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Langues et histoire
#1
Je viens relire un message de Sébastien, lequel y disait il y a quelques mois :

Lambedil a écrit :Le but de Tolkien n'a jamais été de créer des langues utilisables, mais plutôt de fournir un arrière-plan linguistique cohérent pour ses histoires

J'avais depuis toujours compris le contraire : que les contes, mythes et légendes composées par Tolkien étaient le socle qui donnait un « corps » historique permettant à sa recherche linguistique d'être cohérente d'un point de vue philologique.

En reformulant : il me semblait que les histoires avaient pour finalité la recherche linguistique, et non pas l'inverse.

Voir par exemple la Lettre 180 (citée par mes soins dans la Wikipédia) :

JRR Tolkien a écrit :Le volapük, l'esperanto, le novial, etc., sont des langues mortes, bien plus mortes que des langues anciennes que l'on ne parle plus, parce que leurs auteurs n'ont jamais inventé aucune légende esperanto
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#2
En effet, ce sont bien les langues qui ont fourni l'inspiration et l'envie de créer un monde fictif où elles auraient existé et un légendarium leur donnant une dimension à la fois historique et réaliste. Tolkien a souvent affirmé qu'il avait inventé son monde secondaire dans le seul but d'avoir un contexte où ses langues elfiques pouvaient exister : « L'invention de langue est la fondation. Les "histoires" furent plus créées pour fournir un monde pour les langues que l'inverse. Le [SdA] est pour moi [...] largement un essai en "esthétique linguistique", comme je le dit parfois aux gens qui me demandent "de quoi s'agit-il exactement ?" » (Letters, pp. 219-220).

La découverte de l'univers myhique du Kalevala donna naissance à sa propre mythologie personnelle, étroitement associée à la création de langues puisque celles-ci nécessitent un « lieu » et une « Histoire » pour se déveloper (Letters, p. 375). Tolkien précise ailleurs que « les histoires furent comparativement tardives à venir » (Letters, p. 214), ce qui semble étrange puisque les premières formes du qenya et du gnomique datent de 1915, et ne précèdent les premiers textes des Contes Perdus que de quelques années. Il apparaît cependant clairement qu'une chose déclencha l'autre : « La création de langues et de mythologies sont des fonctions reliées », observe-t-il dans l'essai A Secret Vice, et il ajoute que « la construction d'une langue engendrera une mythologie » (MC, pp. 210-211).

Mais, une fois le processus enclenché, les langues et les récits n'ont cessé de s'enrichir et de s'influencer mutuellement, en un constant aller-retour. C'est bien les récits et le monde qu'ils décrivent qui ont été à la base du bouleversement qui a eut lieu lors de la rédaction du SdA, lorsque Tolkien s'est rendu compte que la langue qu'il avait jusque là attribué aux Gnomes (les Noldor), le gnomique ou noldorin, ne pouvait pas avoir divergé à ce point du quenya durant l'exil des Noldor. Ce qui abouti à la conception du sindarin, langue des Telerin qui restèrent en Terre du Milieu (les Sindar), ce qui fut une véritable révolution de l'histoire fictive des langues elfiques. Les langues ont donné naissance aux histoires, mais celles-ci ont à leur tour influencé les langues et les ont faites évoluer dans des directions que leur créateur n'avait sans doute pas envisagées.

Lorsqu'on constate le volume de l'oeuvre littéraire de Tolkien, on ne peut sérieusement penser qu'il s'agissait uniquement de donner un arrière plan pour les langues inventées : je pense que Tolkien s'est pris au jeu de l'écrivain (cf. les références à la "sous-création") et les langues ont, à leur tour, fourni un arrière plan linguistique cohérent pour les récits (on constate d'ailleurs que les langues inventées n'ont qu'une place relativement faible dans le SdA, à l'exception de la multitude de noms inventés).

Mon propos, cité par Turb, n'était pas de mettre l'accent sur l'antériorité des récits sur les langues inventées, mais simplement de dire que Tolkien n'a jamais conçu ses créations linguistiques comme des langues à but utilitaire, comme de possibles langues universelles, mais bien plutôt comme des oeuvres d'art, une "expérience en esthétique linguistique" pour reprendre ses mots (ce qui est l'opposé des inventeurs de langues construites à vocation universelles, comme l'espéranto, le volapük et autres).

Sébastien.
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#3
Merci beaucoup pour cette réponse !
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