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Rumeurs et rhumatismes
#1
.oOo.
Les deux vieillards s’observaient.

Penchés sur le damier, ils jaugeaient les coups de l’adversaire avec une moue blasée, poussant tour à tour les belles pièces d’ambre et d’ivoire de morse. Il y avait bien longtemps que ce jeu de tablut - cadeau somptueux du Roi Elessar – ne les passionnait plus. Meriadoc et son cousin avaient fait le tour des stratégies de fuite et d’attaque. Seul Gandalf, songea Peregrin avec un petit pincement au cœur, aurait peut-être su pimenter leurs parties, dénicher une tactique inédite.

On toqua timidement à la porte de la bibliothèque. Une petite-nièce de Meriadoc passa la tête à la porte entrebâillée, pour vérifier si les deux terribles cousins ne somnolaient pas trop. Satisfaite de sa petite inspection, la jeune hobbite s’avança avec son plateau. Deux tasses d’une claire mixture dégageaient de fades senteurs médicinales. Encore une insipide prescription de la maîtresse herboriste Alchemille, préparée par le maître-queux de Château-Brande !

Peregrin fut tenté de feindre dodeliner de la tête pour échapper au breuvage amer - en fait de quoi traiter leurs rhumatismes…. Mais une petite lueur mutine, qui dansait dans la pupille de Meriadoc, l’en dissuada.

- Alors, Esmeralda, assieds-toi donc un instant avec tes vieux oncles, et conte-nous un peu les potins…, fit le Brandebouc, avec un clin d’œil discret à son compère.
- Ma foi, je ne prête guère l’oreille aux commérages… répondit la jeune fille en s’asseyant avec un petit geste coquet sur la banquette de velours de la bibliothèque.
.oOo.
à suivre...
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#2
Heart 
Yipeeeeeeeee! Une nouvelle fiction de Chiara Cadrich! Les jours qui suivront seront moins moroses! Et en plus autour de Meriadoc et Peregrin! Vivement la suite!
Bladorthin
"Et puis, bien sûr, je compose quelques chansons. Ils les chantent à l'occasion, uniquement pour me faire plaisir, je pense..." (SdA, II,1)
Chaine Youtube: le Hobbit chanté en français
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#3
Haaa, les vieux oncles mutins, que préparent ils ?
La lumière n'indique pas le bout du tunnel, c'est la lanterne de celui qui comme toi, cherche à sortir.
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#4
Moi, la petite Hobbite qui ne prête guère l'oreille aux commérages je n'y crois pas, c'est pas crédible ton histoire !
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#5
Messieurs merci pour votre présence enthousiaste !
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Une heure plus tard, Esmeralda babillait toujours. (Bravo Irwin !)

Elle sautait d’un sujet à l’autre avec une facilité déconcertante. Sa logique échappait complètement à son auditoire, qui pourtant la relançait de « Vraiment ? » amusés et de mines incrédules.
- … Et savez-vous que Fierabras Touque, le cousin éloigné de Maître Peregrin du côté des Touque de Longuefaille, a prétendu qu’un ancêtre du Thain a épousé une fée autrefois ? Il a même exhibé une lettre du Vieux Touque trouvée dans les papiers de la Maison des Mathoms, dans laquelle etc…

Cette allégation était évidemment ridicule - quoique Pippin sût très bien à quoi s’en tenir en réalité ! L’acharnement revanchard de son lointain parent l’amusait beaucoup. Fierabras cherchait depuis longtemps à s’approprier le titre de Thain… Mais ce n’était pas ainsi qu’il y parviendrait… Cependant Pippin se promit d’aller mettre un peu d’ordre dans le fatras du musée fondé par son aïeul.

Mais tout ce caquetage donnait soif.

Aussi la commère avait-elle terminé, à elle seule, les tasses de « camomille » destinées aux deux doyens – un insipide brouet placébo qui ne lui ferait aucun mal, pensa Pippin. Et Merry était parvenu, dans la foulée, à servir une tournée de son délicieux Brandy, qu’il serrait dans son secrétaire.

Le teint émoustillé de fuchsia par l’âpre et doux tafia, Esmeralda claqua sa petite langue avec un frisson de plaisir surpris. Les deux compères échangèrent un coup d’œil connivent de précepteurs satisfaits d’une prometteuse élève, dont le babil intarissable gagnait encore en ampleur et en conviction.

Merry et Pippin apprirent donc toutes les nouvelles croustillantes, les frasques des enfants de Hobbitebourg, les vicissitudes des piliers d’auberge et les coups de théâtre dans les visées matrimoniales de leurs nombreux parents éloignés.

Le maître du pays de Bouc ponctuait cet exposé éclectique de quelques remarques judicieuses, faussement naïves, qui renforçaient Esmeralda dans sa posture de commère et relançaient la jeune fille sur les pentes encore vierges :
- Dites-moi, Esmeralda ? Vous m’avez bien dit que votre cousine Melilot n’a d’yeux que pour mon petit-fils Periadoc ? Mais j’ai cru comprendre que ce garnement a invité la cadette Ducresson à un pique-nique sur l’île Girdley...

