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La saga des Völsungar
#1
J'ai une question qui me vient à l'esprit.(désolé si je suis pas au bon endroit)
Chrétien de Toyes et ses légendes Arthuriennes est antérieur au recit des Völsungar ?
Car Óðinn qui plante sont épée dans le chêne et tous les nobles qui essayent de la retirer sans reussir sauf Sigmundr avec une facilité deconcertante, ca me fait penser à excalibur dans le rocher !
a.k.a Mairon
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#2
C'est une excellente question. Je parierais volontiers qu'il doit y avoir quantité d'essais anthropologiques et littéraires sur ce sujet. Mr. Green

Chrétien a écrit ses romans entre 1170 et 1190, mais on sait qu'il tire une bonne part de sa matière de contes celtiques antérieurs — bretons, corniques ou gallois, ce n'est pas clair. Le nom d'Excalibur est bel et bien dû à Chrétien et il peut s'interpréter comme Ex cal[ce] liber[atus] « libéré du caillou », même si ce n'est sûrement pas la signification originelle du nom, qui avait la forme Caliburnus chez Geoffroy de Monmouth, qui vient certainement du vieux gallois Caledvwlch « dure-entaille »). Néanmoins, l'épisode de l'épée dans le rocher est pour la première fois narré par Robert de Boron dans son Merlin, qui date de la toute fin du XIIe siècle, mais n'a été conservé que dans une « translation » en prose faite quinze ou vingt ans plus tard.

Maintenant, la Völsungasaga date de la fin du XIIIe siècle, mais on trouve une représentation picturale d'une partie du récit de Sigurd dans un texte runique (sans lien avec la légende) qui date d'environ 1030. Et il est supposé que la première version du récit est plus ancienne encore.

Pour rendre la chose plus complexe encore, outre une influence des Celtes vers les Germains ou vice-versa, on ne peut ni exclure que les deux scènes aient été inventées indépendamment, ni écarter l'hypothèse qu'il s'agisse en fait d'un héritage indo-européen commun — là, je pense qu'il faut se tourner vers les spécialistes pour savoir si on retrouve d'autres motifs de ce type chez des peuples indo-européens plus distants. Ça ne me rappelle rien chez les Grecs ou les Ossètes, mais je connais mal la mythologie romaine ancienne, ainsi que les mythologies perses et indiennes, pour ne nommer que les plus célèbres.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
La Chanson de Roland
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#3
Merci Elendil, j'ai encore beaucoup de choses à lire on dirait Smile
a.k.a Mairon
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#4
Ah, j'oubliais, pour être complet il faudrait regarder l'ensemble des contes qui dénotent l'événement inverse : l'enfoncement (éventuellement magique) d'une épée dans le roc, dont il est impossible de la ressortir.

J'en connais deux : une version du conte de Roland veut que son épée ait été transportée par un ange jusqu'à Rocamadour, où elle fut enfoncée dans la falaise. On peut toujours en voir les restes aujourd'hui. Par ailleurs, dans le Táin Bó Cúailnge irlandais, la « Rafle des vaches de Cooley », Cethern, fils de Fintan, enfonce par colère son épée jusqu'à la garde dans le pilier de pierre de Crich Ross. Je ne me souviens pas qu'il soit mentionné qu'elle en fut ensuite retirée.
Rollant est proz e Oliver est sage.
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La Chanson de Roland
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#5
Très interessant !
a.k.a Mairon
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#6
Cette affaire de glaive planté me rappelait quand même quelque chose et j'ai fini par retrouver quoi : Hérodote (Hérodote — Thucydide, Œuvres complètes) affirme que le seul dieu auquel les Scythes consacraient un autel était Arès (comprendre : l'équivalent d'Arès, dieu de la guerre, chez les Scythes — on ne connaît pas son vrai nom). Et cet autel, présent dans chaque district, était ainsi fait :

Hérodote a écrit :[C]'est un amoncellement de fagots de menu bois qui a trois stades en longueur et en largeur, moins en hauteur ; il porte une plate-forme carrée, dont trois des côtés sont à pic, le dernier permettant seul d'y accéder. Tous les ans, on y ajoute cent cinquante charretées de fagots, pour compenser son affaissement progressif dû aux intempéries. Sur chaque tas on plante un très ancien glaive de fer, et c'est lui qui symbolise le dieu...

Hérodote — qui ne s'est jamais rendu chez les Scythes, il travaille à partir des récits des voyageurs — ne dit pas en quoi est la plate-forme, même s'il est probable qu'il devait comprendre qu'elle était en bois.

Maintenant, la chose amusante, c'est que cet Arès des Scythes a donné le personnage mythique de Batradz chez les Ossètes (les Ossètes sont les derniers descendants modernes des Scythes, c'est un peuple du Caucase). Déjà, on trouve une légende sur Batradz où aucun de ses ennemis ne parvient à retirer du sol la lance qu'il a plantée (Dumézil [éd.], Le Livre des héros : Légendes sur les Nartes). En outre, Batradz est un personnage qui vit dans le ciel et manie la foudre — son épée est capable de réduire en cendres les obstacles.

Or là où cela devient vraiment intéressant, c'est que cela rappelle aussi bien l'épée Caladbolg « dure foudre » de Fergus Mac Roeg, que le Gae Bolga « javelot foudre » de Cúchulainn, deux autres personnages qui figurent dans le Táin Bó Cúailnge. Maintenant, Cúchulainn partage de nombreux traits avec Batradz (caractère guerrier, corps brûlant ses adversaires et faisant s'évaporer l'eau...), mais surtout, le nom gaélique Caladbolg est apparenté au nom gallois d'Excalibur, Caledfwlch !

Difficile pour moi d'aller plus loin, je ne connais pas assez la mythologie irlandaise, mais je trouve l'excursion intéressante.

NB : Au passage, j'ai trouvé un passage d'Hérodote, relatant un récit « historique » des Scythes, qui s'avère être étrangement proche de l'histoire indienne du barattage de la mer de lait (amritamanthana) par les dieux et les démons (deva et asura) relatée dans le Bhāgavata Purāṇa. J'ai le sentiment de ne pas avoir perdu mon temps... n'empêche qu'il me faudrait aussi en découvrir plus sur la mythologie védique...
Rollant est proz e Oliver est sage.
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#7
Alors là bravo, je suis impressionné.
Merci pour cette analyse argumentée.
J'ai comme l'impression qu'il faudrait plusieurs vies pour mes lectures: a chaque decouverte se profile des tonnes de references à lire.
a.k.a Mairon
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#8
J'aime beaucoup egalement cette fameuse epée brisée (celle qui vient du fameux chêne) lors du combat entre SIgmundr et Óðinn...dont les tronçons seront reforgés pour son descendant(sigurðr).
Ce n'est aps sans rappeler Elendil/Aragorn et Narsil/Anduril je trouve, ainsi que le combat entre un mortel (elendil) et un quasi dieu (Sauron)
a.k.a Mairon
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#9
D'autant que Sauron partage beaucoup de points en commun avec le « dieu lieur » qu'est Odin, si l'on reprend la terminologie dumézilienne (voir l'article Sauron, l'Anneau et le symbolisme du « Dieu Lieur » sur le site).
Rollant est proz e Oliver est sage.
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#10
Ca colle effectivement encore plus Smile
Merci pour ces precisions
a.k.a Mairon
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