(08.05.2012, 16:42)Aglarond a écrit : Objection, votre Honneur !
On trouve en effet des exemples de l'importance de la Charité dans le SdA (voir par exemple le dialogue entre Gandalf et Frodo dans les Mines de la Moria à propos de Gollum, même si le terme n'est pas prononcé). Le cas de l'Espérance a également été abordé ; sans faire d'auto-citation je renvoie à la prochaine publication des travaux de Jérôme Sainton sur le sujet.
Quant à la Foi, il me semble cependant que le sujet est un tantinet plus complexe, et je n'adhère pas franchement, voire franchement pas, à l'exemple que tu donnes. La Foi est évidemment indissociable des deux autres vertus théologales, et en particulier on peut dire que l'Espérance repose sur la Foi (et en cela je dirais plutôt que Boromir n'a pas d'espérance, et donc perd tout espoir, justement parce qu'il n'a pas la foi). Mais il me semble que, pour qu'il y ait foi, il faut qu'il y ait eu une Révélation, c'est-à-dire un dialogue, ou une histoire commune, entre le Créateur et sa créature. Cette histoire est évidente dans le cas des Elfes, particulièrement des Eldar, et leur foi est pleine et entière (malgré l'épisode de leur Chute où, justement, ils ont mal placé leur confiance).
En ce qui concerne les Humains (ou les Hobbits), à l'époque du SdA, c'est donc un peu plus compliqué. Il y a certes la tradition númenoréenne, et la foi d'Aragorn apparaît pleinement lors de sa mort. Pour les Hommes plus ou moins étrangers à cette tradition venue des Eldar, Dieu est resté muet depuis bien longtemps. Une fois de plus, il faut relire l'Athrabeth Finrod ah Andreth, ainsi que le Conte d'Adanel, car l'attitude d'Adanel, c'est-à-dire celle de son peuple, est à l'opposé de celle d'Aragorn : la confiance en Dieu est complètement absente de son discours. Or il me semble que "confiance en Dieu" définit au moins aussi bien la Foi que "fidélité à la Vérité", même si l'étymologie est contre moi.
Aussi, la "foi" de Boromir ou des autres membres de la Communauté de l'Anneau dans la réussite de leur quête n'est pas du même niveau, puisqu'elle reste limitée aux choses de ce monde.
A.
Tolkien ne voulant pas de Dieu dans le SdA, l'objet de la foi est en effet une difficulté.
On peut donc difficlement parler de foi directe mais de foi en la providence (c'est à dire foi dans la création et donc dans le Verbe créateur) ainsi que de foi dans le bien (c'est à dire l'Amour) et donc innévitablement de foi envers l'Etre (existence de ce Verbe et de cet Amour).
En définitive, par le principe de subcréation, les personnages de foi dans l'oeuvre de Tolkien ont foi en Tolkien qui est la trinité (sub)créatrice.
Pour finir tu dis que la "foi" de Boromir ou des autres membres de la Communauté de l'Anneau dans la réussite de leur quête n'est pas du même niveau, puisqu'elle reste limitée aux choses de ce monde.
C'est vrai que les personnages ne semblent pas rechercher l'immuable bien et s'attachent à des biens muables.
Mais attention, il en est ainsi de nous tous. Depuis la chute nous recherchons l'immuable bien et nous le confondons souvent avec d'autres choses telles que la jouissance, la possession de biens, la santé, la descendence ...
Et pour les catholiques, la finalité de la création est de nous forger un coeur brisé et broyé (Cf Ps 51), d'être abaissé pour être élevé. Cela justement pour qu'à la fin nous comprenions où est le souverain bien.
Il faudrait se demander en quoi la création qu'est la Terre du milieu contribue à rendre les personnages qui la peuple humiliés et donc apte à accéder au salut.
Avec "les enfants de Hurin", c'est vraiment contenu dans l'oeuvre. D'humiliation en humiliation l'orgueil qui est le dragon (qui figure Lucifer chez les catholiques ) est abattu.
Avec le SdA c'est probablement plus sutil. Bien que tout au long de la quête il ne soit question de héros oubliés, de royaumes disparus, de mausolée en ruine, de races déclinantes ...
Ainsi tu dis que les personnages ne s'attachent qu'à ce qui est de monde mais dans le livre, rien de ce qui est de ce monde ne dure.
Voilà qui au final doit contribuer à renforcer l'humilité des personnages.