La bouche charmante d’Esmeralda s’arrondit en un « o » scandalisé : batifoler sur l’eau ?! Gambader seuls sur l’île aux Elfes de sulfureuse réputation ? Elle échafauda sur-le-champ un plan de rappel de Periadoc, avec force remontrances grand-paternelles et intrigues de froufrous.

Et les ragots coururent bon train pendant encore un moment.
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A suivre...
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#6
Outre ta façon malicieuse de camper ces personnages, c'est toujours un plaisir de fouiller dans l'arrière-plan... J'ignorais l'existence du jeu du Tablut et de l'île Girdley... Tu instruis en amusant!
Bladorthin
"Et puis, bien sûr, je compose quelques chansons. Ils les chantent à l'occasion, uniquement pour me faire plaisir, je pense..." (SdA, II,1)
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#7
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En contrepartie, il fallut bien sûr rendre la politesse à la volubile petite-nièce. En chenapans impénitents, le Brandebouc et le Touque se donnèrent la réplique avec délectation, inventant les sornettes les plus improbables.

Ce fut, pour Merry, l’occasion d’une nouvelle tournée de liqueur. Toutes les billevesées y passèrent, au mépris éhonté de la plus élémentaire vraisemblance. Mais comment mettre en cause la bonne foi de si honorables vieillards ? D’autant que les vapeurs de brandy conféraient insensiblement une saveur de véracité aux informations les plus rocambolesques :
- Saviez-vous que le goût délicatement acidulé et la coloration framboise de la bière du Dragon Vert, proviennent depuis toujours d’une recette secrète, à base de cochenilles ?

Une charmante grimace outrée s’esquissa sur la face ronde d’Esmeralda, laissant bientôt place à un rictus de dégoût.
- Je vois que tu y as goûté ! gloussa Pippin. Mais cela n’est rien ! Cette bière framboise est un remède souverain contre toutes sortes de maux ! Grâce à ce nectar, on peut même consommer sans risque aucun, les potates douteuses des Grands Smials !

Froncement de sourcils interrogateur de la petite-nièce.
- Comment, vous ignoriez cela, Esmeralda ? renchérit Meriadoc. Les milieux autorisés se sont laissés avouer qu’il y a des doryphores dans les potates du quartier Ouest ! Voilà donc éventé le secret des potates au lard… sans lard !

- Seuls les tubercules de Maître Samsagace en sont exempts ! intervint Pippin. C’est la raison pour laquelle notre Maire Gamegie sort tous les soirs de pleine Lune, réciter les poésies elfiques du vieux Bilbon devant ses plans de potates !
- etc.

.oOo.

Esmeralda finit par repartir, son plateau plein de tasses vides, et sa charmante tête rassasiée de révélations frauduleuses.
Merry et Pippin, riant sous cape, savouraient à l’avance l’inévitable propagation de ces rumeurs frelatées.
Pour cet après-midi, ils avaient bien soigné leurs rhumatismes !

.oOo.
Fin !
Merci pour votre soutien !
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#8
Puisque Bladorthin en parle... laissons-nous aller à quelques élucubrations étymologiques.

L'île Girdley est l'Isle-ceinte en français.

La racine peut se rapprocher du patronyme Hobbit Bracegirdle, d'ailleurs notre encyclopédie le souligne.
Il rappelle aussi the Girdle of Melian, le terme girdle étant un lointain cousin de warden/gardien.

J'ai donc imaginé que cette île, enserrée d'eaux courantes, associait dans l'esprit des hobbits tant les rumeurs de dangers liés à la navigation, que l'aura des royaumes elfiques protégés par les brumes, des fleuves et la magie d'une reine mystérieuse.

L'Isle-ceinte serait une halte des elfes en route vers les Terres Immortelles (un peu comme leur refuge du bout-des-bois avec Gildor, Frodon, Pippin et Sam). Elle recélerait des pouvoirs, secrets, régénérateurs, autant que des dangers pour accéder à ces pouvoirs.

Si, en plus, l'Isle-ceinte fait écho à enceinte, tout comme Bracegirdle fait écho à embrasser, il ne serait pas étonnant que l'île soit vue comme un sanctuaire pour les jeunes couples hobbits désireux de s'isoler... pour toutes sortes de grand frisson !
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#9
C'était parfaitement suggéré dans cette seule phrase "Gambader seuls sur l’île aux Elfes de sulfureuse réputation ?"... Bravo!
Mais alors, Merry et Pippin, qu'on voit répandre des fake news, sont des pionniers de l'ère de la post-vérité?
Bladorthin
"Et puis, bien sûr, je compose quelques chansons. Ils les chantent à l'occasion, uniquement pour me faire plaisir, je pense..." (SdA, II,1)
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