16.01.2007, 15:02
Incanus a écrit :Juste une remarque : Tu traduis "les Sackville-Bagginses" par "les Sacvilles-Bagages". Laissons de côté le point de vue stylistique : pourquoi traduire par "Sacvilles" ? A ma connaissance, les noms propres français ne prennent pas de "s" au pluriel.
Peut-être as-tu voulu compenser le fait que ton "Bagages" est déjà sous forme plurielle - même au singulier ("Bilbo Bagages") - en rajoutant un "s" à "Sacville", pour ne pas perdre la différence "Baggins"/"Bagginses" qui apparaît au pluriel...c'est relativement "honnête" mais me semble tout de même assez malvenu...et de toutes façons on perd cela si l'on parle des "Bagages" (par exemple si l'on veut mentionner Frodo et Bilbo ensemble)
Oui, bien sûr. Comme je l'ai dit c'est une traduction à la volée et non prête à être éditée. C'est une traduction par pure curiosité et qui a été utile à mes travaux au moment où je l'ai faite.
Cela peut être aussi surprenant que d'entendre du Nirvana ou du Smashing Pumpkins (des groupes de rock grunge / alternatif) en français. Beaucoup frémissent à cette idée et ne voudront pas en entendre parler, mais la découverte de ce que ça donne en traduisant tous les niveaux (et pas seulement au mot à mot ou seulement le premier niveau de comprégension) est à la fois forte et enrichissante.
C'est ce genre de découverte que je recherche dans mes démarches par rapport aux traductions : arriver à faire pivoter l'objet idée hors de la surface de la feuille, et l'apercevoir dans toutes ses dimensions.
Et cela n'est en fait possible qu'en le faisant passer de langue en langue, à mon sens.
Pour Edgar Allan Poe c'était vertigineux en tout cas, et je serai passé à coté si je n'avais pas essayé de dépasser la traduction de Beaudelaire, qui est pourtant celui qui nous a fait découvrir les récits de ce maître du fantastique, de la poésie et de la critique littéraire.
Pour Tolkien, j'avoue en effet pour paraphraser Dior que rien que le texte de sa conférence a bien jeté dans mon oeil une lueur carnassière, tant la splendeur de sa prose m'a mis en appetit.
Et je suis certain que j'en traduirai à l'occasion des bribes, non pour les poster et en discuter, mais simplement pour savoir à quoi ressemble une telle habileté en français... et la recréer dans mes textes à moi par la même occasion.
Belgarion a écrit :Dans le sens où l'essence même de Tolkien était de trouver les noms les plus justes qui soient, et qu'il y mettait du temps, du talent et du coeur, les traduire me semble l'inverse de celui d'essayer d'approcher son style.
Le problème est que le style d'un auteur dépend de sa langue d'origine. Dès lors que tu ne le lis pas dans sa langue d'origine, tu perds le style non seulement si tu le traduis mal dans une autre langue, mais évidemment lorsque tu ne le traduis pas dans la langue natale du lecteur.
Le style d'un auteur repose l'ensemble des éléments qui sont assemblés lors de la création du récit : sa prédilection pour certains personnages, sa manière de choisir tel scène ou tel élément à montrer ou non au lecteur etc. Quand on en arrive à la formulation en signes (mots etc.) le problème de la traduction devient patent, puisque nous utilisons des signes différents des anglais pour traduire une même idée.
Le degré zéro de la traduction est de faire appel à un programme basique comme babelfish, qui traduira au mot à mot et sans tenir compte du contexte ou de la ponctuation. En général on trahit beaucoup l'auteur à cet étape, sauf s'il a précisément rédigé son récit de manière à ce qu'un traducteur automatique réussisse à le traduire correctement.
Le degré un consiste à faire appel à un dictionnaire et choisir entre les différentes traductions proposées en fonction du contexte (sens apparent du passage à traduire, nature du livre etc.). C'est ce qu'on m'a appris en 6ème. Une partie du style est perdu, comme par exemple les sonorités, les jeux de mots et sous-entendus, le rythme, les messages cachés etc.
Les degrés au-dessus consistent à mon sens à identifier chacune des techniques d'écriture à l'oeuvre dans l'effet du texte produit sur le lecteur qui comprend le mieux possible la langue de l'auteur, même utilisée de manière inconsciente par l'auteur. A partir de là, le traducteur peut mimer l'auteur dans la nouvelle langue et obtenir des effets comparables en qualité et nature, voire souvent identiques.
Evidemment, l'idéal est de pouvoir poser des questions à l'auteur quand il est encore disponible, afin d'éviter des erreurs.
Il faut aussi savoir qu'un auteur lui-même peut ne pas percevoir toutes les dimensions de son texte, non seulement dans la langue du traducteur, mais par delà cette langue, qui est un peu comme une prison, car les mots limitent ce que l'on peut penser ou écrire.
A mon stade de compréhension du phénomène, j'ai l'impression qu'il y a un "langage machine" unique derrière toutes les langues, qui apparait justement peu à peu à ceux qui sont polyglottes et qui sont un peu attentif à l'évolution de leur manière de s'exprimer, de créer, de penser.
En aval, le changement de langue provoque souvent une évasion de certains vices de construction dans les phrases, les raisonnements, une narration, ce qui est bon lorsqu'on veut avoir les idées claires, moins bon lorsqu'un récit à traduire s'efforce de montrer ces vices en action. L'exemple le plus simple est quelqu'un qui vous insulterait dans une langue que vous ne connaîtreriez pas.
Certes, si son attitude et son ton est agressif, vous vous douterez bien de quelque chose, et vous répondrez comme vous en avez l'habitude. Mais si c'est écrit sur du papier en caractères imprimés ordinaires, vous passerez à côté du message.
A ce moment là, il est facile de dire "oui mais cette personne est très créative et talentueuse en matière d'insulte, donc mieux vaut ne pas traduire" - et mettre en note de bas de page ou dans les annexes que c'est une insulte et ce qu'elle veut dire en fait.
Une autre attitude plus risquée, j'en suis bien conscient, consiste à reconstruire l'insulte dans le langage du lecteur, avec pour objectif d'insulter au moins autant le lecteur dans sa langue d'origine, et d'obtenir la réponse émotionnelle habituelle de sa part.
Remplace "insulte" par "émerveillement" ou "étrangeté" ou "seconde réalité" et tu vois où je veux en venir quand je me lance dans des défis de ce genre.
Eorl a écrit :Bien venu "Vert Coeur" !

C'est en effet comment doit sonner mon pseudo aux oreilles des membres des forums anglais.
Ajoute un accent italien à ta diction, et tu seras très proche d'une possible version en Moyen Français !
Merci à tous pour votre bienvenue.

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Et cela me fait penser qu'en japonais, cela devrait donner "Aoi Kokoro" (prononcer approximativement "a-au-i-kau-kau-lau")
et s'écrit
青い心
(pour ceux qui ont configuré leur navigateur / système d'exploitation de manière à pouvoir lire les caractères asiatiques).
Le point intéressant est qu'en traduisant mon pseudo en japonais apparait une interprétation indiscernable en français, possible en anglais, certaine en japonais. La retraduction du japonais au français serait des plus intéressantes (et périlleuse).
