission fictive du Silmarillion : il est censé provenir de traductions de l'elfique de Bilbon, consignées dans le Livre Rouge de la Marche de l'Ouest. Bilbon s'est appuyé sur des documents trouvés à Fondcombe, qui reposent certainement sur des sources du Premier Âge, mais ont pu en rajeunir la langue progressivement au fil des recopies successives. C'est quelque chose qui s'observe dans certaines copies de manuscrits médiévaux... ou dans n'importe quelle édition grand public d'un texte français du XVIe siècle, qui est typiquement modernisée au moins dans l'orthographe.

Pour Nandur ou Nandûr, c'est du sindarin ou du noldorin. (C'était sur ce fuseau.) On ne sait pas assez de choses sur les variétés du sindarin après le Premier Âge pour pouvoir parler en confiance d'éventuelles variantes.
Le langage a à la fois renforcé l'imagination et a été libéré par elle. Qui saura dire si l'adjectif libre a créé des images belles et bizarres ou si l'adjectif a été libéré par de belles et étranges images de l'esprit ? - J. R. R. Tolkien, Un vice secret
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#3
Tout d'accord avec Corchalad.

(21.04.2015, 22:42)Corchalad a écrit : Pour Nandur ou Nandûr, c'est du sindarin ou du noldorin. (C'était sur ce fuseau.) On ne sait pas assez de choses sur les variétés du sindarin après le Premier Âge pour pouvoir parler en confiance d'éventuelles variantes.

J'ai du mal à imaginer néanmoins qu'un endroit quelconque ait pris directement un nom tel que "Sombreval". On pourrait supposer que la forme composé s'est figé dans l'usage, mais qu'initialement les gens nommaient "le sombre val", et imaginer alors des évolutions progressives Nand Dûr > Nann Dûr > Nan Dûr > Nandúr > Nandur.
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#4
Citation :Comme le sindarin était une langue vivante pendant tout ce temps, il est difficile d'imaginer qu'il soit resté inchangé.
L'immortalité des Elfes et leur faible tau de natalité doivent tout de même pas mal freiner l'évolution à mon avis (pas l'empêcher complètement, hein, mais tout de même la ralentir sérieusement) Wink .
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#5
(09.05.2015, 12:52)Morinehtar a écrit :
Citation :Comme le sindarin était une langue vivante pendant tout ce temps, il est difficile d'imaginer qu'il soit resté inchangé.
L'immortalité des Elfes et leur faible taux de natalité doivent tout de même pas mal freiner l'évolution à mon avis (pas l'empêcher complètement, hein, mais tout de même la ralentir sérieusement) Wink .

C'est exact, mais il y a d'autres facteurs compliquant l'affaire. Tolkien aborde précisément ce sujet du changement dans les langues des Elfes à la fin de The Peoples of Middle-earth, dans dans la Dangweth Pengoloð : the Answer of Pengoloð to Ælfwine who asked him how came it that the tongues of the Elves changed and were sundered.

Il y est dit que la longévité des Elfes a bien un effet dépresseur sur le changement linguistique, mais que l'impermanence de toute chose dans le temps d'Eä n'en est pas supprimée. Et il existe un facteur important poussant au contraire au changement : l'instinct créateur et artistique des Elfes, qui les pousse à modifier délibérément leur langage pour l'adapter à l'évolution de leurs préférences. (Je soupçonne que Tolkien parle un peu là d'expérience, pensant à l'évolution constante de ses propres langues inventées au cours de sa vie.)

Autre point intéressant : la mémoire des Elfes les plus anciens ne joue pas de rôle de frein, parce que le souvenir des paroles anciennes, dès qu'elles dépassent la simple exclamation pour prendre la forme du discours, est sans cesse "remis au goût du jour" dans la forme linguistique présente de leur esprit, qui évolue sans cesse. Pengoloð l'appelle coirea quenya "le langage vivant" (quenya est à prendre ici au sens large de "langage"). Les Elfes se souviennent donc de ce qui est dit, mais l'imaginent dans la forme linguistique du présent. Et s'ils ont une bonne connaissance des langues du passé et des langues étrangères, elle est de l'ordre de la science est non du souvenir vivant. La conclusion est que le changement linguistique chez les Elfes est finalement du même ordre que chez les Hommes :

Citation :Wherefore, Ælfwine, if thou wilt consider well all that I have said to thee at this time, not only what is plainly expressed, but also what is therein to be discovered by thought, thou wilt now understand that, albeit more wittingly, albeit more slowly, the tongues of the Quendi change in a manner like to the changes of mortal tongues. And that if one of the Eldar survives maybe the chances of fifty thousand of your years, then the speech of his childhood will be sundered from the speech of his present, as maybe the speech of some city or kingdom of Men will be sundered in the days of its majesty from the tongue of those that founded it of old.

Traduction rapide : D'où vient, Ælfwine, que si tu prends le temps de considérer tout ce que je t'ai maintenant dit, non seulement explicitement, mais aussi en ce qui s'y doit découvrir en pensée, ores comprendras-tu que les langues des Quendi, quoique plus consciemment, quoique plus lentement, changent d'une manière semblable aux langues mortelles. Et si l'un des Eldar survit à ce que peuvent être cinquante mille de vos années, alors le parler de son enfance se trouvera séparé du parler de son temps présent, comme le parler d'une cité ou d'un royaume des Hommes en sa splendeur peut se trouver séparé de la langue de ceux qui le fondèrent jadis.

Je repasse à l'extrapolation personnelle pour en revenir au peu de changements constatés en sindarin aux Deuxième et Troisième Âges. Il me semble aussi qu'on peut rattacher ce phénomène à la nostalgie et la moindre vitalité des Elfes en Terre du Milieu aux Deuxième et Troisième Âge, par rapport au Premier. Leur temps y est passé et leur pensée est de plus en plus tournée vers la conservation des beautés du passé plutôt qu'à la création nouvelle (d'où l'attrait sur eux des trois anneaux elfiques de pouvoir qui favorisent justement ce genre de choses) : dans la lettre n° 131 à Milton Waldman, Tolkien parle de cette tendance croissante en terme d'embaumement. Si l'on se rappelle que le changement linguistique chez les Elfes est en bonne partie conscient et délibéré, il serait alors somme toute logique que ce conservatisme croissant trouve son reflet dans leurs langues.
Le langage a à la fois renforcé l'imagination et a été libéré par elle. Qui saura dire si l'adjectif libre a créé des images belles et bizarres ou si l'adjectif a été libéré par de belles et étranges images de l'esprit ? - J. R. R. Tolkien, Un vice secret
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#6
Intéressant et intéressante réflexion, je ne savais pas tout cela Smile . Par contre ta citation contient tout de même ce morceau-là Razz :
Citation :quoique plus consciemment, quoique plus lentement
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