20.11.2016, 21:27
Merci Druss pour toutes ces précisions ! Il va décidément falloir que je lise cette Route Perdue, ça ne va pas sinon !
En réfléchissant plus avant à ta question, Daeron, je me disais que les HoME posent effectivement problème. Tolkien est en fait devenu, plus qu'un écrivain, un sujet d'étude. Une revue universitaire lui est consacré, notamment, et c'est le signe habituel auquel on reconnaît qu'un certain champ de la connaissance est devenu académique. En ce sens, la publication des brouillons de Tolkien, des différentes transformations génétiques de son légendaire, était une entreprise essentielle, sans laquelle la recherche serait restée à la fois restreinte et partielle.
Le problème, c'est que Tolkien est aussi un écrivain, et que la moindre de ses productions est vue non pas seulement comme un objet de recherche, mais également comme une œuvre. Qui plus est, le Seigneur des Anneaux, et peut-être le Silmarilion plus encore, du fait de son caractère inachevé (inabouti du moins), ont laissé un véritable sentiment de frustration ; l'univers produit en quelque sorte un sorte d'enchantement sur le lecteur qui souhaite, après son expérience de lecture, retourner dans ce monde, y revenir, y rester. Et c'est aussi pourquoi le moindre écrit de Tolkien, fut-ce un brouillon, reçoit une telle révérence, cristallise une telle attente.
Ce que sont les HoME n'est donc pas entièrement clair, car leur statut est multiple -j'espère l'avoir fait sentir. Porte d'accès à une recherche érudite sur les mutations d'un monde subcréé, mais également, porte d'accès à ce monde lui-même, les HoME se distinguent par un vernis de rigueur, de légitimité, en même temps qu'ils sont attendus avec une certaine fébrilité par un lectorat qui n'a probablement que faire de cette dimension universitaire, et y trouve bien autre chose.
Sans doute, pour résoudre l'insatisfaction profonde laissée par la plongée dans l’œuvre de Tolkien, aurait-il fallu des continuateurs. Je pense que le fait que le Tolkien Estate ait scrupuleusement veillé à ce que ça n'arrive pas, en préférant publier cinq ou six versions de la Quenta Silmarilion, ait un choix qui honore la mémoire de Tolkien et qui fait preuve d'une fidélité rare et sincère à l'égard de son œuvre d'écrivain. Mais en même temps, ce choix ne permettra pas d'atténuer la sensation terrible de frustration d'un lectorat proprement fasciné. En ce sens, et pour faire écho à une discussion qui avait lieu non loin, il semblerait que la position de Christopher Tolkien ait fait prévaloir le respect du père, à la satisfaction des lecteurs. C'est une décision louable, très certainement.
Mais les plus grandes œuvres de l'imaginaire -la mythologie grecque, Star Wars, l'épopée de Roland, l'épopée de Manas- sont faites d'apports multiples, parfois contradictoires ; toutes celles-ci n'auraient en tout cas pas atteint un tel degré de richesse, de profondeur, s'il n'y avait eu tous ces multiples continuateurs. Christopher Tolkien préserve l'intégrité de l’œuvre paternelle, mais il la clôt tout en même temps.
Et puis, quand Arda sera livrée au domaine public, qu'adviendra-t-il ? Une vaste foire d'empoigne ? Ou une merveilleuse floraison créatrice ? Nous autres ne le saurons très probablement pas.
En réfléchissant plus avant à ta question, Daeron, je me disais que les HoME posent effectivement problème. Tolkien est en fait devenu, plus qu'un écrivain, un sujet d'étude. Une revue universitaire lui est consacré, notamment, et c'est le signe habituel auquel on reconnaît qu'un certain champ de la connaissance est devenu académique. En ce sens, la publication des brouillons de Tolkien, des différentes transformations génétiques de son légendaire, était une entreprise essentielle, sans laquelle la recherche serait restée à la fois restreinte et partielle.
Le problème, c'est que Tolkien est aussi un écrivain, et que la moindre de ses productions est vue non pas seulement comme un objet de recherche, mais également comme une œuvre. Qui plus est, le Seigneur des Anneaux, et peut-être le Silmarilion plus encore, du fait de son caractère inachevé (inabouti du moins), ont laissé un véritable sentiment de frustration ; l'univers produit en quelque sorte un sorte d'enchantement sur le lecteur qui souhaite, après son expérience de lecture, retourner dans ce monde, y revenir, y rester. Et c'est aussi pourquoi le moindre écrit de Tolkien, fut-ce un brouillon, reçoit une telle révérence, cristallise une telle attente.
Ce que sont les HoME n'est donc pas entièrement clair, car leur statut est multiple -j'espère l'avoir fait sentir. Porte d'accès à une recherche érudite sur les mutations d'un monde subcréé, mais également, porte d'accès à ce monde lui-même, les HoME se distinguent par un vernis de rigueur, de légitimité, en même temps qu'ils sont attendus avec une certaine fébrilité par un lectorat qui n'a probablement que faire de cette dimension universitaire, et y trouve bien autre chose.
Sans doute, pour résoudre l'insatisfaction profonde laissée par la plongée dans l’œuvre de Tolkien, aurait-il fallu des continuateurs. Je pense que le fait que le Tolkien Estate ait scrupuleusement veillé à ce que ça n'arrive pas, en préférant publier cinq ou six versions de la Quenta Silmarilion, ait un choix qui honore la mémoire de Tolkien et qui fait preuve d'une fidélité rare et sincère à l'égard de son œuvre d'écrivain. Mais en même temps, ce choix ne permettra pas d'atténuer la sensation terrible de frustration d'un lectorat proprement fasciné. En ce sens, et pour faire écho à une discussion qui avait lieu non loin, il semblerait que la position de Christopher Tolkien ait fait prévaloir le respect du père, à la satisfaction des lecteurs. C'est une décision louable, très certainement.
Mais les plus grandes œuvres de l'imaginaire -la mythologie grecque, Star Wars, l'épopée de Roland, l'épopée de Manas- sont faites d'apports multiples, parfois contradictoires ; toutes celles-ci n'auraient en tout cas pas atteint un tel degré de richesse, de profondeur, s'il n'y avait eu tous ces multiples continuateurs. Christopher Tolkien préserve l'intégrité de l’œuvre paternelle, mais il la clôt tout en même temps.
Et puis, quand Arda sera livrée au domaine public, qu'adviendra-t-il ? Une vaste foire d'empoigne ? Ou une merveilleuse floraison créatrice ? Nous autres ne le saurons très probablement pas.