03.05.2012, 03:10
C'est déjà bien long tout ça, je ne sais pas trop comment commencer.
Mais déjà, je pense qu'il y a quelques petites choses à nuancer. D'une part, attention à ne pas surinterpréter la volonté de Tolkien à écrire une "mythologie pour l'Angleterre" évoquée plus haut : c'est surtout vrai pour les premières strates du légendaire, comme il l'explique dans sa lettre à Milton Waldman (partiellement citée en n° 131 dans les Lettres, et par la suite intégralement publiée dans d'autres ouvrages), où il s'inspire dans sa jeunesse du matériel mythologique des Eddas, Kalevala, Beowulf etc. et place son monde de fiction dans un contexte pseudo-historique (le marin anglo-saxon Aelfwine, Tol Eressea conçue comme la Grande Bretagne etc.). Le projet littéraire a évolué et c'est à plusieurs égards beaucoup moins vrai par la suite, même s'il en subsiste des traces. C'est difficile à traiter en quelques mots ici sans trop dériver du sujet de ce fuseau, mais cette question a déjà été abordée dans plusieurs articles.
Ensuite, sur la "teinte" religieuse et catholique romaine, il convient aussi de la nuancer. Elle n'est pas intrinsèquement présente dès le début du légendaire, comme Tolkien l'explique dans une autre lettre, elle lui est surtout apparue lors des révisions du Seigneur des Anneaux. Elle s'est aussi manifestée juste après, quand il s'est à nouveau penché sur son "Silmarillion" : en simplifiant ici à l'extrême, cela couvre une période allant de 1947 à 1958 environ, pendant laquelle il s'est inquiété sur la manière de rationaliser son œuvre et de la mettre en adéquation avec ses croyances. Cela l'a notamment amener à se poser des questions fondamentales (qu'il n'a pas toujours su complètement résoudre sans remanier son légendaire et l'emberlificoter) - Quelques exemples viennent à l'esprit, que je simplifie forcément encore ici : les questions de la réincarnation des Elfes (et par là, de la nature de leur "âme"), de la nature des Orques (et par là, de la capacité du Mal à corrompre la Création), et enfin de la possibilité même du Mal (et par là, une réflexion sur la nature de Melkor et Sauron). Cela a donné des notes parfois confuses ou remettant trop en cause ses écrits, mais aussi quelques très beaux textes, tels que l'Athrabeth Finrod ah Andreth et l'Osanwe-kenta (respectivement publiés dans Morgoth's Ring et Vinyar Tengwar n°39).
Enfin, il y a, je pense, un autre point à rappeler pour bien savoir de quoi on parle quand on évoque le catholicisme de Tolkien : il s'agit de catholicisme romain, dans un pays majoritairement anglican, ce qu'il faut aussi replacer dans son contexte à l'époque - c'est à dire une éducation et une pratique de la foi qui diffèrent de la pratique générale autour de lui (notamment sur le rapport à la Vierge Marie et aux sacramentaux). C'est une situation que nous appréhendons forcément différemment, dans notre contexte actuel et depuis un pays où la culture chrétienne est majoritairement celle du catholicisme romain.
Voilà déjà pour quelques nuances rapides.
Didier.
Mais déjà, je pense qu'il y a quelques petites choses à nuancer. D'une part, attention à ne pas surinterpréter la volonté de Tolkien à écrire une "mythologie pour l'Angleterre" évoquée plus haut : c'est surtout vrai pour les premières strates du légendaire, comme il l'explique dans sa lettre à Milton Waldman (partiellement citée en n° 131 dans les Lettres, et par la suite intégralement publiée dans d'autres ouvrages), où il s'inspire dans sa jeunesse du matériel mythologique des Eddas, Kalevala, Beowulf etc. et place son monde de fiction dans un contexte pseudo-historique (le marin anglo-saxon Aelfwine, Tol Eressea conçue comme la Grande Bretagne etc.). Le projet littéraire a évolué et c'est à plusieurs égards beaucoup moins vrai par la suite, même s'il en subsiste des traces. C'est difficile à traiter en quelques mots ici sans trop dériver du sujet de ce fuseau, mais cette question a déjà été abordée dans plusieurs articles.
Ensuite, sur la "teinte" religieuse et catholique romaine, il convient aussi de la nuancer. Elle n'est pas intrinsèquement présente dès le début du légendaire, comme Tolkien l'explique dans une autre lettre, elle lui est surtout apparue lors des révisions du Seigneur des Anneaux. Elle s'est aussi manifestée juste après, quand il s'est à nouveau penché sur son "Silmarillion" : en simplifiant ici à l'extrême, cela couvre une période allant de 1947 à 1958 environ, pendant laquelle il s'est inquiété sur la manière de rationaliser son œuvre et de la mettre en adéquation avec ses croyances. Cela l'a notamment amener à se poser des questions fondamentales (qu'il n'a pas toujours su complètement résoudre sans remanier son légendaire et l'emberlificoter) - Quelques exemples viennent à l'esprit, que je simplifie forcément encore ici : les questions de la réincarnation des Elfes (et par là, de la nature de leur "âme"), de la nature des Orques (et par là, de la capacité du Mal à corrompre la Création), et enfin de la possibilité même du Mal (et par là, une réflexion sur la nature de Melkor et Sauron). Cela a donné des notes parfois confuses ou remettant trop en cause ses écrits, mais aussi quelques très beaux textes, tels que l'Athrabeth Finrod ah Andreth et l'Osanwe-kenta (respectivement publiés dans Morgoth's Ring et Vinyar Tengwar n°39).
Enfin, il y a, je pense, un autre point à rappeler pour bien savoir de quoi on parle quand on évoque le catholicisme de Tolkien : il s'agit de catholicisme romain, dans un pays majoritairement anglican, ce qu'il faut aussi replacer dans son contexte à l'époque - c'est à dire une éducation et une pratique de la foi qui diffèrent de la pratique générale autour de lui (notamment sur le rapport à la Vierge Marie et aux sacramentaux). C'est une situation que nous appréhendons forcément différemment, dans notre contexte actuel et depuis un pays où la culture chrétienne est majoritairement celle du catholicisme romain.
Voilà déjà pour quelques nuances rapides.
Didier.