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09.01.2018, 06:34
(Modification du message : 09.01.2018, 21:01 par rintrah.)
Bonjour,
J'aurais une question concernant la lettre 224 de Tolkien à son fils Christopher, dont voici le début :
Citation :I have just received a copy of C.S.L.'s latest: Studies in Words. Alas! His ponderous silliness is becoming a fixed manner. I am deeply relieved to find I am not mentioned.
I wrote for him a long analysis of the semantics and formal history of *BHŪ with special reference to φυσις. All that remains is the first 9 lines of PHUSIS (pp. 33-34) with the characteristic Lewisian intrusion of ''beards and cucumbers''
Quelqu'un sait-il si cette analyse par Tolkien de la racine *BHŪ a été publiée quelque part ?
Merci pour vos réponses éventuelles !
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Pas à ma connaissance. D'ailleurs, juste après avoir lu l'extrait en question chez Lewis, je n'aurais pas deviné qu'il venait de Tolkien. Lewis l'a clairement reformulé à sa manière, pour le rendre plus accessible et plus en phase avec le reste de son exposé.
Chose amusante, le livre de Lewis semble encore faire référence en la matière (au moins en guise d'introduction), si j'en crois certains commentaires, alors que Tolkien en avait visiblement une opinion plutôt négative, même si en relisant le commentaire de Tolkien, j'ai du mal à saisir si celui-ci critiquait le fond du livre ou le style de Lewis.
Rollant est proz e Oliver est sage.
Ambedui unt merveillus vasselage :
Puis que il sunt as chevals e as armes,
Ja pur murir n’eschiverunt bataille.
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(09.01.2018, 09:19)Elendil a écrit : Chose amusante, le livre de Lewis semble encore faire référence en la matière (au moins en guise d'introduction), si j'en crois certains commentaires, alors que Tolkien en avait visiblement une opinion plutôt négative, même si en relisant le commentaire de Tolkien, j'ai du mal à saisir si celui-ci critiquait le fond du livre ou le style de Lewis.
En fonction de la date à laquelle la lettre a été écrite, ça peut peut-être donner une idée si la critique est plutôt sur le fond ou la forme, non ?
What's the point of all this pedantry if you can't get a detail like this right?
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Je ne vois pas bien comment cela permettrait de trancher, non. Sous quel point de vue penses-tu que la date puisse fournir une indication ?
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Grosso modo, si c'est après que leur amitié a eu du plomb dans l'aile, Tolkien avait tendance à ne plus trop mâcher ses mots et ne plus trop être de bonne foi envers Lewis, tandis qu'avant, c'était surtout des critiques de fond.
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Merci pour vos réponses.
La lettre en question est de 1960, donc postérieure à la brouille. Je suppose que cet événement a pu éventuellement accentuer la mauvaise foi de Tolkien, l'amenant à la critique résolument lapidaire et sans nuance qui s'exprime ici ; mais j'ai tout de même le sentiment qu'il y a chez Tolkien un désaccord de fond avec les développements de Lewis.
En tous cas le texte de Lewis aborde essentiellement l'utilisation du terme phusis chez les philosophes grecs, notamment les présocratiques, ce qui constituait, je suppose, un parti pris peu probant pour Tolkien : il me semble que Tolkien donne un primat à la langue parlée, et non la langue littéraire ou même philosophique, dans le processus d'évolution des langues et des significations. Et, par ailleurs, je ne crois pas que la philosophie antique constitue un domaine avec lequel Tolkien était familier - son rejet du texte de Lewis est peut-être sous-tendu, au moins sur ce point, par le peu d'intérêt voire le peu de connaissance que Tolkien avait d'une telle philosophie.
Tout ceci n'éclaire malheureusement pas beaucoup ce que pouvait dire Tolkien à propos de la racine *BHŪ sur laquelle je m'interrogeais. La page 36 de Studies in Words, à laquelle Tolkien fait référence dans sa lettre, laisse entendre que celui-ci comprenait *BHŪ dans le sens d'être. Mais cela n'aide pas beaucoup, à mon grand regret !
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Je ne suis pas convaincu que Tolkien ait considéré que la langue parlée ait primé sur la langue écrite, en tout cas pas au point où Saussure l'entendait. Les très nombreuses considérations sur la langue quenya écrite, le parmaquesta, montrent que cette question l'intéressait tout autant que les nuances entre les différents dialectes oraux. De même, la notion classique de correction grammaticale, très présente dans ses textes sur la grammaire du quenya, montre qu'il n'était pas particulièrement avant-gardiste en la matière.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que Tolkien avait suivi des études classiques à Oxford avant de se réorienter vers les études de langue anglaise. Il est fort possible que les philosophes grecs classiques l'aient peu intéressé, mais il en avait certainement une connaissance suffisante. Son invention de Númenor montre qu'il connaissait très bien le Timée et le Critias — il ne se prive d'ailleurs pas de citer Platon dans les « Notion Club Papers ». Il parle aussi de l'étrange manière qu'avait Aristote d'écrire le grec dans les Songs for the Philologists, ce qui tend à montrer qu'il le lisait dans le texte. Pour les autres, je n'ai pas d'exemple probant dans l'immédiat.
Après, cela ne nous avance pas sur *BHŪ, en effet. Peut-être le texte en question est-il à la Bodleian ? Encore faudrait-il aller sur place pour s'en assurer.
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Citation :Je ne suis pas convaincu que Tolkien ait considéré que la langue parlée ait primé sur la langue écrite, en tout cas pas au point où Saussure l'entendait. Les très nombreuses considérations sur la langue quenya écrite, le parmaquesta, montrent que cette question l'intéressait tout autant que les nuances entre les différents dialectes oraux.
Tout à fait d'accord pour dire que Tolkien n'est pas aussi radical que Saussure. Cependant, il me semble que le cas des langues elfiques est, sur ce point, assez différent de ce qui se passe dans l'évolution des langues humaines : beaucoup plus que dans les langues humaines, les Elfes ont tendance à altérer volontairement leur langue, pour des raisons euphoniques notamment. Le rapport des Elfes a la langue et ses transformations est du reste très différent, ne serait-ce, je suppose, que du fait de leur immortalité.
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C'est tout à fait vrai, sur le plan interne. Ce qui m'intéressait à ce propos, c'était toutefois de donner des exemples concrets sur le plan externe des questions qui intéressaient Tolkien, par le biais de ses écrits fictionnels.
Au demeurant, pour avoir un aperçu assez exhaustif des positions linguistiques de Tolkien lorsqu'il était encore relativement jeune, il suffit de parcourir ses essais académiques. Par exemple, tout l'article « “Iƿƿlen” in Sawles Warde » concerne l'orthographe et la signification possible d'un unique mot concervé dans un des manuscrits de Sawles Warde : on y voit parfaitement l'esprit « antiquaire » de Tolkien, qui s'intéresse moins à la prononciation vraisemblable du vieil anglais (encore qu'il se penche occasionnellement sur cette question par ailleurs) qu'aux traces écrites de cette langue qui sont parvenues jusqu'à nous.
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